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18/12/2020 | FRANCE | N°19PA02928

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 décembre 2020, 19PA02928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Audace a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 19 juillet 2017 tendant à l'abrogation des décisions fondant l'utilisation de différents supports de cours d'éducation sexuelle, d'autre part, d'enjoindre au ministre d'abroger les décisions explicites ou implicites fondant l'utilisation de ces mêmes supports, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000

euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Audace a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 19 juillet 2017 tendant à l'abrogation des décisions fondant l'utilisation de différents supports de cours d'éducation sexuelle, d'autre part, d'enjoindre au ministre d'abroger les décisions explicites ou implicites fondant l'utilisation de ces mêmes supports, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1717536 du 9 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2019, l'association France Audace représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 19 juillet 2017 tendant à l'abrogation des décisions fondant l'utilisation de différents supports aux fins d'assurer les cours d'éducation sexuelle à l'école ;

3°) d'enjoindre au ministre d'abroger les décisions explicites ou implicites fondant l'utilisation de ces mêmes supports ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- différents supports de cours d'éducation sexuelle auxquels renvoie le site Eduscol du ministère de l'éducation nationale entrent dans le champ des infractions pénales réprimées aux articles 227-24, 227-23 et 227-22 du code pénal ;

- ces supports constituent un trouble manifeste à l'ordre public ; ils portent atteinte à la dignité humaine, en violation de l'article 16 du code civil ;

- ces supports contreviennent au droit à l'éducation des enfants par leurs parents, en violation de l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 5 de la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle ;

- le ministre était tenu d'abroger les décisions illégales fondant l'utilisation des supports litigieux, en application de l'article L. 243-2 alinéa 1 du code des relations entre le public et l'administration ;

Par un mémoire en défense enregistré le 25 août 2020, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable et, à titre subsidiaire, que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour l'association France Audace.

Considérant ce qui suit :

1. L'association France Audace a, par courrier du 17 juillet 2017, demandé au ministre de l'éducation nationale d'abroger la (ou les) décision(s) explicite(s) ou implicite(s) fondant l'utilisation d'un ensemble de supports d'information pour les cours d'éducation sexuelle à l'école auxquels renvoie le site Internet du ministère " Eduscol ". Le silence gardé par le ministre sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. L'association relève appel du jugement du

9 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale ; ".

3. La demande présentée par l'association France Audace devant le Tribunal administratif de Paris tendait à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale rejetant la demande d'abrogation de la décision " fondant l'utilisation " d'un ensemble de supports d'information pour les cours d'éducation sexuelle à l'école, laquelle doit être regardée comme relevant des dispositions précitées du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, qui visent tant les actes réglementaires des ministres que leurs instructions. Le litige relevait ainsi, en vertu des dispositions précitées, de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort. Il y a lieu, par suite, en l'absence d'irrecevabilité manifeste de la demande de l'association France Audace, d'annuler le jugement en date du 9 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent pour connaître de cette demande et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1717536 du 9 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le dossier de la requête de l'association France Audace est transmis au Conseil d'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association France Audace et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 décembre 2020.

Le président,

M. A...

La rapporteure,

M. B...Le président,

Le greffier,

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02928
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - REFUS DU MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE D'ABROGER LA MISE À DISPOSITION - SUR LE SITE INTERNET « EDUSCOL » - DE DIVERS LIENS RENVOYANT VERS UN ENSEMBLE DE SUPPORTS D'INFORMATION DESTINÉS À LA PRÉPARATION DE COURS D'ÉDUCATION SEXUELLE - NATURE DE L'ACTE.

01-01-05-03 La décision ministérielle à l'origine de la mise à disposition des enseignants, sur un site Internet d'un ministère, de liens vers des publications émanant d'organismes privés ou publics a le caractère d'une « recommandation », susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes (1). Il en est de même du refus d'abroger cette décision (sol. implicite).,,,,[RJ1].

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - RECOURS DIRIGÉ CONTRE LE REFUS DU MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE D'ABROGER LA MISE À DISPOSITION - SUR LE SITE INTERNET « EDUSCOL » - DE DIVERS LIENS RENVOYANT VERS UN ENSEMBLE DE SUPPORTS D'INFORMATION DESTINÉS À LA PRÉPARATION DE COURS D'ÉDUCATION SEXUELLE - COMPÉTENCE DU CONSEIL D'ÉTAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT POUR CONNAÎTRE DU LITIGE (ARTICLE R - 311-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE).

17-05-02 L'article R. 311-1, 2ème alinéa, du code de justice administrative attribue au Conseil d'État compétence pour connaître en premier et dernier ressort des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre leurs circulaires et instructions de portée générale.,,,La décision ministérielle à l'origine de la mise à disposition des enseignants, sur un site Internet d'un ministère, de liens vers des publications émanant d'organismes privés ou publics a le caractère d'une « recommandation », susceptible d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes, assimilable à une instruction de portée générale (sol. implicite). Il en est de même du refus d'abroger cette décision. La requête dirigée contre un tel refus doit ainsi être regardée comme relevant des dispositions du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative.,,,Par suite, compétence du Conseil d'Etat pour connaître du litige en premier et dernier ressort.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, Section,12 juin 2020, Groupe d'Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), n°418142, à publier au Recueil.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : TRIOMPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-18;19pa02928 ?
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