Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La région Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner in solidum :
- la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France,
- la société Brézillon, venant aux droits de la société Entreprise de travaux publics André et Max Brézillon,
- la société SPIE SCGPM, devenue la société SPIE Batignolles Ile-de-France,
- la société Bouygues,
- la société SPIE Operations, venant aux droits de la société SPIE SA,
- la société Eiffage Construction,
- la société Dumez Construction,
- la société Gespace France,
- la société Vinci Construction,
- la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction (CBC),
- la société Fougerolle,
- la société Nord France Boutonnat,
- la société VCF of Réhabilités IDF, venant aux droits de la société industrielle de constructions rapides (SICRA),
- la société de participations et de gestions immobilières (SPGI),
- M. B... Q...,
- M. Z... T...,
- M. Z... L...,
- M. S... AK...,
- M. D... J...,
- Mme V... H...,
- M. AC... AO...,
- M. AC... E...,
- M. AH... G...,
- M. N... AS...,
- M. X... AE...,
à lui verser la somme de 6 047 825,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1997, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice matériel subi du fait des ententes anticoncurrentielles nouées à l'occasion de la passation du marché conclu pour la rénovation du lycée Saint-Louis, situé à Paris, correspondant à la différence entre les termes du marché public effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l'être dans des conditions normales de concurrence.
Par un jugement n° 1705349/4-1 du 29 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2019, la région Ile-de-France, représentée par la SCP Potier de la Varde Buk Lament AM..., avocats aux Conseils, et par la SELARL D4 Avocats associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2019 ;
2°) de faire droit à ses conclusions indemnitaires de première instance ;
3°) d'ordonner, si besoin, une expertise avant dire droit afin de déterminer le montant du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de chacun des intimés une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et les condamner in solidum.
Elle soutient que :
- son action n'est pas prescrite ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription de dix ans et l'interruption de ce délai par la constitution de partie civile ;
- le point de départ de ce délai ne pouvait se situer avant le 27 février 2007, date de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, ou avant le 26 octobre 2005, date du jugement du Tribunal correctionnel de Paris, ou, subsidiairement avant le 11 février 2004, date de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction ;
- le cours de la prescription s'est en tout état de cause trouvé interrompu par la constitution de partie civile, le 7 juillet 1997, et par les actions qu'elle a engagées devant le juge civil en 2008 et en 2010 ;
- sa requête est recevable même en l'absence de décision préalable ;
- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir ;
- elle est fondée à rechercher la responsabilité des intimés, dès lors qu'ils ont été sanctionnés, s'agissant des personnes physiques, par la juridiction pénale, et, s'agissant des personnes morales par le Conseil de la concurrence pour des faits d'entente anticoncurrentielle ; le dommage qu'elle a subi est né de leur faute commune, qui justifie leur condamnation in solidum ;
- elle n'a commis aucune faute susceptible d'atténuer leur responsabilité ;
- elle a subi un préjudice en concluant des marchés à des conditions financières plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait normalement dû souscrire dans des conditions normales de concurrence ;
- il est possible d'ordonner une expertise pour évaluer ce préjudice ou de solliciter l'avis de l'Autorité de la concurrence sur l'évaluation de ce même préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, la société de participations et de gestions immobilières (SPGI), représentée par Me O... et par Me AF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la région Ile-de-France devant le tribunal administratif était irrecevable en l'absence de liaison du contentieux ;
- ses conclusions sont mal dirigées ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 et le 26 juin 2020, la société Fougerolle, représentée par Me AR..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 juin et le 23 juillet 2020, la société Bouygues, représentée par Me I... et par Me AG..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la région Ile-de-France ;
2°) à titre subsidiaire, en cas d'expertise, d'ordonner à la région Ile-de-France de lui communiquer certains documents ;
3°) à titre plus subsidiaire, en cas de condamnation, de limiter sa contribution à la part lui revenant dans le cadre d'une répartition de la condamnation totale par parts viriles, entre l'ensemble des entreprises condamnées, après avoir pris en compte la responsabilité de la région Ile-de-France ;
4°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la région Ile-de-France devant le tribunal administratif était irrecevable en ce qu'elle n'a pas été présentée dans un délai raisonnable et méconnaissait les droits de la défense et le principe de l'égalité des armes garantis par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- ses conclusions sont mal dirigées ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 et le 26 juin 2020, M. N... AS..., représenté par Me Y..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 500 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens.
Il soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, la société VCF of Réhabilités IDF, anciennement dénommée société industrielle de constructions rapides (SICRA), représentée par Me AD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la région Ile-de-France devant le tribunal administratif était irrecevable en ce qu'elle méconnaissait le principe de sécurité juridique, le principe de concentration des demandes et le principe du délai raisonnable ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, la société Gespace France, représentée par Me AI... et par Me M..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens.
Elle soutient que :
- la requête de la région Ile-de-France est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction (CBC) et M. AC... AO..., représentés par Me AT..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 50 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France au profit de chacun d'eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la société Nord France Boutonnat (NFB), représentée par Me AT..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 50 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 juin et le 29 juillet 2020, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, venant aux droits de la société Olin, et la société Brézillon, venant aux droits de la société Entreprise de Travaux publics André et Max Brézillon, représentées par Me C..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France au profit de chacune d'elles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions de la région Ile-de-France sont mal dirigées ;
- les moyens de sa requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, M. AC... E..., représenté par Me AL..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens.
Il soutient que :
- les conclusions de la région Ile-de-France sont irrecevables en ce qu'elles méconnaissent le principe de concentration des demandes, les articles 3 et 4 du code de procédure pénale et l'adage " electa una via " ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la société SPIE Batignolles Ile-de-France, anciennement dénommée SPIE SCGPM, représentée par Me AU..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, la société SPIE Operations, anciennement dénommée SPIE SA, représentée par Me AU..., demande, à titre principal, à être mise hors de cause, et conclut, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de la région Ile-de-France sont mal dirigées ;
- les moyens de sa requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2020, Mlle V... H..., représentée par Me AN..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 30 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 juin et le 29 juillet 2020, la société Eiffage Construction, représentée par Me K..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 50 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 juin et le 27 juillet 2020, M. AH... G..., représenté par Me R..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 20 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions de la région Ile-de-France sont irrecevables au regard des articles 3 et 4 du code de procédure pénale, de l'adage " electa una via ", de l'autorité de la chose jugée par le juge pénal et de la règle " non bis in idem " ;
- la requête de la région Ile-de-France est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 juin et le 27 juillet 2020, la société Vinci Construction et la société Dumez Construction, représentées par Me A..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France au profit de chacune d'elles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la demande de la région Ile-de-France devant le tribunal administratif était irrecevable en l'absence de liaison du contentieux ;
- ses conclusions sont mal dirigées ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 juin et le 27 juillet 2020, M. Z... T..., M. Z... L..., M. D... J... et M. S... AK..., représentés par Me AJ..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la région Ile-de-France au profit de chacun d'eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande de la région Ile-de-France devant le tribunal administratif était irrecevable en l'absence de liaison du contentieux ;
- les moyens soulevés par la région ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, M. X... AE..., représenté par Me U... et par Me P..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la région Ile-de-France ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner à la région Ile-de-France de produire certains documents ;
3°) de mettre à la charge de la région Ile-de-France une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la région Ile-de-France ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 23 juin 2020, la région Ile-de-France conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Par ordonnance du 24 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 ;
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. AB...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me AA... et Me AM... pour la région Ile-de-France, Me K... pour la société Eiffage, Me AQ... pour la société Fougerolle, Me AD... pour la société VCF of Réhabilités IDF, venant aux droits de la société industrielle de constructions rapides (SICRA), Me A... pour les sociétés Dumez Construction et Vinci Construction, Me AU... pour la société SPIE Operations, venant aux droits de la société SPIE SA et SPIE SCGPM, devenue la société SPIE Batignolles Ile-de-France, Me AT... pour les sociétés Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction et Nord France Boutonnat ainsi que M. AC... AO..., Me I... pour la société Bouygues, Me C... pour les sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France et Brézillon, venant aux droits de la société Entreprise de Travaux publics André et Max Brézillon, Me AI... pour la société Gespace France, Me O... pour la société de participations et de gestions immobilières (SPGI), Me F... W... pour M. Z... L..., M. Z... T..., M. S... AK... et M. D... J..., Me AN... pour Mme V... H..., Me AL... pour M. AC... E..., Me R... pour M. AH... G..., Me Y... pour M. N... AS... et Me AP... subtituant Me U... pour M. X... AE....
Des notes en délibéré, enregistrées les 4, 5, 13, 22 janvier 2021, ont été présentées pour la région Ile-de-France, la société Eiffage Construction, la société Fougerolle, la société Gespace France, les sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France et Brézillon, les sociétés Vinci Construction et Dumez Construction, et la société Bouygues.
Considérant ce qui suit :
1. La région Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner in solidum la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, la société Brézillon, la société SPIE SCGPM, la société Bouygues, la société SPIE Operations, la société Eiffage Construction, la société Dumez Construction, la société Gespace France, la société Vinci Construction, la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction (CBC), la société Fougerolle, la société Nord France Boutonnat, la société VCF of Réhabilités IDF, anciennement dénommée société industrielle de constructions rapides (SICRA), et la société SPGI, ainsi que M. B... Q..., M. Z... T..., M. Z... L..., M. S... AK..., M. D... J..., Mlle V... H..., M. AC... AO..., M. AC... E..., M. AH... G..., M. N... AS... et M. X... AE... à lui verser la somme de 6 047 825,50 euros, assortie des intérêts capitalisés, en réparation du préjudice matériel que lui auraient causé les ententes anticoncurrentielles nouées par ces défendeurs, à l'occasion de la passation du marché conclu pour la rénovation du lycée Saint-Louis, situé à Paris. La région fait appel du jugement du 29 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 2224 du code civil, résultant de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du II de l'article 26 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". Aux termes de l'article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 481-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles : " Toute personne physique ou morale formant une entreprise (...) est responsable du dommage qu'elle a causé du fait de la commission d'une pratique anticoncurrentielle (...) ". Aux termes de l'article L. 482-1 du même code : " L'action en dommages et intérêts fondée sur l'article L. 481-1 se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans. Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative :/ 1° Les actes ou faits imputés à l'une des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 481-1 et le fait qu'ils constituent une pratique anticoncurrentielle ;/ 2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ;/ 3° L'identité de l'un des auteurs de cette pratique (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette ordonnance : " I. Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication (...). II. Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ".
3. Il résulte de ces dispositions que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224 du code civil. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommage et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, les dispositions de l'article L. 482-1 du code de commerce.
4. Pour juger que les conclusions, présentées par la région Ile-de-France au titre de la responsabilité quasi-délictuelle le 28 mars 2017, étaient prescrites depuis 2006 par application du délai de prescription décennale résultant alors de l'article 2270-1 du code civil, le Tribunal administratif de Paris a relevé que des irrégularités susceptibles de recevoir une qualification pénale, commises à l'occasion de la passation des marchés conclus pour la rénovation des lycées de la région, avaient été portées à la connaissance du procureur de la République par trois élus du conseil régional, par des courriers des 9 octobre et 4 novembre 1996, auxquels était jointe une note rédigée le 11 mars 1996 par la vice-présidente du conseil régional, présidente de la commission des marchés, à l'attention du président de la région, dénonçant la situation de quasi-monopole de la société Patrimoine Ingénierie sur les marchés d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) et les recommandations de certains élus et de certains agents de la région en faveur de l'attribution de ces marchés à ce bureau d'études. Le tribunal administratif a également relevé que le commissaire du gouvernement près la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France avait lui aussi, par des lettres des 17 décembre 1996 et 11 avril 1997, informé le procureur de la République de faits pouvant être qualifiés pénalement de favoritisme et d'ententes anticoncurrentielles. Il a enfin relevé que l'enquête préliminaire ordonnée le 11 décembre 1996, par le procureur de la République, avait confirmé les suspicions d'entente et de favoritisme, et qu'une information judiciaire avait été ouverte le 3 juin 1997, notamment des chefs de favoritisme, entente et recel. Le tribunal a estimé que la région Ile-de-France ne pouvait raisonnablement être regardée comme ayant pu ignorer les comportements constituant l'entente anticoncurrentielle, le préjudice causé par cette infraction et l'identité des personnes morales et physiques y ayant participé, après le 9 octobre 1996, date retenue par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt définitif du 27 février 2007 confirmant la condamnation de plusieurs cadres d'entreprises attributaires des marchés, comme la date à laquelle les faits d'entente anticoncurrentielle ont été révélés et que la région a, au demeurant, elle-même retenue comme point de départ de la prescription dans son assignation des défendeurs devant le Tribunal de grande instance au mois de février 2010.
5. Il ressort toutefois des termes des courriers des trois élus du conseil régional des 9 octobre et 4 novembre 1996, et de la note de la vice-présidente du conseil régional du 11 mars 1996 sur lesquels le tribunal administratif s'est fondé, qu'ils ne traduisaient que de simples soupçons de délit de favoritisme relatifs aux seuls marchés d'assistance à maitrise d'ouvrage attribués à la société Patrimoine Ingénierie, et n'étaient pas de nature à établir que la région aurait eu, dès le 9 octobre 1996, connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés d'entreprise de travaux publics. Dans ces conditions, et même si la date du 9 octobre 1996 a été retenue par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 27 février 2007 comme le point de départ du délai de prescription de l'action publique et, selon l'article 10 du code de procédure pénale, de l'action civile exercée devant une juridiction répressive, la région Ile-de-France, qui ne saurait se voir opposer les termes de son assignation de février 2010, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu cette date du 9 octobre 1996 pour rejeter sa demande en se fondant sur la prescription décennale résultant alors de l'article 2270-1 du code civil.
6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la région Ile-de-France et par les intimés devant le Tribunal administratif de Paris et en appel.
Sur les fins de non-recevoir opposées aux conclusions de la région Ile-de-France :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Les intimés dont aucun ne peut être regardé comme une administration, ne sauraient en tout état de cause invoquer cette disposition et faire état de l'absence de décision préalable, pour contester la recevabilité de la demande de la région Ile-de-France devant le tribunal administratif.
8. En deuxième lieu, la région Ile-de-France justifie, contrairement à ce que soutiennent les intimés, d'un intérêt à demander réparation du préjudice matériel que lui auraient causé les ententes anticoncurrentielles qu'ils ont nouées.
9. En troisième lieu, les intimés ne sauraient utilement invoquer l'autorité de la chose jugée par le juge pénal, les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les dispositions des articles 3 et 4 du code de procédure pénale, les droits de la défense, le principe de l'égalité des armes, le principe du délai raisonnable, le principe de sécurité juridique, la règle " non bis in idem ", le " principe de concentration des demandes " et l'adage " electa una via ", pour contester la recevabilité des conclusions de la région Ile-de-France.
Sur la prescription :
10. En premier lieu, si des élus et agents de la région ne pouvaient ignorer l'existence de l'entente et ont d'ailleurs été condamnés par le juge pénal pour ces faits, ni les observations de la Chambre régionale des comptes d'Ile-de-France du 15 février 1995 relatives au dispositif contractuel utilisé par la région en vue de la réhabilitation et de la maintenance des établissements d'enseignement du second degré, ni ses observations du 7 avril 1997, ni le rapport de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 24 mai 1996, ni l'ouverture par le procureur de la République d'une information judiciaire le 3 juin 1997, ni l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 11 février 2004, ni le jugement du 26 octobre 2005 par lequel le Tribunal correctionnel a condamné plusieurs cadres d'entreprises attributaires des marchés, ainsi que certains élus et certaines personnalités politiques, dont le président du conseil régional, ni encore l'arrêt du 27 février 2007 par lequel la Cour d'appel de Paris a confirmé ces condamnations, ni aucune des autres circonstances dont les intimés font état, ne sont de nature à établir que la région aurait eu, avant la décision du Conseil de la concurrence du 9 mai 2007, connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Le cours de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, citée ci-dessus, s'est par la suite trouvé interrompu par les assignations devant le Tribunal de grande instance que la région Ile-de-France a fait délivrer aux intimés au mois de février 2010, jusqu'à la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le Tribunal des conflits a confirmé l'arrêté de conflit pris le 8 juillet 2015 par le préfet de la région d'Ile-de-France. Les intimés ne sont donc pas fondés à soutenir que l'action en responsabilité de la région était atteinte par la prescription le 28 mars 2017, lorsqu'elle a saisi le Tribunal administratif de Paris.
11. En second lieu, les intimés ne sauraient utilement invoquer l'autorité de la chose jugée par le juge pénal, les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les dispositions des articles 3 et 4 du code de procédure pénale, les droits de la défense, le principe de l'égalité des armes, le principe du délai raisonnable, le principe de sécurité juridique, la règle " non bis in idem ", le " principe de concentration des demandes " et l'adage " electa una via ", pour soutenir que l'action en responsabilité de la région Ile-de-France était atteinte par la prescription lorsqu'elle a saisi le Tribunal administratif de Paris.
Sur les responsabilités :
12. Lorsqu'une personne publique est victime, à l'occasion de la passation d'un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l'entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l'implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, ainsi que de leurs cadres dirigeants, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire.
En ce qui concerne les fautes reprochées à M. AE..., à M. Q..., à M. T..., à M. L..., à M. AK..., à M. J..., à Mme H..., à M. AO..., à M. E..., à M. G... et à M. AS... :
13. Il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 février 2007, devenu définitif, confirmant les condamnations prononcées par le jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 26 octobre 2005 à l'encontre de M. AE..., dirigeant de la société Patrimoine Ingénierie, et des cadres d'entreprises attributaires des marchés, mentionnés ci-dessus, " qu'en 1989, préalablement au lancement en 1990 de la première vague de METP, plusieurs réunions s'étaient tenues, entre d'abord le personnel de la région et les grandes entreprises du secteur du BTP pour leur présenter le concept de METP, (...) puis entre les responsables des entreprises sous l'égide de Gilbert AE..., et enfin entre les entreprises seules, et que dès la première réunion, la possibilité d'une répartition des marchés entre les entreprises avait été évoquée et encouragée par le maître d'ouvrage ", qu'au cours de ces réunions, " les entreprises se sont mises d'accord sur le principe d'une répartition des marchés de la première vague de METP, puis des marchés des vagues successives postérieures (...) en fonction de leurs préférences ", que les cadres de ces entreprises ont donné des précisions sur la constitution et le fonctionnement de l'entente dont ils ont reconnu l'existence, en précisant notamment " que l'accord de principe scellé avant le lancement de la première vague de METP a produit ses effets à l'occasion de chacune des vagues d'appels d'offres, des accords particuliers intervenant entre les entreprises présélectionnées ", et que M. AE... a admis leur avoir communiqué des informations privilégiées. Les faits ainsi constatés par le juge pénal doivent être regardés comme des fautes en lien direct avec l'éventuel surcoût supporté par la région Ile-de-France, de nature à engager leur responsabilité envers elle.
14. L'accord de principe scellé avant le lancement de la première vague de marchés ayant, ainsi qu'il vient d'être dit, produit ses effets à l'occasion de chacune des vagues d'appels d'offres, les personnes physiques impliquées dans cet accord ne sauraient utilement faire valoir que les entreprises au sein desquelles elles exerçaient leurs fonctions, ne se sont pas vues attribuer le marché conclu pour la rénovation du lycée Saint-Louis, situé à Paris, et qu'elles n'ont été pénalement condamnées à raison de leur participation à une entente qu'à propos d'autres marchés.
En ce qui concerne les fautes reprochées aux sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France, Brézillon, SPIE SCGPM, Bouygues, SPIE Operations venant aux droits de la société SPIE SA, Eiffage Construction, Dumez Construction, Gespace France, Vinci Construction, Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction (CBC), Fougerolle, Nord France Boutonnat, SICRA et SPGI :
15. Il résulte de la décision du Conseil de la concurrence du 9 mai 2007, confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 juillet 2008, devenu définitif, que les sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France, venant aux droits de la société Olin, Brézillon, SPIE SCGPM, Bouygues, SPIE Operations venant aux droits de la société SPIE SA, Eiffage Construction, Dumez Construction, Gespace France, Vinci Construction, Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction (CBC), Fougerolle, Nord France Boutonnat, SICRA et SPGI venant aux droits de la société Patrimoine Ingénierie, " ont participé à l'entente concernant la répartition des 88 METP du CRIF " (notamment, points 441 et 480), et ont ainsi enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce. Douze d'entre elles ont d'ailleurs été condamnées pour ce motif, les sociétés Dumez Construction et SPGI étant dispensées de sanction puisque n'ayant réalisé aucun chiffre d'affaires au titre de leur dernier exercice. Ces sociétés ont ainsi commis des fautes en lien direct avec l'éventuel surcoût supporté par la région Ile-de-France, de nature à engager leur responsabilité envers elle.
16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société SPGI, elle a repris l'intégralité du patrimoine de la société Patrimoine Ingénierie lors de la dissolution de cette société qu'elle a absorbée le 29 juillet 1995, et que, si elle s'est par la suite, le 30 novembre 1995, dotée d'une filiale, la société Patrimoine Ingénierie France qui a, à son tour, repris les contrats de la société Patrimoine Ingénierie, elle ne démontre pas que cette filiale existerait encore et exercerait toujours une activité.
17. En deuxième lieu, les sociétés Bouygues, Bouygues Bâtiment Ile-de-France et Brézillon, Gespace, Vinci et Dumez ne sauraient utilement faire valoir que ni elles-mêmes, ni les entités aux droits desquelles elles sont venues et dont la participation à l'entente a été établie comme il a été dit ci-dessus, n'avaient présenté d'offre de prix en vue de l'attribution du marché conclu pour la rénovation du lycée Saint-Louis, situé à Paris.
18. En troisième lieu, les sociétés Bouygues Bâtiment Ile-de-France et Brézillon ne sauraient davantage faire valoir que M. E... qui, ainsi que l'a constaté le Conseil de la concurrence, les représentait, n'a été reconnu coupable de participation à une entente par le tribunal correctionnel qu'à propos de quatre autres marchés.
19. En quatrième lieu, la société Eiffage ne conteste pas sérieusement avoir absorbé le sociétés SAE, SAEP et Quillery qui participaient à l'entente mentionnée ci-dessus.
20. En cinquième lieu, la circonstance que la société SPIE Batignolles (RCS 682 032 651) a, le 6 novembre 2002, fait l'apport de l'ensemble de ses activités à la société CSP 18, devenue la société SPIE Batignolles (RCS 433 690 278) le 27 décembre 2002, est sans incidence sur la responsabilité de la société SPIE SA, devenue la société SPIE Opérations (RCS 399 258 755) qui a succédé à la société CSP 100, elle-même venue aux droits de la société SPIE Batignolles (RCS 682 032 651) le 27 décembre 2002.
21. Il résulte de ce qui précède que les entreprises mentionnées ci-dessus ne sont pas fondées à soutenir que les fautes relevées par le Conseil de la concurrence dans sa décision du 9 mai 2007 ne pourraient leur être imputées.
22. Il résulte en outre des points 12 à 21 que, compte tenu de l'implication des personnes physiques et des entreprises mentionnées ci-dessus dans les pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime, la région Ile-de-France est fondée à demander leur condamnation solidaire.
En ce qui concerne les fautes reprochées par les intimés à la région Ile-de-France :
23. Il résulte de l'instruction que le choix par la région Ile-de-France lors de la passation des contrats conclus pour la rénovation des lycées, de la forme du marché d'entreprise de travaux publics (METP), le recours à la procédure de l'appel d'offres restreint et la délégation de sa mission de maître d'ouvrage à un assistant maitre d'ouvrage dont elle a assuré la promotion au mépris des règles de concurrence, ont par eux-mêmes favorisé les pratiques anticoncurrentielles dont la région a été victime. Il résulte en outre des constatations de fait de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 février 2007, citées ci-dessus, que le personnel de la région a pris part aux réunions au cours desquelles une répartition des marchés entre les entreprises a été évoquée et même " encouragée par le maitre d'ouvrage ", ainsi qu'au fonctionnement de l'entente alors mise en place, notamment en assurant le respect de la règle de répartition dite " règle de Krieg ", au sein d'un groupe de travail officieux chargé d'établir, hors du contrôle de la commission d'appel d'offres, la liste des candidats admis à présenter une offre pour chaque marché (la " commission Chevance "). Les intimés sont donc fondés à soutenir que ces fautes, non détachables du service, sont susceptibles de les exonérer d'une part de leur responsabilité dans une proportion qu'il y a lieu de fixer à un tiers.
Sur le préjudice :
24. Ainsi que l'a relevé le Conseil de la concurrence dans sa décision du 9 mai 2017, la mise en place de l'entente n'a pas permis le fonctionnement normal de la concurrence et n'a pas pu garantir à la région l'obtention du juste prix du marché. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la région justifie avoir subi un préjudice présentant un lien de causalité direct avec les fautes commises par les intimés.
25. Le dossier ne permettant cependant pas à la Cour de comparer les prix du marché en discussion et les prix qui auraient dû être pratiqués sans l'entente mentionnée ci-dessus, et donc d'évaluer l'ampleur du préjudice subi par la région Ile-de-France au titre du surcoût lié aux pratiques anticoncurrentielles, il y a lieu, avant de statuer sur ce préjudice, d'ordonner une expertise sur ces points.
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la région Ile-de-France, procédé par un expert désigné par le Président de la Cour, à une expertise avec mission de :
1°) donner un avis motivé sur les prix du marché conclu pour la rénovation du lycée Saint-Louis, situé à Paris, et donner une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans l'entente mentionnée ci-dessus, compte tenu des caractéristiques du marché et en prenant notamment en compte la baisse des prix postérieure au démantèlement de l'entente ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d'avoir eu une incidence sur celle-ci ;
2°) d'une façon générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer la Cour dans son appréciation du préjudice subi par la région Ile-de-France ;
Article 2 : L'expert pourra au cours de cette mission prendre l'initiative d'une médiation, avec l'accord des parties, destinée à évaluer l'indemnité devant être accordée à la région Ile-de-France. Si une médiation est engagée, il devra en informer la juridiction.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties avant le 31 décembre 2021.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Le jugement n° 1705349/4-1 du Tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la région Ile-de-France, à la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, à la société Brézillon, à la société SPIE Batignolles Ile-de-France, à la société Bouygues, à la société SPIE Operations, à la société Eiffage Construction, à la société Dumez Construction, à la société Gespace France, à la société Vinci Construction, à la société Compagnie Générale de Bâtiment et de Construction (CBC), à la société Fougerolle, à la société Nord France Boutonnat, à la société VCF of Réhabilités IDF, à la société de participations et de gestions immobilières (SPGI), à M. B... Q..., à M. Z... T..., à M. Z... L..., à M. S... AK..., à M. D... J..., à Mlle V... H..., à M. AC... AO..., à M. AC... E..., à M. AH... G..., à M. N... AS... et à M. X... AE....
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. AB..., président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 février 2021.
Le rapporteur,
J-C. AB...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03200