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23/09/2021 | FRANCE | N°20NC00635

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 20NC00635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Lorraine services a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée en vertu du I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1804526 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2020 et 5 août 2021, la SAS Lorraine services, représentée par Me Firti

on, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2020 par lequel le tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Lorraine services a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée en vertu du I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2006.

Par un jugement n° 1804526 du 10 janvier 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2020 et 5 août 2021, la SAS Lorraine services, représentée par Me Firtion, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende qui lui a été infligée en vertu du I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la décharge de cette amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'action en recouvrement de l'amende en litige est prescrite en application de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ;

- les dividendes qu'elle a versés ont été déclarés par leurs bénéficiaires et imposés, démontrant ainsi qu'elle a bien déposé la déclaration n°2561 ;

- le Trésor n'a subi aucun préjudice ;

- l'omission de déclaration des dividendes doit être regardée comme une première infraction au sens de l'article 1736 du code général des impôts et de la doctrine administrative, d'autant qu'elle a spontanément remis les déclarations à la vérificatrice lors de l'intervention du 8 décembre 2009 ;

- l'administration aurait dû lui appliquer à tout le moins la seule amende de l'article 1729 B I du code général des impôts ;

- elle invoque le droit à l'erreur ;

- l'amende est disproportionnée par rapport à la gravité du manquement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Lorraine services ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Firtion, représentant La SAS Lorraine services.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Lorraine services, qui exerce une activité d'agence de travail temporaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. Par proposition de rectification du 16 décembre 2009, l'administration lui a notamment notifié dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire l'amende prévue au 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2006. La SAS Lorraine services relève appel du jugement du 10 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande tendant à la décharge de cette amende.

Sur le bien-fondé de la pénalité :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. (...) ".

3. La SAS Lorraine services soutient que la créance du Trésor correspondante à l'amende qui lui est réclamée est prescrite, l'administration n'ayant, selon la société, pris aucun acte susceptible d'interrompre la prescription avant l'expiration du délai de quatre ans prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales. Toutefois, à la supposer même établie, cette circonstance est sans incidence dans le présent litige portant sur une contestation concernant le bien-fondé de l'amende litigieuse et ressortissant en conséquence au contentieux de l'assiette.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 242 ter du code général des impôts : " 1. Les personnes qui assurent le paiement des revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 125 ainsi que des produits des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature sont tenues de déclarer l'identité et l'adresse des bénéficiaires ainsi que, par nature de revenus, le détail du montant imposable et du crédit d'impôt, le revenu brut soumis à un prélèvement libératoire et le montant dudit prélèvement et le montant des revenus exonérés... ". Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite... ".

5. La pénalité prévue à l'article 1736 du code général des impôts sanctionne le non-respect d'obligations déclaratives permettant à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires des versements qui y sont mentionnés, de leurs obligations fiscales.

6. Lors de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté qu'à la suite de la décision de l'assemblée générale du 21 juin 2006, des dividendes ont été distribués à hauteur de la somme de 500 000 euros le 30 juin 2006. Au cours du débat oral et contradictoire, des copies de deux feuillets n°2561 du 8 décembre 2009 ont été présentées au vérificateur. Aucune déclaration n'a été déposée en application de l'article 242 ter du code général des impôts auprès du service des impôts compétent dont relève la SAS Lorraine services. Au vu de ces constatations, l'administration a infligé à la société requérante l'amende prévue au 1 de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2006.

7. D'une part, la circonstance que MM. A... et B..., bénéficiaires des distributions en cause, aient mentionné, dans leur déclaration respective déposée au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2006, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la somme de 250 000 euros chacun, est sans influence sur le bien-fondé de l'amende fiscale mise à la charge de la SAS Lorraine services en sa qualité de tiers déclarant. De même, les circonstances que le Trésor n'a pas été lésé et que la société n'a tiré aucun profit sont ici sans incidence dès lors que l'amende en litige a pour objet de sanctionner le comportement de la société distributrice de dividendes qui a méconnu ses obligations déclaratives et non de réparer le préjudice du Trésor.

8. D'autre part, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que M. A... a pu déclarer le montant des dividendes perçus uniquement grâce à la déclaration n°2561 ter qu'il aurait reçue de la part de la SAS Lorraine services, démontrant ainsi selon elle le dépôt effectif de ladite déclaration n°2561. Dès lors que l'intéressé est président de cette société et que les distributions ont été décidées lors d'une assemblée générale, M. A... avait ainsi nécessairement connaissance du montant des dividendes versés, lui permettant de renseigner sa déclaration de revenus. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la société requérante, il ne ressort pas du courrier du conseil de M. B... du 4 août 2021 que l'administration ait utilisé la déclaration n°2561 déposée par la société pour redresser l'intéressé.

9. En outre, si la société requérante produit pour la première fois en appel une attestation de son commissaire aux comptes du 22 décembre 2011 déclarant que les copies de déclarations n°2561 ont été présentées au vérificateur lors de la réunion de synthèse du 8 décembre 2009, ce document, qui reprend les éléments mentionnés par le vérificateur dans sa proposition de rectification du 16 décembre 2009, ne justifie pas du dépôt effectif des documents originaux de ces déclarations n°2561 auprès du service des impôts compétent. Par ailleurs, la société requérante ne saurait se prévaloir de la télétransmission des déclarations pour justifier de l'impossibilité pour elle d'établir la date certaine du dépôt de ses déclarations n°2561, un accusé-réception de dépôt étant nécessairement généré postérieurement à cette télétransmission, qui n'est pas produit dans la présente instance.

10. Il résulte de ces éléments que la SAS Lorraine services n'apporte aucun commencement de preuve permettant de justifier du dépôt effectif de sa déclaration n°2561. Or, cette absence de dépôt a fait obstacle à la possibilité pour l'administration de procéder à des recoupements entre les déclarations déposées par les bénéficiaires des distributions et celles de la société distributrice, justifiant ainsi l'application de l'amende en cause.

11. En troisième lieu, la société requérante soutient qu'ayant spontanément régularisé le 8 décembre 2009 l'omission de déclaration constatée au titre de l'année 2006, elle peut bénéficier du dispositif de prévu au 1 du I des dispositions précitées de l'article 1736 du code général des impôts, s'agissant d'une première infraction. Cependant, pour les mêmes motifs évoqués aux points précédents, la société requérante n'établit pas avoir déposé ses déclarations n°2561 dans le délai légal. La SAS Lorraine services ne saurait utilement, ni évoquer un possible problème d'acheminement postal de ses déclarations, ni arguer de ce que ce n'est qu'au cours de la vérification de la comptabilité qu'elle a eu connaissance de la non-réception de ses déclarations par l'administration dès lors que la société indique par ailleurs dans ses écritures avoir recours à la télétransmission de ses déclarations. La SAS Lorraine services ne saurait se prévaloir du dépôt spontané de ces déclarations le 8 décembre 2009, ce dépôt étant en tout état de cause postérieur au 31 décembre 2007, date limite à laquelle les déclarations devaient être souscrites.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1729 B du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'un document qui doit être remis à l'administration fiscale, autre que ceux mentionnés aux articles 1728 et 1729, entraîne l'application d'une amende de 150 €. (...) ".

13. La SAS Lorraine services revendique l'application de amende prévue au 1 de l'article 1729 B du code général des impôts précitée, relative aux infractions constituées par le défaut de production dans le délai prescrit d'un document, en lieu et place de la pénalité litigieuse. Cependant, ces dispositions, qui n'ont pas trait à l'obligation déclarative de l'article 242 ter du code général des impôts, sanctionnée par les dispositions spéciales de l'article 1736 du code général des impôts, ne sont pas applicables au cas d'espèce. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

14. En cinquième lieu, pour soutenir qu'elle peut bénéficier d'un droit à l'erreur du tiers déclarant, la société requérante se prévaut de la décision de rescrit 2012/6 RC du 14 février 2012, relative aux modalités d'application de l'amende prévue par l'article 1736 du code général des impôts, selon laquelle " par mesure de tempérament, il est admis que l'entreprise puisse régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de cette sanction lorsque les conditions suivantes sont réunies. / L'entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux à la condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites ". Elle entend également demander la transposition à sa situation des nouvelles dispositions du 2ème alinéa du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts, entrées en vigueur le 31 décembre 2018, qui prévoient, pour les personnes tenues d'effectuer une déclaration en application de l'article 240 du même code, une possibilité de régularisation.

15. D'une part, la société requérante la SAS Lorraine entend ainsi pouvoir invoquer le bénéfice du droit à l'erreur tel que consacré par le législateur par les nouvelles dispositions du 2ème alinéa du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, lesquelles sont donc postérieures à l'année d'imposition et à la procédure en litige. Les dispositions nouvellement adoptées n'ont, toutefois, pas eu pour objet d'adoucir la sanction applicable en cas d'omission de déclaration, mais de permettre, sous certaines conditions, au contribuable de démontrer que le manquement à ses obligations déclaratives est demeuré sans incidence au regard de l'objet de la loi qui est de lutter contre le risque de fraude fiscale en permettant au service de vérifier que les sommes versées par le contribuable ont bien été déclarées par leur bénéficiaire. Dès lors, la procédure de régularisation ne saurait être envisagée comme un adoucissement dans la mise en œuvre de la sanction en cas d'omission déclarative. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de l'amende litigieuse, sans que le principe de rétroactivité in mitius ne puisse y faire obstacle.

16. D'autre part, le rescrit du 14 février 2012 prévoit, pour les personnes tenues d'effectuer une déclaration en application de l'article 240 du code général des impôts, une possibilité de régulariser les déclarations des trois années précédentes sans que le contribuable n'encoure l'amende prévue en cas d'omission déclarative. Cependant, les revenus en litige ne relèvent pas de ceux cités à l'article 240 du code général des impôts. Par suite, la SAS Lorraine services, qui n'entre pas dans les prévisions de la décision de rescrit général qu'elle invoque, ne saurait, en tout état de cause, s'en prévaloir.

17. Enfin, la SAS Lorraine services n'établit aucune circonstance particulière qui justifierait qu'elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives dans le délai légal. Elle ne peut, par suite, se borner à invoquer un droit à l'erreur sans apporter d'élément au soutien de ses allégations.

18. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors du cas prévu par les dispositions de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 prise pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution et relatives à la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives. Par suite, le moyen, tel qu'articulé par la société requérante dans ses écritures, tiré de ce que les dispositions législatives précitées de l'article 1739 du code général des impôts méconnaîtraient le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, ne peut être utilement invoqué.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Lorraine services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Lorraine services est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Lorraine services et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

2

N° 20NC00635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00635
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SCP FIRTION

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-09-23;20nc00635 ?
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