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05/02/2021 | FRANCE | N°20MA00424

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 février 2021, 20MA00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui renouveler son titre de séjour à l'occasion d'une demande de changement de statut, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902527 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2020 et le 30 novembre 2020, M. C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui renouveler son titre de séjour à l'occasion d'une demande de changement de statut, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902527 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2020 et le 30 novembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un certificat de résidence, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, le tribunal administratif s'étant abstenu de répondre au moyen tiré de ce que le préfet s'était fondé sur des circonstances de fait matériellement inexactes pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour " salarié " ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur de droit, le préfet ayant examiné sa demande au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non pas des stipulations pertinentes de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié seules applicables à sa situation ;

- le refus de séjour est fondé sur des circonstances de fait matériellement inexactes car contrairement à ce qu'a retenu le préfet il exerçait encore une activité salariée à la date de l'arrêté en litige ;

- au regard tant de la réalité que de l'ancienneté du poste de travail occupé, le refus qui lui a été opposé méconnaît les stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien ;

- le préfet a omis d'examiner sa demande sur le fondement de l'article 5 de cet accord relatif à l'exercice d'une activité à titre indépendant ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 10 juillet 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de M. C... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me E..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 22 juin1982, est entré régulièrement en France le 13 mars 2012 sous couvert d'un visa de court séjour. A la suite de son mariage le 30 août 2014 avec une ressortissante française, il a obtenu un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 11 juin 2015 au 10 juin 2016. Après s'être séparé de son épouse, il a sollicité le 13 mai 2016 un changement de statut afin d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Le préfet des Alpes-Maritimes lui a délivré une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler qui a été renouvelée à plusieurs reprises et en dernier lieu le 22 mars 2019, jusqu'au 21 juin 2019. Par un arrêté du 26 avril 2019, le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 30 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif :

2. Devant le tribunal administratif de Nice, M. C... a invoqué l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au motif qu'elle reposait sur un motif matériellement inexact dans la mesure où, à la date de l'arrêté en litige, il justifiait être titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée d'agent de sécurité en cours de validité, contrairement au motif de refus qui lui avait été opposé, qui était fondé sur la circonstance qu'il était titulaire d'un contrat à durée déterminée qui avait pris fin en octobre 2018. Le tribunal administratif de Nice, en ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant, a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nice.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes :

4. D'une part, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". En prévoyant l'apposition de la mention " salarié " sur le certificat de résidence délivré aux ressortissants algériens, les auteurs de l'accord, qui ont précisé que cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française, ont habilité les services compétents à opérer sur l'exercice d'une activité salariée par ces ressortissants un contrôle de la nature de celui que prévoit l'article R. 5221-20 du code du travail.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) " . L'article R. 5221-14 du même code prévoit que : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 (...) l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ". Aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code: " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui était titulaire d'un certificat de résidence en qualité de conjoint de ressortissant français, a déposé le 13 mai 2016 une demande de délivrance de titre de séjour et de changement de statut en vue d'exercer une activité salariée, ainsi que le mentionne d'ailleurs l'arrêté en litige. Après avoir relevé dans cet arrêté, qu'en l'absence de vie commune et compte-tenu du divorce entre les époux prononcé le 8 mars 2018 l'intéressé ne pouvait plus prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français prévu par le 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni à la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale prévu par le 5° du même article, le préfet des Alpes- Maritimes a rejeté la demande de changement de statut qui lui était soumise en se fondant sur la circonstance que M. C... avait présenté des contrats de travail à durée déterminée pour des postes d'agent de sécurité, dont le dernier avait pris fin en octobre 2018 et qu'il n'avait pas apporté d'éléments complémentaires pour étayer sa demande.

7. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 2 octobre 2017 avec la société Potentialis pour assurer les fonctions d'agent de sécurité pour une durée hebdomadaire de travail fixée à 25 heures. Par un avenant à ce contrat établi le 1er février 2019 et en cours de validité à la date de l'arrêté contesté sa durée de travail avait été portée de 100 heures à 151,67 heures mensuelles, les autres stipulations du contrat demeurant inchangées. L'exercice effectif de cette activité est au demeurant corroboré par les bulletins de salaires des mois de février et mars 2019 versés au dossier. Il s'ensuit que le refus de changement de statut opposé à M. C... par le préfet des Alpes-Maritimes repose sur un motif matériellement inexact et est, par conséquent, entaché d'illégalité.

8. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, M. C... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 26 avril 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui annule pour excès de pouvoir l'arrêté rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. C... et lui faisant obligation de quitter le territoire français n'implique pas nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'intéressé. En revanche, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, mais aussi de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Par suite, il y a lieu de prescrire au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de la décision à intervenir, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1902527 du 30 décembre 2019 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 26 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de changement de statut de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de la décision à intervenir une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.

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N° 20MA00424

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00424
Date de la décision : 05/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour.

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-05;20ma00424 ?
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