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20/07/2021 | FRANCE | N°20NT00849

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 20 juillet 2021, 20NT00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 du ministre de l'action et des comptes publics procédant à sa radiation des cadres.

Par un jugement n° 1900831 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mars, 5 juin et 8 décembre 2020, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge

ment du tribunal administratif d'Orléans du 17 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'excè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 du ministre de l'action et des comptes publics procédant à sa radiation des cadres.

Par un jugement n° 1900831 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 mars, 5 juin et 8 décembre 2020, M. D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'excès de pouvoir ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de le réintégrer et de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que le pli de la notification du jugement litigieux a été distribué le 4 janvier 2020 ;

- il n'est pas établi que la signataire de l'arrêté contesté disposait d'une délégation régulière ;

- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

- sa radiation des cadres n'est pas justifiée au fond.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est tardive et, par suite irrecevable, et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier, et notamment celles communiquées le 3 juin 2021 par le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Vu :

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de procédure civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

- et les observations de Me F..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 septembre 2018, M. D..., inspecteur des finances publiques à l'encontre duquel une procédure disciplinaire avait été engagée et qui avait fait l'objet d'une suspension, a été déplacé d'office. Par une décision du 15 octobre 2018, il a été affecté à compter du 1er novembre 2018 à la direction régionale des finances publiques (DRFIP) du Centre Val de Loire et du département du Loiret. L'intéressé, qui n'avait pas rejoint son poste, a été invité par un courrier du 21 novembre 2018 à se présenter à la DRFIP d'Orléans le 10 décembre 2018. Par une mise en demeure du 14 décembre 2018 M. D..., qui n'avait pas repris ses fonctions, a été enjoint de rejoindre la DRFIP d'Orléans le 19 décembre 2018 à 9h30. Il lui était alors indiqué qu'à défaut d'obtempérer, il s'exposait à une radiation des cadres pour abandon de poste. Cette mise en demeure étant restée sans suite, l'intéressé a été radié des cadres à compter du 20 décembre 2018, par un arrêté du même jour. M. D..., absent de chez lui, a pris connaissance de ces courriers les 2 et 23 janvier 2019 à l'étude de l'huissier qui lui avait déposé les avis de passage respectifs dans sa boîte aux lettres. Le 20 février 2019, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2018 et à la condamnation de son administration pour des agissements constitutifs de harcèlement moral. Cette requête a été transférée au tribunal administratif d'Orléans. M. D... relève appel du jugement de ce tribunal du 17 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé (...) ". Il résulte de ces dispositions que certains hauts fonctionnaires bénéficient, dès le lendemain de la publication au journal officiel de la République française du décret les nommant dans leurs fonctions, d'une délégation au nom du ministre pour signer les actes relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité et qu'ils peuvent, dans le respect de certaines conditions, confier cette délégation à d'autres fonctionnaires.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 juillet 2017 relatif au service d'appui aux ressources humaines (SARH) de la direction générale des finances publiques : " Il est créé au sein de la direction générale des finances publiques un service à compétence nationale dénommé " service d'appui aux ressources humaines ", rattaché au chef du service des ressources humaines. " et aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Le service d'appui aux ressources humaines assure pour le compte des services centraux, des services déconcentrés ou des services à compétence nationale de la direction générale des finances publiques : / 1° Des missions de gestion administrative et comptable des personnels (...) ".

4. M. D... soutient qu'il n'est pas établi que la signataire de l'arrêté contesté disposait d'une délégation régulière. En appel, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a cependant produit le bulletin officiel de ce ministère daté du 20 décembre 2018 dans lequel est publié la délégation consentie, le 18 décembre 2018 par le directeur du service à compétence nationale dénommé " service d'appui aux ressources humaines " (SARH), à Mme E..., inspectrice divisionnaire hors classe des finances publiques. Cette délégation concerne notamment la signature de tous documents utilisés au titre des actes de gestion entrant dans le champ des articles 2 à 4 de l'arrêté du 26 juillet 2017 relatif aux attributions du SARH, visant en particulier la gestion administrative des personnels. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 656 du code de procédure civile : " Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. / La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai, l'huissier de justice en est déchargé. / L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions. ".

6. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé. L'obligation pour l'administration, dans la mise en demeure qu'elle doit préalablement adresser à l'agent, de lui impartir un délai approprié pour reprendre son poste ou rejoindre son service, constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste.

7. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier que, par un courrier du 14 décembre 2018, M. D... a été mis en demeure de se présenter à la DRFIP d'Orléans le 19 décembre 2018 à 9h30. Cette décision lui a été notifiée, à sa seule adresse connue de son employeur, par la voie d'un huissier qui s'est présenté à son domicile le lundi 17 décembre 2018. M. D... étant absent, un avis de passage lui a été laissé dans sa boîte aux lettres. L'intéressé n'a retiré ce pli à l'étude de l'huissier que le 23 janvier 2019. Le requérant soutient qu'il ne pouvait être mis en demeure de regagner son poste avant d'avoir effectivement pris connaissance de la lettre du 14 décembre 2018. Il est toutefois constant que M. D..., qui n'avait pas retiré les précédents courriers qui lui avaient été notifiés par acte d'huissier, notamment le 27 novembre 2018, ne peut être regardé comme ayant accompli toutes les diligences pour retirer dans les plus brefs délais, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article 656 du code des procédures civiles, des courriers qui lui avaient été adressés par son employeur à son domicile. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que son administration ne lui aurait pas imparti un délai approprié pour rejoindre son poste situé à Orléans et qu'en conséquence, la décision du 20 décembre 2018 serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière. Enfin, si le requérant invoque le bénéfice de la circulaire du 11 février 1960, n° 463/FP du Premier Ministre relative à l'abandon de poste par un fonctionnaire ainsi que la réponse ministérielle à la question écrite de M. C..., sénateur, n°20187 en date du 3 novembre 2005, pour soutenir qu'il aurait dû être mis en mesure de présenter des observations préalablement à son éviction du service, il est constant qu'il devait être reçu à un entretien prévu le 19 décembre 2018, au cours duquel il aurait pu faire valoir ses observations. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté.

8. Ensuite, la décision litigieuse précise qu'en dépit de la mise en demeure du 14 décembre 2018, M. D... ne s'est pas présenté le 19 décembre 2018 à la DRFIP d'Orléans et que par suite, il est radié des cadres pour abandon de poste. Les circonstances, au demeurant établies, que le requérant n'a pas justifié de ses absences les 5 et 6 novembre 2018, ne s'est pas présenté à la contre-visite médicale du 28 novembre 2018 et n'a pas repris son travail le 10 décembre 2018 ainsi que l'y invitait le courrier du 21 novembre 2018, sont sans incidence sur cette décision. M. D... soutient par ailleurs que la décision du 15 octobre 2018 l'affectant à la DRFIP du Centre Val de Loire à compter du 1er novembre 2018 ne lui aurait pas été notifiée, de sorte qu'on ne peut lui reprocher de ne pas avoir rejoint ce service le 19 décembre 2018. Il ressort cependant des pièces du dossier que la décision disciplinaire de déplacement d'office prise à son encontre le 24 septembre 2018 lui a été remise en mains propres le 22 octobre 2018 ainsi qu'en atteste les mentions manuscrites figurant sur le courrier du 18 octobre 2018, qui précisent que l'intéressé a refusé de signer cette notification. Cette décision portant changement de situation lui a également été envoyée par courriel le 23 octobre 2018 à la suite de ce refus de signer. De plus, l'intéressé indique lui-même avoir été éconduit lorsqu'il s'est présenté, les 5 et 6 novembre 2018, à la Dircofi d'Ile-de-France, siège de son poste antérieur. Par ailleurs, si l'administration n'établit pas lui avoir notifié en bonne et due forme la décision du 15 octobre 2018, qu'elle ne produit pas, le ministre de l'économie, des finances et de la relance se prévaut de la signification d'huissier en date du 27 novembre 2018 concernant un courrier du 21 novembre 2018 émanant de la direction régionale des finances publiques du centre val de Loire et du département du Loiret et ayant pour objet " affectation à la DRFIP 45 ". Ce courrier, qui est produit par le ministre, rappelle que par une décision du 15 octobre 2018, remise le 22 octobre 2018, M. D... a été affecté à la direction régionale des finances publiques du Centre-Val de Loire et du département du Loiret à compter du 1er novembre 2018. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et de ce qui a été dit aux points 6 et 7, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il ignorait son changement d'affectation. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressé aurait manifesté à son administration son intention de rejoindre son poste. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir la décision contestée ne serait pas justifiée au fond.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2018. Pour les mêmes motifs, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20NT00849


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : DE LACOSTE LAREYMONDIE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 20/07/2021
Date de l'import : 15/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT00849
Numéro NOR : CETATEXT000043930440 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-07-20;20nt00849 ?
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