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02/02/2023 | FRANCE | N°20NC00390

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 02 février 2023, 20NC00390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7,72 euros ainsi que 14,15 euros par mois à compter du mois d'avril 2017 et jusqu'à la notification du jugement à intervenir, somme assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1706403 du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 fé

vrier 2020, M. A... B..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7,72 euros ainsi que 14,15 euros par mois à compter du mois d'avril 2017 et jusqu'à la notification du jugement à intervenir, somme assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1706403 du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2020, M. A... B..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706403 du 23 août 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner l'Etat à verser à M. B... la somme de 7,72 euros ainsi que de 14,15 euros par mois à compter du mois d'avril 2017 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre á la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, par application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'illégalité de la facturation de l'accès au service de la télévision dans son établissement pénitentiaire de février 2017 à mars 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- l'illégalité de la facture de l'accès au service de télévision à compter d'avril 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- ces illégalités tiennent en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pris isolément ; en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une méconnaissance du principe d'égalité entre les usagers du service public ; à une surévaluation de la tarification du service de télévision dès lors qu'elle ne correspond pas au prix de revient du service et qu'elle n'est pas fondée sur des critères rationnels et objectifs.

Par une ordonnance du 23 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 septembre 2021.

Le garde des sceaux, ministre de la justice a produit un mémoire le 6 janvier 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est incarcéré à la maison centrale d'Ensisheim depuis le 21 juillet 2015. Selon ses déclarations le requérant était propriétaire de son téléviseur. Il en est locataire depuis avril 2017. Le requérant a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7,72 euros ainsi que 14,15 euros par mois à compter du mois d'avril 2017 et jusqu'à la notification du jugement à intervenir, somme assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1706403 du 23 août 2019 dont M. B... interjette appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours.

Sur la demande de répétition de l'indu :

En ce qui concerne les mois de février et mars 2017 :

2. Aux termes de l'article 19 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, relatif au règlement intérieur type des établissements pénitentiaires : " (...) IV- La personne détenue peut se procurer par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités que celle-ci détermine une radio et un téléviseur individuels ".

3. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'il existe une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.

4. Il résulte de l'instruction que le directeur de la maison centrale d'Ensisheim a instauré à compter de février 2017 un tarif d'accès des téléviseurs, dont l'appelant était propriétaire, aux chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre d'un montant de 3,86 euros mensuel.

5. Cette décision a eu pour effet de placer, pour les personnes détenues dans cet établissement à gestion privée, l'obligation de s'acquitter d'une contribution dont n'ont pas à s'acquitter les détenus se trouvant dans des établissements à gestion publique. D'une part, cette distinction constitue une différence de traitement entre des personnes placées dans une situation identique, le mode de gestion des établissements pénitentiaires étant sans incidence sur le statut des détenus. D'autre part, cette différence de traitement n'est justifiée ni par une quelconque raison d'intérêt général, ni par l'existence d'une gamme de prestations plus étendues ou de services plus nombreux offerts par le prestataire. Par conséquent, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté son recours.

En ce qui concerne la période courant à compter d'avril 2017 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". Aux termes de l'article premier du protocole additionnel à la même convention : " 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / 2. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

7. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient M. B..., que le montant des sommes dont doivent s'acquitter les détenus qui comme lui sont locataires de postes de télévision dans des établissements à gestion déléguée diffère de celui dont doivent s'acquitter au même titre les détenus incarcérés dans des prisons à gestion publique. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat ait indûment mis à sa charge des sommes en méconnaissance des stipulations précitées ou au mépris du principe d'égalité entre les usagers du service public.

8. En second lieu, M. B... soutient que le prix dont il s'acquitte est supérieur au prix de revient du service qui lui est proposé. Le requérant reprend sur ce point en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg, d'écarter ce moyen.

9. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat doit lui restituer les sommes versées à compter d'avril 2017.

Sur les sommes devant être répétées :

10. Il résulte de ce qui a été exposé des points 2 à 5 ci-dessus que les créances de M. B... s'établissent à une somme égale à 3,86 euros par mois pour les mois de février et mars 2017 soit un total de 7,72 euros.

Sur les intérêts :

11. M. B... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 7,72 euros à compter du 17 juillet 2017, date de réception de sa demande par le ministre de la justice.

12. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 17 juillet 2017. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 17 juillet 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais d'instance :

13. Faute pour M. B... d'établir qu'il a exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont il bénéficie pour les besoins de la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 1706403 du 23 août 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme de 7,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2017. Les intérêts échus à la date du 17 juillet 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC00390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00390
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-02;20nc00390 ?
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