La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2021 | FRANCE | N°19PA01746

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre, 23 juin 2021, 19PA01746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler le compte-rendu de son entretien professionnel établi le 14 mars 2017 par le directeur territorial de la sécurité de proximité de Paris, ensemble la note chiffrée ;

2°) d'enjoindre au directeur de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne de faire procéder à l'établissement d'un nouveau compte-rendu d'entretien professionnel en y apportant les modifications demandées.

Par un ju

gement n° 1711424/5-3 du 27 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler le compte-rendu de son entretien professionnel établi le 14 mars 2017 par le directeur territorial de la sécurité de proximité de Paris, ensemble la note chiffrée ;

2°) d'enjoindre au directeur de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne de faire procéder à l'établissement d'un nouveau compte-rendu d'entretien professionnel en y apportant les modifications demandées.

Par un jugement n° 1711424/5-3 du 27 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2019, M. D..., représenté par Me B... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1711424/5-3 du 27 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le compte-rendu de son entretien professionnel, ensemble la note chiffrée, contestés devant le tribunal ;

3°) d'enjoindre au directeur chargé de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne de faire procéder à l'établissement d'un nouveau compte-rendu d'entretien professionnel en y apportant les modifications demandées ;

4°) d'enjoindre au directeur chargé de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne de supprimer la mention d'un entretien à mi-parcours et de préconisations ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son évaluation professionnelle établie en mars 2017 s'inscrit dans un contexte de harcèlement moral et de sanctions déguisées ;

- la décision de sa supérieure hiérarchique directe de ne pas le renouveler dans ses fonctions d'officier du ministère public suppléant près le Parquet général près la Cour d'appel de Paris est constitutive d'un fait de harcèlement moral ; cette décision, qui n'est pas justifiée, excède les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et méconnaît les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ; cette décision n'a pas été appréciée par le tribunal qui l'a néantisée ; elle a pour effet une dégradation de ses conditions de travail, porte atteinte à ses droits et sa dignité, altère sa santé physique et mentale et compromet son avenir professionnel ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et témoigne de l'animosité de sa supérieure hiérarchique à son égard ; le tribunal, en passant sous silence la décision de l'intéressée, n'a pas tenu compte de l'ensemble des faits qui lui ont été soumis ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction ; le tribunal ne pouvait considérer que le retrait de son arme de service, qu'un précédent jugement avait considéré comme étant entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ne constituait pas un fait de harcèlement moral sans considérer tous les autres faits, de manière cumulative, dont la décision ne lui permettant pas de continuer à exercer ses fonctions d'officier du ministère public suppléant ;

- les premiers juges devaient nécessairement envisager, dans leur globalité, les décisions prises par sa supérieure hiérarchique à son encontre auxquels s'ajoutent de nombreux faits qu'elle a sciemment inventés ;

- le dessaisissement de son arme s'inscrit dans une logique de harcèlement moral excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

- l'isolement dont il a été l'objet de la part de Mme L. est constitutif d'un fait de harcèlement moral et d'une sanction déguisée excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

- il a été privé d'enseignement, quelques jours avant de dispenser des formations à l'Ecole nationale de la magistrature et à l'Ecole nationale supérieure de la police ; il ne peut s'agir de mesures d'organisation du service ; cette décision est constitutive de faits de harcèlement moral excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; elle est, au surplus, entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses qualités professionnelles, et est contraire à l'intérêt du service ;

- l'interdiction de participer chaque année aux voeux du service est constitutif de discrimination, de harcèlement moral et d'une sanction déguisée et excède les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

- la fausse mention d'un entretien à mi-parcours et de préconisations n'ayant pas eu lieu est constitutif de fait de harcèlement moral et excède les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

- il a été délibérément écarté du service et n'a plus été invité aux réunions de service régulièrement organisées par Mme L., laquelle a, en outre, systématiquement refusé ses demandes de participation à des réunions externes, sans aucune justification ; cette mise à l'écart est constitutive d'un fait de harcèlement moral excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

- la dénonciation de faits calomnieux par Mme L., sans que ces faits aient été portés à sa connaissance afin de lui permettre de présenter des observations, est constitutive de harcèlement moral ; ces faits sont, de surcroît, sans rapport avec la réalité et sont contredits par des attestations de collègues et magistrats ;

- la dévalorisation systématique et permanente dont il fait l'objet de la part de Mme L., qui constitue un fait de harcèlement moral, porte atteinte à son nom et sa considération ;

- au vu de cette situation, Mme L. n'a pas eu les moyens d'apprécier ses qualités personnelles ainsi que ses compétences managériales ; la baisse de sa notation résulte des recours qu'il a présentés devant le juge administratif ; les appréciations portées sur ses aptitudes personnelles constituent une discrimination manifeste ; il en va de même de l'appréciation portée sur sa capacité à communiquer ; en l'absence d'indicateur précis quant au second objectif qui a été évalué, il était impossible tant pour l'évaluateur que pour l'évalué de savoir à partir de quel moment l'objectif était atteint ; depuis l'arrivée de Mme L., les appréciations relatives à sa valeur professionnelle ont été abaissée du niveau " excellent " à celui de " moyen " ; la notation contestée constitue un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2005-939 du 2 août 2005 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., commissaire de police, affecté à la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne de la préfecture de police, exerce ses fonctions en qualité d'adjoint des services de l'officier du ministère public (OMP) depuis le 11 décembre 2009. Par un courrier du 14 avril 2017, il a formé un recours hiérarchique tendant à la révision de sa note chiffrée, fixée à 4 / 7 pour l'année 2016, ainsi que du compte-rendu de son entretien professionnel. Le directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne a, par une décision du 17 mai 2017, rejeté sa demande de révision. Par un jugement n° 1711424/5-3 du 27 mars 2019, dont il relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce compte-rendu et de sa note chiffrée.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, que le juge peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui, le préjudice résultant de ces agissements devant alors être intégralement réparé.

5. M. D... soutient, pour faire présumer le harcèlement moral invoqué, qu'il est victime depuis 2014, date à laquelle Mme L. est devenue chef des services de l'OMP, d'une diminution de ses fonctions, d'un isolement, ainsi que d'une dévalorisation systématique qui ont engendré une dégradation de son état de santé.

6. La circonstance, tout d'abord, que le supérieur hiérarchique direct de M. D... ait proposé qu'il ne soit pas renouvelé dans ses fonctions d'officier du ministère public suppléant est, contrairement à ce qu'il soutient, justifiée par des considérations tirées du bon fonctionnement du service. Il ressort ainsi des pièces versées au dossier qu'il lui est reproché d'avoir prématurément quitté une audience du tribunal de police du 2 juillet 2015 alors que six dossiers de non-comparants, qui lui avaient été attribués et dont les plumitifs lui avaient été remis, n'avaient pas encore été appelés et que le juge de proximité n'avait pas levé l'audience. M. D... avait donc dû être remplacé par un autre officier du ministère public qui n'avait aucune connaissance de ces dossiers. Les appréciations portées par les magistrats, avec lesquels il a travaillé au sein du tribunal de police, ainsi que par les autorités judiciaires ayant donné un avis favorable à sa demande de détachement ne sont pas de nature à établir que cette proposition serait de nature à révéler l'animosité nourrie par son supérieur hiérarchique à son encontre ainsi qu'un fait de harcèlement moral. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que M. D... n'a pu, à l'initiative de son supérieur hiérarchique, assurer certaines formations, prévues, notamment à l'Ecole nationale de la magistrature, dont celle du 10 octobre 2016, une telle mesure constitutive d'une mesure d'organisation du service est demeurée sans conséquence sur l'exercice des prérogatives qu'il tenait de son statut et ne suffit pas à caractériser un harcèlement moral. Il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. D..., que sa hiérarchie a délibérément manifesté son intention de l'écarter de réunions et ainsi contribué à la dégradation de ses conditions de travail. Il ressort, au contraire, de ces pièces qu'il a bien assisté à des réunions de travail mais que leur suivi n'a pas donné satisfaction ainsi que le corroborent les appréciations portées par le directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne sur le suivi de la réunion du 24 novembre 2016 dont le compte-rendu n'a pas donné satisfaction. Si, après qu'il ait proposé, le 1er février 2016, à son supérieur hiérarchique de l'assister à une réunion à laquelle participait un préfet, sa hiérarchie a décliné sa proposition au vu de l'objet de la réunion, cette circonstance ne peut à elle seule caractériser un fait de harcèlement moral. En tout état de cause, M. D... ne conteste pas ne pas avoir été privé de l'essentiel de ses fonctions d'adjoint au chef des services de l'OMP (gestion du personnel, des locaux, réunions avec le procureur de la République et la mairie sur des sujets comme la dépénalisation, le passage à la verbalisation électronique, le dossier RATP/SNCF, ANTAI et les prestataires, le CNT de Rennes, le passage du marché CNT 3 à CNT 4 avec changement de prestataire notamment) et avoir assuré l'intérim de son supérieur hiérarchique. Enfin, la circonstance que le Tribunal administratif de Paris ait annulé, par un jugement n° 1519158/5-3 du 17 mai 2017, devenu définitif, la décision par laquelle son arme de service lui avait été retirée à titre conservatoire, au motif que cette décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation, ne peut suffire, à elle seule, à caractériser une situation de harcèlement moral.

7. Il ressort, ensuite, des pièces du dossier, et notamment des écritures du ministre de l'intérieur, que le supérieur hiérarchique de M. D... lui a attribué un nouveau bureau disposant de tout le mobilier et matériel nécessaires pour travailler ainsi que d'une fenêtre. Contrairement à ce que soutient M. D..., ce sont des raisons tirées des nécessités du service qui ont justifié une telle mesure compte tenu d'une situation tendue et conflictuelle avec son supérieur hiérarchique. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant une telle mesure d'organisation du service, Mme L. ait entendu prendre une sanction déguisée à son encontre. Il n'est pas établi qu'une telle mesure aurait revêtu un caractère discriminatoire et constitué un harcèlement moral. Quant à la circonstance que M. D... n'ait pu participer aux voeux depuis 2016, il ne ressort pas des pièces produites qu'elle révèlerait un traitement discriminatoire, ni une situation de harcèlement moral ou une sanction déguisée, mais seulement une situation conflictuelle avec sa supérieure hiérarchique. Par ailleurs, si M. D... invoque des indications mensongères de

Mme L. s'agissant d'un prétendu entretien d'évaluation intermédiaire au titre de sa notation 2016 et soutient qu'elle l'a l'empêché d'avoir accès aux informations relatives à des faits qui lui étaient reprochés, ne le mettant ainsi pas à même de se défendre, il n'apporte aucun élément à l'appui de son argumentation. Le rapport du 22 août 2018, dont il se prévaut, qui constitue un document interne, préparatoire à une audience devant le Tribunal administratif de Paris, n'avait pas vocation à lui être communiqué. En tout état de cause, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'il présentât tout élément de défense utile devant les premiers juges. L'allégation mensongère d'un prétendu entretien individuel au titre de la notation 2015 qu'il impute à son supérieur hiérarchique direct ne ressort pas davantage des pièces du dossier et ne saurait être de nature à faire présumer un harcèlement moral. Il ressort, en effet, du dossier que la procédure de notation n'a pu se dérouler dans des conditions réglementaires normales compte tenu des relations conflictuelles entre

M. D... et Mme L., qui s'est récusée pour mener son entretien professionnel.

8. Si, enfin, M. D... fait grief à Mme L. de l'avoir systématiquement dévalorisé, notamment dans le rapport précité du 22 août 2018, en ayant formulé à son encontre des griefs inexacts, excessifs et personnels, il ne ressort pas de ce rapport, constitutif, ainsi que cela a été rappelé au point précédent, d'un document interne de travail, ni des autres pièces du dossier que les faits qui lui sont reprochés seraient délibérément mensongers. La déconsidération qu'il invoque résulte en tout état de cause davantage des relations conflictuelles qu'il entretenait avec son supérieur hiérarchique direct. Ces éléments ne sont pas, dans ces conditions, de nature à faire présumer une situation de harcèlement moral.

9. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que les agissements de son supérieur hiérarchique direct excédaient les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et qu'il aurait été victime de ce fait d'une situation de harcèlement moral.

10. En second lieu, aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. / Toutefois, les statuts particuliers peuvent prévoir le maintien d'un système de notation. / A la demande de l'intéressé, la commission administrative paritaire peut demander la révision du compte rendu de l'entretien professionnel ou de la notation. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 1995 : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : / 1. Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; / 2. Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; / 3.Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire ". Aux termes de l'article 2 du décret du 2 août 2005 : " Les commissaires de police de la police nationale constituent ce corps qui est un corps technique supérieur à vocation interministérielle relevant du ministre de l'intérieur. / (...). / Ils exercent les attributions de magistrat qui leur sont conférées par la loi ".

11. Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; / 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. / (...) ".

12. Il ressort du compte-rendu de l'entretien professionnel de M. D... que les aptitudes personnelles et compétences professionnelles ou managériales du requérant ont été reconnues comme relevant du niveau " faible " au titre de la " fiabilité, confiance accordée ", du niveau " bon " au titre de la " capacité rédactionnelle ", de la " faculté d'expression orale ", de la valeur professionnelle " étude, documentation, recherche " et " moyen " pour toutes les autres capacités.

13. Pour contester son évaluation, M. D..., qui soutient être victime d'agissements de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique, fait valoir que cette dernière n'a pu apprécier avec objectivité ses qualités personnelles ainsi que ses compétences managériales et que les appréciations relatives à sa valeur professionnelle ont été abaissée du niveau " excellent " à celui de " moyen " sans aucune justification. D'une part, si les éléments dont se prévaut M. D... ainsi que les pièces qu'il a produites ne sont pas suffisants pour caractériser des faits de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique ainsi que cela a été dit aux points 6. à 9. du présent arrêt, en revanche, ils sont de nature à démontrer le contexte conflictuel des relations professionnelles prévalant entre son supérieur hiérarchique direct et lui-même. D'autre part, il ressort des très nombreuses attestations, particulièrement élogieuses, produites par M. D... et émanant de magistrats avec lesquels il a exercé ses fonctions en qualité d'adjoint des services de l'OMP qu'il possède des connaissances juridiques solides et pointues ainsi qu'un esprit de synthèse, un sens des responsabilités et une très bonne puissance de travail.

14. Il suit de là que la note de 4 / 7 qui a été attribuée à M. D..., eu égard au conflit qui l'opposait à sa hiérarchie et aux autres appréciations portées sur son travail, ne peut refléter sans erreur manifeste d'appréciation ses qualités professionnelles sur l'année 2016.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du compte-rendu de son entretien professionnel établi la 14 mars 2017, ensemble la note chiffrée correspondante. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce compte-rendu ainsi que cette note chiffrée et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'établissement d'un nouveau compte-rendu d'entretien professionnel. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter, faute d'arguments précis, le surplus de conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1711424/5-3 du 27 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ainsi que le compte-rendu de l'entretien professionnel de M. D... établi le 14 mars 2017, ensemble la note chiffrée correspondante, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire procéder à l'établissement d'un nouveau compte-rendu d'entretien professionnel dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2021.

Le rapporteur,

S. E...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01746
Date de la décision : 23/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : BOISGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-23;19pa01746 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award