La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2019 | FRANCE | N°19PA00149

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 19PA00149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers le Mali ou tout pays où il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1822515/8 du 11 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en

registrée le 11 janvier 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'adme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers le Mali ou tout pays où il serait légalement admissible.

Par un jugement n° 1822515/8 du 11 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019, M. F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 1822515/8 du 11 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 7 décembre 2018 du ministre de l'intérieur ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la même somme à verser à Me C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. F... soutient que :

- la communication de l'enregistrement sonore de son entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont la transcription n'est pas signée, n'a pas été faite par le tribunal administratif, malgré sa demande ; le droit au recours effectif garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a ainsi été méconnu ;

- il n'a pas pu effectivement accéder à la liste des associations habilitées à l'assister au cours de l'entretien individuel ;

- il n'a pas pu bénéficier de l'assistance d'un interprète physiquement présent ;

- le ministre a méconnu les dispositions de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en exerçant un contrôle approfondi du bien-fondé de la demande et en s'estimant lié par l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- le ministre a commis une erreur d'appréciation en estimant sa demande manifestement infondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'intérieur soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 10 avril 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. F....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 31 juillet 2015 relatif aux conditions sécurisées d'accès à l'enregistrement sonore prévu à l'article L. 723-7-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... ;

- et les observations de Me Clerc, avocat de M. F..., et de Me Ben Hamouda, avocat du ministre de l'intérieur.

Une note en délibéré présentée pour M. F... a été enregistrée le 12 septembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant sri-lankais arrivé en France le 5 décembre 2018 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle par un vol en provenance de Bamako au Mali, a sollicité le même jour son admission au séjour au titre de l'asile et a été placé en zone d'attente. Par une décision du 7 décembre 2018, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, le ministre de l'intérieur a estimé que sa demande au titre de l'asile était manifestement infondée et décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français, en prescrivant son réacheminement vers le Mali ou vers tout pays où il serait légalement admissible. M. F... fait appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. La demande d'aide juridictionnelle introduite par M. F... a fait l'objet d'une décision de rejet du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris le 10 avril 2019. Les conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi devenues sans objet.

Sur le bien fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° (...) la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de l'entretien avec l'agent de l'OFPRA et de l'avis préalable de cet agent que s'est approprié le ministre, que M. F..., de nationalité sri-lankaise et d'ethnie tamoule, originaire de la ville de Mullaitivu, a notamment fait valoir qu'il est menacé par les autorités sri-lankaises en raison de l'engagement au sein du groupe armé " LTTE " de trois de ses frères, décédés ou disparus respectivement en 1996, 1997 et 2009, et que du fait de la plainte qu'il a déposée en 2013 à la suite de la disparition du plus jeune de ses frères en 2009 et de dénonciations, les autorités l'ont convoqué et lui ont fait subir des actes de torture avant de le contraindre à se rendre hebdomadairement auprès d'elles, à l'exception de la période entre 2015 et 2017 durant laquelle il a vécu dans la ville de Colombo, les sévices et menaces encourues des autorités sri-lankaises ainsi exposés devant l'Office ayant en outre été précisés devant le tribunal administratif au cours de l'audience du 11 décembre 2018, ainsi qu'il ressort des mentions du jugement attaqué. Compte tenu de leur nature et de leur teneur, les déclarations de M. F... ne pouvaient être regardées comme évasives et dépourvues de tout élément circonstancié. Dans ces conditions, la demande de M. F... n'était pas manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves au Sri-Lanka. Par suite, le ministre a commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande du requérant comme manifestement infondée, en application des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ce jugement et la décision du 7 décembre 2018 du ministre de l'intérieur doivent dès lors être annulés.

Sur les frais liés au litige :

6. La demande d'aide juridictionnelle de M. F... a été rejetée par décision du 10 avril 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris. Les conclusions de l'intéressé tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent ainsi être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1822515/8 du 11 décembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et la décision du 7 décembre 2018 du ministre de l'intérieur rejetant la demande de M. F... sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

F. E...La présidente,

S. D... Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00149


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00149
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;19pa00149 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award