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09/04/2021 | FRANCE | N°19PA01935

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 avril 2021, 19PA01935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Epureau a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Dumbea à lui verser la somme de 64 625 185 francs CFP au titre de la perte de chance de réaliser la marge nette correspondant à l'exécution de la délégation de service public dont elle a été irrégulièrement évincée. Par un jugement n° 1800312 du 14 mars 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de Dumbea à verser la somme de 35 000 000 francs CFP à la sociét

é Epureau au titre du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Epureau a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la commune de Dumbea à lui verser la somme de 64 625 185 francs CFP au titre de la perte de chance de réaliser la marge nette correspondant à l'exécution de la délégation de service public dont elle a été irrégulièrement évincée. Par un jugement n° 1800312 du 14 mars 2019, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la commune de Dumbea à verser la somme de 35 000 000 francs CFP à la société Epureau au titre du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution de la délégation de service public d'exploitation de la STEP Dumbéa 2 et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019, la commune de Dumbea, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de rejeter la demande de la société Epureau ;

3°) de condamner la société Epureau à lui verser la somme de 500 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal a soulevé d'office sans en informer les parties, et retenu, le moyen tiré de ce qu'en l'absence d'un accusé de réception indiquant à la société Epureau la date de réception de sa demande préalable et lui indiquant les voies et délais de recours contre un rejet de cette dernière, la fin de non-recevoir tirée du caractère confirmatif du rejet de la demande du 17 juillet 2018 devait être écartée ;

- si le tribunal a retenu que la société Epureau n'aurait jamais eu connaissance de la décision implicite de rejet du 27 décembre 2016, elle a reconnu en page 7 de sa requête avoir eu connaissance de cette décision et y fait référence dans ses deux réclamations des 14 et 18 mai 2018 ; le délai raisonnable pour introduire un recours contre la première décision ne pouvait donc excéder le mois de janvier 2018 ;

- la décision implicite de rejet du 17 juillet 2018 est une décision confirmative de la décision de rejet du 26 octobre 2016 ; les deux décisions ont un objet identique qui est le rejet d'une demande indemnitaire fondée sur le manque à gagner de la société Epureau du fait de son éviction de la procédure d'attribution de la délégation de service public, nonobstant l'augmentation du montant sollicité ; aucun changement dans les circonstances de fait et de droit n'est intervenu entre ces deux décisions ; si la société Epureau soutient avoir ignoré que la station d'épuration de Koutio devait être abandonnée, cette circonstance était connue dès le lancement de la première procédure et antérieurement à sa première réclamation préalable ; en tout état de cause, l'arrêt de cette STEP n'avait aucun impact sur le volume à traiter et n'est donc pas un élément nouveau, contrairement à ce que soutient la société appelante ;

- la société Epureau ne disposait pas de chances sérieuses de remporter le marché de délégation dans le cadre du premier appel d'offres ; en l'absence de report de la commission d'appel d'offres du 11 mars 2015, son offre aurait dû être rejetée dès lors qu'elle ne bénéficiait pas d'un engagement " ferme et définitif " de la société La Nantaise des Eaux pour l'accompagner ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le courrier du 6 mars 2015 a été lu au cours de la commission ; dans le cadre du second appel d'offres, sa candidature n'a pas été retenue, la société CDE obtenant des notes bien supérieures à celles de la société Epureau ;

- il est impossible de déterminer au vu des pièces communiquées le bénéfice net qui aurait été réalisé par la société Epureau en exécution du marché ; aucun document comptable ou financier n'est produit ;

Par un mémoire en défense enregistré le 27 août 2019, des pièces complémentaires enregistrées le 17 juin 2020 et des mémoires enregistrés le 21 janvier 2021 et le 19 février 2021, la société Epureau, représentée par Me D..., conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet de la requête, à ce que soit ordonnée une expertise afin de déterminer le montant du bénéfice qu'elle aurait réalisé si le marché lui avait été attribué, à la condamnation de la commune de Dumbea à lui verser la somme de 196 640 494 francs CFP au titre de la réparation de son préjudice économique et la somme de 350 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les moyens de cette requête ne sont pas fondés ;

Les parties ont été informées le 21 janvier 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires incidentes en tant qu'elles excèdent le montant de 64 625 185 francs CFP demandé en première instance, comme nouvelles en appel.

La commune de Dumbea a produit un mémoire récapitulatif enregistré et en réponse à l'information susvisée le 22 mars 2021 ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des relations entre le public et l'administration, dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- le code des communes de Nouvelle-Calédonie ;

- l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Jouanin, avocat substituant Me B... pour la commune de Dumbea.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 3 novembre 2016, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a résilié, à la demande de la société Epureau, candidate évincée, la convention d'affermage du service public de traitement des eaux usées conclue entre la commune de Dumbea et la société Calédonienne des Eaux le 26 juin 2015, au motif que les principes d'égalité de traitement et de confidentialité des offres avaient été méconnus dans le cadre de la procédure d'attribution du contrat et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société Epureau en l'absence de liaison du contentieux. Cette dernière a adressé à la commune de Dumbea une réclamation préalable le 21 octobre 2016, reçue le 26 octobre suivant, tendant à une indemnisation d'un montant total de 37 979 768 francs CFP qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 26 décembre 2016 que la société Epureau n'a pas contestée. Elle a adressé une seconde demande indemnitaire en date du 14 mai 2018, reçue le 17 mai suivant, tendant à une indemnisation d'un montant de 67 625 184 francs CFP, qui a donné lieu à une décision implicite de rejet née le 17 juillet 2018. La société Epureau a, par requête enregistrée le 17 septembre 2018, demandé au Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie de condamner la commune de Dumbea à lui verser la somme de 64 625 185 francs CFP au titre de la perte de chance de réaliser la marge nette correspondant à l'exécution de la délégation de service public dont elle a été irrégulièrement évincée. Par le jugement du 14 mars 2019 dont la commune de Dumbea relève appel, le tribunal l'a condamnée à verser à la société Epureau la somme de 35 000 000 francs CFP et a rejeté le surplus de la requête. La société Epureau présente des conclusions incidentes tendant à la condamnation de la commune de Dumbea à lui verser la somme de 204 774 280 francs CFP au titre de la réparation de son préjudice économique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La commune de Dumbea soutient que le tribunal a soulevé d'office, sans en informer les parties, et retenu, le moyen tiré de ce qu'en l'absence d'un accusé de réception indiquant à la société Epureau la date de réception de sa demande préalable formée le 21 octobre 2016 et lui indiquant les voies et délais de recours contre un rejet de cette dernière, la fin de non-recevoir tirée du caractère confirmatif du rejet de la demande du 17 juillet 2018 devait être écartée. Toutefois, en répondant à la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune en rappelant les dispositions des articles L. 111-2 et suivants et R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration, applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, le tribunal n'a pas soulevé de moyen d'ordre public.

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de la société Epureau :

3. La commune de Dumbea soutient que la décision de rejet implicite opposée à la réclamation préalable de la société Epureau formée le 14 mai 2018 et reçue le 17 mai suivant, étant une décision confirmative de la décision implicite de rejet de sa première réclamation née le 27 décembre 2016 et dont la société Epureau a reconnu dans sa requête avoir eu connaissance, le délai raisonnable pour introduire un recours contre la première décision ne pouvait excéder le mois de janvier 2018.

4. En vertu de l'article R. 421-2 du code de justice administrative, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Par dérogation à cette règle, l'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, disposait que " l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : / 1° En matière de plein contentieux (...) ". Il en résultait que lorsqu'une personne s'était vue tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes alors en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification.

5. Le décret du 2 novembre 2016 a supprimé le 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative à compter du 1er janvier 2017 et a prévu que les nouvelles dispositions de cet article s'appliqueraient aux requêtes enregistrées à partir de cette date. Il en résulte que, s'agissant des décisions implicites relevant du plein contentieux, la nouvelle règle selon laquelle, sauf dispositions législatives ou réglementaires qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date à laquelle elles sont nées, est applicable aux décisions nées à compter du 1er janvier 2017. En ce qui concerne les décisions implicites relevant du plein contentieux nées antérieurement à cette date, un délai franc de recours de deux mois court à compter du 1er janvier 2017, soit jusqu'au 2 mars 2017.

6. Les règles énoncées au point précédent doivent être combinées avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, la mention des voies et délais de recours, dispositions applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie aux communes et à leurs établissements publics en vertu des articles L. 562-1 du même code. Le principe de sécurité juridique fait cependant obstacle à ce que le demandeur, lorsqu'il est établi qu'il a eu connaissance de la décision implicite qui lui a été opposée, puisse la contester indéfiniment du seul fait que l'administration ne lui a pas délivré d'accusé de réception de sa demande ou n'a pas porté sur l'accusé de réception les mentions requises. La preuve d'une telle connaissance peut résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui, sauf circonstances particulières, ne saurait excéder un an et court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision. En ce qui concerne les décisions implicites de rejet relevant du plein contentieux nées avant le 1er janvier 2017, dont il est établi que le demandeur a eu connaissance avant cette date, mais pour lesquelles l'administration, alors qu'elle était soumise à cette obligation, n'a pas délivré d'accusé de réception ou a délivré un accusé de réception ne comportant pas les mentions requises, le délai de recours expire le 31 décembre 2017, sauf circonstances particulières invoquées par le requérant.

7. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la société Epureau aurait été clairement informée des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa première réclamation préalable formée le 21 octobre 2016, ni eu connaissance de l'existence de cette décision implicite de rejet née le 26 décembre 2016 avant sa seconde réclamation préalable du 14 mai 2018, qui évoque le rejet d'une première demande. Par suite, le délai raisonnable d'une année pour contester la première décision implicite de rejet n'était pas expiré à la date d'enregistrement de la requête de la société Epureau, soit le 17 septembre 2018, devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

8. D'autre part, et en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la commune de Dumbea, la décision implicite de rejet de la seconde réclamation préalable de la société Epureau, née le 17 juillet 2018, ne constitue pas une décision confirmative de la décision de rejet de la première réclamation préalable dès lors que, si la seconde demande indemnitaire de la société Epureau est fondée sur le même fait générateur, à savoir son éviction irrégulière de la première procédure d'attribution de la délégation de service public, ses dommages n'ont été révélés dans toute leur ampleur que postérieurement au premier rejet de sa réclamation, à l'occasion du lancement de la seconde procédure d'appel d'offres lancée par la commune de Dumbea à laquelle elle a participé et qui lui a révélé l'abandon programmé de la station d'épuration de Koutio.

9. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée aux conclusions indemnitaires de la société Epureau doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

10. Considérant, d'une part, que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, il n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient, d'autre part, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Dans un tel cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

11. Par un jugement devenu définitif en date du 3 novembre 2016 le Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a annulé la convention de délégation de service public conclue entre la commune de Dumbea et la société Calédonienne des Eaux au motif de la méconnaissance des principes d'égalité de traitement et de confidentialité des offres par la commune de Dumbea. Il résulte de l'instruction que le rapport d'analyse des offres établi par les services techniques de la commune pour préparer les travaux de la commission d'appel d'offres du 11 mars 2015 proposait de retenir l'offre de la société Epureau notamment en raison du tarif P0 de 44 F CFP/m3 proposé contre 49,70 F CFP/m3 pour la société Calédonienne des Eaux et que si, lors de sa séance du 11 mars 2015, en méconnaissance du principe d'égalité de traitement et de confidentialité des offres, la commission d'appel d'offres n'avait pas refusé de procéder à l'attribution de la convention et décidé d'ouvrir un nouveau délai de quinze jours permettant à la société Calédonienne des Eaux de modifier son offre, la société Epureau avait une chance sérieuse de remporter le marché. Elle est, par suite, fondée à demander l'indemnisation de son manque à gagner.

En ce qui concerne l'indemnisation du manque à gagner de la société Epureau :

12. La société Epureau qui a évalué le montant total de son préjudice devant le tribunal à la somme de 64 625 185 francs CFP présente devant la Cour des conclusions incidentes tendant à la condamnation de la commune de Dumbea à lui verser la somme totale de 204 774 280 francs CFP au titre de la réparation de ce même préjudice. Toutefois, dès lors qu'elle se borne à soutenir que la réévaluation du montant de ses conclusions indemnitaires résulte des conséquences que la fermeture de la STEP de Koutio aurait eu sur les volumes d'eau traités par la STEP Dumbea 2 et par voie de conséquence sur le chiffre d'affaires et la marge qu'elle aurait retirée de l'exécution de la convention, alors qu'elle se prévalait déjà de cette circonstance pour réévaluer le montant de son préjudice entre sa première et sa seconde demande préalable, elle n'est pas fondée à soutenir que ses dommages auraient été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au rejet de cette seconde demande. Par suite, ses conclusions indemnitaires incidentes sont irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant de 64 625 185 francs CFP demandé en première instance.

A l'appui de sa demande d'indemnisation de son manque à gagner, la société Epureau a produit en dernier lieu une " étude " succincte réalisée par le cabinet Fosset et Associés d'expertise comptable aux termes de laquelle son préjudice s'élèverait à 196 640 494 francs CFP et une attestation du cabinet KPMG Audit du " document joint ", lequel est un document sommaire établi par la société Epureau elle-même et dépourvu de tout calcul. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin pour la Cour d'ordonner une expertise, de retenir sur la base du tableau intitulé " Estimation du manque à gagner relatif à la perte du marché " produit à l'appui de sa seconde réclamation préalable, dont les chiffres ne sont pas sérieusement discutés par la commune, et faisant apparaître un manque à gagner direct de 56 491 399 francs CFP sur la période considérée, et après déduction des 3 566 667 francs CFP correspondant à une quote-part de frais de structure, de faire une juste appréciation du préjudice de la société Epureau et de condamner la commune de Dumbea à lui verser une somme de 53 000 000 francs CFP au titre de son manque à gagner.

En ce qui concerne l'indemnisation des frais de présentation de l'offre :

13. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que l'indemnisation du concurrent irrégulièrement évincé comprend nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation distincte. Par suite, les conclusions de la société Epureau tendant à la condamnation de la commune de Dumbea à lui verser la somme de 8 133 786 francs CFP à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Epureau, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Dumbea la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Dumbea une somme de 1 500 euros à verser à la société Epureau sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Dumbea est rejetée.

Article 2 : La commune de Dumbea est condamnée à verser à la société Epureau la somme de 53 000 000 francs CFP.

Article 3 : Le jugement n° 1800312 du 14 mars 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes de la société Epureau est rejeté.

Article 5 : La commune de Dumbea versera à la société Epureau une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dumbea et à la société Epureau.

Copie en sera adressée au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme C..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.

La rapporteure,

M. C...Le président,

M. A...

Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01935 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01935
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.

Outre-mer - Droit applicable - Lois et règlements (hors statuts des collectivités) - Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie - Nouvelle-Calédonie.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : JURISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-09;19pa01935 ?
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