Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... F... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le groupe hospitalier du Sud de l'Oise (GHPSO) à leur verser la somme globale de 70 057,70 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à l'occasion de la prise en charge de l'accouchement de Mme D... le 23 octobre 2015.
Par un jugement n° 1801160 du 11 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2020, M. F... et Mme D..., en qualité d'administrateurs légaux de leur enfant A... et à titre personnel pour Mme D..., représentés par Me Jean-Luc Lubrano-Lavadera, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le GHPSO à leur verser une provision de 36 570 euros au titre des préjudices subis par A... ;
3°) de condamner le GHPSO à leur verser, chacun, la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
4°) de condamner le GHPSO à verser à Mme D... une somme de 17 590 euros au titre de son préjudice économique ;
5°) de mettre à la charge du GHPSO une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité du GHPSO est engagée faute pour le sage-femme d'avoir attendu l'arrivée de l'obstétricien de garde lorsqu'il a constaté la dystocie des épaules et pour avoir pratiqué seul une manœuvre d'extraction fœtale non adaptée à la situation ;
- cette faute est à l'origine d'une perte de chance d'échapper à la lésion du plexus brachial qu'il convient d'évaluer à 50 % ;
- l'indemnisation provisionnelle de l'enfant au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être fixée à la somme de 10 000 euros, à 20 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et à 6 750 euros au titre du besoin d'assistance par une tierce personne ;
- le préjudice économique de Mme D... doit être fixé à la somme de 7 590 euros ;
- le préjudice moral de M. F... et Mme D... doit être fixé à la somme de 10 000 euros chacun.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, le groupe hospitalier du Sud de l'Oise (GHPSO), représenté par Me Didier Le Prado, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, aucune faute ne peut lui être reprochée et, en tout état de cause, aucune perte de chance ne peut être retenue car le lien de causalité entre la faute commise lors de l'extraction de l'enfant et la lésion du plexus brachial n'est pas démontré ;
- à titre subsidiaire, le préjudice allégué doit être ramené à de plus justes proportions.
La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise qui n'a pas présenté de mémoire.
Par une ordonnance du 27 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Hubert Demailly, représentant le GHPSO.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D..., alors âgée de vingt-sept ans, a donné naissance le 23 octobre 2015 à un fils prénommé A..., né par voie basse spontanée et pesant 4,005 kg, au groupe hospitalier du sud de l'Oise (GHPSO). L'enfant, qui présentait une dystocie des épaules à l'accouchement, souffre d'une lésion du plexus brachial ayant entraîné une paralysie du bras droit. M. F... et Mme D... relèvent appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation du GHPSO à les indemniser des conséquences dommageables qu'ils estiment avoir subies à l'occasion de la prise en charge de l'accouchement de Mme D....
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne l'existence d'une faute :
2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise médicale du 28 novembre 2016 que le sage-femme a demandé à l'aide-soignante, présente avec lui en salle d'accouchement, d'aller prévenir par téléphone l'obstétricien de garde lors de la découverte de la dystocie des épaules. Toutefois, sans attendre le retour de l'aide-soignante et l'arrivée de l'obstétricien de garde, le sage-femme a décidé de pratiquer l'accouchement par une manœuvre de deuxième intention pour ne pas accentuer les risques d'asphyxie périnatale de l'enfant et l'obstétricien est arrivé après l'extraction qui n'a duré que onze minutes. Il résulte de l'instruction que la manœuvre dite de " Mac Roberts ", qui était déjà celle recommandée en première intention par le collège national des gynécologues obstétriciens français à la date de l'accouchement, si elle se pratique généralement à trois personnes, aurait pu, le cas échéant, être pratiquée par le sage-femme avec la seule aide-soignante présente en salle d'accouchement ou encore le sage femme aurait pu demander de l'aide à des collègues se trouvant à proximité immédiate et que, faute de savoir la réaliser, le sage-femme a pratiqué seul une manœuvre de deuxième intention plus délicate, qualifiée de manœuvre de " Lettelier ". La circonstance que le sage-femme ne savait pas pratiquer la manœuvre de première intention dite de " Mac Roberts " constitue, dans les circonstances de l'espèce, une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.
En ce qui concerne le lien de causalité entre la faute et la lésion du plexus brachial :
4. Il résulte du dire du docteur C... du 29 mars 2017 et du rapport critique du professeur G... du 18 février 2018 que s'il est recommandé de pratiquer en première intention la manœuvre de " Mac Roberts " par sa simplicité, la généralisation de cette méthode n'a pas fait diminuer le nombre de traumatismes du plexus brachial en cas de dystocie des épaules et la gravité des lésions du nouveau-né n'est pas nécessairement liée à la réalisation d'une manœuvre de deuxième intention. En l'espèce, la manœuvre de deuxième intention pratiquée par le sage-femme a eu pour effet de faire sortir l'enfant rapidement en onze minutes, en évitant les risques d'asphyxie périnatale et aucun élément ne permet de conclure que cette manœuvre de deuxième intention a été mal réalisée. Dès lors, M. F... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que cette manœuvre de deuxième intention a aggravé le risque de lésion du plexus brachial de l'enfant et lui a fait perdre une chance de l'éviter. Il suit de là qu'en l'absence de lien de causalité entre la faute ayant consisté à ne pas avoir réalisé en première intention la manœuvre dite de " Mac Roberts " et l'aggravation du risque de lésion du plexus brachial dont l'enfant A... a été atteint, il n'y a pas lieu d'engager la responsabilité du GHPSO.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur requête.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit à ce titre mise à la charge du GHPSO, qui n'est pas la partie perdante à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... F... et Mme B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., Mme B... D... et au groupe hospitalier du sud de l'Oise.
Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°20DA01165