Siemens c. Manitoba (Procureur général)[2003] 1 R.C.S. 6, 2003 CSC 3
David Albert Siemens, Eloisa Ester Siemens et
Sie‑Cor Properties Inc., faisant affaire sous la
dénomination The Winkler Inn Appelants
c.
Procureur général du Manitoba et
Gouvernement du Manitoba Intimés
et
Procureur général du Canada, procureur général
de l’Ontario, procureur général du Nouveau‑Brunswick,
procureur général de l’Alberta, 292129 Alberta Ltd.,
faisant affaire sous la dénomination The Empress Hotel,
484906 Alberta Ltd., faisant affaire sous la dénomination
Lacombe Motor Inn, Leto Steak & Seafood House Ltd.,
Neubro Holdings Inc., faisant affaire sous la dénomination
Lacombe Hotel, Wayne Neufeld, 324195 Alberta Ltd.,
faisant affaire sous la dénomination K.C.’s Steak & Pizza,
et Katerina Kadoglou Intervenants
Répertorié : Siemens c. Manitoba (Procureur général)
Référence neutre : 2003 CSC 3.
No du greffe : 28416.
Audition et jugement : 31 octobre 2002.
Motifs déposés : 30 janvier 2003.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour, LeBel et Deschamps.
en appel de la cour d’appel du manitoba
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba, [2001] 2 W.W.R. 515, 153 Man. R. (2d) 106, 85 C.R.R. (2d) 59, [2000] M.J. No. 588 (QL), 2000 MBCA 152, qui a confirmé une décision de la Cour du Banc de la Reine, [2001] 2 W.W.R. 491, 151 Man. R. (2d) 49, 78 C.R.R. (2d) 268, [2000] M.J. No. 417 (QL), 2000 MBQB 140. Pourvoi rejeté.
David G. Hill et Curtis A. Knudson, pour les appelants.
Shawn Greenberg et Jayne Kapac, pour les intimés.
Robert W. Hubbard, pour l’intervenant le procureur général du Canada.
Hart Schwartz, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
Gabriel Bourgeois, c.r., pour l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick.
Roderick Wiltshire, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.
Ronald J. Dumonceaux et Graham K. Neill, pour les intervenants 292129 Alberta Ltd. et autres.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge Major —
I. Introduction
1 En 1999, le gouvernement du Manitoba a adopté une loi sur les options locales autorisant les municipalités à tenir des référendums décisionnels relativement à l’interdiction des appareils de loterie vidéo (ALV) sur leur territoire. Cette loi établissait la procédure à suivre pour organiser et tenir des référendums, et pour mettre à exécution le résultat obtenu. Elle comportait, en outre, une disposition visant expressément la ville de Winkler dont la population avait approuvé l’interdiction des ALV lors d’un référendum consultatif tenu au cours de l’année précédente. À la suite de l’adoption de la loi en question, les ALV ont été interdits à Winkler jusqu’à la tenue, conformément à cette loi, d’un référendum décisionnel à l’issue duquel leur exploitation serait permise à nouveau dans la municipalité.
2 La Cour du Banc de la Reine et la Cour d’appel du Manitoba ont toutes les deux conclu que la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo), L.M. 1999, ch. 44 (« Loi sur les ALV »), dans l’ensemble, et son art. 16, en particulier, n’excédaient pas la compétence de la législature de la province et ne violaient pas non plus la Charte canadienne des droits et libertés. Les appelants ont, par la suite, contesté la Loi devant notre Cour en faisant valoir que l’art. 16, qui vise expressément la ville de Winkler, viole l’al. 2b), l’art. 7 et le par. 15(1) de la Charte. Ils ont aussi prétendu que cette loi excède la compétence du gouvernement provincial du fait qu’elle empiète sur la compétence exclusive du Parlement en matière de droit criminel. Le 31 octobre 2002, la Cour a rejeté leur pourvoi dans une décision unanime, dont voici les motifs.
II. Les faits
3 La Corporation des loteries du Manitoba (« CLM ») est l’organisme responsable de l’exploitation des loteries — y compris les ALV — dans la province. Elle conclut avec des « exploitants de site » des accords visant l’installation d’ALV dans leurs établissements. L’exploitant du site touche alors un pourcentage des recettes générées par les ALV. Les ALV demeurent, cependant, la propriété de la CLM qui, aux termes de l’accord d’exploitation de site, peut les retirer à tout moment sans avoir à justifier son geste.
4 Les appelants, David et Eloisa Siemens, sont les seuls actionnaires de Sie‑Cor Properties Inc., qui a acquis le Winkler Inn en 1993. Ils ont dépensé une somme considérable pour rénover et agrandir cet établissement, et ont fait valoir que la présence des ALV avait joué un rôle important dans leur décision d’investir. Lors de l’achat du Winkler Inn, ils ont augmenté de 8 à 10 le nombre d’ALV, pour ensuite faire passer ce nombre à 12 à l’automne de 1994. Leurs versements hypothécaires correspondaient à peu près aux recettes mensuelles générées par les ALV.
5 En août 1998, la ville de Winkler a décidé, par résolution, de tenir un référendum concernant l’exploitation d’ALV sur son territoire. Ce référendum a coïncidé avec les élections municipales d’octobre. La question posée était la suivante :
[traduction] La ville de Winkler devrait‑elle demander au gouvernement provincial d’interdire les appareils de loterie vidéo sur son territoire, auquel cas elle cesserait de bénéficier de la subvention annuelle relative à ces appareils?
Environ la moitié des électeurs admissibles, y compris M. et Mme Siemens, a participé au référendum. Une majorité appréciable (77,8 pour 100) des suffrages exprimés était en faveur d’une demande d’interdiction des ALV. À la suite du référendum, la ville de Winkler a adopté, en décembre 1998, une résolution autorisant la communication du résultat au gouvernement du Manitoba. De son côté, Sie‑Cor Properties Inc. a demandé à la Cour du Banc de la Reine de déclarer la résolution invalide et de l’annuler au moyen d’une ordonnance de certiorari.
6 En juillet 1999, au moment où on s’apprêtait à entendre la demande de Sie‑Cor, le gouvernement du Manitoba a adopté la Loi sur les ALV. Cette loi autorise les municipalités à tenir des référendums décisionnels relativement à l’interdiction des ALV sur leur territoire. De plus, le gouvernement s’est servi de la nouvelle loi pour mettre à exécution le résultat du référendum déjà tenu à Winkler. Plus précisément, l’art. 16 de la Loi a pour objet de résilier les accords d’exploitation de site en vigueur à Winkler et présume qu’une résolution interdisant les ALV a été adoptée en conformité avec la Loi. Conformément à cette mesure législative, l’accord d’exploitation de site conclu avec le Winkler Inn a été résilié le 1er décembre 1999.
III. Dispositions législatives pertinentes
7 Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo), L.M. 1999, ch. 44
1 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
. . .
« jeux de loterie vidéo » Exploitation d’un système de loterie, au sens du Code criminel (Canada), au moyen d’appareils de loterie vidéo.
. . .
« référendum » Suffrage que les électeurs d’une municipalité expriment sur une résolution approuvée par le conseil ou énoncée dans une pétition et tendant :
a) soit à interdire les jeux de loterie vidéo dans la municipalité;
b) soit à permettre les jeux de loterie vidéo dans la municipalité s’ils y ont été interdits par suite d’un référendum.
3(1) Malgré l’article 3 de la Loi sur la Corporation manitobaine des loteries, il est interdit d’exercer des activités de jeux de loterie vidéo dans une municipalité en vertu d’un accord d’exploitation de site ou autrement pendant qu’est en vigueur une résolution interdisant les jeux de loterie vidéo dans la municipalité.
3(2) Les résolutions interdisant les jeux de loterie vidéo dans une municipalité entrent en vigueur le premier jour du cinquième mois qui suit leur approbation à la majorité des voix exprimées dans un référendum et elles demeurent en vigueur tant qu’une résolution autorisant les jeux de loterie vidéo dans la municipalité n’est pas approuvée à la majorité des voix exprimées dans un référendum.
16(1) Sont résiliés à compter du premier jour du cinquième mois qui suit la date d’entrée en vigueur de la présente loi les accords d’exploitation de site qui existaient avant cette date et qui visaient l’exploitation d’appareils de loterie vidéo situés à des sites dans la ville de Winkler, et la Corporation enlève les appareils de loterie vidéo des sites situés dans la ville de Winkler dans les plus brefs délais possibles après cette date.
16(2) Pour l’application de la présente loi, toute résolution tendant à interdire les jeux de loterie vidéo dans la ville de Winkler est réputée avoir été approuvée par un référendum et être entrée en vigueur le premier jour du cinquième mois qui suit la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46
207. (1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente partie en matière de jeux et de paris, les règles qui suivent s’appliquent aux personnes et organismes mentionnés ci‑après :
a) le gouvernement d’une province, seul ou de concert avec celui d’une autre province, peut mettre sur pied et exploiter une loterie dans la province, ou dans celle‑ci et l’autre province, en conformité avec la législation de la province;
Loi constitutionnelle de 1867
92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci‑dessous énumérés, savoir :
. . .
13. La propriété et les droits civils dans la province;
. . .
16. Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province.
Charte canadienne des droits et libertés
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
. . .
b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
. . .
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
IV. Jugements des tribunaux d’instance inférieure
A. Cour du Banc de la Reine du Manitoba, [2001] 2 W.W.R. 491, 2000 MBQB 140
8 En mars 2000, la juge Hamilton a entendu l’argumentation concernant une requête visant à faire trancher certaines questions de droit avant l’instruction de la demande de certiorari présentée par Sie‑Cor. Il s’agissait de déterminer si la Loi sur les ALV, dans l’ensemble, ou son art. 16, en particulier, excédait la compétence de la législature de la province en empiétant sur la compétence du gouvernement fédéral en matière de droit criminel, et si l’art. 16 violait l’al. 2b), les art. 6 et 7 et le par. 15(1) de la Charte. On soutenait également que la Loi était discriminatoire en violation du Code des droits de la personne du Manitoba, L.M. 1987‑88, ch. 45. La juge Hamilton a rejeté tous les arguments des appelants.
9 Elle a invoqué l’arrêt R. c. Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89, pour rejeter l’argument du partage des compétences. Dans cette affaire, notre Cour a décidé que la règle du « double aspect » s’appliquait au jeu, de sorte que tant le Parlement que les législatures provinciales avaient compétence pour légiférer en la matière. La juge Hamilton a conclu que la Loi sur les ALV était donc, à première vue, conforme à la compétence législative du gouvernement manitobain. Elle a également décidé que cette loi ne représentait pas une tentative de légiférer en matière criminelle, étant donné qu’elle ne comportait aucune conséquence pénale ni aucun objet relevant du droit criminel.
B. Cour d’appel du Manitoba, [2001] 2 W.W.R. 515, 2000 MBCA 152
10 Dans un court jugement rendu de vive voix par le juge Twaddle (avec l’appui des juges Kroft et Steel), la Cour d’appel du Manitoba a rejeté l’appel relativement à tous les moyens invoqués, en se disant [traduction] « essentiellement d’accord » avec la juge Hamilton « en ce qui concerne à la fois ses déclarations et les motifs invoqués à leur appui ».
V. Questions en litige
11 Dans une ordonnance datée du 19 décembre 2001, la Juge en chef a énoncé les questions constitutionnelles suivantes qui seraient soumises à l’examen de notre Cour :
(1) La Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo), L.M. 1999, ch. 44, excède‑t‑elle dans son ensemble la compétence de la législature du Manitoba du fait qu’elle porte sur une matière qui relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada en vertu du par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867?
(2) Le paragraphe 16(1) de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo)excède‑t‑il la compétence de la législature du Manitoba du fait qu’il porte sur une matière qui relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada en vertu du par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867?
(3) L’article 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il incompatible avec l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés?
(4) Si la réponse à la troisième question est affirmative, l’art. 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il néanmoins justifié au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?
(5) L’article 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il incompatible avec l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?
(6) Si la réponse à la cinquième question est affirmative, l’art. 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il néanmoins justifié au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?
(7) L’article 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il incompatible avec le par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés?
(8) Si la réponse à la septième question est affirmative, l’art. 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il néanmoins justifié au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?
VI. Analyse
A. Interprétation de la Loi sur les ALV
12 L’argumentation des appelants a porté, dans une large mesure, sur la façon de qualifier et d’interpréter la Loi sur les ALV et, en particulier, son art. 16. Les appelants ont essentiellement fait valoir que l’art. 16 de la Loi sur les ALV ne [traduction] « met [pas] à exécution » le résultat du référendum tenu à Winkler en 1998, et que, par conséquent, la question de la constitutionnalité de la mesure législative doit être appréciée indépendamment de ce référendum. Ils ont fait observer que l’art. 16 ne mentionne pas explicitement le référendum de 1998, et qu’au par. 16(2) le mot « référendum » est précédé de l’article indéfini « un » au lieu de l’article défini « le ». Ils ont ajouté qu’on présume, à ce paragraphe, qu’une résolution interdisant le jeu avait été adoptée par voie de référendum municipal à Winkler, alors que le conseil de la ville n’avait jamais approuvé une telle résolution. Ces caractéristiques démontreraient que l’art. 16 de la Loi sur les ALV ne met pas à exécution le résultat du référendum tenu à Winkler à l’automne de 1998, et qu’on y présume à tort que les résidants de Winkler ont voté à un référendum décisionnel, ce qu’ils n’ont jamais fait.
13 Les appelants n’arrivaient pas à comprendre pourquoi le référendum de 1998 les toucherait puisqu’il n’a pas été tenu conformément à une résolution interdisant les ALV, comme l’exige la Loi. L’explication est la suivante : la Loi sur les ALV a un champ d’application plus vaste et, conformément aux principes d’interprétation téléologique, l’art. 16 visait à faire en sorte que le régime provincial général tienne compte de la volonté déjà exprimée par les électeurs de Winkler.
14 Il n’y a pas de doute que l’objet de l’art. 16 aurait pu être énoncé de manière plus explicite. Néanmoins, compte tenu du contexte global de la Loi, l’objectif du législateur est clair. À l’automne de 1998, la ville de Winkler a tenu un référendum consultatif et la majorité des suffrages exprimés était en faveur d’une demande de retrait des ALV de la collectivité. Le conseil municipal a communiqué le résultat du référendum au gouvernement provincial. Ce dernier a réagi en adoptant une loi interdisant l’exploitation d’ALV à Winkler et résiliant tous les accords d’exploitation de site dans cette municipalité.
15 Les appelants ont reconnu, en appel, que si le gouvernement avait voulu adopter une mesure législative visant uniquement à interdire les ALV à Winkler, il aurait pu le faire de manière légitime. Toutefois, au lieu de mettre à exécution le résultat du référendum de Winkler dans une loi conçue uniquement à cette fin, le gouvernement a inséré une disposition interdisant les ALV à Winkler dans une loi générale établissant un régime en vertu duquel toutes les municipalités pourraient interdire les ALV ou en permettre à nouveau l’exploitation au moyen d’un référendum décisionnel. Je ne vois pas comment le cadre législatif retenu par le gouvernement peut avoir une incidence sur la constitutionnalité de la Loi. En adoptant la Loi sur les ALV, la province a entrepris de rendre applicable à Winkler le régime provincial général des référendums sur les ALV. À cette fin, elle a présumé que les électeurs de Winkler avaient approuvé une interdiction des ALV conformément à la Loi. Toutes les parties conviennent qu’en réalité une telle interdiction n’a pas été approuvée lors du référendum de Winkler. En effet, étant donné que ce référendum a précédé l’entrée en vigueur de la Loi sur les ALV, les électeurs qui y ont participé étaient dans l’impossibilité de le faire. Quoi qu’il en soit, il était loisible au législateur de mettre à exécution, de différentes manières, le résultat du référendum de Winkler, notamment en adoptant, comme il l’a fait, une disposition créant une présomption. À moins que la mesure législative ne soit par ailleurs inconstitutionnelle, le moyen particulier retenu par le législateur ne saurait constituer un motif d’invalidité.
16 Il y a lieu de souligner que le caractère imparfait d’un texte législatif ne constitue pas en soi un motif d’inconstitutionnalité. Le libellé d’une loi n’est pertinent, pour les besoins de l’analyse, que dans la mesure où il permet de déterminer le caractère véritable de cette loi. Pourvu que, de par son caractère véritable, l’art. 16 relève de la compétence législative de la province, il n’importe pas de savoir s’il aurait pu être rédigé plus clairement.
17 De même, l’on ne saurait conclure que le libellé de l’art. 16 exige que l’on évalue l’argumentation des appelants fondée sur la Charte sans tenir compte du référendum tenu à Winkler en 1998. Notre Cour a affirmé, à maintes reprises, que l’évaluation des arguments fondés sur la Charte doit être contextuelle : R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, p. 344 (le juge Dickson (plus tard Juge en chef)); Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, p. 1355‑1356 (la juge Wilson); R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, p. 224‑226 (le juge Cory); Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877, par. 87 (le juge Bastarache); Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, par. 62 (le juge Iacobucci). L’examen de l’objet et des effets d’une mesure législative ne saurait se faire sur une table rase; il doit être effectué à la lumière des faits connus à la fois du demandeur et du législateur.
18 Le recours à l’analyse contextuelle est particulièrement justifié en l’espèce. N’eût été le référendum de Winkler en 1998, le gouvernement provincial n’aurait jamais adopté l’art. 16 de la Loi sur les ALV. Le législateur n’a pas décidé arbitrairement de mentionner la ville de Winkler; il a plutôt adopté l’art. 16 afin de tenir compte de la volonté exprimée par les électeurs de cette municipalité. Si, en évaluant les arguments fondés sur la Charte, notre Cour ne tenait pas compte du référendum de 1998, elle ferait alors abstraction des circonstances mêmes qui sont à l’origine de la disposition contestée, ce qui irait à l’encontre de la logique et du droit. Néanmoins, l’analyse de l’argumentation fondée sur la Charte n’est pas subordonnée à l’existence du référendum de 1998, et la validité de la mesure législative aurait de toute manière été confirmée. L’analyse contextuelle ne fait que renforcer cette conclusion.
B. L’argument du partage des compétences
19 Pour décider si le gouvernement manitobain avait la compétence législative nécessaire pour adopter la Loi sur les ALV, il faut déterminer le caractère véritable de cette loi. Dans l’arrêt Bande Kitkatla c. Colombie‑Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la Culture), [2002] 2 R.C.S. 146, 2002 CSC 31, par. 53, la Cour a statué que l’analyse du caractère véritable porte à la fois sur l’objet et les effets de la mesure législative en cause. Le juge LeBel a ajouté que, lorsqu’une disposition particulière d’une loi est contestée, son caractère véritable doit être déterminé avant celui de l’ensemble de la loi en cause. Dans le cas où la disposition attaquée est inconstitutionnelle, il est néanmoins possible d’en confirmer la validité si elle est suffisamment intégrée dans un régime législatif provincial valide (par. 58). En l’espèce, toutefois, étant donné que les appelants ont contesté à la fois la validité de l’art. 16 et celle de l’ensemble de la Loi sur les ALV, il est, de toute façon, nécessaire de déterminer le caractère véritable des deux.
20 L’article 16 de la Loi sur les ALV vise à interdire les ALV à Winkler et à résilier tous les accords d’exploitation de site s’y rapportant. Il ressort des débats de l’Assemblée législative relatifs à la Loi sur les ALV que l’art. 16 a été adopté pour mettre à exécution le résultat du référendum de Winkler, bien que ce référendum ait précédé l’entrée en vigueur de la Loi. La ministre responsable a affirmé ce qui suit :
[traduction] Vous savez sans doute, Madame la Présidente, que les citoyens de Winkler ont tenu, l’automne dernier, un référendum en vue de se prononcer sur une demande de retrait des ALV de cette collectivité. La présente mesure législative va dans le sens de la volonté exprimée par ces citoyens. Elle reconnaîtra la légitimité du référendum relatif aux ALV qui a été tenu à Winkler en 1998.
(Manitoba, Assemblée législative, Journal des débats, 5e sess., 36e lég., vol. XLIX, no 57A, 8 juillet 1999, p. 4092 (Mme Render))
Le paragraphe 16(1) de la Loi sur les ALV a eu pour effet de résilier l’accord d’exploitation de site conclu avec le Winkler Inn. En outre, comme nous l’avons vu, le par. 16(2), visait à intégrer le référendum consultatif de Winkler dans le régime d’options locales énoncé dans les autres dispositions de la Loi. La Loi autorise la tenue d’un référendum pour décider s’il y a lieu d’interdire les ALV dans une municipalité ou s’il y a lieu d’en permettre à nouveau l’exploitation dans le cas où une telle interdiction des ALV existe déjà. Ainsi, en présumant qu’une résolution interdisant les ALV a été approuvée à Winkler conformément à la Loi, le par. 16(2) a pour effet de placer cette ville dans la « situation de départ » où les ALV sont interdits. Si un autre référendum est tenu à Winkler, il portera sur la question de savoir s’il y a lieu d’y permettre à nouveau l’exploitation des ALV.
21 De manière plus générale, la Loi sur les ALV, dans son ensemble, paraît tout simplement avoir pour objet de permettre aux municipalités d’exprimer, par voie de référendum décisionnel, leur volonté d’autoriser ou d’interdire les ALV sur leur territoire. Cet objet ressort de l’intitulé de la Loi — Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) — qui traduit clairement la volonté du gouvernement de consulter la population locale sur la question des ALV. Le gouvernement a adopté la Loi sur les ALV à la suite de deux rapports : le Working Group Report du Manitoba Lottery Policy Review (1995) (le « rapport Desjardins ») et celui de la Commission de régie du jeu du Manitoba, intitulé Municipal VLT Plebiscite Review (1998). Les deux rapports recommandaient la tenue de référendums municipaux afin de connaître l’opinion de la population locale sur la question des ALV.
22 De par son caractère véritable, la Loi sur les ALV relève d’un chef de compétence législative provinciale. Comme le juge Stevenson l’a affirmé au nom de notre Cour dans l’arrêt Furtney, précité, p. 103, la règle du « double aspect » s’applique au jeu. En conséquence, tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux peuvent légiférer en la matière :
À mon avis, la réglementation des activités de jeu a un aspect provincial manifeste en vertu de l’art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, sous réserve de la compétence prépondérante du Parlement en cas de conflit entre la loi fédérale et la loi provinciale. [. . .] Outre les aspects des jeux susceptibles d’interdiction en matière criminelle, les loteries sont soumises au pouvoir législatif de la province en vertu de divers chefs de compétence énoncés à l’art. 92, y compris, selon moi, la propriété et les droits civils (13), la délivrance de licences (9), l’entretien des institutions de charité (7) (précisément reconnues par les dispositions du Code). La délivrance de licences et la réglementation des activités de jeu par la province ne constituent pas en soi de la législation en matière de droit criminel.
Sans exclure l’analyse d’autres chefs de compétence possibles, il suffit, pour les besoins du présent pourvoi, de conclure qu’à première vue la Loi sur les ALV a été validement adoptée en application des par. 92(13) et (16). Le paragraphe 16(1) porte précisément sur les accords d’exploitation de site, qui sont de nature contractuelle et qui, de ce fait, relèvent de la propriété et des droits civils. D’un point de vue plus général, les référendums municipaux habilitent chaque collectivité à décider si les ALV seront permis, et relèvent ainsi des matières d’une nature locale.
23 La Loi sur les ALV n’est pas, comme l’ont fait valoir les appelants, une tentative déguisée de légiférer en matière criminelle. Elle ne possède pas les caractéristiques pertinentes énoncées par le juge Rand dans Reference re Validity of Section 5(a) of the Dairy Industry Act, [1949] R.C.S. 1, p. 50, et confirmées par le Conseil privé dans l’arrêt Canadian Federation of Agriculture c. Attorney‑General for Quebec, [1951] A.C. 179, p. 196, et plus récemment, dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), [2000] 1 R.C.S. 783, 2000 CSC 31, par. 27. Ces caractéristiques sont (1) une interdiction (2) assortie d’une sanction et (3) d’un objet relevant du droit criminel. Les intimés ont reconnu que la Loi sur les ALV comporte, au par. 3(1) notamment, une interdiction d’exploiter des ALV dans les municipalités qui les ont interdits à la suite d’un référendum décisionnel. Or, cela ne suffit pas en soi pour établir que la Loi sur les ALV est, de par son caractère véritable, une loi en matière criminelle. La Loi ne comporte aucune conséquence pénale et son objet ne relève pas du droit criminel.
24 Même si le par. 3(1) interdit l’exploitation d’ALV dans les municipalités qui ont interdit ces appareils, il ne crée pas une infraction provinciale. Il n’inflige pas non plus une sanction pour l’exploitation d’ALV dans ces municipalités. Si un exploitant d’ALV devait être accusé d’une infraction, ce serait en application des dispositions du Code criminel en matière de jeu, qui interdisent le jeu sauf dans le cadre d’une loterie mise sur pied et exploitée par une province. Le paragraphe 3(1) de la Loi sur les ALV a simplement pour effet de supprimer l’exception et donner pleinement effet aux dispositions fédérales existantes qui créent des infractions.
25 Toutefois, même si la Loi sur les ALV créait une infraction provinciale ou prévoyait une amende, elle ne représenterait pas nécessairement une tentative de légiférer en matière criminelle. Le paragraphe 92(15) de la Loi constitutionnelle de 1867 permet à la législature d’une province d’infliger des amendes ou d’autres sanctions pour assurer l’application d’une loi provinciale valide; les provinces ont créé, dans leurs domaines de compétence législative, d’innombrables infractions assorties de sanctions. Les infractions relatives à la conduite d’un véhicule à moteur, qui en sont l’exemple classique, ont été jugées constitutionnelles, notamment dans les arrêts O’Grady c. Sparling, [1960] R.C.S. 804 (conduite imprudente), et Ross c. Registraire des véhicules automobiles, [1975] 1 R.C.S. 5 (suspension du permis provincial à la suite d’une déclaration de culpabilité d’infraction criminelle de conduite avec facultés affaiblies). La seule existence d’une interdiction et d’une sanction n’invalide pas l’exercice par ailleurs acceptable d’une compétence législative provinciale.
26 Les appelants ont soutenu que la Loi sur les ALV a des conséquences pénales du fait qu’elle résilie tous les accords d’exploitation de site dans les municipalités qui, conformément à cette loi, ont voté en faveur de l’interdiction des ALV. Invoquant l’arrêt de notre Cour Johnson c. Attorney General of Alberta, [1954] R.C.S. 127, ils ont fait valoir que l’application de la Loi sur les ALV entraîne la confiscation des ALV, qui peut être qualifiée de sanction. Cependant, la résiliation d’un accord d’exploitation de site ne peut pas être qualifiée de confiscation au sens du droit criminel. À tout moment pendant la durée d’un accord d’exploitation de site, la CLM demeure propriétaire des ALV. L’exploitant du site (en l’espèce, les appelants) n’a aucun droit de propriété sur les appareils. Par conséquent, lorsque l’accord est résilié et que les ALV sont retirés de l’établissement de l’exploitant du site, ce dernier n’a pas à renoncer à un bien. Il perd simplement la possibilité de toucher un pourcentage des recettes générées par les ALV.
27 Cela est suffisant pour distinguer le présent pourvoi de l’arrêt Johnson, précité, où la sanction alléguée a été qualifiée, à juste titre, de confiscation. Dans cette affaire, la loi contestée niait expressément tout droit de propriété sur les machines à sous. Lorsque les machines étaient exploitées contrairement à ses dispositions, la loi en cause autorisait les policiers à les confisquer même si, n’eût été celle‑ci, elles auraient été considérées comme appartenant au contrevenant. Bref, la violation de la loi invalidée dans l’arrêt Johnson entraînait la perte d’un bien. Dans la présente affaire, cependant, la Loi sur les ALV permet simplement à la CLM de reprendre possession de ses propres appareils. Cela ne saurait être considéré comme une confiscation.
28 Vu la conclusion que la Loi sur les ALV n’a aucune conséquence pénale, il n’est pas nécessaire de déterminer si son objet relève du droit criminel. Néanmoins, certains arguments avancés pendant l’instance méritent qu’on y réponde brièvement. Les appelants ont soutenu que la Loi sur les ALV a été adoptée pour réglementer la moralité publique et qu’elle représentait, de ce fait, une tentative de légiférer en matière criminelle. Cet argument comporte plusieurs lacunes. Premièrement, la juge de première instance n’a relevé aucun élément de preuve indiquant que cette loi visait à réglementer la moralité publique. La province a compétence pour réglementer le jeu et notamment pour adopter des dispositions régissant les lieux où l’on peut s’y adonner. Tout comme une province peut réglementer les heures et les lieux de consommation légale d’alcool, elle peut également réglementer les heures et les lieux d’exploitation légale d’ALV. Il ne s’ensuit pas que, ce faisant, la province réglemente d’une façon ou d’une autre la moralité publique.
29 Deuxièmement, la province et chacune des municipalités peuvent avoir maintes raisons de limiter les activités de jeu à des endroits bien précis. Certaines raisons peuvent avoir trait à l’économie locale, alors que d’autres peuvent être d’ordre purement esthétique ou culturel. Rien ne justifie de présumer que l’interdiction des ALV à certains endroits vise principalement à réglementer la moralité publique. En réalité, le fait que la Loi sur les ALV ne touche pas les ALV situés dans une piste de course ou d’autres « lieux servant à des activités de jeu » indique que le gouvernement ne tentait pas d’interdire l’exploitation des ALV pour des raisons d’ordre moral. Voir la Loi sur la Commission de régie du jeu, L.M. 1996, ch. 74, art. 1. Il étaye plutôt l’interprétation voulant que la Loi sur les ALV vise simplement à limiter davantage les occasions d’utiliser les ALV — dans les tavernes, par exemple — dans les municipalités qui le souhaitent.
30 Troisièmement, une loi n’excède pas la compétence de la législature provinciale en raison de la seule existence de considérations morales. En accordant au Parlement la compétence exclusive en matière de droit criminel, la Loi constitutionnelle de 1867 ne visait pas à exclure de la compétence législative provinciale toute matière ayant trait à la moralité. Dans bien des cas, il sera impossible à la législature provinciale de dégager les considérations morales d’autres considérations. Par exemple, dans la présente affaire, il est difficile de faire abstraction des divers coûts sociaux liés au jeu et aux ALV. Comme en fait foi l’examen approfondi effectué dans le rapport Desjardins, op. cit., le jeu contrôlé par l’État peut avoir des conséquences sociales néfastes, dont la dépendance, la criminalité, la faillite et le déclin des activités de jeu organisées à des fins de bienfaisance. Le gouvernement provincial peut légitimement tenir compte de ces coûts sociaux pour décider comment réglementer le jeu dans la province. Le fait que certaines de ces considérations aient un aspect moral n’invalide pas pour autant une loi provinciale par ailleurs légitime.
31 La Loi sur les ALV vise principalement à réglementer le jeu dans la province. Tout aspect moral de cette loi est assujetti à l’application de la règle des « effets accessoires » que notre Cour a récemment confirmée dans les arrêts Bande Kitkatla, précité, par. 54, et Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, 2000 CSC 21, par. 23. La loi qui, de par son caractère véritable, touche un domaine de compétence législative provinciale ne sera pas invalidée pour le seul motif qu’elle a des effets accessoires sur un chef de compétence fédérale. Par exemple, dans l’arrêt Rio Hotel Ltd. c. Nouveau‑Brunswick (Commission des licences et permis d’alcool), [1987] 2 R.C.S. 59, une loi provinciale limitant les spectacles de nudité dans les débits de boisson autorisés a été jugée valide. L’on peut raisonnablement présumer que cette loi pouvait avoir des effets accessoires sur la moralité publique. Notre Cour a néanmoins conclu à la validité de la loi en question étant donné que, de par son caractère véritable, elle touchait à l’attribution de permis, à des matières d’une nature locale, ainsi qu’à la propriété et aux droits civils.
32 Dans la présente affaire, le gouvernement provincial a adopté une loi relevant d’un chef de compétence législative provinciale. En dépit de la possibilité que la moralité de la population locale influe sur le choix de certaines municipalités d’interdire les ALV par référendum décisionnel, la Loi sur les ALV ne vise pas principalement à exprimer une désapprobation morale des ALV. Si tant est que la Loi sur les ALV comporte un aspect moral, il s’agit là d’un effet accessoire du régime réglementaire global, qui n’empiète pas sur la compétence législative exclusive du Parlement en matière de droit criminel.
33 En tirant cette conclusion, je suis conscient de la présomption de constitutionnalité reconnue dans Reference re The Farm Products Marketing Act, [1957] R.C.S. 198, p. 255; Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1978] 2 R.C.S. 662, p. 687‑688; Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, précité, par. 25. Lorsqu’il est possible de qualifier une loi de deux façons, nous devons normalement opter pour celle qui étaye la constitutionnalité de cette loi.
34 L’intervention du procureur général du Canada en faveur du gouvernement provincial constitue une tentative de coopération fédérale‑provinciale. En l’absence de compétence, les gouvernements ne peuvent pas simplement convenir de la légitimité d’une allégation que la Loi sur les ALV est constitutionnelle. Toutefois, étant donné que tant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux défendent farouchement leurs compétences législatives respectives, lorsqu’ils s’entendent sur le partage d’une compétence, les tribunaux doivent prendre soin de tenir compte de ce fait : SEFPO c. Ontario (Procureur général), [1987] 2 R.C.S. 2, p. 19‑20; Bande Kitkatla, précité, par. 72‑73.
35 En l’espèce, ce principe est également étayé par l’interaction explicite entre le Code criminel et la législation provinciale en matière de jeu. L’alinéa 207(1)a) du Code criminel rend expressément inapplicables les infractions en matière de jeu et de pari dans le cas d’une loterie mise sur pied par une province. Cette disposition, qui date de 1969, a été adoptée pour décriminaliser la loterie et permettre à chacune des provinces qui le souhaitent de mettre sur pied un système de loterie. En l’absence d’un tel système, les infractions prévues par le Code criminel continuent de s’appliquer. C’est à dessein que le législateur fédéral a établi un régime d’infractions en matière de jeu qui confirme le double aspect du jeu et qui favorise la coopération fédérale‑provinciale dans ce domaine. L’alinéa 207(1)a) écarte toute possibilité de conflit sur le plan du fonctionnement et, de ce fait, toute question de prépondérance.
36 J’arrive à la conclusion que la Loi sur les ALV, en entier, et l’art. 16, en particulier, relèvent de la compétence législative de la province. Cette loi a pour objet de réglementer le jeu dans la province et de permettre à la population locale de s’exprimer sur la question des ALV; ces deux objectifs relèvent des champs de compétence énumérés à l’art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. La Loi ne représente pas une tentative de légiférer en matière criminelle étant donné qu’elle ne comporte aucune conséquence pénale ni aucun objet relevant du droit criminel. Enfin, les questions de l’exclusivité des compétences et de la prépondérance ne se posent pas en l’espèce, et il n’est pas nécessaire de s’y attarder davantage.
C. L’argument de la délégation irrégulière
37 Avant d’examiner les divers arguments fondés sur la Charte, il convient de commenter brièvement l’argument avancé par le groupe d’intervenants constitué des commerçants albertains. Ceux‑ci ont contesté la Loi sur les ALV en entier pour le motif que cette loi représente une renonciation irrégulière, de la part de la législature, à sa compétence législative et une usurpation du pouvoir du lieutenant‑gouverneur. Ces intervenants soutiennent qu’en permettant aux municipalités de tenir des référendums décisionnels le gouvernement provincial leur a accordé le pouvoir d’adopter et d’abroger des lois. D’après eux, cela viole le pouvoir exclusif du gouvernement provincial d’adopter des lois applicables dans la province.
38 Cet argument des intervenants ne saurait être retenu étant donné qu’il repose sur une qualification incorrecte de la mesure législative contestée. La Loi sur les ALV n’habilite aucunement les électeurs d’une municipalité à légiférer. Elle a été rédigée, débattue et adoptée en entier par la législature provinciale et a reçu la sanction royale du lieutenant‑gouverneur. Elle énonce la façon de tenir un référendum municipal et précise les effets qu’un tel référendum aura dans la municipalité concernée. Le rôle des électeurs municipaux se limite à organiser le référendum et à y participer en votant. Le résultat du référendum détermine si l’interdiction prévue à l’art. 3 de la Loi sur les ALV s’appliquera ou non dans la municipalité. En d’autres termes, l’application de l’interdiction légale des ALV dépend de l’issue du référendum. Par conséquent, la Loi sur les ALV relève de la catégorie des « lois conditionnelles » dont le Conseil privé a confirmé la validité dans l’arrêt Russell c. The Queen (1882), 7 App. Cas. 829, p. 835 :
[traduction] . . . la Loi ne délègue aucun pouvoir législatif. Elle édicte toutes les mesures législatives applicables aux matières sur lesquelles elle porte. La disposition selon laquelle certaines parties de la Loi ne s’appliquent qu’à la suite d’une pétition présentée en ce sens par une majorité d’électeurs ne confère pas à ces personnes le pouvoir de légiférer. Le Parlement établit lui‑même la condition et tout ce qui s’ensuit une fois qu’elle est remplie. Une loi conditionnelle de ce genre est pratique dans bien des cas et n’est sûrement pas inhabituelle. On ne peut pas nier au Parlement du Canada le pouvoir de légiférer ainsi lorsque l’objet de la mesure législative en question relève de sa compétence.
39 En adoptant la Loi sur les ALV, le gouvernement manitobain s’est engagé légalement à respecter l’opinion exprimée par la population locale. Que ce soit dans son objet ou dans son effet, la Loi ne confère nullement aux électeurs municipaux le pouvoir de légiférer. La présente affaire peut être distinguée du renvoi intitulé Re The Initiative and Referendum Act (1916), 27 Man. R. 1 (C.A.), sur lequel repose l’argument des intervenants. Dans cette affaire, la loi contestée permettait aux électeurs de soumettre au scrutin l’approbation d’une loi. En cas d’approbation, la loi proposée était réputée constituer une loi de la législature provinciale. En l’espèce, personne n’a tenté de contourner l’Assemblée législative ou d’usurper sa fonction de législateur. La Loi autorise simplement les municipalités à décider de l’applicabilité de ses dispositions sur leur territoire.
40 Enfin, j’ajoute que retenir l’argument des intervenants limiterait considérablement le pouvoir du Parlement et des législatures provinciales d’adopter des lois sur les « options locales », pouvoir que le Conseil privé a confirmé il y a plus d’un siècle dans l’arrêt Russell, précité, relativement à l’Acte de tempérance du Canada. Le Conseil privé a confirmé cette décision dans l’arrêt Attorney‑General for Ontario c. Canada Temperance Federation, [1946] A.C. 193, qui fait toujours autorité en la matière.
D. L’argument fondé sur l’al. 2b) de la Charte
41 Selon les appelants, la présomption de scrutin, à l’art. 16 de la Loi sur les ALV, les a privés du droit de voter lors d’un référendum tenu conformément à la Loi et a donc porté atteinte à leur liberté d’expression garantie à l’al. 2b) de la Charte. Depuis l’arrêt Haig c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 995, il ne fait aucun doute que l’exercice du droit de vote est une forme d’expression protégée par l’al. 2b). La question qui se pose en l’espèce est de savoir si l’art. 16 de la Loi sur les ALV porte réellement atteinte à cette liberté. Je conclus que non.
42 Dans l’arrêt Haig, notre Cour a statué que voter est une forme d’expression protégée, mais elle a également conclu qu’il n’existe aucun droit constitutionnel de voter à un référendum. Voir les motifs de la juge L’Heureux‑Dubé, aux p. 1040‑1041 :
Un référendum est une création de la loi. Abstraction faite de la loi prévoyant le référendum, il n’existe aucun droit d’y prendre part. Le droit d’y voter découle de la loi et c’est celle‑ci qui régit les conditions auxquelles est soumis le droit d’y participer. [. . .] À mon avis, bien qu’un référendum soit assurément une tribune pour favoriser l’expression, l’al. 2b) de la Charte n’impose à aucun gouvernement, provincial ou fédéral, une obligation positive de consulter les citoyens par le recours à cette méthode particulière qu’est un référendum. Il ne confère pas, non plus, à l’ensemble des citoyens le droit d’exprimer leur opinion dans le cadre d’un référendum. Le gouvernement n’a aucune obligation constitutionnelle d’offrir cette tribune pour favoriser l’expression à qui que ce soit, et encore moins à tous. Le référendum en tant que tribune pour favoriser l’expression relève, selon moi, de la politique législative et non du droit constitutionnel. [Souligné dans l’original.]
Comme tout autre référendum, un référendum municipal est une création de la loi. Dans la présente affaire, tout droit de voter à un référendum doit être prévu par la Loi sur les ALV. Elle seule définit les conditions et modalités de l’exercice du droit de vote. Les appelants ne peuvent donc pas se plaindre que la Loi sur les ALV, elle‑même, les prive du droit de voter à un référendum sur les ALV.
43 Dans l’arrêt Haig, notre Cour a fait la mise en garde suivante : lorsque le gouvernement décide d’accorder le droit de voter à un référendum, il doit le faire d’une manière conforme aux autres dispositions de la Charte. Toutefois, comme les appelants ont soutenu qu’ils s’étaient vu refuser de façon discriminatoire le droit de voter, leur argument doit être examiné au regard du par. 15(1), sur lequel je reviendrai plus loin.
44 Enfin, il importe de souligner que la Loi sur les ALV n’empêche pas les résidants de Winkler de voter sur la question des ALV lors d’un autre référendum. Ils ne sont pas privés du droit de voter à un référendum portant sur les ALV. Comme tous les autres résidants du Manitoba, il leur est loisible d’organiser, conformément à la Loi, un référendum visant à permettre à nouveau les ALV dans la municipalité ou à les en retirer.
E. L’argument fondé sur l’art. 7 de la Charte
45 Les appelants ont également soutenu que l’art. 16 de la Loi sur les ALV porte atteinte au droit d’exercer un métier licite que leur garantit l’art. 7 de la Charte. Ils ont ajouté que cette disposition restreint leur droit de circuler librement en les empêchant d’exercer le métier de leur choix à un endroit particulier, à savoir la ville de Winkler. Toutefois, un bref examen de la jurisprudence de notre Cour relative à la Charte révèle clairement que les droits invoqués par les appelants ne sont pas visés par l’art. 7. Le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques. Comme le juge La Forest l’a expliqué dans l’arrêt Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 66 :
. . . l’autonomie protégée par le droit à la liberté garanti par l’art. 7 ne comprend que les sujets qui peuvent à juste titre être qualifiés de fondamentalement ou d’essentiellement personnels et qui impliquent, par leur nature même, des choix fondamentaux participant de l’essence même de ce que signifie la jouissance de la dignité et de l’indépendance individuelles.
Plus récemment, dans l’arrêt Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, 2000 CSC 44, notre Cour a conclu que la stigmatisation dont M. Blencoe a été victime, en attendant l’instruction de la plainte en matière de droits de la personne qui avait été déposée contre lui et qui l’avait empêché d’exercer son métier de politicien, ne faisait pas intervenir les droits garantis à l’art. 7. Voir les motifs du juge Bastarache, au par. 86 :
. . . le préjudice subi par l’intimé en l’espèce se limite essentiellement à ses difficultés personnelles. Il est « inapte au travail » de politicien, sa famille et lui ont changé de lieu de résidence deux fois, il a épuisé ses ressources financières et il a souffert tant physiquement que psychologiquement. Cependant, l’État n’a pas porté atteinte à la capacité de l’intimé et des membres de sa famille de faire des choix essentiels dans leur vie. Accepter que le préjudice subi par l’intimé en l’espèce équivaut à une atteinte de l’État au droit qu’il a à la sécurité de sa personne serait forcer le sens de ce droit.
46 Dans la présente affaire, le droit que les appelants auraient d’exploiter des ALV dans leurs établissements ne saurait être qualifié de choix fondamental dans leur vie. Il représente simplement un intérêt économique. La capacité d’une personne de générer un revenu d’entreprise par le moyen de son choix n’est pas un droit garanti par l’art. 7 de la Charte.
F. L’argument fondé sur le par. 15(1) de la Charte
47 Les appelants ont soutenu que l’art. 16 de la Loi sur les ALV portait atteinte aux droits que leur garantit le par. 15(1) de la Charte. Cet argument doit être analysé en fonction du critère à trois volets résumé par le juge Iacobucci dans l’arrêt Law, précité, par. 88 :
(A) La loi a‑t‑elle pour objet ou pour effet d’imposer une différence de traitement entre le demandeur et d’autres personnes?
(B) La différence de traitement est‑elle fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues?
(C) La loi en question a‑t‑elle un objet ou un effet discriminatoires au sens de la garantie d’égalité?
Les appelants ont fait valoir que le volet (A) du critère était respecté en raison de la distinction que l’art. 16 de la Loi sur les ALV établissait entre les résidants de Winkler et tous les autres résidants du Manitoba. Ils ont ajouté que cette distinction reposait sur le motif analogue du lieu de résidence et qu’elle était discriminatoire étant donné qu’elle leur refusait la possibilité de voter à un référendum décisionnel sur la question des ALV.
48 Ce moyen d’appel n’est pas bien fondé. Premièrement, bien que l’art. 16 de la Loi sur les ALV établisse clairement une distinction entre Winkler et les autres municipalités, il est invraisemblable que le fait de résider à Winkler constitue un motif analogue de discrimination. Notre Cour a refusé de reconnaître le lieu de résidence comme étant un motif analogue tant dans l’arrêt Haig, précité, que dans l’arrêt R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296. En outre, dans l’arrêt Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203, les juges majoritaires ont clairement affirmé que le motif analogue reconnu dans cette affaire était celui de l’« autochtonité‑lieu de résidence » et que « rien de nouveau n’a été établi, en ce sens qu’il n’a pas été jugé que le lieu de résidence constituait, de façon générale, un motif analogue » (par. 15). Dans l’arrêt Haig, précité, p. 1044, en rejetant l’argument des demandeurs fondé sur l’art. 15, les juges majoritaires ont expliqué pourquoi il était improbable que le lieu de résidence constitue un motif analogue :
Ce serait fantaisiste au plus haut degré de conclure que les personnes qui déménagent au Québec moins de six mois avant la date d’un référendum sont assimilables aux victimes d’une discrimination fondée sur la race, la religion ou le sexe. Les personnes qui s’installent au Québec moins de six mois avant la date d’un référendum ne souffrent ni de stéréotypage ni de préjugés sociaux. Quoique ses membres n’aient pu voter au référendum québécois, le groupe en question n’est pas de ceux qui ont subi des désavantages historiques ou des préjugés politiques. Il ne semble pas s’agir non plus d’un groupe « distinct et séparé ». Sa composition est hautement changeante : des gens s’y ajoutent constamment puis cessent d’en faire partie dès qu’ils satisfont aux exigences posées par le Québec en matière de résidence. [Souligné dans l’original.]
Même si, dans cet arrêt, notre Cour n’a pas écarté la possibilité d’établir que le lieu de résidence constitue un motif analogue dans un cas qui s’y prête, je partage l’avis de la juge de première instance qu’il n’est pas possible de le faire en l’espèce. Rien n’indique que les résidants de Winkler subissent un désavantage historique ou quelque autre forme de préjudice.
49 Toutefois, en considérant le dossier des appelants sous l’angle le plus favorable et en supposant qu’ils pourraient établir l’existence d’une distinction fondée sur un motif analogue, force est de conclure que la mesure législative en question n’est pas réellement discriminatoire à leur endroit. Il n’est pas nécessaire d’examiner tous les facteurs contextuels énumérés par le juge Iacobucci dans l’arrêt Law, précité, puisqu’il est manifeste que la situation des résidants de Winkler correspond exactement au genre de cas prévu par la Loi sur les ALV. La mention de cette ville à l’art. 16 de la Loi sur les ALV s’explique par le fait qu’elle était la seule municipalité à avoir tenu un référendum sur la question des ALV. L’objet même de cette disposition était de respecter la volonté que les résidants de Winkler avait exprimée lors du référendum de 1998. Au regard de ce référendum, je ne suis pas convaincu qu’un résidant raisonnable de Winkler s’estimerait marginalisé, dévalorisé ou mis de côté en tant que membre de la société canadienne (voir l’arrêt Law, précité, par. 53). Il n’y a pas d’atteinte à la dignité ni aucune violation du par. 15(1).
50 Comme je l’ai souligné plus haut relativement à l’argument fondé sur l’al. 2b), il se pourrait que le par. 15(1) s’applique lorsque la possibilité de voter à un référendum est accordée à certaines personnes et refusée à d’autres pour un motif de discrimination illicite. Ce serait le cas si une loi interdisait à des personnes de voter à un référendum en raison de leur race ou de leur religion. Cependant, cette situation n’existe pas en l’espèce. Premièrement, comme nous l’avons vu, la distinction établie à l’art. 16 de la Loi sur les ALV n’est pas fondée sur un motif analogue. Deuxièmement, elle n’a aucune incidence sur l’habilité et l’aptitude des résidants de Winkler à voter à un référendum sur les ALV tenu en application de la Loi. Il leur est loisible d’organiser un référendum s’ils souhaitent permettre à nouveau l’exploitation d’ALV dans leur municipalité. En conséquence, même si l’art. 16 établit une distinction en ce qui concerne les résidants de Winkler, cette distinction n’a rien à voir avec le droit de vote qui existerait.
VII. Conclusion et dispositif
51 Les présents motifs appuient la décision de rejeter le pourvoi rendue le 31 octobre 2002. Les intimés ont droit aux dépens, et les réponses suivantes sont apportées aux questions constitutionnelles qui ont été formulées :
(1) La Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo), L.M. 1999, ch. 44, excède‑t‑elle dans son ensemble la compétence de la législature du Manitoba du fait qu’elle porte sur une matière qui relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada en vertu du par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867?
Réponse : Non.
(2) Le paragraphe 16(1) de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) excède‑t‑il la compétence de la législature du Manitoba du fait qu’il porte sur une matière qui relève de la compétence exclusive du Parlement du Canada en vertu du par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867?
Réponse : Non.
(3) L’article 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il incompatible avec l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Non.
(4) Si la réponse à la troisième question est affirmative, l’art. 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il néanmoins justifié au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
(5) L’article 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il incompatible avec l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Non.
(6) Si la réponse à la cinquième question est affirmative, l’art. 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il néanmoins justifié au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
(7) L’article 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il incompatible avec le par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Non.
(8) Si la réponse à la septième question est affirmative, l’art. 16 de la Loi sur les options locales en matière de jeu (appareils de loterie vidéo) est‑il néanmoins justifié au regard de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse : Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
Pourvoi rejeté avec dépens.
Procureurs des appelants : Hill Abra Dewar, Winnipeg.
Procureur des intimés : Ministère de la Justice, Winnipeg.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Ministère du Procureur général, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick : Procureur général du Nouveau‑Brunswick, Fredericton.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Justice Alberta, Edmonton.
Procureurs des intervenants 292129 Alberta Ltd. et autres : Merchant Law Group, Edmonton.