Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 25 % appliquée à l'assiette des contributions sociales, en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1703493 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement de 1 793 euros prononcé, en cours d'instance, en matière de contributions sociales, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurant en litige et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020, et par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des impositions demeurant en en litige après le dégrèvement prononcé en cours d'instance et qu'il met une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de remettre à la charge de M. A... B... les suppléments d'impôt et de contributions sociales dont la décharge a été prononcée par ce jugement ;
3°) de prescrire le reversement de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif, pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige, a estimé à tort que la proposition de rectification adressée le 23 août 2016 à M. A... B... était insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en ce qu'elle ne lui permettait pas de connaître le montant et les motifs des rectifications, alors que ce document reproduisait les extraits de la proposition de rectification adressée à la SARL C... et contenait ainsi l'exposé des raisons pour lesquelles cette société était regardée comme ayant servi à l'intéressé des revenus distribués ; M. A... B... a d'ailleurs obtenu du service, à sa demande et dans le délai qui lui était imparti pour formuler des observations, la communication d'une copie intégrale de la proposition de rectification adressée à la SARL C... ; dans ces conditions, M. A... B... a été informé de tous les éléments de fait et de droit lui permettant de formuler d'utiles observations, ce qu'il a d'ailleurs fait ;
- pour les motifs développés dans les écritures produites au nom de l'Etat devant le tribunal administratif, les autres moyens soulevés en première instance par M. A... B... et dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2020, M. A... B..., représenté par la SELARL Franck Demailly, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont estimé à juste titre que la proposition de rectification qui lui a été adressée le 23 août 2016 était insuffisamment motivée au regard du principe énoncé à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; en effet, la proposition de rectification précédemment adressée à la SARL C... n'était pas jointe en annexe, ni reproduite en tous ses extraits utiles, en particulier s'agissant des montants en cause, pour lui permettre de comprendre l'origine des rehaussements appliqués à ses propres revenus imposables, ni les motifs de droit et de fait fondant ces rehaussements ; ce vice ne saurait être purgé par la communication d'un courrier ultérieurement adressé par le service à la SARL C..., comportant une copie de la proposition de rectification adressée à cette société et ne faisant aucune référence à sa propre situation fiscale ; au demeurant, aucun délai supplémentaire ne lui a été accordé, à la suite de l'envoi de ce courrier, pour présenter ses observations ;
- il n'est qu'un gérant " de paille ", qui a accepté ce mandat sans comprendre les conséquences susceptibles d'en résulter pour sa situation personnelle ; l'activité de la SARL C... est d'ailleurs étrangère à son domaine de compétence professionnelle ; dès lors, la position de l'administration, selon laquelle il aurait appréhendé des revenus distribués par cette société, procède d'une fiction juridique et fiscale et ne repose sur aucune réalité ; or, la présomption de distribution qui résulte du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts n'est opposable qu'à la société regardée comme distributrice, et non aux associés, comme le confirme la documentation administrative de base n° 4 J-1121, dans sa version à jour au 1er novembre 2015, en son paragraphe n° 15 ; dès lors, l'administration ne peut être tenue comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il aurait appréhendé de tels revenus distribués ; la qualité de maître de l'affaire, qui lui est prêtée, n'est justifiée par aucun des éléments factuels qui ont été avancés et ne suffit d'ailleurs pas à justifier les rehaussements qui lui ont été notifiés ; au titre de son mandat de gérant, il n'a été rendu destinataire que de trois chèques émis par à la SARL C..., dont deux sont postérieurs à l'année d'imposition en litige ; dès lors, si la cour regardait la proposition de rectification du 23 août 2016 comme suffisamment motivée, elle ne pourrait néanmoins que maintenir la solution de décharge adoptée par les premiers juges.
Par une communication en date du 27 avril 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que la cour prescrive la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat, par le jugement frappé d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) C..., qui a son siège dans le département du Val-d'Oise et dont M. D... A... B... est le gérant et l'un des associés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 21 mars 2014 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel la vérificatrice a écarté la comptabilité de la société comme dépourvue de caractère sincère et probant, l'administration, après avoir procédé à une reconstitution des recettes de celle-ci, a envisagé de rectifier le résultat imposable déclaré par la SARL C... au titre de l'exercice vérifié. L'administration a fait connaître à la SARL C... sa position par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 21 juillet 2016. Parallèlement, ayant estimé que M. A... B... devait être regardé comme le seul maître de l'affaire et comme étant, par suite, réputé avoir appréhendé les revenus distribués par cette société et correspondant notamment aux bénéfices non déclarés par elle au titre de l'exercice clos en 2014, l'administration a envisagé de rehausser les revenus imposables de M. A... B... au titre de l'année 2014, ce qu'elle lui a fait connaître par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 23 août 2016. Les observations présentées par M. A... B... n'ayant pas amené l'administration à reconsidérer son appréciation, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant des rehaussements notifiés à l'intéressé ont été mises en recouvrement le 30 avril 2017 pour un montant total, en droits et pénalités, de 25 123 euros.
2. Sa réclamation ayant été rejetée, M. A... B... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 25 % appliquée à l'assiette des contributions sociales, en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 5 décembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement de 1 793 euros prononcé, en cours d'instance, en matière de contributions sociales, sur les conclusions de cette demande, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurant en litige et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des impositions restant en litige après le dégrèvement prononcé en cours d'instance et qu'il met la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
4. Il ressort des termes de la proposition de rectification adressée le 23 août 2016 à M. A... B... que ce document expose, en reproduisant des extraits de la proposition de rectification précédemment adressée le 21 juillet 2016 à la SARL C..., les motifs pour lesquels le service a estimé que M. A... B... devait être regardé comme le seul maître de l'affaire et qu'en conséquence, l'administration entendait se prévaloir de la présomption de distribution résultant des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts pour en déduire que l'intéressé avait nécessairement appréhendé la part des bénéfices que cette société avait omis de porter sur la déclaration de résultat souscrite par elle au titre de l'exercice clos en 2014. La proposition de rectification adressée à M. A... B... tire de ces éléments la conclusion que ce dernier doit être personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de ce revenu distribué, soit une somme de 31 855 euros portée à 39 819 euros après application de la majoration d'assiette de 25 % prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Ces mentions de la proposition de rectification du 23 août 2016, à laquelle une copie de celle adressée à la SARL C... n'était cependant pas jointe, ne comportent toutefois aucune précision quant aux modalités suivant lesquelles la somme de 31 855 euros regardée comme distribuée par cette société entre les mains de M. A... B... a été déterminée par le service, à la suite de la reconstitution du résultat imposable de la SARL C.... Ainsi, eu égard aux termes dans lesquels elle est rédigée, la proposition de rectification adressée le 23 août 2016 à M. A... B... ne peut être regardée comme suffisamment motivée au regard de l'exigence posée, en la matière, par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
5. Pour soutenir que cette irrégularité n'a cependant privé M. A... B... d'aucune garantie de procédure, le ministre fait valoir que le service a, le 13 septembre 2016, adressé à l'intéressé, sur sa demande, une copie de la proposition de rectification adressée le 21 juillet 2016 à la SARL C..., dans une situation dans laquelle le pli comportant ce document, initialement envoyé à cette société, a été retourné au service avec une mention selon laquelle il n'a pas été réclamé par son destinataire. Or, comme l'expose le ministre, il ressort de l'examen du pli ayant contenu cette copie que celui-ci est libellé non à l'adresse du siège de la SARL C..., situé dans le département du Val-d'Oise, mais à l'adresse personnelle de M. A... B.... En outre, il n'est pas contesté que ce dernier, qui a reçu ce courrier le 19 septembre 2016, a bénéficié, à sa demande, d'une prolongation du délai qui lui était imparti pour présenter des observations sur la proposition de rectification du 23 août 2016 et qu'il a effectivement présenté des observations le 18 octobre 2016, avant l'expiration du délai supplémentaire accordé par le service. Toutefois, le fait que la communication, à M. A... B..., de ces renseignements lui a permis de formuler d'utiles observations ne saurait couvrir l'irrégularité substantielle de procédure tenant à l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification en date du 23 août 2016, qui a, par elle-même, privé le contribuable d'une garantie de procédure. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens, pour prononcer la décharge des suppléments d'impôt et de contributions sociales demeurant en litige, a estimé, à tort, que ces impositions avaient été établies à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance en matière de contributions sociales, a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt et de contributions sociales demeurant en litige. Le ministre n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif d'Amiens a mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, après avoir estimé qu'il était la partie perdante. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que la cour prescrive le reversement de la somme de 1 500 euros doivent, en tout état de cause, être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... B..., en cause d'appel, et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. D... A... B....
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°20DA00158
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N°"Numéro"