Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 70 305,02 euros, augmentée des intérêts à compter du 28 décembre 2017 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des fautes commises par l'Etat à raison d'une sanction illégale, ainsi que de sanctions déguisées, annulées pour excès de pouvoir.
Par un jugement n° 1806810 du 9 janvier 2020 le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 11 832,50 euros, assortie des intérêt à compter du 27 avril 2018 et de la capitalisation des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars et 4 mai 2020, M. B..., représenté par Me Laroche, demande à la Cour :
1°) d'annuler ou réformer le jugement n° 1806810 du 9 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 70 305,02 euros, somme portant intérêts au 28 décembre 2017 avec capitalisation des intérêts à compter du 28 décembre 2018 puis à chaque échéance annuelle, en réparation des préjudices qu'il a subis.
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
-le jugement est irrégulier faute de production d'un exemplaire signé du jugement ;
-le Tribunal devait soulever d'office le moyen de la responsabilité sans faute ;
-il a droit à l'indemnité de cabinet sur la période de congés longue maladie au titre de l'indemnisation intégrale du préjudice ;
-la prime de fidélité lui est également due pour cette période ;
-les frais de son logement parisien et de formation sont en lien direct avec les décisions illégales et doivent donner lieu à indemnisation ;
-les troubles de toute nature dans les conditions d'existence doivent être évalués à 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 99-1055 du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale ;
- le décret n° 2001-1148 du 5 décembre 2001 instituant une indemnité des personnels des cabinets ministériels ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bèye, substituant Me Laroche, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., brigadier de police, a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 305,02 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité du blâme qui lui a été infligé le 12 août 2013, ainsi que du changement d'affectation dont il a fait l'objet à compter du 1er avril 2013, décisions annulées par le juge de l'excès de pouvoir. En effet, après annulation de ces décisions par arrêt n° 15PA01170 du 19 mai 2016 de la Cour, confirmé par arrêt n° 401650 du 15 novembre 2017 du Conseil d'Etat, le tribunal administratif, saisi de la réclamation indemnitaire du 20 décembre 2017, reçue le 28 décembre suivant, a prononcé par jugement n° 1806810 du 9 janvier 2019 la condamnation de l'Etat à indemniser M. B... A... la somme globale de 11 832,50 euros, somme assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts à compter du 27 avril 2019, et a rejeté le surplus de la demande. M. B... demande l'annulation ou la réformation de ce jugement, et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 70 305,02 euros, assortie du versement des intérêts et de la capitalisation à compter du 28 décembre 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président, du rapporteur et du greffier d'audience. Le moyen tenant à l'absence de signature du jugement doit ainsi, en tout état de cause, être écarté.
3. D'autre part, si M. B... soutient que la responsabilité de l'Etat devait être engagée en l'absence de faute dès lors qu'aucun élément de l'instruction n'est susceptible de permettre l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur ce fondement, le Tribunal, qui a admis la faute de l'Etat, n'était, ainsi, pas tenu de soulever d'office un tel moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Du fait des fautes commises par l'Etat, consistant en le prononcé d'un blâme en l'absence de faits de nature à perturber le bon déroulement du service ou à jeter le discrédit sur l'administration, et en une mutation d'office constitutive d'une sanction déguisée, ainsi que l'a reconnu la Cour, par arrêt mentionné au point 1 du présent arrêt, confirmé par le Conseil d'Etat par arrêt mentionné au même point, M. B..., sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, de rechercher si la responsabilité de l'Etat peut être recherchée en l'absence de faute, a droit à l'indemnisation du préjudice présentant un lien direct, immédiat et certain avec les fautes en cause.
Sur le préjudice :
5. En premier lieu, M. B... a perdu le bénéfice des primes de cabinet, instituées par le décret du 5 décembre 2001 visé ci-dessus, à compter du 1er avril 2013, en l'absence de service fait à la suite du changement d'affectation prononcé irrégulièrement à son encontre et au blâme illégal qui lui a été infligé. Il a toutefois droit à une indemnité représentant cette prime à hauteur de 33 707 euros. La circonstance qu'il a été placé en position de congés de longue maladie du 12 novembre 2013 jusqu'au 12 novembre 2016, puis a été placé en mi-temps thérapeutique avant de bénéficier d'une mutation en province le 1er février 2017 n'est pas de nature à le priver de cette indemnisation, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le syndrome dépressif dont il a souffert, et qui a conduit à sa mise en congés, est en lien direct avec la défiance dont il s'estimait l'objet à la suite des deux décisions illégales.
6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs, M. B... a droit à une indemnité représentative de sa prime de fidélité, prévue par le décret du 15 décembre 1999 visé ci-dessus, dont il a été privé pour absence de service fait au cours des années 2015 et 2016, pour un montant de 3 160 euros.
7. En troisième lieu, M. B..., qui a pris en location un logement à Paris pour exercer ses fonctions auprès d'un ministre, et l'a conservé après avoir quitté ses fonctions alors qu'il avait fait l'objet de la mutation d'office mentionnée au point 4 du présent arrêt, ne justifie pas du lien de causalité directe du montant du loyer exposé avec les décisions fautives.
8. En quatrième lieu, si M. B... a suivi une formation professionnelle à Bordeaux pour devenir chauffeur de taxi en vue de reconversion, après avoir été réintégré à l'issue de son congé de longue maladie, il ne justifie pas du caractère direct de cette formation avec les fautes de l'Etat dès lors que cette formation relève d'un choix personnel lié à un déplacement géographique sollicité.
9. En dernier lieu, M. B... demande la réparation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, subis, compte tenu du blâme dont il a fait l'objet, de son changement d'affectation, et du syndrome anxio-dépressif et de ses congés maladie de longue durée qui ont résulté, de mars 2013 à octobre 2016, de ces décisions fautives. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en évaluant ce préjudice à 5 000 euros.
10. Il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable de M. B... doit être évalué à 41 867 euros.
11. La somme mentionnée au point précédent somme portera intérêt à la date de réception de la demande préalable à l'administration, soit au 28 décembre 2017. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts le 28 décembre 2018 et à chaque échéance annuelle.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme de 41 867 euros.
Article 2 : La somme mentionnée à l'article 1er portera intérêts à compter du 28 décembre 2017. Les intérêts ainsi échus seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts le 28 décembre 2018 et à chaque anniversaire de cette date, jusqu'au paiement des intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé, en tant qu'il est contraire aux dispositions qui précèdent.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la requête de M. B... sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère président de chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20PA00929