Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.), [2000] 1 R.C.S. 783
DANS L’AFFAIRE DU paragraphe 27(1) de la Judicature Act, R.S.A. 1980, chapitre J‑1
ET DANS L’AFFAIRE DE questions déférées par le lieutenant gouverneur en conseil à la Cour d’appel de l’Alberta dans le décret 461/96 relativement à la Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, chapitre 39
Le procureur général de l’Alberta Appelant
c.
Le procureur général du Canada Intimé
et
Le procureur général de l’Ontario, le procureur général de la Nouvelle‑Écosse,
le procureur général du Nouveau‑Brunswick, le procureur général du Manitoba,
le procureur général de la Saskatchewan,
le gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest,
le ministre de la Justice du gouvernement du Territoire du Yukon,
la Federation of Saskatchewan Indian Nations,
la Coalition of Responsible Firearm Owners and Sportsmen (CORFOS),
la Law‑Abiding Unregistered Firearms Association (LUFA),
la Fédération de tir du Canada,
l’Association pour la santé publique du Québec inc.,
l’Alberta Council of Women’s Shelters, CAVEAT,
la Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence,
l’Association canadienne pour la santé des adolescents,
la Société canadienne de pédiatrie, la Coalition for Gun Control,
l’Association canadienne des chefs de police,
la Corporation de la cité de Toronto,
la Ville de Montréal et la Ville de Winnipeg Intervenants
Répertorié: Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.)
Référence neutre: 2000 CSC 31.
No du greffe: 26933.
2000: 21, 22 février; 2000: 15 juin.
Présents: Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.
en appel de la cour d’appel de l’alberta
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (1998), 219 A.R. 201, 179 W.A.C. 201, 65 Alta. L.R. (3d) 1, 164 D.L.R. (4th) 513, 19 C.R. (5th) 63, 128 C.C.C. (3d) 225, [1999] 2 W.W.R. 579, [1998] A.J. No. 1028 (QL), confirmant la constitutionnalité des dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l’enregistrement. Pourvoi rejeté.
Roderick A. McLennan, c.r., Thomas W. R. Ross et Neal A. McLennan, pour l’appelant.
Graham R. Garton, c.r., et Sheilah Martin, c.r., pour l’intimé.
Robert E. Charney et Edward J. Maksimowski, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
Louise Walsh Poirier et Reinhold Endres, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Nouvelle‑Écosse.
Gabriel Bourgeois, pour l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick.
Kenneth J. Tyler, pour l’intervenant le procureur général du Manitoba.
Graeme G. Mitchell, c.r., et Thomson Irvine, pour l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan.
Scott Duke, pour l’intervenant le gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest.
William Craik et Lee Kirkpatrick, pour l’intervenant le ministre de la Justice du gouvernement du Territoire du Yukon.
Delia Opekokew, Darren W. Winegarden, Albert C. Peeling et John D. Parsons, pour l’intervenante la Federation of Saskatchewan Indian Nations.
Dallas K. Miller, c.r., pour l’intervenante la Coalition of Responsible Firearm Owners and Sportsmen.
David R. Holman, pour l’intervenante la Law‑Abiding Unregistered Firearms Association.
Brian A. Crane, c.r., et Paul Shaw, pour l’intervenante la Fédération de tir du Canada.
Paul Larochelle, c.r., et Michèle Thivierge, pour l’intervenante l’Association pour la santé publique du Québec inc.
Alexander D. Pringle, c.r., et June Ross, pour l’intervenant l’Alberta Council of Women’s Shelters.
Peter A. Downard, Paul F. Monahan et Rochelle S. Fox, pour les intervenants CAVEAT, la Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence, l’Association canadienne pour la santé des adolescents et la Société canadienne de pédiatrie.
Jill Copeland, pour les intervenantes la Coalition for Gun Control, l’Association canadienne des chefs de police, la Corporation de la cité de Toronto, la Ville de Montréal et la Ville de Winnipeg.
Version française du jugement rendu par
La Cour —
I. Introduction
1 En 1995, le Parlement a modifié le Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, en adoptant la Loi sur les armes à feu, L.C. 1995, ch. 39, communément appelée la loi sur le contrôle des armes à feu, pour obliger tous les détenteurs d’armes à feu à obtenir un permis et à enregistrer leurs armes. En 1996, la province de l’Alberta, dans un renvoi à la Cour d’appel de l’Alberta, a contesté le pouvoir du Parlement d’adopter la loi sur le contrôle des armes à feu. Par une majorité de trois à deux, la Cour d’appel a confirmé la compétence du Parlement en la matière. La province de l’Alberta fait appel de cette décision devant notre Cour.
2 On ne demande pas à notre Cour de juger si le contrôle des armes à feu est bon ou mauvais en soi, si la loi est équitable ou inéquitable pour les détenteurs d’armes à feu ou si elle réussira à réduire les maux causés par l’usage abusif des armes à feu. La seule question est de savoir si le Parlement avait le pouvoir constitutionnel d’adopter la loi.
3 La réponse à cette question réside dans la Constitution canadienne. La Constitution attribue certaines matières au Parlement et d’autres aux législatures des provinces: Loi constitutionnelle de 1867. Le gouvernement fédéral affirme que la loi sur les armes à feu relève de sa compétence en matière de droit criminel, par. 91(27), et de sa compétence générale relativement à «la paix, l’ordre et le bon gouvernement» du Canada. Pour sa part, l’Alberta dit que cette loi relève de sa compétence en matière de propriété et de droits civils, par. 92(13). Les parties conviennent que pour trancher le litige, notre Cour doit d’abord déterminer en quoi consiste vraiment la loi sur le contrôle des armes à feu — son «caractère véritable» — et se demander ensuite à quel chef de compétence elle se rapporte le plus naturellement.
4 Nous concluons que la loi sur le contrôle des armes à feu relève de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. De par son «caractère véritable», elle vise à améliorer la sécurité publique en régissant l’accès aux armes à feu, au moyen d’interdictions et de sanctions et, de ce fait, elle relève de la compétence fédérale en matière de droit criminel. Bien que la loi comporte des aspects de réglementation, ceux‑ci sont accessoires à son objet premier, qui a trait au droit criminel. L’empiétement de la loi sur la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils n’est pas important au point de rompre l’équilibre du fédéralisme.
II. Les questions du renvoi
5 Les questions déférées à la Cour d’appel de l’Alberta par le gouvernement de l’Alberta en 1996 sont énoncées à l’appendice A. En termes simples, la question est de savoir si le Parlement avait le pouvoir d’édicter à l’égard des armes à feu ordinaires les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l’enregistrement. Les dispositions contestées sont énoncées à l’appendice B.
III. Les dispositions législatives
6 Pendant de nombreuses années, le Code criminel a limité l’accès aux armes à feu, surtout aux armes automatiques et aux armes de poing, en les plaçant dans les catégories des armes prohibées et des armes à autorisation restreinte. La Loi sur les armes à feu a étendu cette réglementation à toutes les armes à feu, y compris les carabines et les fusils de chasse. Par conséquent, l’art. 84 du Code criminel régit maintenant trois catégories d’armes à feu: (1) les armes à feu prohibées (principalement les armes automatiques); (2) les armes à feu à autorisation restreinte (principalement les armes de poing); (3) toutes les autres armes à feu (principalement les carabines et les fusils de chasse). La troisième catégorie est appelée diversement «armes à feu ordinaires», «armes d’épaule» et «armes non restreintes». Nous parlerons d’«armes à feu ordinaires».
7 Les questions du renvoi visent la validité des dispositions relatives aux permis et à l’enregistrement qui ont été introduites par la Loi sur les armes à feu à l’égard des armes à feu ordinaires. Les dispositions relatives aux permis obligent quiconque possède une arme à feu à avoir un permis. L’admissibilité à un permis est assujettie à des considérations de sécurité. Le permis peut être refusé à un demandeur ayant un casier judiciaire pour des infractions de drogue ou de violence, ou des antécédents de maladie mentale. Le demandeur qui cherche à acquérir une arme à feu doit réussir un cours de sécurité qui requiert une compréhension de base de la sécurité dans le maniement des armes à feu et des responsabilités légales liées à la propriété d’une arme à feu. Le contrôleur des armes à feu, qui délivre les permis, peut vérifier les antécédents du demandeur pour déterminer son admissibilité, et peut assortir le permis de conditions. Le permis est valide pour une période de cinq ans, mais il peut être révoqué par suite de contravention à ses conditions ou de déclaration de culpabilité de certaines accusations criminelles. Le refus et la révocation de permis sont susceptibles d’appel devant une cour de justice.
8 Les dispositions relatives à l’enregistrement sont plus limitées. Une arme à feu ne peut pas être enregistrée si le demandeur n’a pas de permis de possession pour ce type d’arme à feu. L’enregistrement renvoie généralement au numéro de série de l’arme à feu. Le certificat d’enregistrement est valide tant que son titulaire possède l’arme. En cas de cession de la propriété d’une arme enregistrée, le nouveau propriétaire doit enregistrer l’arme. Pour donner aux propriétaires d’armes à feu le temps d’enregistrer leurs armes, les personnes qui possédaient une arme à feu ordinaire le 1er janvier 1998 sont réputées être titulaires d’un certificat d’enregistrement valide jusqu’au 1er janvier 2003. La possession de toute catégorie d’arme à feu non enregistrée est une infraction. Tous les permis et certificats d’enregistrement, ainsi que les exportations, importations, pertes et vols d’armes à feu, sont inscrits au Registre canadien des armes à feu, qui est tenu par une personne nommée par le gouvernement fédéral.
IV. Les motifs de la Cour d’appel de l’Alberta
9 La Cour d’appel de l’Alberta, par une majorité de trois à deux, a confirmé la validité de la loi sur le contrôle des armes à feu de 1995: (1998), 65 Alta. L.R. (3d) 1. Quatre juges ont écrit des motifs.
A. Majorité
10 Dans un jugement exhaustif, le juge en chef Fraser note en premier que les armes à feu peuvent être réglementées par les gouvernements fédéral et provinciaux à différentes fins et que l’efficacité de la loi n’est pas pertinente pour sa qualification constitutionnelle. Elle conclut que le Parlement visait l’amélioration de la sécurité publique lorsqu’il a adopté la loi. Même si les armes à feu sauvent des vies et peuvent être des outils utiles, elles blessent et tuent aussi. Cette dernière caractéristique des armes à feu — leur dangerosité inhérente — fait l’objet des dispositions contestées de la Loi. Le Parlement avait pour but de réduire l’usage criminel des armes à feu, notamment la violence familiale, de même que les suicides et les accidents causés par le mauvais usage des armes à feu. Les dispositions relatives aux permis, qui obligent les demandeurs à réussir un cours sur la sécurité et à faire l’objet d’une vérification du casier judiciaire et d’une enquête sur leurs antécédents, visent à ce but. En cherchant à réduire la contrebande, le vol et la vente illégale des armes à feu, le système d’enregistrement s’attaque également à leur usage abusif. Les dispositions relatives aux permis et à l’enregistrement sont inextricablement liées. Bien que ces dispositions comportent la réglementation de droits de propriété, cette réglementation est le moyen utilisé par la loi, et non sa fin. Pour ce motif, le juge en chef Fraser conclut que, de par son caractère véritable, la Loi vise à protéger la sécurité publique contre l’usage abusif des armes à feu ordinaires.
11 Le juge en chef Fraser aborde ensuite la deuxième étape de l’analyse, qui consiste à déterminer si ce caractère véritable peut être attribué à l’un des chefs de compétence attribués au Parlement par la Loi constitutionnelle de 1867. Elle conclut que la loi relève de la compétence en matière criminelle, selon le par. 91(27), tant dans son aspect préventif que dans l’objet visé, les interdictions et sanctions. La loi n’est pas un empiétement déguisé ou injustifié sur la compétence provinciale.
12 Les juges Berger et Hetherington ont rédigé des motifs distincts en accord avec le Juge en chef. Le juge Hetherington conclut que toute arme à feu utilisée à mauvais escient est dangereuse pour la santé et la vie humaines. Par conséquent, en cherchant à prévenir le crime et à favoriser la sécurité publique en en décourageant la possession, le Parlement poursuivait un objectif de droit criminel valide. L’inefficacité potentielle de la loi, soulignée par l’Alberta et par les autres gouvernements provinciaux, n’est pas pertinente à moins qu’elle ne démontre que le Parlement visait un objectif différent — un motif déguisé. L’existence d’un motif déguisé n’a pas été démontrée parce que la loi vise réellement à améliorer l’entreposage des armes à feu, à en réduire le trafic et, de façon générale, à contribuer à leur repérage. Même si la loi peut toucher la propriété et les droits civils, cela n’empêche pas le Parlement de l’adopter. Le juge Hetherington conclut que la Loi sur les armes à feu contient des interdictions assorties de sanctions pénales, adoptées dans l’intérêt public en matière criminelle, et qu’elle est donc une loi valide selon le critère établi par le juge La Forest, de notre Cour, dans les arrêts RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, et R. c. Hydro‑Québec, [1997] 3 R.C.S. 213.
13 De même, le juge Berger souligne que toutes les armes à feu peuvent causer la mort si elles sont utilisées à mauvais escient. Il conclut qu’en adoptant la loi, le Parlement visait à ce que seules les personnes qualifiées dans l’usage des armes à feu en possèdent. Le système de permis identifie les personnes qualifiées. Le système d’enregistrement vise à ce que seules les personnes qualifiées puissent acquérir des armes à feu. Comme interdiction assortie d’une sanction, dans l’intérêt public, la loi est un exercice valide de la compétence du Parlement en matière de droit criminel. Les aspects de réglementation de la loi ne sont que les moyens d’arriver à une fin.
B. Minorité
14 Le juge Conrad, avec l’appui du juge Irving, était dissidente. Elle a donné une définition large de l’objet de la loi comme réglementant tous les aspects de la possession et de l’usage des armes à feu. Bien que les armes à feu et la sécurité soient des sujets d’intérêt fédéral et provincial, la compétence en matière de droit criminel a été «découpée» dans la compétence provinciale. La réglementation de la propriété plutôt que de l’usage, ainsi que la complexité de la réglementation démontrent que cette loi ne peut pas être qualifiée de loi criminelle valide. Généralement, le Code criminel interdit des actes plutôt que de réglementer la propriété. La possession n’est pas dangereuse en soi; seul l’usage abusif l’est, et la loi va bien au‑delà de l’interdiction de l’usage abusif. De cela, le juge Conrad conclut que la Loi sur les armes à feu est un empiétement déguisé sur la compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils et qu’elle est invalide en tant qu’exercice de la compétence du Parlement relativement au droit criminel ou à la paix, l’ordre et le bon gouvernement. Bien que d’avis d’annuler l’ensemble de la loi, elle conclut que si le régime de permis était jugé valide, le régime d’enregistrement pourrait être dissocié du régime de permis.
V. Analyse
15 Nous devons décider si les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l’enregistrement ont été validement édictées par le Parlement en vertu de sa compétence en matière de droit criminel ou relativement à la paix, l’ordre et le bon gouvernement. Pour répondre à cette question, nous devons effectuer l’analyse du partage des pouvoirs qui a été utilisée si souvent par notre Cour et qui a été résumée très récemment dans Global Securities Corp. c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, 2000 CSC 21; voir aussi Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273, R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, et R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463. Cette analyse comporte deux étapes. La première consiste à déterminer le «caractère véritable» ou le caractère essentiel de la loi et la seconde à classer ce caractère essentiel en égard aux chefs de compétence établis par la Loi constitutionnelle de 1867, afin de déterminer si la loi relève de la compétence du gouvernement qui l’a adoptée. Si c’est le cas, la loi est valide.
A. Caractérisation: Quel est le caractère véritable de la loi?
16 Il faut d’abord déterminer le «caractère véritable» de la loi. Pour reprendre les termes des art. 91 et 92, quelle est la «matière» de la loi? Quelle est sa véritable signification ou son caractère essentiel, sa quintessence? Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects: le but visé par le législateur qui l’a adoptée et l’effet juridique de la loi.
17 L’objet d’une loi est souvent énoncé dans son texte, mais il peut aussi être établi à partir de documents extrinsèques, comme le Hansard et les publications gouvernementales: Morgentaler, précité, aux pp. 483 et 484. Même si, à une certaine époque, les documents extrinsèques n’étaient pas admissibles aux fins de déterminer l’objet visé par le législateur, il est maintenant bien établi qu’on peut à bon droit examiner l’historique législatif, les débats parlementaires et autres documents semblables dans la mesure où ils sont pertinents et fiables et qu’on ne leur donne pas plus de poids qu’ils n’en méritent: Global Securities, précité, au par. 25; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au par. 35; Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862, au par. 14. L’objet peut aussi être établi par l’examen du «mal» visé par la loi — le problème auquel le législateur a voulu remédier: Morgentaler, précité, aux pp. 483 et 484.
18 Les effets juridiques d’une loi sont déterminés par l’examen de son application et de ses effets sur les Canadiens. Le procureur général de l’Alberta dit que la loi ne réussira pas à atteindre son but. Selon lui, pour ce qui a trait à un objet de droit criminel, le régime législatif sera inefficace (p. ex. les criminels n’enregistreront pas leurs armes); là où elle aura un effet, la loi ne contribuera pas à la lutte contre le crime (p. ex. en imposant aux agriculteurs de la paperasserie inutile). Ces préoccupations ont été adressées, comme il se doit, au Parlement qui les a examinées. Dans le cadre de ses compétences constitutionnelles, c’est au Parlement qu’il appartient de juger s’il est probable qu’une mesure atteindra le but poursuivi; l’efficacité n’est pas pertinente dans le cadre de l’analyse du partage des pouvoirs par notre Cour: Morgentaler, précité, aux pp. 487 et 488, et Renvoi: Loi anti‑inflation, [1976] 2 R.C.S. 373. L’examen vise plutôt à déterminer comment la loi cherche à atteindre son but afin de mieux comprendre son [traduction] «entière portée»: W. R. Lederman, Continuing Canadian Constitutional Dilemmas (1981), aux pp. 239 et 240. Dans certains cas, les effets de la loi peuvent indiquer un objet autre que celui qu’elle énonce: Morgentaler, précité, aux pp. 482 et 483; Attorney‑General for Alberta c. Attorney‑General for Canada, [1939] A.C. 117 (C.P.) (Alberta Bank Taxation Reference); et Texada Mines Ltd. c. Attorney‑General of British Columbia, [1960] R.C.S. 713; et, de façon générale, P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), aux pp. 15‑14 à 15‑16. En d’autres termes, une loi peut dire qu’elle vise une chose et, en réalité, faire autre chose. Lorsque les effets de la loi diffèrent de façon importante de l’objet déclaré, on parle parfois de «motif déguisé».
19 Sur cette toile de fond, nous abordons l’objet de la Loi sur les armes à feu. L’article 4 déclare que son objet est «de prévoir [. . .] la délivrance de permis, de certificats d’enregistrement et d’autorisations permettant la possession d’armes à feu» et «de permettre [. . .] la fabrication» et «la cession» d’armes à feu ordinaires. Ces mots tiennent du langage de la réglementation de la propriété. Ces mots sont toutefois directement liés à un objet formulé dans le langage du droit criminel. Les dispositions relatives aux permis, à l’enregistrement et aux autorisations circonscrivent les moyens par lesquels les personnes peuvent être propriétaires et faire cession d’armes à feu ordinaires «en des circonstances qui ne donnent pas lieu à une infraction» criminelle. Ceux qui contestent la loi invoquent la première partie de l’article et sa nature réglementaire. Ceux qui cherchent à la faire confirmer invoquent la deuxième partie de l’article et sa nature pénale.
20 Les déclarations faites à la Chambre des communes par l’honorable Allan Rock, ministre de la Justice à l’époque, à la deuxième lecture, indiquent que l’objet visé par le gouvernement fédéral dans cette loi était de favoriser la sécurité publique. Il a déclaré: «Le gouvernement estime que la réglementation des armes à feu devrait viser principalement à faire que le Canada demeure un pays sûr, civilisé et paisible» (Débats de la Chambre des communes, vol. 133, no 154, 1re sess., 35e lég., 16 février 1995, à la p. 9706 (nous soulignons)), puis il a décrit en détail le contenu de la loi (à la p. 9707):
[P]remièrement, des mesures sévères pour contrer l’usage criminel des armes à feu; deuxièmement, des peines précises pour punir ceux qui font la contrebande des armes à feu illégales; troisièmement, des mesures générales pour délimiter ce qui constitue un usage légitime des armes à feu qui ne menace pas la sécurité publique. [Nous soulignons.]
(Voir aussi les motifs du juge en chef Fraser, aux par. 169 à 172.)
Ensuite, le ministre a mentionné les problèmes des suicides, des coups de feu accidentels et de l’usage d’armes à feu dans des cas de violence familiale, et il a évoqué certaines tragédies qui avaient incité le public à demander un contrôle des armes à feu. Russell MacLellan, Secrétaire parlementaire du ministre de la Justice à l’époque, a souligné les préoccupations du gouvernement, précisant que la Loi reposait sur «trois objectifs fondamentaux: décourager la mauvaise utilisation des armes à feu, contrôler de façon générale les personnes qui ont accès à des armes à feu, et contrôler certains types particuliers d’armes à feu» («Le projet canadien sur les armes à feu» (1995), 37 Rev. can. crim. 173, à la p. 173).
21 Une autre façon de déterminer l’objet de la loi est d’examiner les problèmes qu’elle cherche à régler -- le «mal visé». La Loi sur les armes à feu vise un certain nombre de problèmes ou de «maux». L’un d’eux est le commerce illégal des armes à feu, à l’intérieur du Canada et à l’extérieur avec les États‑Unis: Plan d’action du gouvernement sur le contrôle des armes à feu, déposé à la Chambre des communes en 1994. Un autre est le lien entre les armes à feu et les crimes de violence, les suicides et les morts accidentelles. Dans un document commandé par le ministère de la Justice en 1994, intitulé Les conséquences de la disponibilité des armes à feu sur les taux de crime de violence, de suicide et de décès accidentel: Rapport sur la littérature concernant en particulier la situation au Canada, Thomas Gabor conclut que les morts dues à ces trois causes pouvaient augmenter dans les ressorts où il y avait le moins de restrictions sur les armes à feu. Que l’on accepte ou non les conclusions de Gabor, son étude indique que le problème que le Parlement cherchait à régler en adoptant la loi était le problème de l’usage abusif des armes à feu et de la menace qu’il constitue pour la sécurité publique.
22 Enfin, il y a l’argument solide que l’objet de la loi correspond à l’accent mis traditionnellement sur la sécurité publique dans les lois relatives au contrôle des armes à feu. Le présent renvoi ne vise que les dispositions de la Loi relatives aux permis et à l’enregistrement applicables aux armes à feu ordinaires. L’Alberta ne conteste pas les exigences de permis et d’enregistrement pour les armes à autorisation restreinte et les armes prohibées. Elle admet volontiers que les restrictions applicables à ces catégories d’armes sont constitutionnelles. D’ailleurs, l’Alberta aurait de la difficulté à prétendre le contraire, car de nombreux tribunaux ont confirmé la validité de divers aspects de la législation fédérale sur le contrôle des armes à feu qui existait avant l’entrée en vigueur de la Loi: R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443; McGuigan c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 284; et Attorney General of Canada c. Pattison (1981), 30 A.R. 83 (C.A.).
23 Plus particulièrement, avant l’introduction de la Loi sur les armes à feu, l’enregistrement de toutes les armes à autorisation restreinte a été jugé valide par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans Martinoff c. Dawson (1990), 57 C.C.C. (3d) 482. En outre, le Code criminel obligeait toute personne voulant obtenir tout genre d’arme à feu à demander une autorisation d’acquisition d’armes à feu. Cette exigence a été jugée valide dans R. c. Northcott, [1980] 5 W.W.R. 38 (C. prov. C.‑B.). Ces décisions ont confirmé la validité des dispositions antérieures en matière de contrôle des armes à feu pour le motif que le but visé par le Parlement était de favoriser la sécurité publique. La Loi sur les armes à feu étend la portée de ces dispositions de deux manières: (1) elle exige l’enregistrement de toutes les armes à feu, et non plus seulement des armes à feu prohibées et à autorisation restreinte; (2) à un moment donné, tous les propriétaires d’armes à feu devront détenir un permis, et non plus seulement les personnes qui souhaitent en acquérir. Ces modifications représentent la continuité de l’intérêt que porte le Parlement aux questions de sécurité et constituent un accroissement limité de la portée des dispositions antérieures. Étant donné l’acceptation générale de la législation de contrôle des armes à feu, qui existe depuis cent ans et dont la constitutionnalité a toujours été fondée sur l’intérêt que porte le Parlement à la sécurité publique, il est maintenant difficile d’imputer au Parlement une intention différente. Cela appuie l’opinion que le caractère véritable de la loi a trait à la sécurité publique.
24 Les effets du régime — la façon dont il touche les droits des Canadiens — appuient également la conclusion que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu, de par son caractère véritable, est une mesure de sécurité publique. Les critères d’obtention d’un permis sont liés à la sécurité, plutôt qu’à la réglementation de la propriété: la vérification du casier judiciaire et l’enquête sur les antécédents visent à garder les armes à feu hors de la possession de ceux qui sont incapables de les utiliser avec sûreté. Les cours sur la sécurité permettent de vérifier que les propriétaires d’armes à feu sont qualifiés. Ce que la loi n’exige pas montre également que le fonctionnement du régime se limite à assurer la sécurité. Par exemple, la Loi ne réglemente pas le marché commercial légitime des armes à feu. Elle ne cherche pas à établir des normes du travail ou le prix des armes. Elle ne tente pas de protéger ni de réglementer les industries ou les entreprises liées aux armes à feu (voir Pattison, précité, au par. 22). À la différence des registres de biens provinciaux, le registre créé par la Loi ne porte pas sur des droits antérieurs et, à la différence de certaines lois provinciales sur les véhicules à moteur, la Loi ne traite pas d’assurance. En bref, ses effets indiquent que son essence même est la promotion de la sécurité publique par la réduction de l’usage abusif des armes à feu, et démentent ainsi la proposition que le Parlement tentait en réalité d’atteindre un but différent, telle la réglementation générale de la production, du commerce et de la propriété des armes à feu. Nous concluons donc que, vu son objet et ses effets, la Loi sur les armes à feu, de par son «caractère véritable», vise la sécurité publique.
B. Qualification: Le Parlement avait‑il compétence pour adopter la loi?
25 Après l’évaluation du caractère véritable ou de la matière de la loi, la deuxième étape consiste à déterminer si cette matière relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée. Nous devons examiner les chefs de compétence attribués par les art. 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 et déterminer auquel elle se rapporte. En l’espèce, la question est de savoir si la loi relève de la compétence fédérale sur le droit criminel ou la paix, l’ordre et le bon gouvernement, ou si elle relève de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils. La présomption de constitutionnalité signifie que l’Alberta, en tant que partie contestant la Loi, doit démontrer qu’elle ne relève pas de la compétence du Parlement: Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, [1978] 2 R.C.S. 662.
26 La détermination du chef de compétence duquel relève une loi particulière n’est pas une science exacte. Dans un système fédéral, chaque ordre de gouvernement peut s’attendre à ce que sa compétence soit touchée dans une certaine mesure par l’autre. Comme le juge en chef Dickson le dit dans General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, à la p. 669, «il faut s’attendre à ce qu’il y ait chevauchement de mesures législatives et il faut s’y adapter dans un État fédéral». Les lois se rapportant principalement à la compétence d’un ordre de gouvernement peuvent déborder, ou avoir des «effets secondaires», sur les champs de compétence de l’autre ordre de gouvernement. C’est une question d’équilibre et de fédéralisme: aucun ordre de gouvernement n’est isolé de l’autre, ni ne peut usurper ses fonctions.
27 En règle générale, une loi peut être considérée comme relevant du droit criminel si elle comporte les trois éléments suivants: un objet valide de droit criminel assorti d’une interdiction et d’une sanction: RJR-MacDonald, Hydro-Québec, précités; et Reference re Validity of Section 5(a) of the Dairy Industry Act, [1949] R.C.S. 1 (le «Renvoi sur la margarine»). Le procureur général du Canada soutient que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu respecte ces trois exigences et cite plusieurs auteurs à l’appui de ses arguments: D. Gibson, «The Firearms Reference in the Alberta Court of Appeal» (1999), 37 Alta. L. Rev. 1071; D. M. Beatty, «Gun Control and Judicial, Anarchy» (1999), 10 Forum Constitutionnel 45; A. C. Hutchinson et D. Schneiderman, «Smoking Guns: The Federal Government Confronts The Tobacco and Gun Lobbies» (1995), 7 Forum Constitutionnel 16; ainsi que le témoignage de Peter W. Hogg devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 26 octobre 1995.
28 Avant de déterminer si les trois critères de droit criminel sont respectés par cette loi, il y a lieu de faire quelques observations générales sur la compétence en matière de droit criminel. Comme notre Cour l’a indiqué dans de nombreux arrêts, c’est un vaste domaine de compétence fédérale: RJR‑MacDonald, Hydro‑Québec, et Renvoi sur la margarine, précités. Le droit criminel a une place à part comme chef de compétence fédérale. Malgré des chevauchements multiples avec la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils, il ne résulte pas d’un «découpage» de la compétence provinciale, contrairement à l’opinion du juge Conrad de la Cour d’appel. Il englobe aussi la procédure pénale, qui régit plusieurs aspects de son application, comme l’arrestation, la fouille, la perquisition et la saisie d’éléments de preuve, la réglementation de l’écoute électronique et la confiscation des biens volés.
29 Non seulement le droit criminel se situe‑t‑il à part comme chef de compétence, mais il s’exprime aussi dans une vaste gamme de lois. Le Code criminel est la quintessence même d’un texte législatif fédéral en matière de droit criminel, mais il n’est pas le seul. La Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits dangereux, la Loi sur le dimanche et la Loi réglementant les produits du tabac ont toutes été jugées constituer un exercice valide de la compétence en matière criminelle: Standard Sausage Co. c. Lee, [1933] 4 D.L.R. 501 (B.C.C.A.); R. c. Cosman’s Furniture (1972) Ltd. (1976), 73 D.L.R. (3d) 312 (C.A. Man.); Big M Drug Mart, précité (dispositions législatives annulées pour d’autres motifs); et RJR‑MacDonald, précité (dispositions législatives annulées pour d’autres motifs). Par conséquent, le fait que certaines dispositions de la Loi sur les armes à feu ne se retrouvent pas dans le Code criminel n’est pas pertinent pour les fins de la qualification constitutionnelle.
30 La compétence en matière de droit criminel est vaste, mais elle n’est pas illimitée. Certaines parties ont exprimé devant notre cour la crainte que cette compétence soit utilisée de façon illégitime pour envahir un domaine provincial et usurper des pouvoirs provinciaux. Une perception dûment pondérée de la compétence en matière de droit criminel exclut cette éventualité.
31 Dans ce contexte, revenons aux trois critères qu’une loi doit respecter pour être considérée comme relevant du droit criminel. La première étape consiste à déterminer si la loi a un objet valide de droit criminel. Le juge Rand a donné certains exemples d’objets valides dans le Renvoi sur la margarine, à la p. 50: [traduction] «La paix publique, l’ordre, la sécurité, la santé, la moralité: ce sont les fins habituelles, mais pas exclusives, du droit [criminel]». Nous avons conclu précédemment que, de par son caractère véritable, la loi sur le contrôle des armes à feu visait la sécurité publique, ce qui la place clairement dans l’objectif de droit criminel que constitue la protection de la paix publique, de l’ordre, de la sécurité et de la santé.
32 Pour déterminer si l’objet d’une loi est un objet de droit criminel valide, les tribunaux examinent si les lois de ce genre sont habituellement jugées relever du droit criminel: Morgentaler, précité, à la p. 491, et RJR‑MacDonald, précité, au par. 204; également Scowby c. Glendinning, [1986] 2 R.C.S. 226, Westendorp c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 43, et R. c. Zelensky, [1978] 2 R.C.S. 940. Les tribunaux ont conclu à maintes reprises que le contrôle des armes à feu relevait de la compétence en matière de droit criminel. Comme le juge en chef Fraser l’a démontré dans ses motifs, le contrôle des armes à feu est une matière de droit criminel depuis avant l’adoption du Code criminel en 1892, et cela est toujours le cas (voir aussi E. M. Davies, «The 1995 Firearms Act: Canada’s Public Relations Response to the Myth of Violence» (2000), 6 Appeal 44, et M. L. Friedland, A Century of Criminal Justice (1984), aux pp. 125 et suiv.).
33 Le contrôle des armes à feu est traditionnellement considéré comme relevant validement du droit criminel parce que les armes à feu sont dangereuses et constituent un risque pour la sécurité publique. L’article 2 du Code criminel (modifié par le par. 138(2) de la Loi sur les armes à feu) définit une «arme à feu» comme «[t]oute arme [...] susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne» (nous soulignons). Cela démontre que le Parlement considère les armes à feu comme dangereuses et qu’il réglemente leur possession et leur usage pour ce motif. La loi se limite à prévoir des restrictions pour des fins de sécurité. En cela, la réglementation des armes à feu en tant que produits dangereux est un objet valide de droit criminel: R. c. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199; RJR‑MacDonald, précité; R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284; et Cosman’s Furniture, précité.
34 La constatation de l’existence d’un objet valide de droit criminel ne conclut toutefois pas l’analyse. Il faut aussi que cet objet soit lié à une interdiction assortie d’une sanction. La loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu satisfait à ces exigences. L’article 112 de la Loi sur les armes à feu interdit la possession d’une arme à feu sans certificat d’enregistrement. L’article 91 du Code criminel (modifié par l’art. 139 de la Loi sur les armes à feu) interdit la possession d’une arme à feu sans permis et certificat d’enregistrement. Ces interdictions sont assorties de sanctions: voir l’art. 115 de la Loi sur les armes à feu et l’art. 91 du Code.
35 Il ressort donc que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu possède les trois critères requis pour relever du droit criminel. L’Alberta et les autres provinces ont toutefois soulevé d’autres objections qui nous devons examiner.
(1) Réglementation ou interdiction criminelle?
36 La première objection est que la Loi sur les armes à feu tient essentiellement de la réglementation et non de la législation pénale en raison de sa complexité et du pouvoir discrétionnaire qu’elle confère au contrôleur des armes à feu. Les provinces prétendent que ces aspects de la loi sont caractéristiques des lois de réglementation, et non pas des lois pénales: voir Hogg, op. cit., aux pp. 18‑25 et 18‑26.
37 Malgré son attrait initial, cet argument n’aide pas la cause de l’Alberta. Le fait que la Loi soit complexe ne lui enlève pas nécessairement son caractère pénal. D’autres lois, comme la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. (1985), ch. F‑27, et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, L.R.C. (1985), ch. 16 (4e suppl.), sont des exercices légitimes de la compétence en matière de droit criminel et sont pourtant extrêmement complexes. La loi ne confère pas non plus un pouvoir discrétionnaire indu au contrôleur des armes à feu ou au directeur. Les infractions ne sont pas définies par un organisme administratif, ce qui évite le problème mentionné dans les motifs de dissidence de l’arrêt Hydro‑Québec, précité. Elles sont clairement énoncées dans la Loi et dans le Code criminel: nul ne doit posséder d’arme à feu sans le permis et le certificat d’enregistrement requis. Si la Loi prévoit le pouvoir discrétionnaire de refuser des autorisations de port ou de transport, à l’art. 68, et un certificat d’enregistrement en vertu de l’art. 69, ce pouvoir discrétionnaire est limité par la Loi. Un permis peut être refusé à un demandeur qui ne répond pas aux critères d’admissibilité: art. 68. L’admissibilité à un permis est délimitée dans d’autres dispositions de la Loi: une personne ne peut pas obtenir de permis si elle a été déclarée coupable de certaines infractions (par. 5(2)) ou si elle fait l’objet d’une ordonnance d’interdiction (art. 6); l’art. 7 oblige le demandeur à réussir un cours sur la sécurité. Le pouvoir discrétionnaire relativement à l’enregistrement est également circonscrit par la Loi. Le contrôleur ou le directeur peut refuser l’enregistrement pour une «raison valable»: art. 68 et 69 et il doit notifier son refus par écrit et fournir ses motifs (art. 72). Ces dispositions démontrent que la Loi ne confère pas un pouvoir discrétionnaire indu au contrôleur ou au directeur. En outre, le contrôleur et le directeur sont expressément soumis à la surveillance des tribunaux. Le refus ou la révocation d’un permis ou d’un certificat d’enregistrement peut être renvoyé à un juge de cour provinciale: art. 74. Les tribunaux interpréteront les mots «raison valable» des art. 68 et 69 en fonction de l’objet de sécurité publique, de sorte que l’exercice du pouvoir discrétionnaire du contrôleur et du directeur sera toujours lié à cet objet.
38 En outre, les interdictions et les sanctions de la loi ne sont pas de nature réglementaire. Elles ne se limitent pas à assurer le respect du régime, comme c’était le cas dans l’arrêt Boggs c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 49, mais forment en elles‑mêmes un tout et servent de façon indépendante les fins de la sécurité publique. Les interdictions et les sanctions ne sont pas liées à un objectif de production de revenus. Le Parlement ne visait pas à réglementer la propriété, mais à assurer que seuls seront autorisés à posséder une arme à feu ceux qui démontrent qu’ils satisfont aux conditions d’obtention des permis.
39 L’Alberta et les intervenants qui l’appuyaient ont soutenu que la seule façon pour le Parlement de contrôler les armes à feu serait d’interdire carrément les armes à feu ordinaires. Avec égards, cette proposition n’est étayée ni par la logique ni par la jurisprudence. Premièrement, la jurisprudence établit que le Parlement peut utiliser des moyens indirects pour atteindre ses fins. Une interdiction directe et totale n’est pas requise: Renvoi relatif à l’art. 193 et à l’al. 195.1(1)c) du Code criminel (Man.), [1990] 1 R.C.S. 1123, et RJR‑MacDonald, précité. Deuxièmement, les exemptions n’empêchent pas une loi d’être prohibitive et, par conséquent, de nature pénale: R. c. Furtney, [1991] 3 R.C.S. 89, Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 R.C.S. 616, et Lord's Day Alliance of Canada c. Attorney General of British Columbia, [1959] R.C.S. 497. Troisièmement, comme on le dit plus haut, l’interdiction en l’espèce ne vise pas simplement à imposer le paiement de frais ou un régime de réglementation n’ayant rien à voir avec la sécurité, qui est l’objet essentiel de la loi: par contraste voir Boggs, précité. Enfin, si l’interdiction n’est pas requise pour rendre constitutionnel le contrôle des armes de poing, et personne ne prétend le contraire, pourquoi devrait‑elle l’être pour les armes à feu ordinaires?
40 Invoquant un argument connexe, certains intervenants provinciaux ont soutenu que si l’objet de la loi était de réduire l’usage abusif, la loi devrait alors porter directement sur l’usage abusif. Selon cette opinion, le Parlement pourrait interdire l’usage négligent ou l’usage abusif volontaire des armes à feu, comme il l’a fait aux art. 85 à 87 du Code criminel, mais il ne pourrait pas interdire à une personne de posséder une arme à feu si cette personne constituait un risque pour la sécurité publique, ni réglementer la manière d’entreposer les armes à feu. Là encore, la réponse réside dans le fait que le Parlement peut utiliser des moyens indirects pour favoriser l’objet de sécurité publique. Les risques liés aux armes à feu ordinaires ne se limitent pas à la conduite volontaire ou négligente qui pourrait être dissuadée par l’interdiction de l’usage abusif. Le procureur général du Canada a prétendu, par exemple, que le taux de suicide augmente avec l’accès aux armes à feu. On a soutenu qu’une personne envisageant le suicide peut être plus susceptible de passer aux actes si une arme à feu est disponible; le Parlement a donc le droit d’empêcher les personnes à risques, en raison d’une maladie mentale par exemple, de posséder une arme à feu. L’interdiction de l’usage abusif ne préviendra vraisemblablement pas un suicide potentiel; l’interdiction de posséder une arme à feu peut le faire. Il n’est pas difficile d’imaginer d’autres exemples où l’interdiction de l’usage abusif est insuffisante. L’interdiction de l’usage abusif n’empêchera vraisemblablement pas la mort d’un enfant qui joue avec une arme à feu; une interdiction visant les propriétaires irresponsables ou l’entreposage négligent peut le faire. Là encore, la limitation de l’accès peut avoir plus d’effets sur l’usage d’armes à feu par des voleurs qu’une loi leur en interdisant l’usage. La question en litige n’est pas de savoir si la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu atteint vraiment ces fins mais si, en ciblant ces dangers, le Parlement a outrepassé sa compétence en matière de droit criminel. Nous sommes d’avis que non.
(2) Propriété et droits civils ou droit criminel?
41 La deuxième objection principale de l’Alberta à ce que le régime de 1995 sur le contrôle des armes à feu soit classé dans le droit criminel est qu’on ne peut le différencier de régimes provinciaux actuels de réglementation des biens, comme l’enregistrement des automobiles et des droits immobiliers.
42 Cet argument ne tient pas compte du fait que les restrictions fédérales sur les armes à feu et la réglementation provinciale d’autres types de biens visent des fins différentes. Les armes à feu sont l’objet de restrictions parce qu’elles sont dangereuses. Bien que les automobiles soient également dangereuses, les législatures provinciales réglementent la possession et l’utilisation des automobiles non pas en tant que produits dangereux, mais en tant qu’objets de propriété et en tant qu’exercice de droits civils en vertu de la compétence que leur confère le par. 92(13): Canadian Indemnity Co. c. Procureur général de la Colombie‑Britannique, [1977] 2 R.C.S. 504; Validity of Section 92(4) of the Vehicles Act, 1957 (Sask.), [1958] R.C.S. 608; Provincial Secretary of Prince Edward Island c. Egan, [1941] R.C.S. 396.
43 L’argument que le régime fédéral de contrôle des armes à feu ne diffère pas de la réglementation provinciale des véhicules automobiles ne tient pas compte du fait qu’il y a des différences importantes entre le rôle des armes à feu et celui des automobiles dans la société canadienne. Tant les armes à feu que les automobiles peuvent être utilisées à des fins socialement acceptables. De même, les unes et les autres peuvent causer des blessures et la mort. Leurs principaux usages sont néanmoins fondamentalement différents. Les automobiles sont principalement des moyens de transport. Les dangers pour le public sont généralement involontaires et accessoires à leur usage. Les armes à feu, par contre, constituent un risque immédiat pour la sécurité dans plusieurs usages, voire tous les usages qui en sont faits. Les armes à feu sont souvent utilisées dans les crimes de violence, et notamment de violence familiale; les automobiles ne le sont pas. Le Parlement considère donc les armes à feu comme particulièrement dangereuses et a cherché à lutter contre ce danger en étendant le régime de permis et d’enregistrement à toutes les catégories d’armes à feu. Le Parlement n’a pas adopté la Loi sur les armes à feu pour les réglementer en tant qu’objets de propriété. La Loi ne traite pas d’assurance ou d’endroits où l’usage est permis. Par contre, elle traite des aspects du contrôle des armes à feu qui ont trait à leur nature dangereuse et à la nécessité d’en réduire l’usage abusif.
44 Toujours sur le thème de la propriété et des droits civils, les opposants à la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu prétendent que les armes à feu ordinaires, comme les carabines et les fusils de chasse, sont des biens ordinaires et non pas des biens dangereux. Selon eux, les armes à feu ordinaires sont différentes des armes automatiques et des armes de poing, que le Parlement réglementait déjà. Les armes à feu ordinaires servent principalement aux fins légitimes de la chasse, du piégeage et de l’élevage. Par opposition, les armes automatiques et les armes de poing ont peu d’usages autres que le crime et la guerre. On soutient que le fait que le Parlement ait le droit, en vertu de sa compétence en matière criminelle, de contrôler les armes automatiques et les armes de poing ne signifie pas qu’il a le droit de réglementer les armes à feu ordinaires.
45 La faiblesse de cet argument tient à ce que même si les armes à feu ordinaires sont souvent utilisées à des fins licites, elles le sont également pour le crime et le suicide, et elles causent des morts et des blessures accidentelles. On ne peut pas diviser clairement les armes à feu en deux catégories — celles qui sont dangereuses et celles qui ne le sont pas. Toutes les armes à feu sont susceptibles d’utilisation criminelle. Elles sont toutes susceptibles de tuer et de mutiler. Toutes les armes à feu sont donc une menace pour la sécurité publique. À ce titre, leur contrôle relève de la compétence en matière criminelle.
46 Dans une autre variante de cet argument, les provinces de l’Ontario et de la Saskatchewan ont soutenu que même si les dispositions de la loi relatives aux permis étaient des dispositions valides de droit criminel, les dispositions relatives à l’enregistrement relevaient essentiellement de la compétence provinciale en matière de propriété et devraient être retranchées et annulées. L’argument est que les dispositions de la Loi relatives à l’enregistrement sont une simple réglementation ayant un lien ténu avec les fins de sécurité publique invoquées par le gouvernement fédéral pour justifier l’ensemble de la Loi. Le juge Conrad était d’accord avec cet argument, et a conclu que, même si la Loi [traduction] «lie habilement» dans un «emballage astucieux» les dispositions relatives aux permis et les dispositions relatives à l’enregistrement, les dispositions relatives à l’enregistrement pouvaient être retranchées de la loi sur le contrôle des armes à feu. La preuve en était, selon elle, que le régime antérieur de certificats d’acquisition, qui régissait les armes prohibées et les armes à autorisation restreinte, s’appliquait aux armes à feu ordinaires sans être lié à un système d’enregistrement.
47 Nous ne sommes pas convaincus que les dispositions relatives à l’enregistrement peuvent être retranchées de la Loi, ni qu’elles ne servent pas l’objet de sécurité publique poursuivi par le Parlement. Les dispositions relatives aux permis obligent quiconque possède une arme à feu à obtenir un permis. Les dispositions relatives à l’enregistrement exigent l’enregistrement de toutes les armes à feu. La combinaison des deux parties du régime vise à assurer que, lorsqu’une arme à feu change de propriétaire, le nouveau propriétaire ait un permis. Sans système d’enregistrement, cela serait impossible à vérifier. Si une arme à feu est trouvée en la possession d’une personne sans permis, le système d’enregistrement permet au gouvernement d’en déterminer la provenance. Avec un régime d’enregistrement en place, les propriétaires détenant un permis peuvent être tenus responsables de la cession de leurs armes. Le système d’enregistrement vise aussi, comme l’ensemble de la loi, à réduire l’usage abusif. Lorsqu’une personne est déclarée coupable d’un crime de violence ou qu’il lui est interdit de posséder une arme, le régime d’enregistrement est censé aider la police à déterminer si le contrevenant possède en fait une arme à feu et à la confisquer. Le régime d’enregistrement vise également à réduire la contrebande et le commerce illégal des armes à feu. Ces liens multiples démontrent que les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives à l’enregistrement et aux permis sont tous deux étroitement liées au but visé par le Parlement, soit la promotion de la sécurité par la réduction de l’usage abusif de toutes les armes à feu. Ces deux catégories de dispositions sont partie intégrante et nécessaire du régime. Le fait que le régime antérieur de certificats d’acquisition n’était pas assorti d’un système d’enregistrement n’empêche pas le gouvernement d’améliorer le système. De plus, avant l’adoption de la Loi, le gouvernement fédéral avait un système d’enregistrement pour les armes de poing. Il cherche maintenant à l’étendre à toutes les armes à feu. Contrairement à ce qu’a indiqué le juge Conrad, aucune fin inappropriée n’a été démontrée relativement à l’inclusion de l’enregistrement dans le régime.
(3) Un empiétement indu sur les pouvoirs des provinces?
48 Dans un argument connexe, l’Alberta et les intervenants provinciaux soutiennent que la loi empiète indûment sur les pouvoirs des provinces et que la confirmation qu’elle relève du droit criminel rompra l’équilibre du fédéralisme. À l’appui de son argument, l’Alberta cite l’ouvrage de D. M. Beatty, qui propose d’appliquer aux questions de compétences législatives les considérations de rationalité et de proportionnalité issues des arrêts portant sur l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés: Constitutional Law in Theory and Practice (1995). Il est loin d’être évident qu’il serait utile d’appliquer la technique de pondération des avantages et des inconvénients utilisée dans la jurisprudence relative à l’article premier à cet exercice très différent qu’est la définition de la portée des chefs de compétence établis par les art. 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ceci dit, il est toutefois incontestable que l’équilibre approprié doit être maintenu entre les chefs de compétence fédéraux et provinciaux. L’existence même d’un État fédéral dépend de la présence d’un équilibre juste et fonctionnel entre le gouvernement central et les gouvernements provinciaux, comme notre Cour l’a affirmé dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217; voir également General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, précité. Les tribunaux, très conscients de la nécessité de préserver cet équilibre, n’ont pas hésité à annuler des dispositions législatives non conformes aux exigences du droit criminel: Boggs et Renvoi sur la margarine, précités. La question n’est pas de savoir si cet équilibre est nécessaire, mais si la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu rompt l’équilibre.
49 L’argument que la loi de 1995 sur le contrôle des armes à feu rompt l’équilibre de la Confédération peut être considéré comme un argument selon lequel le caractère véritable de la loi, vu ses effets, n’a pas trait à la sécurité publique et donc à la compétence fédérale en matière criminelle, mais relève plutôt de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils. En termes simples, la question est de savoir si la loi est principalement relative au droit criminel. Si elle l’est, ses effets secondaires touchant des domaines de compétence provinciale ne sont pas pertinents sur le plan constitutionnel: voir, p. ex., Consortium Developments (Clearwater) Ltd. c. Sarnia (Ville), [1998] 3 R.C.S. 3, et Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85. En revanche, si les effets de la loi, compte tenu de son objet, sont suffisants pour établir qu’elle vise principalement la propriété et les droits civils, elle excède la compétence du gouvernement fédéral. En résumé, la question est de savoir si les effets «provinciaux» sont secondaires, auquel cas ils ne sont pas pertinents du point de vue constitutionnel, ou s’ils sont tellement importants qu’ils indiquent bien que la loi est principalement, ou de par son «caractère véritable», une réglementation de la propriété et des droits civils.
50 Nous estimons que l’Alberta et les provinces n’ont pas démontré que les effets de la loi sur les matières provinciales étaient plus que secondaires. Premièrement, le simple fait que les armes à feu sont des biens ne suffit pas pour démontrer que, de par son caractère véritable, une loi sur le contrôle des armes à feu relève d’une matière provinciale. L’exercice de la compétence en matière criminelle touche souvent, et à divers degrés, la propriété et les droits civils: Attorney‑General for British Columbia c. Attorney‑General for Canada, [1937] A.C. 368 (C.P.). De tels effets sont presque inévitables, puisque de nombreux aspects du droit criminel ont trait aux biens et à leur propriété. Le fait que ces effets sont habituels n’atténue pas la nécessité de les examiner. Cela indique toutefois que nous ne pouvons pas tracer une ligne bien définie entre le droit criminel et la propriété et les droits civils. Les aliments, les drogues et le matériel pornographique sont tous des objets de propriété et sont tous légitimement des objets du droit criminel. Pour déterminer la qualification de la Loi, nous devons donc aller au‑delà de la proposition simpliste que les armes à feu sont des biens et que, par conséquent, toute réglementation fédérale des armes à feu est inconstitutionnelle à première vue.
51 Deuxièmement, la Loi ne nuit pas de façon importante à la capacité des provinces de réglementer la propriété et les droits civils relativement aux armes à feu. La plupart des provinces réglementent déjà la chasse, le tir dans les municipalités ainsi que d’autres aspects de l’usage des armes à feu, et ces activités sont légitimement l’objet de réglementation provinciale: R. c. Chiasson (1982), 66 C.C.C. (2d) 195 (C.A.N.-B.), conf. par [1984] 1 R.C.S. 266. La Loi n’a aucun effet sur ces dispositions.
52 Troisièmement, l’effet le plus important de cette loi, en matière de compétence, est l’élimination de la possibilité pour les provinces de ne pas réglementer la propriété des armes à feu ordinaires. Les provinces prétendent qu’elles ont le droit de choisir d’adopter ou non une loi de cette nature. En envahissant ce champ, le gouvernement fédéral a privé les provinces de ce choix. À supposer (sans le décider) que les législatures provinciales aient le pouvoir d’adopter une loi sur les aspects relatifs à la propriété des armes à feu ordinaires, cela n’empêche pas le Parlement d’en réglementer les aspects relatifs à la sécurité. La théorie du double aspect permet aux deux ordres de gouvernement de légiférer dans un même domaine de compétence à des fins différentes: Egan, précité.
53 Quatrièmement, comme nous le disons plus haut, cette loi n’entraîne pas le gouvernement fédéral dans un nouveau domaine. Le contrôle des armes à feu fait l’objet du droit fédéral depuis la Confédération. Cette loi ne permet pas au gouvernement fédéral d’étendre ses pouvoirs de façon importante au détriment des provinces. Il n’y a aucun empiétement déguisé dans les domaines provinciaux, ni dans le sens que le Parlement a agi pour un motif inapproprié ni dans le sens qu’il s’approprie des pouvoirs provinciaux sous le couvert du droit criminel. Nous sommes sensibles à la crainte des gouvernements provinciaux qu’on donne à la compétence fédérale en matière criminelle une portée si grande qu’elle porterait atteinte à l’équilibre constitutionnel des pouvoirs, mais nous ne pensons pas que cette loi comporte ce risque.
(4) Un contenu moral est-il requis?
54 Un autre argument dit que la propriété des armes à feu ne relève pas du droit criminel parce qu’il n’est pas immoral de posséder une arme à feu ordinaire. Cet argument a deux failles. La première est que, même si la propriété d’une arme à feu ordinaire n’est pas considérée immorale en soi par la plupart des Canadiens, les problèmes découlant de l’usage abusif des armes à feu sont étroitement liés à la moralité. Les armes à feu peuvent servir à tuer et à faciliter la perpétration d’autres actes immoraux, comme le vol et le terrorisme. La prévention d’un tel usage abusif peut être interprétée comme une tentative d’enrayer des actes immoraux. De ce point de vue, le contrôle des armes à feu vise donc un mal moral.
55 La deuxième faille est que le droit criminel ne se limite pas à interdire les actes immoraux: voir Proprietary Articles Trade Association c. Attorney‑General for Canada, [1931] A.C. 310 (C.P.). Bien que la plupart des activités criminelles soient également considérées comme immorales, le Parlement peut utiliser le droit criminel pour interdire des activités peu liées à la moralité publique. Par exemple, le droit criminel a été utilisé pour interdire certaines restrictions à la libre concurrence: voir Attorney‑General for British Columbia c. Attorney‑General for Canada, précité. Par conséquent, même si le contrôle des armes à feu ne comportait pas d’aspect moral, il pourrait néanmoins relever de la compétence fédérale en matière de droit criminel.
(5) Autres préoccupations
56 Nous sommes conscients des préoccupations des Canadiens des régions nordiques et rurales et de celles des Canadiens autochtones qui craignent que cette loi ne tienne pas compte de leurs besoins particuliers. Ils prétendent que cette loi est discriminatoire à leur endroit et qu’elle porte atteinte aux droits issus de traités, et ils s’inquiètent des possibilités d’accès à un régime qui pourrait être administré d’un endroit très lointain. Ces appréhensions sont sincères, mais elles ne concernent pas la question dont nous sommes saisis — la compétence du Parlement pour adopter cette loi. La question de savoir si une loi aurait pu être mieux conçue ou si le gouvernement fédéral aurait dû consulter davantage avant de l’adopter n’est pas pertinente dans l’analyse du partage des pouvoirs effectuée par notre Cour. Si la loi contrevient à un traité ou à une disposition de la Charte, ceux qui sont touchés peuvent s’adresser au Parlement ou aux tribunaux dans une affaire distincte. Les questions du renvoi et, par conséquent, la présente décision, se limitent à la question du partage des pouvoirs.
57 Nous sommes également conscients des préoccupations de ceux qui s’opposent à la Loi parce qu’elle peut se révéler inefficace ou trop coûteuse. L’Alberta a fait valoir que les criminels ne feraient pas enregistrer leurs armes. On prétend que le seul effet réel de la loi est d’imposer de la paperasserie à des agriculteurs et des chasseurs respectueux de la loi. Ces préoccupations ont été dûment soumises au Parlement et examinées par lui; elles ne peuvent avoir aucune incidence sur la décision de notre Cour. L’efficacité ou le manque d’efficacité d’une loi n’est pas pertinent pour déterminer si le Parlement a le pouvoir de l’adopter en vertu de l’analyse relative au partage des pouvoirs. En outre, le gouvernement fédéral souligne que les criminels professionnels ne sont pas les seuls à pouvoir faire un usage abusif des armes à feu. La violence familiale est souvent le fait de personnes qui n’ont pas d’antécédents judiciaires. Des crimes sont commis par des personnes qui n’ont jamais commis d’infraction auparavant. Enfin, des accidents, des suicides et des vols d’armes à feu se produisent chez des personnes respectueuses de la loi. En imposant à tous l’enregistrement des armes à feu, le Parlement cherche à réduire leur usage abusif par quiconque de même que la capacité des criminels d’acquérir des armes à feu. Le système d’enregistrement cherche à faciliter la localisation des armes à feu acquises et utilisées par des criminels. Le coût du programme, une autre critique dirigée contre la loi, est également sans pertinence dans notre analyse constitutionnelle.
VI. Conclusion
58 Nous concluons que les dispositions contestées de la Loi sur les armes à feu prévoient des interdictions et des sanctions à l’appui d’un objet valide de droit criminel. Cette loi se rapporte au droit criminel et, conformément au par. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867, relève de la compétence du Parlement. Cette loi n’est pas de nature réglementaire et elle ne pousse pas le gouvernement fédéral si loin dans le domaine réservé aux provinces que l’équilibre du fédéralisme en est rompu ou qu’il y a empiétement indu sur les domaines de compétence des provinces.
59 Étant donné que nous avons conclu que la loi constituait un exercice valide de la compétence du Parlement en matière de droit criminel, il est inutile de déterminer si la loi peut également être justifiée en tant qu’exercice de sa compétence relativement à la paix, l’ordre et le bon gouvernement.
60 Nous sommes d’avis de rejeter le pourvoi. Les dispositions de la Loi sur les armes à feu relatives aux permis et à l’enregistrement ne constituent pas une atteinte à la compétence de la législature de l’Alberta en matière de propriété et de droits civils qui est conférée par le par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. L’adoption de la Loi est un exercice valide de la compétence du Parlement en matière de droit criminel qui est conférée par le par. 91(27).
61 Les réponses aux questions du renvoi sont les suivantes:
Question 2:
(1) Non.
(2) Non.
Question 3:
(1) Non.
(2) Non.
Appendice A — Les questions du renvoi
Le renvoi a été soumis par Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta le 26 septembre 1996 au moyen du décret 461/96. Le lieutenant gouverneur en conseil a déféré quatre questions précises à la Cour (sous les numéros 2 et 3):
[traduction]
1. Les définitions qui suivent s’appliquent aux présentes questions:
a) «Loi sur les armes à feu» s’entend de la Loi sur les armes à feu, chapitre 39 des Lois du Canada, 1995;
b) «arme à feu ordinaire» s’entend de l’«arme à feu» définie à l’art. 2 du Code criminel du Canada, modifié par l’art. 138 de la Loi sur les armes à feu, à l’exclusion de l’«arme à feu prohibée» et de l’«arme à feu à autorisation restreinte», définies à l’art. 84 du Code criminel du Canada édicté par l’art. 139 de la Loi sur les armes à feu;
c) «dispositions relatives à la délivrance des permis» s’entendent des parties de la Loi sur les armes à feu relatives au régime de délivrance des permis obligatoires qui est applicable aux propriétaires ou aux possesseurs d’armes à feu ordinaires ou à ceux qui veulent le devenir, et notamment, des art. 5 à 10, 54, 55, 56, 58, 61, 64, 67, 68 et 70, ainsi que des dispositions d’application connexes du Code criminel du Canada édictées par l’art. 139 de la Loi sur les armes à feu;
d) «dispositions relatives à l’enregistrement» s’entendent des parties de la Loi sur les armes à feu relatives au régime d’enregistrement obligatoire des armes à feu ordinaires, et notamment, des art. 13 à 16, 54, 60, 61, 66, 69, 71, 82 à 94, 112 et 115, ainsi que des dispositions d’application connexes du Code criminel du Canada édictées par l’art. 139 de la Loi sur les armes à feu.
2. (1) Dans la mesure où elles se rapportent aux armes à feu ordinaires, les dispositions relatives à la délivrance des permis empiètent‑elles sur la compétence en matière de propriété et de droits civils que le par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère à la législature de l’Alberta?
(2) Si la réponse donnée à la question posée au paragraphe (1) est affirmative, les dispositions relatives à la délivrance des permis excèdent‑elles la compétence du Parlement du Canada dans la mesure où elles réglementent la possession ou la propriété des armes à feu ordinaires?
3. (1) Les dispositions relatives à l’enregistrement applicables aux armes à feu ordinaires empiètent‑elles sur la compétence en matière de propriété et de droits civils que le par. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère à la législature de l’Alberta?
(2) Si la réponse donnée à la question posée au paragraphe (1) est affirmative, les dispositions relatives à l’enregistrement excèdent‑elles la compétence du Parlement du Canada dans la mesure où elles exigent l’enregistrement des armes à feu ordinaires?
Appendice B — Les dispositions législatives
Le texte qui suit est la version de la Loi sur les armes à feu telle que déférée à la Cour d’appel de l’Alberta par le décret 461/96 et ne contient pas les modifications qui ont pu y être apportées depuis.
5. (1) Le permis ne peut être délivré lorsqu’il est souhaitable, pour sa sécurité ou celle d’autrui, que le demandeur n’ait pas en sa possession une arme à feu, une arbalète, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées.
(2) Pour l’application du paragraphe (1), le contrôleur des armes à feu ou, dans le cas d’un renvoi prévu à l’article 74, le juge de la cour provinciale tient compte, pour les cinq ans précédant la date de la demande, des éléments suivants:
a) le demandeur a été déclaré coupable ou absous en application de l’article 736 du Code criminel d’une des infractions suivantes:
(i) une infraction commise avec usage, tentative ou menace de violence contre autrui,
(ii) une infraction à la présente loi ou à la partie III du Code criminel,
(iii) une infraction à l’article 264 du Code criminel (harcèlement criminel),
(iv) une infraction aux paragraphes 39(1) ou (2) ou 48(1) ou (2) de la Loi sur les aliments et drogues ou aux paragraphes 4(1) ou (2) ou 5(1) de la Loi sur les stupéfiants;
b) qu’il ait été interné ou non, il a été traité, notamment dans un hôpital, un institut pour malades mentaux ou une clinique psychiatrique, pour une maladie mentale caractérisée par la menace, la tentative ou l’usage de violence contre lui‑même ou autrui;
c) l’historique de son comportement atteste la menace, la tentative ou l’usage de violence contre lui‑même ou autrui.
(3) Par dérogation au paragraphe (2), pour l’application du paragraphe (1) au non‑résident âgé d’au moins dix‑huit ans ayant déposé — ou fait déposer — une demande de permis de possession, pour une période de soixante jours, d’une arme à feu qui n’est pas une arme à feu prohibée ni une arme à feu à autorisation restreinte, le contrôleur des armes à feu ou, dans le cas d’un renvoi prévu à l’article 74, le juge de la cour provinciale peut tenir compte des critères prévus au paragraphe (2), sans toutefois y être obligé.
6. (1) Le permis ne peut être délivré lorsqu’une ordonnance d’interdiction interdit au demandeur la possession d’une arme à feu, d’une arbalète, d’une arme prohibée, d’une arme à autorisation restreinte, d’un dispositif prohibé ou de munitions prohibées.
(2) Le paragraphe (1) s’applique compte tenu des ordonnances rendues sous le régime de l’article 113 du Code criminel (levée de l’interdiction).
7. (1) La délivrance d’un permis à un particulier est subordonnée à la réussite d’un des cours ou examens suivants:
a) le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, contrôlé par l’examen y afférent, dont est chargé un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu;
b) sauf dans le cas d’un particulier âgé de moins de dix‑huit ans, l’examen de contrôle de ce cours que lui fait passer un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu;
c) avant le 1er janvier 1995, un cours agréé — au cours de la période commençant le 1er janvier 1993 et se terminant le 31 décembre 1994 — par le procureur général de la province où il a eu lieu pour l’application de l’article 106 de la loi antérieure;
d) avant le 1er janvier 1995, un examen agréé — au cours de la période commençant le 1er janvier 1993 et se terminant le 31 décembre 1994 — par le procureur général de la province où il a eu lieu pour l’application de l’article 106 de la loi antérieure.
(2) La délivrance d’un permis de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte à un particulier est subordonnée à la réussite:
a) soit d’un cours sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, agréé par le ministre fédéral et contrôlé par un examen, dont est chargé un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu;
b) soit d’un examen sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, agréé par le ministre fédéral, que lui fait passer un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu.
(3) Le particulier qui est sous le coup d’une ordonnance d’interdiction peut devenir titulaire:
a) d’un permis, s’il réussit, après l’expiration de celle‑ci:
(i) le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu donné par un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu,
(ii) les examens de contrôle de ce cours que lui fait passer un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu;
b) d’un permis de possession d’une arme à feu à autorisation restreinte, s’il réussit, après l’expiration de celle‑ci:
(i) un cours sur la sécurité des armes à feu à autorisation restreinte, agréé par le ministre fédéral, donné par un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu,
(ii) tout examen de contrôle de ce cours que lui fait passer un instructeur désigné par le contrôleur des armes à feu.
(4) Les paragraphes (1) et (2) ne s’appliquent pas, selon le cas, au particulier:
a) dont la compétence en matière de législation sur les armes à feu et de règles de sécurité relatives à leur maniement et à leur usage a été certifiée conforme aux exigences réglementaires par le contrôleur des armes à feu dans les cas prévus par règlement;
b) qui, âgé de moins de dix‑huit ans, a besoin d’une arme à feu pour chasser, notamment à la trappe, afin de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille;
c) qui, à la date de référence, possédait une ou plusieurs armes à feu et n’a pas besoin d’un permis pour acquérir d’autres armes à feu;
d) qui n’a besoin d’un permis que pour acquérir une arbalète;
e) qui est un non‑résident âgé d’au moins dix‑huit ans qui a déposé — ou fait déposer — une demande de permis l’autorisant à posséder, pour une période de soixante jours, une arme à feu qui n’est pas une arme à feu prohibée ni une arme à feu à autorisation restreinte.
(5) Le paragraphe (3) ne s’applique pas au particulier qui est sous le coup d’une ordonnance rendue sous le régime de l’article 113 du Code criminel (levée de l’interdiction) et qui est exempté de l’application de ce paragraphe par le contrôleur des armes à feu.
8. (1) Le permis ne peut être délivré au particulier âgé de moins de dix‑huit ans qui répond par ailleurs aux critères d’admissibilité que dans les cas prévus au présent article.
(2) Le permis peut lui être délivré, quand la chasse, notamment la trappe, constitue son mode de vie, s’il a besoin de chasser ainsi pour subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille.
(3) Peut lui être également délivré, s’il a au moins douze ans, le permis de possession d’une arme à feu, conformément aux conditions précisées, pour se livrer au tir à la cible ou à la chasse, pour s’entraîner au maniement des armes à feu ou pour participer à une compétition de tir organisée.
(4) Ne peut lui être délivré en aucun cas un permis l’autorisant soit à posséder une arme à feu prohibée ou une arme à feu à autorisation restreinte, soit à acquérir une arbalète ou des armes à feu.
(5) Dans tous les cas, le permis ne peut lui être délivré qu’avec le consentement — exprimé par écrit ou de toute autre manière que le contrôleur des armes à feu juge satisfaisante — de ses père ou mère ou de la personne qui en a la garde.
9. (1) Pour qu’un permis autorisant une activité en particulier puisse être délivré à une entreprise, il faut que toutes les personnes liées à l’entreprise de manière réglementaire répondent aux critères d’admissibilité prévus par les articles 5 et 6 relativement à l’activité ou à l’acquisition d’armes à feu à autorisation restreinte.
(2) Le permis peut être délivré à l’entreprise qui n’est pas un transporteur lorsque le contrôleur des armes à feu décide qu’il n’est pas nécessaire pour les particuliers liés à l’entreprise de manière réglementaire, ou pour ceux de ces particuliers qu’il désigne, de répondre aux exigences prévues à l’article 7.
(3) Pour qu’un permis autorisant une activité en particulier puisse être délivré à une entreprise — qui n’est pas un transporteur — , il faut que chaque employé de cette entreprise qui manie ou est susceptible de manier des armes à feu, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte, des dispositifs prohibés ou des munitions prohibées dans le cadre de ses fonctions soit titulaire d’un permis l’autorisant à acquérir des armes à feu à autorisation restreinte.
(4) Pour l’application du paragraphe (3), «arme à feu» exclut une arme partiellement fabriquée pourvue d’un canon qui, dans son état incomplet, n’est pas une arme pourvue d’un canon susceptible de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile et n’est pas capable d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne.
(5) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux personnes liées à une entreprise de manière réglementaire lorsque le contrôleur des armes à feu décide qu’en tout état de cause l’entreprise peut être titulaire du permis même si l’une d’entre elles ne peut l’être.
(6) Le paragraphe (3) ne s’applique pas aux employés d’un musée dans chacun des cas suivants:
a) ils manient ou sont susceptibles de manier, dans le cadre de leurs fonctions, seulement des armes à feu conçues de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auxquelles on a voulu donner cette apparence et ont reçu la formation pour le maniement et l’usage de telles armes;
b) ils sont nominalement désignés par le ministre provincial.
10. Les articles 5, 6 et 9 s’appliquent aux transporteurs se livrant à des activités, notamment de transport d’armes à feu, d’armes prohibées, d’armes à autorisation restreinte, de dispositifs prohibés ou de munitions prohibées reliant une province et une ou plusieurs autres provinces, ou débordant les limites d’une province, et, à cette fin, la mention du contrôleur des armes à feu vaut mention du directeur.
13. Le certificat d’enregistrement d’une arme à feu ne peut être délivré qu’au titulaire du permis autorisant la possession d’une telle arme à feu.
14. Le certificat d’enregistrement ne peut être délivré que pour une arme à feu qui:
a) soit porte un numéro de série qui permet de la distinguer des autres armes à feu;
b) soit encore est décrite de manière réglementaire.
15. Il n’est pas délivré de certificat d’enregistrement pour les armes à feu qui appartiennent à Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province ou aux forces policières.
16. (1) Le certificat d’enregistrement ne peut être délivré qu’à une seule personne.
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’arme à feu pour laquelle le certificat d’enregistrement visé à l’article 127 a été délivré à plus d’une personne.
54. (1) La délivrance des permis, des autorisations et des certificats d’enregistrement est subordonnée au dépôt d’une demande en la forme et avec les renseignements réglementaires et à l’acquittement des droits réglementaires.
(2) La demande est adressée:
a) au contrôleur des armes à feu, dans le cas des permis et des autorisations de port et de transport;
b) au directeur, dans le cas des certificats d’enregistrement et des autorisations d’exportation et d’importation.
(3) Le particulier qui possède une ou plusieurs armes à feu à autorisation restreinte ou armes de poing visées au paragraphe 12(6) (armes de poing: 14 février 1995) à la date de référence est tenu de préciser dans toute demande de permis correspondante:
a) sauf s’il s’agit d’une arme à feu visée à l’alinéa b), pour laquelle des fins, prévues à l’article 28, il désire continuer cette possession;
b) pour lesquelles de ces armes à feu a été délivré le certificat d’enregistrement prévu par la loi antérieure parce qu’elles sont des antiquités ou avaient une valeur de curiosité, de rareté, de commémoration ou de simple souvenir.
55. (1) Le contrôleur des armes à feu ou le directeur peut exiger du demandeur d’un permis ou d’une autorisation tout renseignement supplémentaire normalement utile pour lui permettre de déterminer si celui‑ci répond aux critères d’admissibilité au permis ou à l’autorisation.
(2) Sans que le présent paragraphe ait pour effet de restreindre le champ des vérifications pouvant être menées sur une demande de permis, le contrôleur des armes à feu peut procéder à une enquête pour déterminer si le demandeur peut être titulaire du permis prévu à l’article 5 et, à cette fin, interroger des voisins de celui‑ci, des travailleurs communautaires, des travailleurs sociaux, toute personne qui travaille ou habite avec lui, son conjoint, un ex‑conjoint, des membres de sa famille ou toute personne qu’il juge susceptible de lui communiquer des renseignements pertinents.
56. (1) Les permis sont délivrés par le contrôleur des armes à feu.
(2) Il ne peut être délivré qu’un seul permis à un particulier.
(3) Un permis est délivré pour chaque établissement où l’entreprise — qui n’est pas un transporteur — exerce ses activités.
58. (1) Le contrôleur des armes à feu peut assortir les permis et les autorisations de port et de transport des conditions qu’il estime souhaitables dans les circonstances et en vue de la sécurité de leur titulaire ou d’autrui.
(2) Avant d’y procéder dans le cas d’un particulier âgé de moins de dix‑huit ans qui n’est pas admissible au permis prévu au paragraphe 8(2) (chasse de subsistance par les mineurs), il consulte ses père ou mère ou la personne qui en a la garde.
(3) Avant de délivrer un permis au particulier visé au paragraphe (2), le contrôleur des armes à feu veille à ce que le père ou la mère ou la personne qui en a la garde ait connaissance des conditions dont est assorti le permis en exigeant leur signature sur celui‑ci.
60. Le certificat d’enregistrement d’une arme à feu et le numéro d’enregistrement qui est attribué à celle‑ci, de même que les autorisations d’exportation et d’importation, sont délivrés par le directeur.
61. (1) Les permis et les certificats d’enregistrement énoncent les conditions dont ils sont assortis; ils sont délivrés en la forme et énoncent les autres renseignements réglementaires.
(2) Les autorisations de port, de transport, d’exportation ou d’importation peuvent être délivrées en la forme réglementaire et énoncer les renseignements réglementaires, notamment les conditions dont elles sont assorties.
(3) Les autorisations de port ou de transport peuvent aussi prendre la forme d’une condition d’un permis.
(4) Les permis délivrés aux entreprises précisent toutes les activités particulières autorisées touchant aux armes à feu — notamment aux armes à feu prohibées et aux armes à feu à autorisation restreinte — aux arbalètes, aux armes prohibées, aux armes à autorisation restreinte, aux dispositifs prohibés, aux munitions ou aux munitions prohibées.
64. (1) Les permis délivrés aux particuliers âgés d’au moins dix‑huit ans sont valides pour la période mentionnée, qui ne peut dépasser cinq ans après le premier anniversaire de naissance du titulaire suivant la date de délivrance.
(2) Les permis délivrés aux particuliers âgés de moins de dix‑huit ans sont valides pour la période mentionnée, qui ne peut dépasser la date où le titulaire atteint l’âge de dix‑huit ans.
(3) Les permis délivrés aux entreprises — autres que les musées — sont valides pour la période mentionnée, qui ne peut dépasser un an.
(4) Les permis délivrés aux musées sont valides pour la période mentionnée, qui ne peut dépasser trois ans suivant la date de délivrance.
66. Le certificat d’enregistrement d’une arme à feu est valide tant que le titulaire du certificat demeure propriétaire de l’arme à feu ou que celle‑ci demeure une arme à feu.
67. (1) Le contrôleur des armes à feu peut proroger les permis et les autorisations de port et de transport selon les modalités et les circonstances de leur délivrance.
(2) En cas de prorogation du permis de possession par un particulier d’une arme à feu à autorisation restreinte ou une arme de poing visée au paragraphe 12(6) (arme de poing: 14 février 1995), il détermine si celle‑ci est utilisée conformément aux fins de l’acquisition prévues à l’article 28 ou, si elle était en sa possession à la date de référence, aux fins — conformes à celles prévues à cet article — précisées par le particulier dans la demande de permis.
(3) S’il détermine qu’une arme à feu à autorisation restreinte ou une arme de poing visée au paragraphe 12(6) (arme de poing: 14 février 1995) en la possession d’un particulier n’est pas utilisée aux fins indiquées, il notifie sa décision à celui‑ci en la forme réglementaire et en informe le directeur.
(4) Les paragraphes (2) et (3) ne s’appliquent pas à une arme à feu:
a) ayant une valeur de curiosité, de rareté, de commémoration ou de simple souvenir;
b) pour laquelle il est précisé dans la demande de permis que le certificat d’enregistrement prévu par la loi antérieure a été délivré parce qu’elle avait une telle valeur;
c) pour laquelle a été délivré le certificat d’enregistrement prévu par la loi antérieure parce qu’elle avait une telle valeur;
d) pour laquelle un particulier était titulaire, à la date de référence, d’un certificat d’enregistrement délivré en application de la loi antérieure.
(5) La notification prévue au paragraphe (3) comporte les motifs de la décision ainsi que le texte des articles 74 à 81.
68. Le contrôleur des armes à feu ne délivre pas de permis au demandeur qui ne répond pas aux critères d’admissibilité et peut refuser la délivrance des autorisations de port ou de transport pour toute raison valable.
69. Le directeur peut refuser la délivrance du certificat d’enregistrement et des autorisations d’exportation ou d’importation pour toute raison valable, notamment, dans le cas du certificat d’enregistrement, lorsque le demandeur n’y est pas admissible.
70. (1) Le contrôleur des armes à feu peut révoquer un permis ou une autorisation de port ou de transport pour toute raison valable, notamment parce que:
a) le titulaire soit ne peut plus ou n’a jamais pu être titulaire du permis ou de l’autorisation, soit enfreint une condition du permis ou de l’autorisation, soit encore a été déclaré coupable ou absous en application de l’article 736 du Code criminel d’une infraction visée à l’alinéa 5(2)a);
b) dans le cas d’une entreprise, une personne liée de manière réglementaire à celle‑ci a été déclarée coupable ou absoute en application de l’article 736 du Code criminel d’une telle infraction.
(2) Le directeur peut révoquer les autorisations d’exportation ou d’importation pour toute raison valable.
71. (1) Le directeur peut révoquer le certificat d’enregistrement pour toute raison valable; il est tenu de le faire à l’égard d’une arme à feu en la possession d’un particulier dans le cas où le contrôleur des armes à feu l’informe, en application de l’article 67, que l’arme à feu n’est pas utilisée conformément aux fins de l’acquisition ou, en cas de possession d’une telle arme à feu à la date de référence, aux fins précisées par le particulier dans la demande de permis.
(2) Tout changement aux modifications décrites sur la demande de certificat d’enregistrement d’une arme à feu prohibée visée au paragraphe 12(3) (armes automatiques modifiées: 1er août 1992) entraîne la révocation de plein droit du certificat.
82. Le directeur de l’enregistrement des armes à feu est nommé par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, après consultation du ministre fédéral et du solliciteur général du Canada.
83. (1) Le directeur constitue et tient un registre, dénommé le Registre canadien des armes à feu, où sont notés:
a) les permis, certificats d’enregistrement ou autorisations qu’il délivre ou révoque;
b) les demandes de permis, de certificat d’enregistrement ou d’autorisation qu’il refuse;
c) les cessions d’armes à feu qui lui sont notifiées en vertu des articles 26 ou 27;
d) les exportations et les importations d’armes à feu qui lui sont notifiées en vertu des articles 42 ou 50;
e) les pertes, vols ou destructions d’armes à feu, de même que les armes à feu trouvées, dont il est informé en application de l’article 88;
f) tout autre renseignement réglementaire.
(2) Le directeur est chargé du fonctionnement du Registre canadien des armes à feu.
84. Le directeur peut détruire les fichiers versés au Registre canadien des armes à feu selon les modalités de temps et dans les situations prévues par règlement.
85. (1) Le directeur établit un registre des armes à feu:
a) acquises ou détenues par les personnes précisées ci‑après et utilisées par celles‑ci dans le cadre de leurs fonctions:
(i) les agents de la paix,
(ii) les personnes qui reçoivent la formation pour devenir agents de la paix ou officiers de police sous l’autorité et la surveillance:
(A) soit d’une force policière,
(B) soit d’une école de police ou d’une autre institution semblable désignées par le ministre fédéral ou le lieutenant‑gouverneur en conseil d’une province,
(iii) les personnes ou catégories de personnes qui sont des employés des administrations publiques fédérales, provinciales ou municipales et qui sont désignées comme fonctionnaires publics par les règlements d’application de la partie III du Code criminel pris par le gouverneur en conseil,
(iv) les contrôleurs des armes à feu et les préposés aux armes à feu;
b) acquises ou détenues par des particuliers sous les ordres et pour le compte des forces policières ou d’un ministre fédéral ou provincial;
(2) Toute personne visée au paragraphe (1) notifie au directeur toute acquisition ou tout transfert d’armes à feu qu’elle effectue.
(3) Le directeur peut détruire les fichiers du registre selon les modalités de temps et dans les situations prévues par règlement.
86. Les fichiers figurant dans le registre tenu en application de l’article 114 de la loi antérieure en ce qui concerne les certificats d’enregistrement sont transférés au directeur.
87. (1) Le contrôleur des armes à feu tient un registre où sont notés:
a) les permis et autorisations qu’il délivre ou révoque;
b) les permis et les autorisations qu’il refuse de délivrer;
c) les ordonnances d’interdiction dont il est informé aux termes de l’article 89;
d) tout autre renseignement réglementaire.
(2) Le contrôleur des armes à feu peut détruire les fichiers selon les modalités de temps et dans les situations prévues par règlement.
88. Le contrôleur des armes à feu qui est informé des pertes, vols ou destructions d’armes à feu, de même que des armes à feu trouvées, les fait notifier sans délai au directeur.
89. Tout tribunal, juge ou juge de paix qui rend, modifie ou révoque une ordonnance d’interdiction avise sans délai le contrôleur des armes à feu de ce fait.
90. Le directeur et le contrôleur des armes à feu ont réciproquement accès aux registres qu’ils tiennent respectivement aux termes de l’article 87 et aux termes des articles 83 ou 85; le contrôleur des armes à feu a également accès aux registres tenus par les autres contrôleurs des armes à feu aux termes de l’article 87.
91. (1) Sous réserve des règlements, les avis ou documents que le directeur envoie ou reçoit aux termes de la présente loi ou de toute autre loi fédérale peuvent être transmis sur support électronique ou autre de la manière précisée par lui.
(2) Pour l’application de la présente loi et de la partie III du Code criminel, les avis et documents ainsi transmis sont réputés avoir été reçus à la date et à l’heure réglementaires.
92. (1) Les registres tenus par le directeur aux termes des articles 83 ou 85 peuvent être reliés, ou conservés soit sous forme de feuilles mobiles ou de films, soit à l’aide de tout procédé mécanique ou électronique de traitement des données ou de mise en mémoire de l’information capable de restituer en clair, dans un délai raisonnable, les renseignements demandés.
(2) Sous réserve des règlements, les documents ou renseignements reçus par le directeur en application de la présente loi sur support électronique ou autre peuvent être mis en mémoire par tout procédé, notamment mécanographique ou informatique, capable de les restituer en clair dans un délai raisonnable.
(3) En cas de conservation de documents par le directeur sous une forme non écrite, les extraits qui en sont certifiés conformes par celui‑ci ont, sauf preuve contraire, la même force probante que des originaux écrits.
93. (1) Le directeur, dès que possible au début de chaque année civile et chaque fois que le solliciteur général du Canada lui en fait la demande par écrit, transmet à celui‑ci un rapport sur l’application de la présente loi rédigé en la forme et contenant les renseignements qu’il exige.
(2) Le solliciteur général du Canada fait déposer chacun de ces rapports devant chaque chambre du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de celle‑ci suivant sa réception.
94. Le contrôleur des armes à feu communique au directeur les renseignements réglementaires sur l’application de la présente loi selon les modalités de temps et de forme réglementaires afin de permettre à celui‑ci d’établir les rapports visés à l’article 93.
112. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), commet une infraction quiconque, n’ayant pas antérieurement commis une infraction prévue au présent paragraphe ou aux paragraphes 91(1) ou 92(1) du Code criminel, possède une arme à feu — qui n’est pas une arme à feu prohibée ni une arme à feu à autorisation restreinte — sans être titulaire d’un certificat d’enregistrement pour cette arme à feu.
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas:
a) au possesseur d’une arme à feu qui est sous la surveillance directe d’une personne pouvant légalement l’avoir en sa possession, et qui s’en sert de la manière dont celle‑ci peut légalement s’en servir;
b) à la personne qui entre en possession d’une arme à feu par effet de la loi et qui, dans un délai raisonnable, s’en défait légalement ou obtient le certificat d’enregistrement pour cette arme;
c) au possesseur d’une arme à feu qui, sans être titulaire du certificat d’enregistrement y afférent, à la fois:
(i) l’a empruntée,
(ii) est titulaire d’un permis en autorisant la possession,
(iii) l’a en sa possession pour chasser, notamment à la trappe, afin de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille.
(3) Quiconque, à tout moment entre la date de référence et le 1er janvier 1998 — ou toute autre date fixée par règlement — possède une arme à feu qui, à ce moment, n’est pas une arme à feu prohibée ni une arme à feu à autorisation restreinte est réputé pour l’application du paragraphe (1) être, jusqu’au 1er janvier 2003 ou jusqu’à toute autre date antérieure fixée par règlement, titulaire du certificat d’enregistrement de cette arme à feu.
(4) Dans toute poursuite intentée dans le cadre du présent article, c’est au défendeur qu’il incombe éventuellement de prouver qu’une personne est titulaire d’un certificat d’enregistrement.
115. Quiconque contrevient aux articles 112, 113 ou 114 est coupable d’une infraction punissable par procédure sommaire.
Pourvoi rejeté.
Procureurs de l’appelant: McLennan Ross, Edmonton.
Procureur de l’intimé: Le sous‑procureur général du Canada, Ottawa.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario: Le ministère du Procureur général, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Nouvelle‑Écosse: Le ministère de la Justice, Halifax.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick: Le Cabinet du procureur général, Fredericton.
Procureurs de l’intervenant le procureur général du Manitoba: Ladner Downs, Vancouver.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan: Le sous‑procureur général, Regina.
Procureur de l’intervenant le gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest: Le ministère de la Justice, Yellowknife.
Procureur de l’intervenant le ministre de la Justice du gouvernement du Territoire du Yukon: Le ministère de la Justice, Whitehorse.
Procureur de l’intervenante la Federation of Saskatchewan Indian Nations: La Federation of Saskatchewan Indian Nations, Saskatoon.
Procureurs de l’intervenante la Coalition of Responsible Firearm Owners and Sportsmen: Dallas K. Miller Law Office, Medicine Hat.
Procureurs de l’intervenante la Law‑Abiding Unregistered Firearms Association: Neufeld Law Office, Red Deer.
Procureurs de l’intervenante la Fédération de tir du Canada: Shaw McLennan & Ironside, Collingwood, Ontario.
Procureurs de l’intervenante l’Association pour la santé publique du Québec inc.: Brochet Dussault Larochelle, Sainte‑Foy.
Procureurs de l’intervenant l’Alberta Council of Women’s Shelters: Pringle & Associates, Edmonton.
Procureurs des intervenants CAVEAT, la Fondation des victimes du 6 décembre contre la violence, l’Association canadienne pour la santé des adolescents et la Société canadienne de pédiatrie: Fasken Campbell Godfrey, Toronto.
Procureurs des intervenants la Coalition for Gun Control, l’Association canadienne des chefs de police, la Corporation de la cité de Toronto, la Ville de Montréal et la Ville de Winnipeg: Ruby & Edwardh, Toronto.