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23/09/2020 | FRANCE | N°19PA01320

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 septembre 2020, 19PA01320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... F... ont demandé au Tribunal administratif de Paris, sous le n° 1615638, de prononcer la réduction, à hauteur de 428 704 euros en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et, sous le n° 1708746, de prononcer la décharge, pour un montant total de 452 571 euros en droits et pénalités, des mêmes impositions.

Par un jugement nos 1615638, 1708746/1-3 du 13 février 2019,

le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... F... ont demandé au Tribunal administratif de Paris, sous le n° 1615638, de prononcer la réduction, à hauteur de 428 704 euros en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et, sous le n° 1708746, de prononcer la décharge, pour un montant total de 452 571 euros en droits et pénalités, des mêmes impositions.

Par un jugement nos 1615638, 1708746/1-3 du 13 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les requêtes de M. et Mme F... à concurrence des dégrèvements intervenus en cours d'instance, déchargé

les intéressés, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui résultent de la requalification en revenus occultes des bénéfices non commerciaux déclarés par M. F... à raison, d'une part, de sommes égales à 5 % du chiffre d'affaires résultant de l'exploitation de la marque " Gaffer " par la SA Groupe TSF au titre des exercices 2011 et 2012, d'autre part, d'une somme égale à 49,013 % des frais d'avion compris dans les honoraires facturés par l'EURL Cinair au titre de l'exercice 2011, et rejeté le surplus des conclusions des deux requêtes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 15 avril et 17 octobre 2019, M. et Mme F..., représentés par Me C... et Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'infirmer ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les sommes versées par la SA Groupe TSF à l'EURL Cinair ont été admises en déduction du résultat de la SA Groupe TSF et ne peuvent pas, par suite, être requalifiées en avantages occultes ;

- la position retenue par l'administration dans la proposition de rectification adressée à la SA Groupe TSF ayant été abandonnée, la proposition de rectification qui leur a été adressée n'est plus motivée ;

- les premiers juges n'ont pas statué sur ces moyens ;

- le service n'a pas apporté la preuve que les prestations rendues par l'EURL Cinair n'étaient pas réelles ;

- ces prestations sont réelles et distinctes de celles fournies par M. E... en tant que président directeur-général de SA Groupe TSF ;

- le montant de la concession de la marque Gaffer de l'EURL Cinair à la SA Groupe TSF n'a jamais été contesté ;

- les premiers juges ont statué, à cet égard, au-delà de l'argumentation qui leur était soumise ;

- il appartient à l'administration de démontrer que le prix forfaitaire versé pour l'ensemble des prestations est supérieur au prix normal ;

- la taxe sur la valeur ajoutée étant déductible même si le prix est anormalement élevé, le revenu distribué ne peut qu'être hors taxe ;

- le montant des frais de déplacement n'a jamais été contesté ;

- les montants retenus par les premiers juges sont sans rapport avec les prix réels d'une prestation de location d'avion ;

- des vols effectués en 2012 ont également des motifs professionnels ;

- il convient en conséquence de prendre en compte les vols effectués en 2012 pour un forfait de 48 heures ;

- la part admise en déduction de leurs revenus doit être calculée TTC ;

- la taxe sur la valeur ajoutée a été reversée à l'Etat ;

- les charges liées à l'avion sont déductibles du résultat de l'EURL Cinair pour la réalisation des prestations de vols facturées ;

- le manquement délibéré n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme F... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme F....

Une note en délibéré, enregistrée le 10 septembre 2020, a été présentée par Me C... pour M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SA Groupe TSF, dont M. B... F... est le président directeur-général et associé majoritaire indirect, l'administration a remis en cause la déductibilité de charges correspondant à des honoraires de prestations facturés en 2011 et 2012 par l'EURL Cinair, dont M. F... est le gérant et associé unique. Ayant regardé les honoraires versés à l'EURL Cinair comme des distributions occultes, l'administration a notifié à M. et Mme F..., par une proposition de rectification du 22 décembre 2014, son intention d'imposer les sommes correspondantes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. L'EURL Cinair a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au terme de laquelle l'administration a remis en cause la déduction de certaines charges des bénéfices non commerciaux déclarés à l'impôt sur le revenu et imposables entre les mains de M. F..., et en a tiré les conséquences dans cette même proposition de rectification du 22 décembre 2014.

M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 13 février 2019 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge au titre des années 2011 et 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont statué sur l'existence d'avantages occultes consentis par la SA Groupe TSF à l'EURL Cinair et constaté la régularité, à cet égard, de la motivation de la proposition de rectification en date du 22 décembre 2014, au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la circonstance que les redressements correspondants ont été abandonnés au niveau de la SA Group TSF était sans influence tant sur la régularité de la procédure d'imposition des requérants que sur le bien-fondé des impositions en cause. Les premiers juges n'ont, par suite, pas entaché leur jugement d'irrégularité en s'abstenant de répondre au moyen, inopérant, tiré de cet abandon.

3. Les premiers juges, qui ont statué sur la qualification d'avantages occultes des sommes globalement versées par la SA Groupe TSF à l'EURL Cinair et qui ont admis le

bien-fondé de certains de ces versements, étaient nécessairement tenus d'estimer à hauteur de quel montant lesdits versements ne pouvaient être qualifiés d'avantages occultes et de chiffrer la valeur des contreparties consenties par l'EURL Cinair. Ils ont ainsi pu procéder à cette estimation sans entacher leur jugement d'irrégularité, alors même que l'administration fiscale s'était, pour l'essentiel, bornée à se fonder sur l'absence de contreparties et n'avait pas développé d'argumentation sur leur chiffrage.

Sur la procédure d'imposition :

4. La circonstance que les redressements notifiés à la SA Groupe TSF aient été abandonnés est par elle-même sans influence sur la régularité de la motivation de la proposition de rectification adressée à M. et Mme F....

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les avantages occultes taxés entre les mains de

M. et Mme F... :

5. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

6. Les avantages consentis à une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, défini à l'article 8 du code général des impôts, doivent être regardés comme appréhendés par les associés de celle-ci à proportion de leurs droits dans la société.

7. En cas de sommes versées par une société en règlement de prestations de service qui ne lui ont pas été fournies, ou dont elle a délibérément majoré le prix par rapport à la valeur du service rendu, l'avantage ainsi octroyé, lorsqu'il n'a pas de contrepartie, doit être qualifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'il est établi, d'une part, que les prestations n'ont pas été fournies, ou que le prix payé présente un écart significatif avec la valeur du service rendu, et d'autre part, qu'il existe une intention, pour la société, d'octroyer, et pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

8. Lorsqu'en application d'une convention de prestations de services, les sommes sont versées par une société anonyme, qui les a inscrites en comptabilité comme des honoraires facturés par un fournisseur, à une société soumise à l'article 8 du code général des impôts, dont le dirigeant et unique associé est le président directeur général de la société anonyme, et que les prestations ainsi rémunérées font double emploi avec les fonctions sociales incombant normalement au président directeur général de la société anonyme, l'absence de prestation doit être regardée comme établie. Lorsque le dirigeant des deux sociétés est l'unique associé de l'une et, directement ou indirectement, l'actionnaire prépondérant de l'autre, l'intention libérale est présumée. Les honoraires réglés doivent alors, dans la mesure où ils n'ont eu aucune contrepartie, être qualifiés de rémunération ou avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, appréhendés par l'associé unique de la société à qui les sommes ont été versées.

9. Il résulte de l'instruction que la SA Groupe TSF exerce une activité de prestations de services divers destinées à la réalisation et au tournage de films, location de matériels, de plateaux de tournage, de costumes, notamment. Il est constant que les honoraires qui ont été comptabilisés en charges par la SA Groupe TSF au titre des exercices 2011 et 2012, ont été versés à l'EURL Cinair en règlement de factures établies par cette dernière et libellées dans les termes suivants : " Honoraires selon convention du 01/0 / Prestation de management du développement stratégique : - Etude et analyse sectorielle / - Anticipation technologique ". A la demande de justification présentée par le vérificateur lors de la vérification de comptabilité de la SA Groupe TSF, cette dernière a présenté une convention du 2 janvier 2006, modifiée par un avenant du 1er janvier 2009, conclue en son nom par son directeur administratif et financier, et l'EURL Cinair, représentée par son gérant, M. F....

10. Il ressort de cette convention que les deux sociétés sont convenues de confier à

M. F... une " mission technique " et une " mission commerciale ". Pour la première, M. F..., aux termes du contrat, " représente la SA Groupe TSF auprès des réalisateurs et opérateurs de prises de vues ainsi que l'ensemble des prescripteurs pouvant créer un volume d'affaires avec la SA Groupe TSF ", " recommande les techniques appropriées à l'oeuvre en cours de réalisation ou propose la création d'outils (...) ou de techniques nouvelles ", doit " valoriser le parc d'équipements de la société Groupe TSF ", " rechercher les nouveautés internationales offertes sur le marché ", " en négocier l'éventuelle exclusivité et les acquisitions ", et assurer " le contact et l'assistance relationnelle sur les plateaux de tournage ", ainsi que " le développement des nouvelles technologies, des choix d'investissements technologiques, des partenariats et projets à naître ou à développer ". Pour la seconde mission, M. F... doit, selon les stipulations du contrat, " Compte tenu de sa position relationnelle privilégiée auprès des producteurs et techniques ", " rapprocher ces interlocuteurs du Groupe TSF afin de concrétiser les marchés ", en étant " présent dans les grandes manifestations internationales " et en visitant " tous les interlocuteurs initiateurs de projets, les plateaux de tournage afin de prospecter les productions en préparation et d'assurer un développement significatif du marché du Groupe TSF ". Il s'engage aussi à apporter " le marché des opérations spéciales, liées aux transports des personnalités présentes ou invitées à l'occasion des grands salons aéronautiques (...) par l'intermédiaire de grandes sociétés aéronautiques clientes ", étant précisé que ce marché est " placé sous la responsabilité de la division " Business Car " de TSF ".

11. La convention prévoit, au titre de ces missions, des honoraires forfaitaires fixés, depuis le 1er janvier 2009, à 20 000 euros par mois, en précisant que la facturation des honoraires inclut une redevance d'exploitation exclusive par la SA Groupe TSF de la marque de fabrique " Gaffer ", ainsi que la prise en compte forfaitaire, au titre des " frais de déplacements ", de

48 heures de vol par an de M. F... avec l'avion de l'EURL Cinair, " tant pour les déplacements qu'il effectue pour le compte de la SA Groupe TSF qu'au cours des heures de vol effectuées pour le repérage, les prises de vues ou les essais techniques en vol, nécessaires à ses productions clientes ou aux essais techniques de prises de vues aériennes liés à la recherche de nouveaux procédés ".

12. En vue d'établir que les honoraires facturés ne correspondaient à aucune opération réelle, l'administration fait valoir, en premier lieu, que M. F... était, d'une part, le président directeur-général de la SA Groupe TSF et le dirigeant de son actionnaire unique, la SA FDP Holding, dont il détenait 72 % des parts, d'autre part, qu'il était le créateur, le gérant et l'associé unique de l'EURL Cinair, qui avait pour principal client la SA Groupe TSF, laquelle lui apportait plus de 85 % de son chiffre d'affaires. En deuxième lieu, l'administration relève que les missions techniques et commerciales décrites par la convention ne se distinguent pas des fonctions de président directeur général de la SA Groupe TSF. En troisième lieu, elle souligne que la SA Groupe TSF a employé, tout au long de la période, trois directeurs généraux adjoints, dont un responsable des technologies, et plusieurs directeurs, dont un directeur marketing et développement. En quatrième lieu, l'administration constate que les factures établies par l'EURL Cinair, précédemment citées, ont un libellé imprécis qui ne comporte aucun détail des prestations techniques réalisées mensuellement, et notamment aucune référence à des heures de vol en avion. Elle ajoute que les contribuables n'ont apporté aucun élément précis sur la réalité de ces prestations et que certaines prestations techniques qu'ils soutiennent avoir été effectuées par l'intermédiaire de l'EURL Cinair ont un objet analogue à des dépenses ayant donné lieu à des déclarations de crédit d'impôt en faveur de la recherche souscrites par la SA Groupe TSF à raison des dépenses et du personnel propres à cette dernière. Si effectivement, comme le soutiennent M. et Mme F..., chacun de ces éléments n'est pas suffisant pour écarter la réalité des prestations en cause, le cumul de ces indices est de nature à étayer la thèse du service.

13. Si M. et Mme F... soutiennent pour leur part avoir présenté des éléments suffisamment précis sur la réalité des prestations rendues par l'EURL Cinair, en particulier les factures et le contrat de prestation de services, il ressort toutefois des termes de la convention du 2 janvier 2006 citée ci-dessus, à laquelle renvoient lesdites factures, et de l'ensemble des éléments relevés au point précédent, que la " mission technique " et la " mission commerciale " personnellement confiées à M. F... doivent être regardées comme faisant double emploi avec les fonctions sociales qui lui incombaient normalement en sa qualité de président directeur-général de la SA Groupe TSF. Si les requérants soutiennent, en particulier, que M. F... aurait réalisé des prestations techniques distinctes de son mandat de président directeur-général de la SA Groupe TSF, ni la convention précitée du

2 janvier 2006, ni les factures, ne caractérisent précisément la fourniture, en contrepartie des honoraires en litige, de telles prestations techniques à la SA Groupe TSF. Les requérants ne produisent pas d'éléments suffisants pour étayer l'existence des prestations rendues par l'EURL Cinair et contredire les circonstances précises et concordantes dont se prévaut l'administration. Cette dernière apporte ainsi la preuve, alors même que les factures produites se réfèrent à ladite convention, d'une part, que les prestations prévues dans la convention n'ont pas été fournies à la SA Groupe TSF, et d'autre part, qu'aucune prestation technique ne peut être regardée comme ayant été fournie à la SA Groupe TSF en contrepartie des honoraires stipulés dans la convention. Ni les compétences techniques propres, notamment dans le domaine des prestations aériennes et sur les plateaux de tournage, ni l'importance des contacts entretenus dans le milieu du cinéma, notamment par la participation à de nombreux salons, non plus que les fonctions notoires dont se prévaut M. F... dans le domaine du cinéma et de la culture, ne sont de nature à infirmer ce constat. M. et Mme F... ne sauraient valablement remettre en cause les observations qui précèdent en se bornant à soutenir qu'il était possible d'être salarié et mandataire social de la même société, à invoquer l'absence de contestation des versements litigieux par les associés minoritaires, et à faire état de l'absence de remise en cause, par l'administration, de prestations de même nature rendues par l'EURL Cinair à une autre société.

14. Les premiers juges ont toutefois admis que les requérants étaient fondés à soutenir que les honoraires facturés forfaitairement par l'EURL Cinair étaient justifiés, s'agissant de la mise à disposition de la marque " Gaffer ", à concurrence d'un montant égal à 5 % du chiffre d'affaires résultant de l'exploitation de cette marque par la société Groupe TSF. Les requérants ne contestent pas utilement cette proportion de 5 % en se bornant à soutenir que le montant de la concession de la marque Gaffer de l'EURL Cinair à SA Groupe TSF n'a jamais été contesté, dès lors qu'ainsi qu'il a été déjà dit, la SA Groupe TSF a procédé à un versement global à l'EURL Cinair, et qu'en admettant le bien-fondé des versements effectués au titre de ladite redevance, le juge de l'impôt est nécessairement conduit à procéder à leur estimation.

15. Les premiers juges ont également admis que le bien-fondé des frais de déplacement engagés par la SA Groupe TSF en échange des prestations de l'EURL Cinair au titre de l'année 2011 était justifié à hauteur des 48 heures de vol prévues forfaitairement au contrat, en raison des précisions apportées par les requérants, notamment par la production d'un tableau fondé sur les données du carnet de vol assorties de précisions circonstanciées relatives à l'identité des personnes rencontrées, aux dates et aux lieux où elles l'ont été, à l'objet des rendez-vous, en France ou en Europe, simultanément à la tenue de festivals et de congrès, et le cas échéant au numéro du dossier commercial correspondant. Ces constatations ne font l'objet d'aucune contestation par les parties. Les premiers juges ont déterminé la valeur des frais ainsi justifiés en retenant les frais d'avion qui ont été exposés par Cinair au titre de l'exercice 2011 et en appliquant à ce montant un taux correspondant à la part que représente le forfait de 48 heures de vol (2880 minutes) dans la durée totale des vols effectués en 2011, laquelle est précisée par l'administration dans la proposition de rectification adressée à l'EULR Cinair (5876 minutes), soit 49,013 %. Toutefois, la valeur d'une prestation rendue par une société à une autre ne saurait être calculée par rapport aux coûts supportés par cette dernière mais au prix de marché de la prestation rendue. Il convient donc de déterminer la valeur des prestations en cause en multipliant le nombre d'heures acquises, soit 48, par le prix moyen de l'heure tel qu'il résulte des documents produits au dossier et non contestés par le service soit 1 398 euros de l'heure. La valeur des prestations effectivement rendues par l'EURL Cinair à la SA Groupe TSF au titre des frais de déplacement doit, par suite, être fixée à 67 104 euros pour l'année 2011.

16. En revanche, les requérants n'apportent pas d'éléments suffisamment précis sur la contrepartie qu'auraient présenté, pour la SA Groupe TSF, les vols effectués en 2012, alors qu'il résulte des carnets de vol que ces déplacements ont, pour leur très grande majorité, au cours de cette année, et ainsi que l'a relevé l'administration, été effectués à destination ou au départ de l'île d'Yeu où les contribuables possèdent leur résidence secondaire. L'administration doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve, alors même que, comme pour l'année 2011, la prestation facturée par l'EURL Cinair l'a été sur la base d'un forfait de 48 heures de vol, que les sommes versées au titre de ce forfait étaient dépourvues de contrepartie pour la SA Groupe TSF en 2012.

17. Pour le même motif qu'en matière de redevances de marque et ainsi qu'il a été dit au point 14., les requérants ne contestent pas utilement le montant des frais de déplacement dont le bien-fondé a été retenu par les premiers juges, en faisant valoir que sa valorisation n'a fait l'objet d'aucune contestation par le service.

18. Dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il a été possible de déterminer la valeur des prestations réellement rendues par l'EURL Cinair à la SA Groupe TSF, et de déterminer en conséquence la part des versements correspondant à des prestations réelles, le surplus des sommes, qui doivent être regardées comme versées sans contrepartie, a pu être régulièrement taxé entre les mains des requérants comme des avantages occultes, sans que les intéressés puissent utilement soutenir qu'il appartient à l'administration de démontrer que le prix forfaitaire versé pour l'ensemble des prestations est supérieur au prix normal.

19. Les sommes regardées comme des avantages occultes correspondant à des versements effectués sans contrepartie et non à des versements effectués en échange de prestations facturées à un prix excessif, M. et Mme F... ne sauraient en tout état de cause utilement soutenir que l'impossibilité de refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à une charge supportée, au seul motif que cette charge est excessive, fait obstacle à la qualification des sommes restant en litige comme avantages occultes. En revanche, il est constant que la taxe sur la valeur ajoutée, dont ont été assorties les sommes facturées par l'EURL Cinair à la SA Groupe TSF, a été déclarée par l'EURL Cinair au titre de la taxe collectée et reversée au Trésor. Elle ne saurait par suite être regardée comme un avantage occulte taxable entre les mains de M. et Mme F....

20. Dès lors que les sommes restant en litige ont été à bon droit, ainsi qu'il a été dit

ci-dessus, regardées comme des avantages occultes taxables entre les mains de

M. et Mme F..., associés de l'EURL Cinair, le moyen tiré de ce que les réintégrations, dans les résultats de la SA Groupe TSF, des sommes déduites à ce titre par cette dernière ont été abandonnées par le service, est inopérant.

21. Enfin, dès lors que l'administration a établi que M. F... est le dirigeant des deux sociétés, l'unique associé de l'une et indirectement l'actionnaire prépondérant de l'autre, l'intention libérale est présumée. Par suite, les sommes versées à ce titre à l'EURL Cinair, et appréhendées par son associé unique, M. F..., doivent, dans la mesure où elles n'ont eu aucune contrepartie, être regardées, pour leur montant HT ainsi qu'il a été au point 19., comme une distribution occulte imposable entre les mains de ce dernier dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne les rehaussements effectués sur les bénéfices non commerciaux de l'EURL Cinair :

22. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 16., que les requérants ne peuvent être regardés comme apportant des éléments suffisamment précis pour justifier que les frais d'avion supportés par l'Eurl Cinair auraient été, en 2012, nécessités par l'exercice de l'activité. Si, en revanche, les prestations réalisées par l'EURL Cinair au titre du forfait de 48 heures de vol prévu par la convention ont pu, au titre de l'exercice 2011, donner lieu à une facturation régulière à la SA Groupe TSF, la Cour n'est pas en mesure, en l'absence de toute démonstration à ce titre étayée par des documents, de distinguer entre les coûts supportés pour l'exercice de l'activité de l'EURL Cinair et les coûts supportés pour les déplacements personnels de M. F.... Il suit de là que M. et Mme F... ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré les charges liées à l'avion de l'EURL Cinair dans les bénéfices imposables de cette dernière.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les honoraires facturés par l'EURL Cinair au titre de missions font double emploi avec les fonctions exercées par M. F... à la tête de la SA Groupe TSF et que le coût des déplacements personnels de ce dernier n'a manifestement pas été supporté par la SA Groupe TSF dans l'intérêt de son exploitation. Les charges liées à l'avion constituaient le principal poste de charge de l'EURL Cinair, sans présenter aucun intérêt pour cette dernière à hauteur des sommes correspondant aux déplacements personnels de M. F.... M. F..., qui est le dirigeant commun de la SA Groupe TSF et de l'EURL Cinair, l'actionnaire indirect de la SA Groupe TSF et l'associé unique de l'EURL Cinair, ne pouvait manifestement pas ignorer l'importance et le caractère taxable des avantages qui lui étaient concédés par la SA Groupe TSF et des montants pris en charge pour son compte par l'EURL Cinair. L'administration établit, pour les compléments dont les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge, que ces derniers ont sciemment éludé l'impôt.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... sont seulement fondés à demander que le montant à déduire de leurs revenus de capitaux mobiliers au titre des dépenses facturées en 2011 à la société Groupe TSF à raison des frais d'avion soit fixé non à la somme retenue par les premiers juges mais à la somme de 67 104 euros, que les sommes restant taxées dans cette catégorie au titre des prestations facturées sans contrepartie par l'EURL Cinair à la SA Groupe TSF Groupe soient calculées hors taxes, et à obtenir la décharge correspondante, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012. Pour le surplus, ils ne sont pas fondés à contester le jugement attaqué. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais liés à l'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les revenus de capitaux mobiliers imposables au nom de M. et Mme F... au titre de l'année 2011, à raison des frais d'avion facturés par l'Eurl Cinair à la société Groupe TSF, sont réduits de la somme de 67 104 euros et non de la somme retenue par les premiers juges.

Article 2 : Les sommes facturées sans contrepartie par l'EURL Cinair à la SA Groupe TSF et restant en litige sont intégrées dans les revenus de capitaux mobiliers de M. et Mme F... pour leur seul montant hors taxes.

Article 3 : M. et Mme F... sont déchargés, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012 à raison de la diminution de leurs bases imposables prévues aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement nos 1615638, 1708746/1-3 du 13 février 2019 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 19PA01320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01320
Date de la décision : 23/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAX TEAM et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-23;19pa01320 ?
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