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19/01/2021 | FRANCE | N°20BX02232

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 janvier 2021, 20BX02232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... B... H... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet de la La Réunion lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1901607 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

e le 16 juillet 2020, Mme B... H..., représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K... B... H... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet de la La Réunion lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 1901607 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2020, Mme B... H..., représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 16 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 4 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet n'établit pas le caractère de fraude alléguée de reconnaissance de paternité de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour ;

- la décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par mémoire en défense enregistré le 3 novembre 2020, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 novembre 2020 à 12h00.

Mme B... H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. L... G..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... H..., ressortissante comorienne, née le 31 décembre 1988, est arrivée à La Réunion le 1er octobre 2018 dans le cadre d'une évacuation sanitaire. Elle a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale " en qualité de parent de l'enfant français J... A... A..., née le 30 juillet 2017 à Mamoudzou dans le département de Mayotte. Par arrêté du 4 octobre 2019, le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois à destination des Comores au motif du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de sa fille. Mme B... H... relève appel du jugement n° 1901607 du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. La requête d'appel, présentée par Mme B... H..., afin de contester le jugement rendu par le tribunal de la Réunion le 16 juin 2019, contient l'exposé des faits, des conclusions et des moyens et répond ainsi aux conditions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".

4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B... H..., le préfet de La Réunion s'est fondé sur les circonstances que M. M... A... A..., ressortissant français qui a reconnu le 31 juillet 2017 l'enfant J..., née le 30 juillet 2017, est marié depuis 1989 avec Mme D... avec laquelle il a huit enfants et a également reconnu entre 2010 et 2018 huit autres enfants de huit mères différentes et qu'il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de la jeune J... depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.

6. Toutefois, alors que le lien de filiation est revendiqué par le père de l'enfant qui affirme avoir entretenu une relation avec Mme B... H... depuis 2015, le préfet de La Réunion, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas l'inexactitude ou l'impossibilité matérielle de cette relation et de la conception de l'enfant en faisant valoir qu'au moment de la naissance de Djanaida, M. A... A... vivait avec sa famille à La Réunion, en produisant une facture d'électricité pour la période du 23 aout au 17 octobre 2017. Par ailleurs, le préfet ne peut utilement se fonder, au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur la circonstance que Mme B... H... n'aurait pas vécu avec le père de son enfant. En outre, si le préfet fait valoir qu'il a saisi le 4 octobre 2019 le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Denis, aucune suite n'apparait avoir été réservée à ce signalement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances dont se prévaut le préfet sont suffisamment précises et concordantes pour caractériser l'existence d'une fraude entachant la reconnaissance parentale de l'enfant par M. A... A....

7. Enfin, il n'est pas contesté que Mme B... H... réside avec sa fille et qu'elle contribue à l'entretien et à l'éducation de celle-ci depuis sa naissance. Par suite, la requérante doit être regardée comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant au sens des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par conséquent comme pouvant prétendre à un titre de séjour sur ce fondement. Mme B... H... est donc fondée à demander l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour. L'obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement de la décision portant refus de titre de séjour, et la décision fixant le pays de renvoi, doivent également être annulées.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... H... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de La Réunion du 4 octobre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement, eu égard au motif qui en constitue le soutien, la délivrance à Mme B... H... d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de La Réunion et l'arrêté du 4 octobre 2019 du préfet de La Réunion sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de La Réunion de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... H... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... B... H... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... E..., présidente,

M. L... G..., président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

La présidente,

Evelyne E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02232
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BELLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-19;20bx02232 ?
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