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07/01/2022 | FRANCE | N°20NT02887

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 janvier 2022, 20NT02887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Malherbe Transports a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1801598 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2020 la SAS Malherbe Tran

sports, représentée par Me Regnez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prono...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Malherbe Transports a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1801598 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2020 la SAS Malherbe Transports, représentée par Me Regnez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la clause de retour à meilleure fortune ne pouvait pas constituer une dette certaine de la SAS Jarlaud Transports à la date de l'opération de restructuration du 25 mai 2012 dès lors que les conditions conventionnelles de ce retour n'étaient pas remplies à cette date ;

- la transmission universelle de patrimoine a vocation à être applicable à l'ensemble des droits et obligations, y compris les engagements hors bilan, parmi lesquels figurent les clauses de retour à meilleure fortune ;

- la SAS Jarlaud Transports, qui a été dissoute, lui a bien transmis la totalité de ses éléments d'actif et de passif ;

- elle est devenue l'ayant cause à titre universel de la société dissoute ; elle est tenue à toutes les obligations de la SAS Jarlaud Transports ;

- la théorie du prix d'acquisition, qui a été retenue par l'administration, est inopérante dès lors que celle-ci n'apporte aucun élément pour démontrer que le retour à meilleure fortune était probable du fait de la fusion ; le retour à meilleure fortune était éventuel à la date de la fusion ;

- la charge de la preuve pèse sur l'administration qui doit démontrer le caractère probable de l'exécution de la clause de retour à meilleure fortune.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Malherbe Transports ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. En 2010, la société par actions simplifiée (SAS) Catylain détenait 100 % des parts de la SAS Malherbe Transports, laquelle détenait 100 % des parts de la SAS Jarlaud Transports, et la SAS Catylain détenait sur la SAS Jarlaud Tranports une créance de 536 000 euros. La SAS Jarlaud Transports ayant rencontré des difficultés financières, la SAS Catylain lui a consenti le 30 décembre 2010 un abandon de créance assorti d'une clause de retour à meilleure fortune. Par un acte du 25 mai 2012, la SAS Malherbe Transports a dissous la SAS Jarlaud dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine régie par les dispositions du troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Le 21 décembre 2012 elle a, après avoir fait jouer la clause de retour à meilleure fortune, remboursé à sa société mère, la SAS Catylain la somme de 536 000 euros et enregistré cette somme comme charge dans ses écritures comptables. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SAS Malherbe Transports, l'administration a estimé que cette charge correspondant au remboursement de l'abandon de créance consenti en 2010 ne devait pas venir en déduction du résultat imposable en matière d'impôt sur les sociétés et devait être, par suite, extournée des charges entrant dans les bases de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Elle a donc assujetti la SAS Malherbe Transports à un complément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2012. La SAS Malherbe Transports a demandé au tribunal administratif de Caen la décharge, en droits et intérêts de retard, de cette imposition complémentaire d'un montant de 9 534 euros. Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal a rejeté sa demande. Elle relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1844-5 du code civil : " La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. / (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les opérations dites de " dissolution-confusion ", telles que prévues à l'article 1844-5 du code civil, doivent être regardées comme des fusions.

3. Si, en cas notamment de fusion de sociétés, la société issue de la fusion est tenue de prendre en charge l'intégralité du passif transmis en contrepartie de l'actif recueilli et regardé par suite comme un élément du coût d'acquisition de cet actif, ce passif ne saurait comprendre que les dettes et charges qu'il était possible de connaître ou de prévoir lors de la fusion, compte tenu des diligences normales incombant à la société issue de la fusion ou bénéficiaire de l'apport. Il en est de même pour les opérations de " dissolution-confusion " compte tenu de ce qui a été dit au point 2.

4. La créance détenue par la SAS Catylain sur la SAS Jarlaud Transports a été abandonnée par convention du 30 décembre 2010 sous la seule condition qu'au cas où la SAS Jarlaud Transports reviendrait à meilleure fortune dans un délai de sept ans, en reconstituant des capitaux propres au 31 décembre de chaque année à hauteur de la capacité financière nécessaire à l'activité de transport et de sous-traitance sans recours à une garantie bancaire, cette capacité ne pouvant être, dans tous les cas et de convention expresse, inférieure à la moitié du capital social. La créance redeviendrait exigible à due concurrence de la différence entre le seuil ainsi défini et le montant des capitaux propres ainsi constaté, avant imputation de tout ou partie de sommes au titre de la clause de retour à meilleure fortune.

5. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de constitution de provision par la SAS Jarlaud Transports avant les opérations de " dissolution-confusion ", qui ont été rappelées au point 4, la somme de 536 000 euros n'avait fait l'objet d'aucune déduction de charge au titre des engagements souscrits par cette société et ne figurait que dans ses engagements hors bilan. Ainsi, et dès lors qu'au 25 mai 2012, date de la " dissolution-confusion ", la créance en cause n'était pas redevenue prévisible par un retour à meilleure fortune, aucune dette n'avait à être prise en compte à ce titre dans le passif de la SAS Jarlaud Transports transmis en contrepartie de l'actif recueilli par la SAS Malherbe Transports. Au surplus et pour les mêmes motifs, cette créance ne pouvait constituer, contrairement à ce que soutient l'administration, un élément du coût d'acquisition des éléments d'actif que la SAS Malherbe Transports avait recueillis. En revanche, la clause de retour à meilleure fortune figurant hors bilan avait été transférée dans le patrimoine de la SAS Malherbe Transports par l'effet de l'opération de dissolution-confusion réalisée le 25 mai 2012. Il suit de là que cette société était en droit, dès lors qu'elle a été en situation de remplir les conditions financières rappelées au point 4 d'un retour à meilleure fortune, de comptabiliser en charge exceptionnelle la somme de 536 000 euros résultant, au 31 décembre 2012, du remboursement par elle le 21 décembre 2012 de l'abandon de créance consenti le 30 décembre 2010. Cette somme étant ainsi déductible du résultat imposable de la SAS Malherbe Transports au titre de l'exercice clos en 2012, c'est à tort que l'administration n'en a pas tenu compte pour fixer les bases de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2012, conformément au 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède que la SAS Malherbe Transports est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande de décharge de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises contestée.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801598 du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La SAS Malherbe Transports est déchargée, en droits et intérêts de retard, du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012 à hauteur de la somme de 9 534 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Malherbe Transports la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Malherbe Transports et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

Le rapporteur

J.E. GeffrayLa présidente

I. Perrot

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et d el'industrie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT02887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02887
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (LE HAVRE)

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;20nt02887 ?
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