Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 14 mai 2018 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement du certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1808182 du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 janvier 2019, M. C..., représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à l'intéressé sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement et a omis de répondre aux moyens tirés du défaut de l'erreur de droit pour compétence liée et de l'irrégularité de l'avis émis par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration en l'absence de justification de l'élaboration d'un rapport médical soumis à ce collège ;
- les décisions refusant le renouvellement de son titre de séjour et fixant le pays de destination sont insuffisamment motivées ;
- la décision de refus de séjour a été prise sans examen particulier de la situation de l'intéressé dont le traitement médical nécessaire est indisponible en Algérie ;
- cette décision a été prise sans la consultation préalable de la commission du titre de séjour des étrangers, alors qu'il mène une vie privée et familiale normale et régulière en France depuis plus de huit ans auprès de sa compagne régulièrement installée et qu'ils attendent un enfant ;
- elle a été prise au vu d'un avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, entaché de vices faute de viser les pièces médicales sur lesquelles il est fondé et d'avoir été formulé au vu d'un rapport établi par un autre médecin ayant analysé lesdites pièces ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée pour prendre cette décision ;
- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance d'une procédure contradictoire, en méconnaissance de l'article 13 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- compte tenu de sa vie privée et familiale en France, de l'absence d'attaches effectives à l'étranger, de son état de santé et de l'absence de traitement médical disponible en Algérie, les décisions attaquées sont entachées d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les articles 6 (5° et 7°) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les articles 5 et 6 (4°), non transposées, de la directive n° 2008/115/CE et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, relève appel du jugement n° 1808182 du 4 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions du 14 mai 2018 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement du certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé :
2. En vertu des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...). ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
4. L'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (....) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...)./ L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (....). / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".
5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. Il résulte, en particulier, de la combinaison des dispositions mentionnées aux points 2 à 5 que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
7. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis émis le 5 décembre 2017 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé de M. C..., établi par un médecin de l'OFII et avant transmission de l'avis au préfet de la Seine-Saint-Denis, dans les conditions prescrites par les dispositions mentionnées aux points 2 à 5. Dans la mesure où il n'est pas justifié du respect de ces prescriptions, M. C... est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 14 mai 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement du certificat de résidence algérien a été prise à la suite d'une procédure irrégulière. Il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise et a d'ailleurs privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, la décision relative au séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions distinctes du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir, d'une part, que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, et, d'autre part, que ce jugement et l'arrêté du 14 mai 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis doivent être annulés.
Sur les conclusions en injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
10. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 7, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre à nouveau une décision sur la demande de titre de séjour présentée par M. C..., après une nouvelle instruction, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, le versement à Me B... de la somme demandée de 2 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1808182 du 4 décembre 2018 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté en date du 14 mai 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Le préfet de la Seine-Saint-Denis prendra à nouveau une décision sur la demande présentée par M. C... après une nouvelle instruction, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocat de M. C..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 19VE00014