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19/02/2021 | FRANCE | N°20MA02999

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 19 février 2021, 20MA02999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Bouches-du-Rhône du 16 juin 2017 refusant d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire, d'autre part, autorisé ce licenciement.

Par un jugement n° 1800438 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant l

a Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. B..., représenté par Me A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 novembre 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision de l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Bouches-du-Rhône du 16 juin 2017 refusant d'autoriser son licenciement pour motif disciplinaire, d'autre part, autorisé ce licenciement.

Par un jugement n° 1800438 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2017 de la ministre du travail ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage route Méditerranée la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le délai de 10 jours fixé par l'article R. 2421-14 du code du travail pour saisir le comité d'établissement à partir de la date de sa mise à pied conservatoire n'a pas été respecté ;

- les membres du comité d'établissement n'ont pas été correctement informés ;

- la matérialité des faits prétendument fautifs n'est pas établie ;

- à supposer cette matérialité avérée, ces faits ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- son licenciement est en lien avec ses mandats.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, la société Eiffage route Méditerranée, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant M. B..., et de Me C..., substituant le cabinet Fructus et associés représentant la société Eiffage route Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté en qualité de conducteur d'engins au sein de la société Eiffage route Méditerranée le 20 septembre 1999. Il était détenteur des mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'établissement. Saisie par la société Eiffage route Méditerranée d'une demande d'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire, l'inspectrice du travail a, par une décision du 16 juin 2017, refusé de délivrer cette autorisation. Sur recours hiérarchique formé par la société, la ministre du travail a, par décision du 17 novembre 2017, d'une part, annulé la décision du 16 juin 2017 de l'inspectrice du travail, d'autre part, autorisé le licenciement de M. B.... Celui-ci relève appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 novembre 2017 de la ministre du travail.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision contestée, qui annule la décision de l'inspectrice du travail qui était créatrice de droit pour M. B..., mentionne les articles du code du travail correspondant à sa situation, les faits qui lui sont reprochés, l'appréciation qu'a portée la ministre sur ces faits en estimant qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, enfin les mandats dont était détenteur l'intéressé et l'absence de lien entre ces mandats et la mesure de licenciement dont il a été l'objet. Ainsi cette décision, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments dont a tenu compte la ministre pour statuer sur le recours hiérarchique formé devant elle par la société Eiffage route Méditerranée, notamment les pièces produites par M. B... dans le cadre de l'enquête contradictoire menée par l'inspectrice du travail qui, selon lui, justifieraient qu'il n'a pu commettre ces faits, est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. En tout état de cause, si M. B... soutient que faute de mentionner ces éléments, la décision en litige ne permet pas de s'assurer que la ministre, pour apprécier la situation, a bien pris en compte l'ensemble des pièces et arguments qu'il a produits, il ressort des pièces du dossier que les éléments médicaux dont il se prévaut ont été analysés dans le cadre de la contre-enquête menée par la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur lors de l'instruction du recours hiérarchique.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. (...) ".

5. Les délais, fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.

6. En l'espèce, il est constant qu'alors que M. B... a été mis à pied le 10 avril 2017, la consultation du comité d'entreprise a eu lieu vingt-neuf jours plus tard, le 9 mai 2017. Si le délai qui s'est écoulé entre ces deux dates est supérieur à celui fixé par l'article R. 2421-14 du code du travail précité, il ressort des pièces du dossier que l'employeur a justifié ce délai par la circonstance selon laquelle étaient prévues, au cours de cette période, les élections professionnelles devant conduire au renouvellement des instances représentatives du personnel, le premier tour de scrutin étant prévu le 14 avril 2017, soit quatre jours seulement après la tenue de l'entretien préalable au licenciement et la notification à l'intéressé de sa mise à pied, le second tour devant avoir lieu le 29 avril 2017. L'employeur a ainsi entendu attendre la fin des opérations électorales, puis l'échéance du délai de recours contre le scrutin, soit les quinze jours prévus à l'article R. 2314-28 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, enfin la nomination d'un nouveau secrétaire du comité d'entreprise, avant de saisir cette instance dans sa nouvelle composition. Surtout, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de ces délais, l'employeur a rétabli la rémunération de M. B... dès le 24 avril 2017, soit quatorze jours après sa mise à pied. Si l'intéressé soutient que la société Eiffage route Méditerranée n'établit pas ce rétablissement, il ne conteste pas l'affirmation de la ministre, dans son mémoire en défense, selon laquelle il en est lui-même convenu lors de la contre-enquête, et il ne produit d'ailleurs aucun élément de nature à accréditer son allégation. La gravité des conséquences de la mesure de mise à pied ayant ainsi été atténuée, la ministre du travail a pu valablement estimer que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le dépassement du délai fixé par l'article R. 2421-14 n'était pas excessif et n'a pas affecté la régularité de la procédure suivie par l'employeur.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 24213 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Le licenciement envisagé par l'employeur (...) d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-4 du même code : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations ".

8. Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

9. Si M. B... soutient que la note d'information présentée par l'employeur aux membres du comité d'entreprise était partiale dès lors qu'elle relatait les faits tels que les ont présentés le chef d'équipe et le chef de chantier sans tenir compte de sa propre version et qu'ils ne se sont pas vu remettre certaines pièces, il ressort des mentions du procès-verbal de la séance du 9 mai 2017 au cours de laquelle le projet de licenciement de l'intéressé a été soumis à l'instance pour avis qu'il a lui-même pu exposer sa version des faits et que les membres élus ont pu échanger sur ces faits. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le comité ne se serait pas prononcé en toute connaissance de cause sur les griefs invoqués par l'employeur ni que, s'ils avaient été destinataires d'informations supplémentaires de la part de celui-ci, les membres de ce comité auraient rendu un avis différent de l'avis défavorable qu'ils ont émis sur le projet de licenciement. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le comité a pu se prononcer dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. La procédure de consultation du comité d'entreprise a ainsi été régulière.

10. En dernier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la matérialité des faits fautifs ne serait pas établie et celui selon lequel les faits reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges. De même, le moyen tiré de ce que le licenciement est en lien avec les mandats détenus par M. B... doit être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Eiffage route Méditerranée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la société Eiffage route Méditerranée, au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Eiffage route Méditerranée présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la société Eiffage route Méditerranée et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 5 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.

2

N° 20MA02999

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02999
Date de la décision : 19/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : PANAIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-19;20ma02999 ?
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