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19/05/2022 | FRANCE | N°20DA00522

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 mai 2022, 20DA00522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Universal Auto a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée, au titre de la même période, en application de l'article 1788 A du code général des impôts, enfin, de déc

larer le jugement à intervenir commun à Me Guillaume Randoux, liquidateur désigné par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Universal Auto a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, d'autre part, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée, au titre de la même période, en application de l'article 1788 A du code général des impôts, enfin, de déclarer le jugement à intervenir commun à Me Guillaume Randoux, liquidateur désigné par un jugement du 16 décembre 2016 du tribunal de commerce de Saint-Quentin.

Par un jugement n° 1703386 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mars 2020 et le 16 octobre 2020, la SARL Universal Auto, ainsi que Me Randoux, agissant en tant que liquidateur judiciaire de cette société, représentés en dernier lieu par Me Mangel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende en litige.

Elle soutient que :

- l'administration a retenu à tort que la SARL Universal Auto se serait comportée, au cours de la période vérifiée, comme un intermédiaire opaque exerçant une activité de négoce et redevable, à ce titre, de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité du prix payé par les clients, alors qu'elle a agi, en réalité, en tant qu'intermédiaire transparent ou encore comme courtier, et qu'elle était, dès lors, fondée à facturer la seule taxe sur la valeur ajoutée grevant les commissions versées par ces clients en rémunération de son entremise ; elle n'a, en effet, jamais acquis la propriété des véhicules, qu'elle n'était d'ailleurs pas en mesure de stocker dans ses locaux ; en outre, aucun des mandats que cette société a signés avec les acheteurs de ces véhicules, qui sont des particuliers, ne l'a désignée comme le vendeur, tandis que les factures d'achat émises au nom de chacun de ces acheteurs mentionnent, en tant que vendeur, le fournisseur de chacun des véhicules, qui n'est pas systématiquement une entreprise allemande, une facture distincte mentionnant la commission versée à cette société ayant été émise par cette dernière pour chaque véhicule ; dans ces conditions, les seules circonstances que ces mandats comportent des détails précis sur les caractéristiques et l'origine des véhicules achetés, ainsi que le prix global demandé au client, incluant le prix d'achat du véhicule et la commission de la SARL Universal Auto, et que certains de ces documents ont été émis plusieurs jours après la date de la prise de commande ne peuvent suffire à permettre de les regarder comme constituant des bons de commande, en méconnaissance de la réalité de la relation contractuelle entre la SARL Universal Auto et les clients, ses mandants, sans qu'ait d'incidence le fait que cette société se soit chargée de la livraison des véhicules et de l'encaissement des prix de vente ;

- l'administration a remis en cause à tort la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses de restauration exposées pour inviter des clients, à des fins de prospection commerciale ;

- eu égard à ses conditions d'exploitation, telles qu'elles ont été exposées, l'amende qui a été infligée à la SARL Universal Auto sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts n'est pas fondée ;

- par voie de conséquence, ils sont fondés à demander la décharge des intérêts de retard ;

- l'administration, qui n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que la SARL Universal Auto aurait eu l'intention d'éluder l'impôt, n'était pas fondée à assortir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, alors que cette société n'a pas intentionnellement omis de déclarer un chiffre d'affaires, correspondant à la vente des véhicules, qu'en réalité elle ne réalisait pas ; elle a d'ailleurs été confortée dans sa pratique par le fait qu'un précédent contrôle n'avait pas conduit l'administration à remettre cette pratique en cause, ni à lui notifier des rectifications ; la SARL Universal Auto ne pouvait davantage avoir connaissance, faute de disposer des moyens d'investigation de l'administration, de ce que certains de ses fournisseurs établis à l'étranger avaient adopté un mode de fonctionnement illicite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le service vérificateur a réuni des indices concordants qui suffisent à établir que la SARL Universal Auto agissait, au cours de la période vérifiée, en tant que mandataire opaque, dès lors qu'elle prenait en charge la totalité du circuit de vente, sans aucun concours de ses fournisseurs, dont la seule mission était d'établir des factures à destination des clients ; ainsi, cette société recourait systématiquement à des fournisseurs français et étrangers appliquant à tort le régime de revente sur la marge et n'intervenant pas dans le processus commercial ; en outre, les documents présentés comme des mandats de recherche conclus entre la SARL Universal Auto et les clients correspondent, en réalité, à des bons de commande de véhicules identifiés ou à des promesses de vente, dès lors, d'une part, que les véhicules y sont précisément désignés et que leurs prix sont fixés, d'autre part, qu'aucun taux ou montant des commissions de mandataire n'y est indiqué ; à cet égard, il ne peut être allégué qu'un mandat de recherche puisse être régulièrement établi après que le choix du véhicule ait été arrêté entre les parties et que celles-ci se soient définitivement accordées sur la chose et sur le prix ; le service vérificateur n'a d'ailleurs pas trouvé trace d'échanges entre la SARL Universal Auto et ses fournisseurs concernant la recherche de véhicules selon les souhaits exprimés par les clients ; au contraire, les éléments d'information recueillis par le service l'ont conduit à constater que certains véhicules étaient identifiés avant même la rédaction du " mandat ", que la plupart des clients ne disposaient pas de la facture de la SARL Universal Auto et que cette dernière encaissait la totalité du prix, le cas échéant, sous déduction des acomptes versés, au moment de la remise du véhicule ; il est également apparu que la SARL Universal Auto agissait comme un concessionnaire automobile, dès lors qu'elle prenait en charge la première révision obligatoire du véhicule ainsi que les différentes réparations nécessaires en cas de problème lors de la livraison et qu'elle indiquait à certains des clients que le véhicule recherché par eux était visible dans ses locaux ; le fait que la SARL Universal Auto n'était pas propriétaire des véhicules est sans incidence sur la qualification susceptible de lui être attribuée pour l'application de la loi fiscale ; l'administration a, au demeurant, été amenée à constater que la SARL Universal Auto avait participé, au cours de la période vérifiée, à un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle savait que les opérations auxquelles elle s'est livrée présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses clients et que ses prétendus fournisseurs, établis en France, en Espagne, en République tchèque ou au Portugal, avec lesquels elle n'entretenait aucune relation d'affaires réelle, émettaient des factures abusivement placées dans le cadre du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, alors qu'ils étaient dépourvus de réels moyens d'exploitation et avaient une durée de vie éphémère, tandis que la SARL Universal Auto gérait entièrement le transport de ces véhicules depuis l'Allemagne ;

- le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des facturettes de restaurants sur lesquelles n'étaient pas mentionnés le nom des convives ; au cours des opérations de contrôle, le gérant de la SARL Universal Auto a indiqué au service vérificateur que ces dépenses correspondaient à des repas pris avec son épouse ainsi qu'à des dépenses d'achats de bouteilles de whisky ; en se bornant à alléguer que ces dépenses avaient été exposées pour inviter des clients potentiels dans le cadre de la prospection commerciale, la SARL Universal Auto n'établit pas que ces dépenses auraient été engagées pour les besoins de son activité économique ;

- la SARL Universal Auto, qui n'a pas mentionné les acquisitions intracommunautaires taxables à son nom sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déposées au titre de la période vérifiée, s'est vu infliger à bon droit l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts ;

- la SARL Universal Auto, qui a minoré, en toute connaissance de cause, la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les opérations auxquelles elle s'est livrée au cours de la période vérifiée, en n'y faisant mention que de la taxe collectée sur ses commissions, alors qu'elle ne pouvait ignorer s'être comportée comme un acheteur-revendeur, lesquels agissements s'inscrivaient, au demeurant, dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, a ainsi manifesté l'intention délibérée, qui a été la sienne, d'éluder l'impôt ; les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ont, dans ces conditions, été assortis à bon droit de la majoration de 40 % prévue, en cas manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts ; la circonstance qu'un précédent contrôle n'a donné lieu à aucune rectification ne peut être assimilée à une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait, opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Universal Auto, dont le siège est situé à (Aisne), a pour objet social, notamment, l'acquisition d'un fonds de commerce de mandataire automobile, importation et vente de véhicules toutes marques ou de locations de véhicules. Estimant agir, dans le cadre des opérations de négoce intracommunautaire de véhicules d'occasion auxquelles elle se livrait, en tant qu'intermédiaire transparent, la SARL Universal Auto n'a collecté la taxe sur la valeur ajoutée y afférente que sur la part du prix de vente présentée par elle comme correspondant à une commission de mandataire. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, les rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée envisagés par l'administration, qui a considéré que la SARL Universal Auto avait, en réalité, agi comme un intermédiaire opaque, ont été portés à la connaissance de cette société par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 15 décembre 2015. Ce même document informait, en outre, la SARL Universal Auto qu'elle encourait l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts pour n'avoir pas déclaré des acquisitions intracommunautaires taxables. La SARL Universal Auto a présenté des observations qui n'ont pas conduit l'administration à revoir son appréciation. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rehaussements notifiés, de même que l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts, ont, en conséquence, été mis en recouvrement, respectivement, les 17 et 31 octobre 2016 à hauteur des sommes de 2 253 056 euros en droits, pénalités et intérêts de retard, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et de 89 668 euros, s'agissant de l'amende. Ses réclamations ayant été rejetées, la SARL Universal Auto a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée, au titre de la même période, en application de l'article 1788 A du code général des impôts, enfin, de déclarer le jugement à intervenir commun à Me Randoux, liquidateur désigné par un jugement du 16 décembre 2016 du tribunal de commerce de Saint-Quentin. La SARL Universal Auto, ainsi que Me Randoux, agissant en tant que liquidateur judiciaire de cette société, relèvent appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

En ce qui concerne la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) / V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés ". Aux termes de l'article 256 bis de ce code, dans sa rédaction applicable : " (...) / III. Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien. ". Enfin, aux termes de l'article 266 du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. La base d'imposition est constituée : / (...) / b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / - Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis ; / (...) ".

3. Pour remettre en cause les déclarations de chiffre d'affaires souscrites par la SARL Universal Auto, en ce qu'elles faisaient seulement mention de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les commissions perçues de ses clients et non sur l'intégralité du prix payé par ces derniers pour l'acquisition des véhicules qui leur ont été livrés, l'administration a estimé que cette société ne s'était pas comportée, dans le cadre de la réalisation de ces opérations, comme un intermédiaire transparent, identifié comme intervenant dans la transaction pour le compte de l'acheteur du véhicule, son mandant, mais comme un intermédiaire opaque, qui, en réalité, réalise, tout en se présentant à son client comme un simple mandataire, lui-même la vente pour son compte à l'instar d'un assujetti-revendeur. Pour aboutir à cette conclusion, le service vérificateur s'est fondé sur un faisceau d'indices recueillis, d'une part, au cours du contrôle, d'autre part, lors d'opérations de visite et de saisie effectuées sur place, enfin, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de clients. Le service a ainsi pu constater que certains des mandats de recherche signés par les clients avaient été conclus avec la SARL Universal Auto à une date postérieure à la commande des véhicules sur lesquels ils portaient et qu'ils décrivaient avec une grande précision les caractéristiques, ainsi que l'origine et le prix de chacun de ces véhicules, sans toutefois mentionner aucun montant ni aucun taux de commission, de sorte qu'ils devaient, en réalité, être regardés comme ayant la nature de bons de commande, ou de promesses de vente, portant chacun sur un véhicule précisément identifié, déjà agréé par le client et disponible.

4. Si la SARL Universal Auto et Me Randoux contestent la pertinence de cet indice, en soutenant que la conclusion par cette société, avec ses clients, de mandats de recherche une fois les véhicules trouvés et identifiés, correspondait à sa pratique habituelle, ils ne contestent pas que le service vérificateur n'a pu identifier, dans aucune des pièces portées à sa connaissance, la moindre démarche de recherches auprès des entreprises, établies en France, en République tchèque, en Espagne et au Portugal, qui ont délivré des factures de vente, placées sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, aux clients et que la SARL Universal Auto a désignées comme ses fournisseurs. En outre, les appelants ne contestent pas davantage que, selon les éléments d'information communiqués au service vérificateur, ces prétendus fournisseurs, avec lequel elle n'a pu justifier d'aucune relation d'affaires, ne disposaient, en réalité, d'aucun moyen propre d'exploitation, ni ne prenaient aucunement en charge les véhicules vendus, lesquels étaient directement livrés en France depuis l'Allemagne par les soins de la SARL Universal Auto, qui en assurait le transport. Par ailleurs, il n'est pas davantage contesté par la SARL Universal Auto et Me Randoux que la plupart des clients qui ont répondu à la demande du service vérificateur n'ont pas été à même de communiquer une facture correspondant aux commissions dues à cette société et que celle-ci percevait l'intégralité du prix payé par les clients pour l'achat des véhicules. Enfin, il est constant que la SARL Universal Auto agissait, à l'égard de ses clients, comme un concessionnaire automobile, en leur proposant de réaliser la première révision des véhicules ou encore en remédiant aux dommages que certains des véhicules livrés avaient pu subir au cours des opérations de transport et qu'elle avait pu proposer à certains clients indécis de venir voir des véhicules dans ses locaux. Les appelants n'apportent, à cet égard, aucun élément probant au soutien de leurs allégations selon lesquelles ces locaux n'étaient à même de stocker aucun véhicule, les seules photographies produites ne pouvant suffire à constituer une telle preuve.

5. Eu égard aux indices concordants ainsi avancés par le ministre, exposés aux points 3 et 4 et non sérieusement contestés, l'administration était fondée, sans qu'ait d'incidence le fait que la SARL Universal Auto n'était pas propriétaire des véhicules vendus, à estimer que cette société avait à tort placé les opérations auxquelles elle s'était livrée au cours de la période vérifiée sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en se présentant comme un intermédiaire transparent, et à retenir que cette entreprise avait, en réalité, agi comme un intermédiaire opaque répondant aux dispositions précitées du V de l'article 256 du code général des impôts et du III de l'article 256 bis de ce code, de sorte qu'elle était redevable, à l'instar d'un assujetti-revendeur, de la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant total de chaque transaction, conformément aux dispositions précitées du b. du 1. de l'article 266 du même code.

En ce qui concerne la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des dépenses de restauration :

6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ".

7. L'administration a remis en cause la déduction, par la SARL Universal Auto, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des dépenses de restauration et d'achat de bouteilles de whisky exposées par le gérant de cette société et par l'épouse de celui-ci, au motif que, la société ayant produit, pour tout justificatif, des facturettes non nominatives et n'ayant pas communiqué le nom des convives ou des bénéficiaires de ces achats, il n'était pas établi que ces dépenses avaient été exposées pour les besoins de l'activité économique de l'entreprise, de sorte que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé celles-ci ne pouvait être admise en déduction, conformément aux dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts. Si la SARL Universal Auto et Me Randoux soutiennent que ces dépenses se rapportent pour l'essentiel à des repas intervenus dans le cadre d'actions commerciales, avec des clients potentiels, ils n'apportent aucun élément probant au soutien de ces assertions. Dans ces conditions, la SARL Universal Auto et Me Randoux ne sont pas fondés à soutenir que ces déductions auraient été remises en cause à tort par l'administration.

Sur les pénalités et l'intérêt de retard :

8. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

9. Pour justifier du bien-fondé de l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir, en se référant à la proposition de rectification adressée le 5 décembre 2015 à la SARL Universal Auto, que cette dernière a minoré, en toute connaissance de cause, sur les déclarations qu'elle a souscrites, la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les opérations auxquelles elle s'est livrée au cours de la période vérifiée, en n'y faisant mention que de la taxe collectée sur ses commissions, alors qu'elle ne pouvait ignorer s'être comportée comme un acheteur-revendeur redevable de la taxe sur l'ensemble de son chiffre d'affaires et que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne lui était pas applicable. Le ministre ajoute que la SARL Universal Auto ne pouvait davantage ignorer que le rôle des prétendus fournisseurs des véhicules se limitait à l'émission de factures et que ces agissements s'inscrivaient dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. En soutenant que, faute de disposer des moyens d'investigation de l'administration, la SARL Universal Auto ne pouvait avoir connaissance de ce que certains de ses fournisseurs établis à l'étranger avaient adopté un mode de fonctionnement illicite, les appelants ne contestent pas utilement les éléments concordants, exposés ci-avant, sur lesquels s'est fondée l'administration, alors que, pour avoir assuré elle-même le transport des véhicules, la SARL Universal Auto ne pouvait ignorer que ceux-ci provenaient systématiquement d'Allemagne et que ses prétendus fournisseurs, établis en France, en Espagne, au Portugal et en République tchèque, ne prenaient aucune part effective à l'importation de ces véhicules, dont ils n'avaient jamais la possession. Dans ces conditions, les éléments ainsi retenus par l'administration et repris par le ministre doivent être regardés comme étant de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé la SARL Universal Auto et, par suite, à justifier le bien-fondé de la majoration de 40 %, prévue par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société ont été assortis.

10. Si la SARL Universal Auto et Me Randoux font valoir qu'un précédent contrôle n'a donné lieu à aucun rehaussement en matière de taxe sur la valeur ajoutée, cette circonstance, qui ne peut être assimilée à une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard de la loi fiscale, au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, demeure, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont le service a fait application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

11. D'autre part, la SARL Universal Auto et Me Randoux ne présentent pas de moyen propre au soutien des conclusions tendant à la décharge de l'intérêt de retard dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, mais concluent seulement à cette décharge par voie de conséquence de la contestation du bien-fondé de ces rappels. Or, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que cette contestation n'est pas fondée. Il suit de là que la SARL Universal Auto et Me Randoux ne sont pas davantage fondés à demander la décharge de l'intérêt de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société ont été assortis.

Sur l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts :

12. Aux termes de l'article 1788 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) / 4. Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. / (...) ".

13. Pour justifier, comme la charge lui en incombe, du bien-fondé de l'amende infligée à la SARL Universal Auto sur le fondement de ces dispositions, le ministre fait valoir que cette société a omis de mentionner, sur les déclarations de chiffre d'affaires qu'elle a souscrites au titre de la période vérifiée, la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur l'intégralité du prix acquitté par ses clients, qu'elle a encaissé, mais qu'elle y a porté la seule taxe sur la valeur ajoutée collectée sur ses commissions, alors qu'elle ne pouvait ignorer que son activité, qui lui ouvrait un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, était similaire à celle d'un assujetti-revendeur redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'ensemble de son chiffre d'affaires. Pour contester le bien-fondé de cette amende, la SARL Universal Auto et Me Randoux ne développent aucune argumentation autre que celle avancée au soutien de sa contestation du bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et qui, comme il a été dit aux points 3 à 7, n'est pas fondée. Dès lors, la SARL Universal Auto et Me Randoux ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a infligé cette amende à cette société sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1788 A du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Universal Auto et Me Randoux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de cette société. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Universal Auto, en droits, pénalités et intérêts de retard, et de l'amende infligée à cette société sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Universal Auto et de Me Randoux, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Universal Auto, à Me Randoux, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Universal Auto, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA00522

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00522
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MANGEL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-05-19;20da00522 ?
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