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07/10/2021 | FRANCE | N°20NT01163

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 octobre 2021, 20NT01163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1800982 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement de 16 221 euros accordé en cours d'instance (articl

e 1er), d'autre part, a réduit la base d'imposition sur le revenu assignée à M. et Mme A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1800982 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement de 16 221 euros accordé en cours d'instance (article 1er), d'autre part, a réduit la base d'imposition sur le revenu assignée à M. et Mme A... au titre de l'année 2012 d'une somme de 6 101 euros (article 2), a déchargé ces derniers, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 dans la mesure de cette réduction de la base d'imposition (article 3) et enfin a rejeté le surplus de la demande (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Hery, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge, soit 61 051 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, en raison de l'absence d'obligation de la société à responsabilité limitée (SARL) La Lavandière de remettre au vérificateur des documents comptables informatisés, de son absence d'information à la suite de la mise en œuvre de la procédure de traitement informatique visée à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de l'application indue de la taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que du détournement de procédure que constitue la vérification de la comptabilité de la SARL ;

- le rejet de la comptabilité est entaché d'une grave irrégularité tirée de ce que l'administration a induit en erreur la SARL La Lavandière quant à l'étendue de ses obligations ;

- à aucun moment l'administration fiscale n'a établi que la SARL La Lavandière a, au cours des années 2012, 2013 et 2014, dissimulé des recettes ;

- la méthode de reconstitution des recettes de la SARL La Lavandière utilisée par l'administration est viciée ;

- les indemnités de déplacement versées par la SARL La Lavandière, au profit de son dirigeant et associé M. A..., répondaient aux conditions prévues par la législation pour être admises en déduction du résultat fiscal ;

- les factures de gaz et d'électricité de la maison de Cangey concernent des garages servant de bâtiments de stockage et de réparation à une trentaine de machines et constituent des frais professionnels ;

- les apports en compte courant d'associé effectués par M. A... sous forme de liquidités ne constituent pas un passif injustifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour, d'une part, de rejeter la requête et, d'autre part, par la voie de l'appel incident, d'annuler les articles 2 et 3 du jugement attaqué et de prononcer en conséquence le rétablissement de la somme de 5 748 euros, droits et pénalités compris, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2012.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- la diminution du profit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 6 101 euros conduit automatiquement à diminuer à due concurrence la cascade de taxe sur la valeur ajoutée, ce qui n'entraîne aucune modification dans le résultat net imposable rectifié, ce qui doit emporter le rétablissement de l'imposition des revenus industriels et commerciaux de M. et Mme A... sur un bénéfice imposable de 158 214 euros avant majoration de 1,25.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... étaient associés, à hauteur de 50 % chacun, de la société à responsabilité limitée (SARL) La Lavandière, exploitante d'un réseau de dix-neuf laveries en libre-service, qui a fait l'objet, du 21 avril au 23 juin 2015, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration, par une proposition de rectification du 16 décembre 2015, a rejeté la comptabilité de la société et notifié, selon la procédure contradictoire, des rectifications de résultats au titre des exercices clos aux 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013, imposables entre les mains des époux A..., et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013, des mois de juin, septembre et décembre 2013 ainsi que des mois de mars, juin, septembre et décembre 2014 ainsi que, selon la procédure de taxation d'office, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois d'avril, mai, juillet, août, octobre et novembre 2013 et janvier, février, avril, mai, juillet, août, octobre et novembre 2014. Sur la base des redressements notifiés à la société, l'administration, par une proposition de rectification du 16 décembre 2015, a rectifié les bénéfices industriels et commerciaux de M. et Mme A... de 180 090 euros au titre de l'année 2012 et de 3 410 euros au titre de l'année 2013. Elle a également procédé à une rectification au motif que les intéressés avaient bénéficié à tort d'un crédit d'impôt en faveur des intérêts d'emprunts contractés pour l'acquisition de l'habitation principale. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2016. M. et Mme A... ont formulé une réclamation le 2 novembre 2016 qui a été rejetée par l'administration le 12 janvier 2018. Ils ont demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013. Par un jugement du 28 janvier 2020, le tribunal, d'une part, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à concurrence du dégrèvement de 16 221 euros accordé en cours d'instance, d'autre part, a réduit la base d'imposition sur le revenu assignée à M. et Mme A... au titre de l'année 2012 d'une somme de 6 101 euros, a déchargé ces derniers, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 dans la mesure de cette réduction de la base d'imposition et enfin a rejeté le surplus de la demande. D'une part, M. et Mme A... font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande. D'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué et de prononcer en conséquence le rétablissement de la somme de 5 748 euros, droits et pénalités compris, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2012.

Sur les conclusions à fin de décharge présentées par M. et Mme A... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition menée à l'égard de la SARL La Lavandière :

2. La SARL La Lavandière a opté pour l'imposition de son résultat selon le régime des sociétés de personnes et les rectifications, dont les associés, M. et Mme A..., ont fait l'objet, procèdent des constatations effectuées lors de la vérification de comptabilité de cette société. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition menée à l'égard de la SARL La Lavandière est donc opérant.

3. En premier lieu, l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dispose que : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables (...) en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité du 13 mars 2015 a indiqué au gérant de la SARL La Lavandière que ce n'était que dans le cas où la comptabilité était tenue au moyen de systèmes informatisés qu'il était obligatoire de remettre de tels systèmes informatisés au vérificateur. Il est constant que la SARL La Lavandière a remis les 21 avril, date de la première intervention sur place du vérificateur, et 28 avril 2015, des fichiers informatisés de ses écritures comptables. Dès lors, la seule circonstance que le gérant de la société ait indiqué, le 21 avril 2015, qu'il était en train de recopier sur des fichiers informatiques les registres tenus à la main ne suffit pas à faire regarder la société comme ne tenant pas sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés. Si les requérants soutiennent que M. A... a créé, le jour même de la vérification, le 21 avril 2015, dans la précipitation, deux fichiers afin de pouvoir remettre sa comptabilité sous une forme informatique au vu de la demande du vérificateur, cette allégation de création du fichier le 21 avril n'est pas établie. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la société a été induite en erreur sur ses obligations. Ils ne sont pas davantage fondés à prétendre qu'en demandant au gérant de la SARL La Lavandière de mettre à la disposition du vérificateur les fichiers informatiques de sa comptabilité, l'administration aurait méconnu le droit de ne pas s'auto-incriminer.

5. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A dans sa rédaction alors applicable : " II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.

6. La proposition de rectification du 16 décembre 2015 indiquait que " Lors de cette première intervention, le vérificateur a informé Monsieur A..., gérant de la société, de l'obligation de mettre en œuvre des traitements informatiques dans le cadre de la vérification de comptabilité conformément aux dispositions de l'article L. 47 A I du livre des procédures fiscales (LPF) ". Toutefois, cette seule circonstance, avec la mention du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et non du II du même article, ne suffit pas à établir que le vérificateur avait envisagé un traitement informatique au sens du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, alors qu'il n'a ensuite que consulté les données brutes transmises sous forme de fichiers informatiques, sans effectuer d'analyse de données par le biais de logiciels. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la SARL La Lavandière aurait dû être informée de la nature des traitements informatiques que le vérificateur envisageait d'effectuer et des possibilités de mise en œuvre de ces traitements.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / (...) ". Aux termes de l'article 270 de ce code : " I. La taxe sur la valeur ajoutée est liquidée au vu des déclarations souscrites par les assujettis dans les conditions prévues à l'article 287. / (...) ". Aux termes de l'article 287 du même code : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois. / Ces redevables peuvent, sur leur demande, être autorisés, dans des conditions qui sont fixées par arrêté du ministre de l'économie et des finances, à disposer d'un délai supplémentaire d'un mois. / Lorsque la taxe exigible annuellement est inférieure à 4 000 €, ils sont admis à déposer leurs déclarations par trimestre civil. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le seuil de taxe exigible de 4 000 euros en dessous duquel un redevable est admis à déposer ses déclarations par trimestre civil, par exception à l'obligation de déclaration mensuelle, s'apprécie par rapport au montant total de la taxe exigible au cours de l'année civile immédiatement antérieure à l'année civile au titre de laquelle les déclarations doivent être effectuées. D'autre part, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ".

8. Le service a estimé, dans la proposition de rectification du 16 décembre 2015, que la SARL La Lavandière, au titre de l'ensemble de la période vérifiée allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 ne répondait plus, depuis le 2e trimestre 2013, à la condition du plafond de 4 000 euros de taxe sur la valeur ajoutée exigible annuellement et devait, par suite, déposer des déclarations mensuelles à partir de cette date, soit avril 2013. Il résulte de l'instruction que la SARL La Lavandière a acquitté, pour la période correspondant à l'exercice clos en 2012, un montant annuel de taxe sur la valeur ajoutée inférieur à 4 000 euros et n'était, dès lors, pas tenue de déclarer mensuellement la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de l'année 2013. L'administration n'était donc pas fondée à mettre en œuvre la procédure de taxation d'office pour les mois d'avril, mai, juillet, août, octobre et novembre 2013. Par voie de conséquence, l'illégalité de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui ont été inclus dans la détermination du bénéfice imposable des requérants par le biais du profit sur le Trésor, doit entraîner, dans cette mesure, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A... ont été soumis au titre de l'année 2013.

9. En quatrième et dernier lieu, le compte courant d'associé du gérant de la SARL La Lavandière, M. A..., constitue un élément comptable de cette société et le service pouvait donc demander, dans le cadre de la vérification de comptabilité, des justifications de la provenance des sommes inscrites au crédit de ce compte courant, y compris des preuves du débit sur un compte bancaire personnel de M. A.... Dès lors, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du rejet de la comptabilité de la SARL La Lavandière :

10. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, le moyen tiré de ce que le rejet de la comptabilité est entaché d'une grave irrégularité en ce que l'administration a induit la SARL La Lavandière en erreur quant à l'étendue de ses obligations s'agissant de la remise de sa comptabilité sous une forme informatique doit être écarté.

11. En second lieu, il résulte de l'instruction que le rejet de la comptabilité de la SARL La Lavandière a été motivé d'une part, par l'absence de justifications des recettes (absence de facturation des prestations : absence de tickets clients ; absence de détail des prestations journalières : relevé des prestations) et d'autre part, par la globalisation des recettes, motifs non contestés par la SARL La Lavandière. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'à aucun moment l'administration fiscale n'a établi, pour justifier le rejet de la comptabilité, que cette société a, au cours des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, dissimulé des recettes doit être écarté.

S'agissant de la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL La Lavandière :

12. Le service a reconstitué le chiffre d'affaires des laveries automatiques d'après l'ensemble des crédits bancaires figurant au compte professionnel ouvert auprès de la Société Générale. Il a ainsi relevé que la SARL La Lavandière a encaissé des sommes en espèces pour un montant de 315 003 euros pour l'exercice 2012, de 406 577 euros pour l'exercice clos en 2013 et de 410 608 euros pour l'exercice clos en 2014. Aucune disposition n'impose au vérificateur de corroborer les résultats d'une méthode de reconstitution par l'utilisation d'une seconde méthode. Si les requérants soutiennent que le chiffre d'affaires de la SARL La Lavandière ne peut correspondre au montant des encaissements effectués durant les exercices en cause dès lors que le montant du renouvellement du fonds de caisse (53 682 euros par an en moyenne) a été déposé à la banque mais ne constitue pas un chiffre d'affaires, ils n'apportent aucun élément, alors qu'ils étaient seuls à même de le faire, de nature à établir que la SARL La Lavandière aurait déposé à la banque ses fonds de caisse. Il résulte de ce qui précède que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la requérante suivie par l'administration n'apparaît ni excessivement sommaire ni radicalement viciée.

S'agissant de la déduction des frais kilométriques et des factures de gaz et d'électricité :

13. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

14. En premier lieu, les requérants soutiennent que M. A... utilisait son véhicule personnel, une voiture Peugeot 307 break, au cours de l'année 2012, pour effectuer les trajets quotidiens entre le siège social de la société et ses dix-neuf établissements afin d'y effectuer le ménage et des menues réparations. Toutefois, ils n'apportent aucune justification du kilométrage allégué et de son caractère professionnel, alors qu'il est constant que la SARL La Lavandière disposait de véhicules automobiles.

15. En second lieu, lors de la vérification de comptabilité de la SARL La Lavandière, il est apparu que la société a contracté des abonnements de gaz et d'électricité pour des compteurs situés 17, rue de Monteaux à Cangey, c'est-à-dire à l'adresse des associés, M. et Mme A.... La société disposant à cette adresse d'un bureau de 26 m2 alors que la surface totale des constructions est de 206 m², le vérificateur a limité le montant des dépenses déductibles en fonction des surfaces occupées, soit 12,50 %, et a réintégré dans le résultat imposable 87,50 % des dépenses comptabilisées. M. et Mme A... contestent la proratisation à la surface mise à la disposition de la société des factures de gaz et d'électricité de la maison de Cangey alors qu'elles concernent, selon eux, non pas un bureau mais des garages servant de bâtiments de stockage et de réparation à une trentaine de machines. Toutefois, ils n'apportent aucun justificatif du fait que les factures correspondraient à l'alimentation de ces garages et que les frais auraient été engagés dans le cadre de l'exploitation des laveries. En particulier, les photographies produites n'établissent pas que ces garages seraient reliés aux réseaux de gaz et d'électricité. Enfin, les éléments apportés par les requérants relatifs à une chaudière à bois ne suffisent pas à établir que leur maison serait uniquement chauffée au bois.

16. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander que l'ensemble de la somme correspondant aux factures de gaz et d'électricité soit admise en déduction de leur bénéfice industriel et commercial au titre de l'année 2013.

S'agissant des apports non justifiés en compte courant d'associé :

17. En premier lieu, pour les motifs indiqués au point 9, le moyen tiré du détournement de procédure doit être écarté.

18. En second lieu, M. et Mme A... soutiennent que, d'une part, le beau-frère de M. A..., M. D..., a prêté des sommes à M. A... et que, d'autre part, ce dernier a opéré, au fur et à mesure des besoins de trésorerie de la SARL La Lavandière, des retraits d'argent sur son compte bancaire personnel et les a apportés à la société. Toutefois, si les requérants produisent des relevés bancaires des comptes de MM. D... et A..., il n'y a pas de correspondance chronologique ou de montants entre les virements ou retraits effectués et les sommes inscrites au crédit du compte courant des associés. Dès lors, M. et Mme A... n'apportent aucune justification probante sur l'origine des versements qui ont été inscrits sur le compte courant d'associé.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de leur demande en tant qu'elle portait sur la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été soumis au titre de l'année 2013 résultant de l'illégalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les mois d'avril, mai, juillet, août, octobre et novembre 2013 mis à la charge de la SARL La Lavandière, qui ont été inclus dans la détermination du bénéfice imposable des requérants par le biais du profit sur le Trésor.

Sur les conclusions d'appel incident présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance :

20. L'article L. 77 du livre des procédures fiscales dispose que : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification. (...) Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre des troisième et quatrième alinéas doivent être faites au plus tard dans le délai de trente jours consécutif à la réception de la réponse aux observations prévue à l'article L. 57 ou, à défaut, d'un document spécifique les invitant à formuler lesdites demandes. (...) ".

21. Le ministre soutient sans être contredit qu'en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la SARL La Lavandière au titre de la période correspondant à l'exercice clos en 2012 avaient été déduits du résultat imposable de l'exercice auquel ils se rapportaient, dès la notification des redressements envisagés. La société vérifiée n'a pas renoncé, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de rectification, à la déduction de la cascade, appliquée de manière automatique par l'administration. Ainsi, la diminution du profit de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 6 101 euros conduit automatiquement à diminuer à due concurrence du même montant la cascade de taxe sur la valeur ajoutée, ce qui n'entraîne aucune modification dans le résultat net imposable rectifié. Dès lors, le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué. En conséquence, il y a lieu de remettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 5 748 euros qui avait été dégrevée par l'administration en exécution de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par M. et Mme A... au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été soumis au titre de l'année 2013 résultant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les mois d'avril, mai, juillet, août, octobre et novembre 2013 mis à la charge de la SARL La Lavandière, qui ont été inclus dans la détermination de leur bénéfice imposable par le biais du profit sur le Trésor.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 3 : La cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qui a été assignée à M. et Mme A... au titre de l'année 2012, à hauteur de la somme de 5 748 euros en droits et pénalités, est remise à leur charge.

Article 4 : Le jugement n° 1800982 du 28 janvier 2020 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

La rapporteure,

P. PicquetLe président,

F. Bataille

La greffière,

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT01163

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01163
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET ORATIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-07;20nt01163 ?
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