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31/05/2021 | FRANCE | N°20BX04140

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 31 mai 2021, 20BX04140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme F... H... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux arrêtés du 19 juin 2020 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002998, 2003002 du 18 novembre 2020, le tribunal administra

tif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 19 juin 2020, a enjoint au préfet de leur dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme F... H... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les deux arrêtés du 19 juin 2020 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002998, 2003002 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 19 juin 2020, a enjoint au préfet de leur délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020, le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 800 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des intéressés.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2021, M. et Mme A..., représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le moyen soulevé par le préfet de la Gironde n'est pas fondé ;

En ce qui concerne les décisions leur refusant la délivrance de titres de séjour :

- les décisions portant refus de séjour sont entachées d'incompétence dès lors que leur auteur ne justifie pas d'une délégation de signature ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées de divers vices de procédure ;

- elles méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

En ce qui concerne les décisions les obligeant à quitter le territoire français :

- ces décisions sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne les interdictions de retour :

- ces décisions sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale ;

- elle méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020, et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... ;

- et les observations de Me E..., représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... et Mme F... C... épouse A..., ressortissants turcs, sont entrés en France respectivement en 2005 et en 2011 selon leurs déclarations. M. A... a fait l'objet de trois mesures d'éloignement les 18 octobre 2007, à la suite du rejet de sa demande d'asile, et 26 mars 2013 et 20 janvier 2016, à la suite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Mme A... a fait l'objet de deux mesures d'éloignement le 14 février 2013, à la suite du rejet de sa demande d'asile, et le 20 janvier 2016, à la suite du refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Les recours formés contre les décisions du 20 janvier 2016 ont été rejetés par le tribunal administratif de Bordeaux et par la cour. Le 28 mars 2018, ils ont sollicité leur admission au séjour en raison de leur état de santé. Par deux arrêtés du 19 juin 2020, le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 18 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces arrêtés.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Bordeaux :

2. Les premiers juges ont annulé les arrêtés attaqués au motif que les intéressés résident en France de manière continue depuis plus de dix ans, qu'ils s'y sont mariés et eu trois enfants qui y ont toujours vécu et y sont scolarisés et qu'ils sont parfaitement intégrés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A... se maintiennent en situation irrégulière depuis leur entrée en France et qu'ils n'ont pas déféré aux précédentes mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet. De plus, les enfants pourront, eu égard à leur jeune âge, poursuivre une scolarité normale dans leur pays d'origine. En outre, la seule circonstance que trois frères de M. A... se trouvent en situation régulière en France n'est pas de nature à leur conférer un droit au séjour. Les intéressés ne justifient d'ailleurs d'aucun lien en dehors de leur cellule familiale alors qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Enfin, la seule production par M. A..., en appel, d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 5 janvier 2021, postérieurement aux arrêtés contestés, ne caractérise pas une intégration particulière en France. Ainsi, le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'il aurait commise dans l'appréciation des conséquences des décisions de refus de séjour sur la situation personnelle de M. et Mme A... pour annuler les arrêtés du 19 juin 2020.

3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les autres moyens invoqués par M. et Mme A... :

En ce qui concerne les refus de séjour :

4. M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, signataire des arrêtés litigieux, bénéficiait d'une délégation du préfet du 12 septembre 2019, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions concernant les attributions de l'État dans le département de la Gironde, à l'exception de trois catégories d'actes limitativement énumérées au nombre desquelles ne figurent pas les décisions prises en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés en litige doit être écarté.

5. Les arrêtés en litige visent les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comportent des éléments de faits relatifs à la situation de M. et Mme A... et exposent avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de leur délivrer un titre de séjour. Ces indications étaient suffisantes pour permettre aux intéressées de comprendre et de contester les mesures prises à leur encontre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés du 19 juin 2020 doit être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce même code, dans la rédaction applicable en l'espèce : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code, dans la rédaction applicable en l'espèce : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ". Il appartient ainsi au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision.

7. D'une part, il résulte des avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 21 décembre 2018 et du 27 décembre 2018, produits par le préfet, qu'ils ont été signés par des médecins régulièrement désignés par une décision du 24 septembre 2018 du directeur général de l'Office. En outre, il ne résulte d'aucune des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Au demeurant, les avis des 21 et 27 décembre 2018 indiquent le nom du médecin rapporteur. Par suite, le moyen tiré de l'absence de justification de ce que le médecin qui a établi le rapport initial n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de l'absence de justification d'une saisine régulière pour avis dudit collège de médecins, lequel grief n'est au demeurant pas assorti de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

8. D'autre part, les avis rendus par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionnent que l'état de santé de M. et Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier, l'état de santé des intéressés leur permet de voyager sans risque vers leur pays d'origine. Dans la mesure où les médecins ont estimé que l'absence de prise en charge médicale de l'état de santé de M. et Mme A... ne devait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ils n'avaient pas à se prononcer sur l'accès effectif à des soins adaptés en Turquie. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutiennent les intéressés, le collège de médecins a donné au préfet les éléments relatifs à la gravité de leur pathologie et à la nature des traitements qu'ils doivent suivre, nécessaires pour éclairer sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués ont été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté dans ses différentes branches.

9. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'admettre M. et Mme A... au séjour sur le fondement de leur état de santé, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur les avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration des 21 décembre 2018 et 27 décembre 2018. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il résulte des termes de ces avis que l'état de santé des intéressés nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et leur permet de voyager sans risque à destination de leur pays d'origine. Les intéressés n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause ces avis. En outre, le préfet n'avait pas à saisir le directeur général de l'agence régionale de santé d'un avis sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable au litige, ne faisant pas état d'une telle possibilité. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Gironde aurait méconnu les dispositions citées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la rédaction applicable en l'espèce : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

11. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 2, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation des conséquences des mesures d'éloignement sur la situation de M. et Mme A....

13. Le moyen tiré de ce que les mesures d'éloignement méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision qui, par elle-même, n'implique pas le retour des intéressés dans leur pays d'origine.

En ce qui concerne les interdictions de retour sur le territoire français :

14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".

15. Il ressort des arrêtés contestés que le préfet a rappelé les textes applicables et notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a précisé que les époux A... se sont maintenus irrégulièrement en France depuis quinze ans en ce qui concerne M. A... et sept ans en ce qui concerne Mme A... et qu'ils n'ont pas déféré à des précédentes mesures d'éloignement. Ainsi, le préfet a indiqué les considérations de droit et de fait qui constituaient le fondement des décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.

16. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. et Mme A... n'ont pas déféré à des précédentes mesures d'éloignement et ne justifient d'aucune attache suffisamment intense, stable et ancienne sur le territoire en dehors de leur cellule familiale. Les intéressés n'apportent aucun élément permettant de tenir pour établi que le traitement nécessaire à leur état de santé n'est pas disponible dans leur pays d'origine alors que, ainsi qu'il a été indiqué au point 9, les avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indiquent que le défaut de prise en charge de leur état de santé ne devrait pas entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation en leur interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 19 juin 2020. Dès lors, ce jugement doit être annulé et les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif doivent être rejetées. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'établissant pas avoir exposé des frais particuliers dans le cadre de la présente instance, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du préfet de la Gironde tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme F... H... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 31 mai 2021.

La présidente,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX04140 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04140
Date de la décision : 31/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET TOSI GALINAT BARANDAS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-31;20bx04140 ?
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