La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2021 | FRANCE | N°20NT01457

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 18 juin 2021, 20NT01457


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé à l'Etablissement français du sang (EFS) de lui verser la somme de 78 884,96 euros en remboursement des prestations versées à M. D... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n°1702000 du 1er avril 2020 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mai 2020 et 13 janvier 2021 la caiss

e primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, représentée par Me C..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé à l'Etablissement français du sang (EFS) de lui verser la somme de 78 884,96 euros en remboursement des prestations versées à M. D... en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n°1702000 du 1er avril 2020 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mai 2020 et 13 janvier 2021 la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner l'EFS à lui verser la somme de 78 844,96 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2016 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'EFS la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'est pas revêtu de la signature des magistrats, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- sa demande n'était pas atteinte par la prescription à la date à laquelle elle a été présentée ;

- la contamination de M. D... est d'origine transfusionnelle ; elle est fondée à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de l'EFS ; ce dernier n'établit pas que les conditions relatives à la disparition ou l'épuisement de la garantie d'assurance feraient obstacle à l'action subrogatoire engagée à son encontre.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 novembre 2020 et 29 janvier 2021 l'Etablissement français du sang, représenté par Me A..., conclut, en premier lieu, au sursis à statuer sur la requête de la CPAM de la Loire-Atlantique, en second lieu au rejet de cette requête et à ce que soit mis à la charge de l'organisme social la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de l'action directe contre les assureurs qui est ouverte à la caisse par les dispositions de l'alinéa 7 de l'article L.121-14 du code de la santé publique ;

- aucun des moyens invoqués par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles l'article L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la CPAM de la Loire-Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. M D..., alors âgé de vingt-six ans, a été victime d'un accident de la circulation le 29 octobre 1978 engendrant plusieurs fractures et traumatismes. Il a fait l'objet d'une hospitalisation à l'hôpital de Cognac du 29 octobre au 2 novembre 1978 afin de traiter une plaie intestinale suivie d'une nouvelle intervention pour une péritonite. A compter du 3 novembre 1978, il a été transféré au centre hospitalier universitaire de Bordeaux et maintenu en réanimation jusqu'au 11 décembre 1978 puis admis dans le service de chirurgie orthopédique jusqu'au 23 février 1979. Au cours de l'année 1999, a été posé le diagnostic d'une infection par le virus de l'hépatite C de génotype 2a. La CPAM de la Loire-Atlantique, agissant par délégation de la caisse de la Vendée, dont dépend M. D..., a formé, sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, une demande préalable d'indemnisation auprès de l'EFS en vue d'obtenir le remboursement des débours engagés en faveur de son assuré social pour un montant de 78 844,96 euros, que l'EFS a implicitement rejetée. Par un jugement du

1er avril 2020 le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours indemnitaire formé par la caisse contre l'EFS. La caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort de la minute du jugement communiqué par le tribunal que le jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à la requérante ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, manque en fait et doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique :

4. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C (....) sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / (...) L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que, même en l'absence de faute, les tiers payeurs sont en droit d'exercer à l'encontre de l'EFS une action subrogatoire à hauteur des sommes versées à la victime d'une contamination par le VHC dès lors que l'EFS peut lui-même bénéficier d'une garantie par les assureurs des structures qu'il a reprises ou par ses propres assureurs. Ils bénéficient dans leur action contre l'EFS de la même présomption d'imputabilité que dans le cadre des actions contre les assureurs des structures reprises par l'EFS. Une telle garantie n'est possible qu'à la condition que le ou les centres de transfusion sanguine fournisseurs du ou des produits effectivement administrés à la victime soient identifiés et remplissent les conditions assurantielles précisées au point 4.

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qui a été établi qu'entre le 29 octobre 1978, date de son accident, et le 3 janvier 1979, M. D... a reçu plusieurs produits sanguins ayant pu être estimés à 11 concentrés globulaires, 3 fois du plasma, plusieurs flacons de PPSB et du fibrinogène, qui lui ont été administrés successivement au centre hospitalier de Cognac lors de la prise en charge initiale de son accident de la circulation puis au CHU de Bordeaux où il a ensuite été pris en charge. Par ailleurs, il est constant que M. D... n'a pas été exposé à d'autres facteurs de contamination. Par suite, la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de ce dernier doit être retenue.

7. Il résulte également de l'instruction que les produits sanguins ont été fournis aux centres hospitaliers concernés d'une part par l'association départementale de transfusion sanguine de la Charente, qui était assurée sous le n° de police 7542 auprès de la compagnie d'assurance La Providence pour la période allant du 9 mars 1964 au 15 décembre 1978, et, d'autre part, par le centre de transfusion sanguine de Bordeaux, qui était assuré, sous le n ° de police 1 029 511 90 A, auprès de la MACSF pour la période allant du 7 août 1976 au 1er août 1982.

8. L'EFS n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'absence ou de l'épuisement de la couverture assurantielle des établissements lui ayant ainsi fourni les produits sanguins en cause. Dans ces conditions, et alors même qu'il est impossible de déterminer lequel des deux établissements concernés a fourni les produits sanguins directement à l'origine de la contamination dont M. D... a été affecté, la CPAM de la Loire-Atlantique est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont pu estimer qu'elle ne pouvait, par la voie de l'action subrogatoire, demander à l'EFS le remboursement des débours exposés du fait de la contamination de M. D... par le virus de l'hépatite C. Il appartient donc à la cour de statuer sur les conclusions indemnitaires de la CPAM dirigées contre l'EFS.

9. Il ressort du relevé définitif de ses débours que la caisse a exposé, pour traiter l'hépatite dont a souffert M D... ainsi que ses complications, entre le 30 mars 2006 et le 25 octobre 2012 des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage pour un montant total de 78 844,96 euros. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, il y a lieu de mettre cette somme à la charge de l'EFS.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

10. La CPAM a droit aux intérêts légaux sur la somme de 78 844,96 euros à compter du

10 novembre 2016, date de présentation à l'EFS de sa réclamation préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 5 mai 2020 devant la cour. A cette date, plus d'une année d'intérêts était due. Il y a ainsi lieu de capitaliser les intérêts à compter du

5 mai 2021, date à laquelle une année d'intérêts a été due.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

11. Il y a lieu, en application des dispositions combinées des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion de mettre à la charge de l'EFS la somme de 1 098 euros qui sera versée à la CPAM de la Loire-Atlantique.

Sur les frais du litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EFS la somme de 1 500 euros qui sera versée à la CPAM au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, ces dispositions ne permettent pas de mettre à la charge de la CPAM, qui n'est pas en l'espèce, la partie perdante, la somme que l'EFS demande au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702000 du tribunal administratif de Nantes du 1er avril 2000 est annulé.

Article 2 : L'EFS versera à la CPAM de la Loire-Atlantique la somme de 78 844,96 euros. Cette somme sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2016. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 5 mai 2020 puis à chaque échéance annuelle.

Article 3 : L'EFS versera à la CPAM de la Loire-Atlantique la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4: L'EFS versera à la CPAM de la Loire-Atlantique la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique et à l'Etablissement français du sang.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot présidente de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseure,

- M Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 18 juin 2021.

La rapporteure

C. B...

La présidente

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la famille, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01457


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01457
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LEXCAP ANGERS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt01457 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award