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24/01/2022 | FRANCE | N°20MA03517

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 24 janvier 2022, 20MA03517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Purfer a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Mougins a refusé de lui délivrer une dérogation à la réglementation municipale relative à la circulation des véhicules d'un poids total autorisé en charge (PTAC) supérieur à 19 tonnes.

Par un jugement n° 1802536 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision contestée et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cou

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Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, la commune de Mougins, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Purfer a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Mougins a refusé de lui délivrer une dérogation à la réglementation municipale relative à la circulation des véhicules d'un poids total autorisé en charge (PTAC) supérieur à 19 tonnes.

Par un jugement n° 1802536 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision contestée et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, la commune de Mougins, représentée par la SELARL Neveu, Charles et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Nice ;

2°) à titre principal, de prononcer un non-lieu à statuer ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande présentée par la SAS Purfer en première instance ;

4°) de mettre à la charge de la SAS Purfer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une irrégularité en écartant une fin de non-recevoir qu'elle n'avait pas soulevée, et en ne statuant pas sur une exception de non-lieu qu'elle avait soulevée ;

- la demande de la SAS Purfer devant le tribunal administratif était privée d'objet, car elle avait obtenu antérieurement une dérogation de tonnage par un arrêté du 11 décembre 2017 ;

- elle était également privée d'objet, car elle portait sur une période révolue à la date du jugement attaqué ;

- elle était irrecevable, car la décision contestée se borne à confirmer l'arrêté municipal du 22 mai 2017 limitant le tonnage des véhicules sur les voies de la commune, devenu définitif ;

- le refus opposé à la SAS Purfer était justifié, dès lors qu'une décision implicite n'a pas à être motivée, et qu'il n'est pas disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2021, la SAS Purfer, représentée par In Extenso avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la commune de Mougins ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Mougins ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué à s'être borné à statuer sur la légalité de la décision implicite de rejet du recours gracieux, alors qu'il lui appartenait de regarder les conclusions de la SAS Purfer comme également dirigées contre l'arrêté du 11 décembre 2017 (CE, 7 mars 2018, n° 404079, au Recueil).

Un mémoire a été enregistré le 6 janvier 2022 en réponse à cette mesure d'information pour la commune de Mougins.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Miguel, représentant la commune de Mougins, et de Me Lopasso, représentant la SAS Purfer.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 mai 2017, le maire de Mougins a limité le tonnage des véhicules pouvant circuler sur les voies de la commune. L'article 8 de l'arrêté interdit notamment la circulation des véhicules d'un poids total autorisé en charge (PTAC) supérieur à 19 tonnes sur le chemin des Argelas et le chemin du Font de Currault. Le maire a parallèlement instauré une possibilité de dérogation. Par un courrier du 5 décembre 2017, la SAS Purfer agissant sous l'enseigne Derichebourg, a demandé à bénéficier d'une dérogation pour la circulation de véhicules d'un PTAC de 44 tonnes sur les deux chemins en question du 1er janvier au 31 décembre 2018. Par un arrêté du 11 décembre 2017, le maire de Mougins lui a accordé une dérogation portant sur quatre allers-retours journaliers de véhicules d'un PTAC maximum de 33 tonnes, pour la période comprise entre le 2 janvier et le 30 juin 2018. Le recours contre cet arrêté a été rejeté par un jugement n°1802536 du tribunal de Nice en date du 17 juillet 2020. Cependant, par un courrier du 9 février 2018, la SAS Purfer a également formé un recours gracieux contre le même arrêté, en tant qu'il ne faisait pas entièrement droit à sa demande initiale. Ce recours gracieux a été implicitement rejeté. La commune de Mougins fait appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision implicite.

Sur l'étendue des conclusions et l'office du juge :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. En annulant la décision implicite née du silence conservé par le maire sur la demande de la SAS Purfer du 9 février 2018, qui constituait en réalité un recours gracieux, alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, il appartenait au tribunal d'interpréter les conclusions qui lui avaient été soumises dans le délai de recours contentieux comme étant aussi dirigées contre l'arrêté du 11 décembre 2017 en tant qu'il ne faisait pas entièrement droit à la demande initiale de la SAS Purfer, le tribunal administratif a méconnu son office.

4. Il convient d'annuler le jugement attaqué du fait de cette irrégularité et de statuer immédiatement sur le litige par la voie de l'évocation.

Sur les questions préalables :

5. En premier lieu, l'arrêté du 11 décembre 2017 n'a pas fait entièrement droit à la demande de la SAS Purfer, ainsi qu'il a été dit au point 1. Les conclusions de cette dernière doivent être également regardées comme dirigées contre celui-ci en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à cette demande, ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3. Cet arrêté est l'objet même du litige. Il n'a donc pu lui faire perdre son objet. En outre, la demande de la SAS Purfer devant le tribunal administratif de Nice, en raison de l'interruption du délai de recours contentieux par le recours gracieux, n'était pas tardive. L'arrêté du 11 décembre 2017 n'est donc pas devenu définitif, alors même que par un jugement distinct qui n'a pas fait l'objet d'un appel, le tribunal administratif a écarté les moyens de légalité externe dirigés à son encontre.

6. En deuxième lieu, l'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande de dérogation présentée par la SAS Purfer, réside, sauf dans le cas où celle-ci entendrait régulariser sa situation pour le passé, dans l'obligation pour les autorités compétentes de prendre cette mesure, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il reste possible pour le maire de Mougins d'accorder la dérogation demandée par la SAS Purfer. Le litige conserve donc son objet.

7. En troisième lieu, les décisions contestées, qui portent sur le refus d'une dérogation individuelle à l'arrêté municipal du 22 mai 2017, n'ont pas le même objet que ce dernier, et n'ont dès lors pas le caractère de décisions confirmatives au regard de celui-ci.

Sur le fond :

8. Le premier alinéa de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. " L'article R. 141-3 du code de la voirie routière prévoit en outre que : " Le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art. "

9. L'arrêté du 22 mai 2017, pris par le maire de Mougins sur le fondement de ces dispositions, revêt un caractère réglementaire. Par suite, il est possible d'en invoquer l'illégalité par la voie de l'exception à tout moment, contrairement à ce que soutient la commune.

10. La SAS Purfer exploite un centre de collecte et de recyclage de ferrailles et de métaux ferreux desservi par le chemin des Argelas et le chemin du Font de Currault. Les interdictions énoncées par l'arrêté du 22 mai 2017 sont fondées sur un risque général de mouvements de terrains sur le territoire de la commune, mais il n'est pas établi, ni même allégué, que ce risque affecte les deux chemins en question. La commune invoque également la " fluidité de la circulation " et la " sécurité des usagers ". Le bien-fondé de ces deux motifs n'est pas davantage établi par des éléments circonstanciés. Il suit de là que l'article 8 de l'arrêté du 22 mai 2017, en tant qu'il interdit la circulation des véhicules d'un PTAC supérieur à 19 tonnes sur le chemin des Argelas et le chemin du Font de Currault, et l'arrêté du 11 décembre 2017, en tant qu'il se borne à autoriser quatre allers-retours journaliers de véhicules d'un PTAC maximum de 33 tonnes pour la période comprise entre le 2 janvier et le 30 juin 2018, portent une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie de la SAS Purfer.

11. La SAS Purfer est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêté municipal du 11 décembre 2017 en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à sa demande initiale, et, par voie de conséquence, de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

12. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la SAS Purfer en première instance.

Sur l'injonction :

13. En l'absence de changement des circonstances de droit et de fait, l'annulation prononcée implique nécessairement, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le maire de Mougins délivre à la SAS Purfer une dérogation permettant la circulation de véhicules d'un PTAC de 44 tonnes sur le chemin des Argelas et le chemin du Font de Currault pour une durée d'un an, et dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Mougins, partie perdante, le versement de la somme de 2 000 euros à la SAS Purfer au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Mougins sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 11 décembre 2017, en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à la demande initiale de la SAS Purfer, et la décision implicite de rejet de son recours gracieux sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Mougins de délivrer à la SAS Purfer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une dérogation permettant la circulation de véhicules d'un PTAC de 44 tonnes sur le chemin des Argelas et le chemin du Font de Currault pour une durée d'un an.

Article 4 : La commune de Mougins versera la somme de 2 000 euros à la SAS Purfer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mougins et à la SAS Purfer.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.

2

No 20MA03517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03517
Date de la décision : 24/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-01 Police. - Police générale. - Circulation et stationnement. - Réglementation de la circulation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL NEVEU, CHARLES et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-24;20ma03517 ?
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