Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Flowbird a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Lille d'annuler ou, à défaut, de résilier l'accord-cadre conclu par le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle avec la société AEP Ticketing Solutions, portant sur le renouvellement de la billetique du réseau Tadao et le développement de l'interopérabilité avec le support régional " Pass-Pass ", de condamner le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle à lui verser la somme de 1 631 076,50 euros, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure d'attribution de l'accord-cadre précité à la société AEP Ticketing Solutions et de mettre à la charge du syndicat mixte des transports Artois-Gohelle une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement commun n° 1706477 et 1806191 du 14 novembre 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de la société Flowbird et l'a condamnée à verser une somme de 3 000 euros au syndicat mixte des transports Artois-Gohelle et une somme de 1 500 euros à la société AEP Ticketing Solutions, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 14 janvier, 6 avril 2020, le 2 avril et 6 mai 2021, la société Flowbird, représentée par la SCP Piwinca et Molinié, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ou, à défaut, de résilier l'accord-cadre conclu par le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle avec la société AEP Ticketing Solutions, portant sur le renouvellement de la billetique du réseau Tadao et le développement de l'interopérabilité avec le support régional " Pass-Pass " ;
3°) de condamner le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle à lui verser la somme de 1 631 076,50 euros, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de son éviction de la procédure d'attribution de l'accord-cadre portant sur le renouvellement de la billetique du réseau Tadao et le développement de l'interopérabilité avec le support régional " Pass-Pass " à la société AEP Ticketing Solutions ;
4°) de mettre à la charge du syndicat mixte des transports Artois-Gohelle une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
-l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur ;
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;
- et les observations de Me B... représentant la société Flowbird, de Me C... représentant le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle, de Me A... représentant la société AEP Ticketing Solutions.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle, dans le cadre de ses missions d'autorité organisatrice des transports a lancé un avis d'appel public à la concurrence, publié le 13 juin 2016 selon la procédure de mise en concurrence avec négociation en application des articles 25-2° et 71 à 73 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics pour l'attribution d'un accord-cadre relatif au renouvellement du système billetique du réseau de transports publics Tadao et le développement de son interopérabilité avec le support régional dit " Pass-Pass ". Par une lettre du 14 avril 2017, le syndicat mixte précité a notifié à la société Parkeon, le rejet de son offre et l'a informée de l'attribution du marché à la société AEP Ticketing Solutions. Le contrat a été conclu le 24 mai 2017 et a fait l'objet d'un avis d'attribution publié au bulletin officiel des annonces de marchés publics le 30 janvier 2017. La société Flowbird, anciennement dénommée Parkéon, a contesté la validité de ce contrat et a demandé la condamnation du syndicat mixte des transports Artois-Gohelle à lui verser la somme de 1 631 076,50 euros en réparation des préjudices résultant de son éviction. Par un jugement commun n° 1706477 et 1806191 du 14 novembre 2019 le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de la société Flowbird et l'a condamnée à verser une somme de 3 000 euros au syndicat mixte des transports Artois-Gohelle et une somme de 1 500 euros à la société AEP Ticketing Solutions, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Flowbird relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif a suffisamment motivé sa décision en constatant que la société Flowbird n'avait joint à son offre que huit curriculum vitae nominatifs de personnes qu'elle entendait mobiliser pour les besoins du marché et en jugeant que le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle avait pu, sans dénaturer l'offre de la société Flowbird, estimer que l'équipe dédiée de celle-ci à la réalisation de l'objet du marché n'était que de huit personnes.
3. La société Flowbird soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de l'offre de la société AEP Ticketing Solutions dans la mesure où le planning prévisionnel figurant dans l'annexe 3 au cahier des clauses techniques particulières prévoyait une mise en service du système au 21 décembre 2018. Il ressort toutefois du point 5 du jugement contesté que les premiers juges ont estimé que les documents de la consultation ne pouvaient être regardés comme ambigus et susceptibles d'induire en erreur un opérateur expérimenté, dès lors que le délai de dix-huit mois mentionné dans l'acte d'engagement et la période de vingt et un mois décrite dans le planning prévisionnel annexé aux pièces contractuelles devaient être compris comme correspondant, respectivement, à la période d'achèvement des prestations techniques et à la durée totale du marché avant mise en service. Ils ont ainsi jugé que l'offre de l'attributaire, en prévoyant un délai d'exécution de dix-huit mois et un délai total avant mise en service semblable à celui du planning prévisionnel précité, n'avait pas méconnu les exigences du règlement de consultation et n'était donc pas irrégulière. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être rejeté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
5. Un concurrent évincé ne peut utilement invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Il ne saurait en revanche soutenir que les autres offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel moyen n'étant pas de ceux que le juge devrait relever d'office. Le vice est d'ordre public lorsque le contenu du contrat est illicite et le contenu d'un contrat ne présente un caractère illicite que si l'objet même du contrat, tel qu'il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu'il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu'en s'engageant pour un tel objet le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement.
6. Aux termes de l'article 3 de l'acte d'engagement du marché en cause " la durée globale du marché est de 18 mois à compter de l'ordre de service prescrivant de commencer l'exécution des prestations de la tranche ferme. Les délais des différentes tranches sont les suivantes : TF/ fourniture et mise en service du nouveau système billetique / délais : 18 mois ". Le règlement de consultation renvoie aux délais d'exécution prévus à l'article 3 de l'acte d'engagement. Toutefois, le cahier des clauses techniques particulières comporte en annexe un planning indicatif faisant apparaître un point de départ T0 correspondant à la notification du marché au 3 avril, pour une mise en service au 21 décembre, suivie d'une phase de vérification allant du 24 décembre au 12 avril. Mais l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières range l'acte d'engagement en tête de l'ordre de priorité des pièces constitutives du marché, le cahier des clauses techniques particulières n'arrive qu'en troisième position après le cahier des clauses administratives particulières. Enfin, l'avis d'appel public à concurrence publié le 13 juin 2016 précisait que : " le délai de 18 mois (...) est applicable à la tranche ferme du marché. Le délai d'exécution propre à chaque tranche conditionnelle est de 8 mois. Il s'agit de délais prévisionnels ".
7. En premier lieu, la société Flowbird soutient que l'offre de la société AEP Ticketing Solutions attributaire du marché proposait une date de mise en service au 27 décembre 2018, soit un délai global de près de vingt et un mois. Toutefois, un tel vice ne saurait faire regarder le contenu du contrat comme illicite et ainsi qu'exposé au point 5, la société Flowbird ne peut utilement se prévaloir dans le cadre du présent recours de ce que l'offre de l'attributaire serait irrégulière. L'offre de la société Parkéon ancienne dénomination de la société Flowbird, proposait, elle, une mise en service le 3 septembre 2018 au terme d'un délai global de dix-sept mois. Elle a obtenu la note maximale pour le sous-critère concernant le calendrier prévisionnel. Dès lors elle n'est pas susceptible d'avoir été affectée par le vice qu'elle invoque. Le moyen tiré de l'ambigüité des documents contractuels concernant le délai d'exécution de la tranche ferme doit donc être écarté.
8. En deuxième lieu, le règlement de la consultation disposait en son point 5.5.2 , s'agissant du contenu de la note méthodologique,: " Le candidat y exposera de manière claire et détaillée les moyens matériels / humains et la méthode qu'il entend mettre en oeuvre pour mener à bien sa prestation. Cette note détaillera : La constitution de l'équipe proposée : CV nominatifs des intervenants, organisation de l'équipe au cours des différentes phases du projet, la méthodologie proposée au cours des différentes phases du projet, la gestion et l'analyse des risques : pour chacun des risques identifiés par le candidat, une note d'analyse des risques décrira les solutions proposées par le candidat pour limiter le risque et/ou ses conséquences. ".
9. Il résulte de l'instruction que la société Flowbird, qui s'est vu attribuer la note 13/15 au sous critère " note méthodologique ", n'a joint à son offre que huit curriculum vitae nominatifs de personnes qu'elle entendait mobiliser sur le marché. Par suite, quand bien même la société appelante fait valoir que la liste produite d'intervenants principaux, n'était pas exhaustive, puisque l'organigramme qu'elle avait produit à l'appui son offre faisait apparaître l'intervention de vingt-quatre professionnels, le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle a pu estimer que l'équipe dédiée de cette dernière à la réalisation de l'objet du marché n'était que de huit personnes.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle, que la société Flowbird n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté ses conclusions contestant la validité du contrat et ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge du syndicat mixte des transports Artois-Gohelle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Flowbird, au titre des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser au syndicat mixte des transports Artois-Gohelle et une somme de 1 500 euros à verser à la société AEP Ticketing Solutions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Flowbird est rejetée.
Article 2 : La société Flowbird versera une somme de 1 500 euros au syndicat mixte des transports Artois-Gohelle et une somme de 1 500 euros à la société AEP Ticketing Solutions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Flowbird, au syndicat mixte des transports Artois-Gohelle et à la société AEP Ticketing Solutions.
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N° 20DA00061