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10/09/2020 | FRANCE | N°19NT02077

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 19NT02077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2011 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1403564 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge, en droits et péna

lités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociale...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2011 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1403564 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférentes à la taxation des revenus d'origine indéterminée de l'année 2011 (article 1er), la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010 à raison de la réduction de leur base imposable à hauteur de 140 104 euros (articles 2 et 3) et a rejeté le surplus de leur demande (article 4).

Par un arrêt n° 15NT03540 du 1er juin 2017, la présente cour a, aux articles 1er à 4, fait droit à l'appel formé par M. et Mme D... en ce qui concerne la réintégration dans leurs bases d'imposition des résultats réalisés par la société civile immobilière (SCI) Le Châtelet et, par l'article 5, rejeté le surplus des conclusions de leur requête.

Par une décision n° 412500 du 29 mai 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé les articles 1er à 4 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure devant la cour :

Avant cassation :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 novembre 2015 et le 25 janvier 2017, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 septembre 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les résultats de la SCI Le Châtelet sont passibles de l'impôt sur les sociétés en application du 2 de l'article 206 du code général des impôts et non de l'impôt sur le revenu dès lors que la condition d'application de l'article 239 ter du code général des impôts tenant à l'objet social, qui a été modifié le 10 mai 2010, n'était pas remplie ;

- les autres dispositions juridiques requises au titre de la qualification d'une société civile de construction vente, à savoir la mise en jeu de la responsabilité financière des associés et l'obligation de satisfaire aux appels de fonds liés à la réalisation et à l'achèvement de constructions engagées, ne sont pas remplies ;

- le régime fiscal de l'article 239 ter du code général des impôts est exclusivement applicable en cas d'option des associés et du respect des conditions requises ;

- ils se prévalent des commentaires administratifs de ces dispositions figurant dans l'instruction du 12 décembre 1988 reprise à la documentation administrative de base 8 E-331 et au paragraphe 20 du BOI-BIC-CHAMP 70-20-100 ;

- s'agissant des revenus d'origine indéterminée demeurant en litige, ils réitèrent les critiques formulées en première instance.

Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2016, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il entend se prévaloir de ses écritures de première instance en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée dont seules les impositions supplémentaires au titre de l'année 2010 restent en litige ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après cassation :

Par des mémoires, enregistrés les 11 juillet 2019 et 10 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il se prévaut des moyens et conclusions également développés dans ses mémoires produits devant le Conseil d'Etat.

Par un mémoire, enregistré le 25 février 2020, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 septembre 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition restant en litige, assortis des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le Conseil d'Etat s'est mépris en s'abstenant de constater que l'administration fiscale avait acquiescé à l'arrêt confirmant le principe d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SCI Le Châtelet et devait donc être regardée comme se désistant de son pourvoi de manière définitive ;

- le régime fiscal de l'article 239 ter du code général des impôts est exclusivement applicable en cas d'option des associés et du respect des conditions requises ; les associés et la SCI Le Châtelet n'ont pas souhaité revendiquer l'application de l'article 239 ter du code général des impôts, comme le démontre le fait que les résultats de la société avaient été soumis à l'impôt sur les sociétés ; la mise en place d'une société civile de droit commun, légitime au regard de l'activité de la société telle qu'envisagée par les nouveaux associés, constitue une décision opposable.

Par lettre du 5 mars 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant au paiement des intérêts moratoires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des vérifications de comptabilité de deux sociétés civiles immobilières (SCI), dont M. et Mme D... sont les associés, et de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a, d'une part, suivant la procédure de rectification contradictoire, imposé, entre leurs mains, à l'impôt sur le revenu les résultats réalisés par la SCI Le Châtelet en 2009, 2010 et 2011 et, d'autre part, taxé d'office, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2010 et 2011. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011 et de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011, dont M. et Mme D... ont demandé la décharge devant le tribunal administratif d'Orléans, ont été mises en recouvrement pour un montant total, en droits et pénalités, de 381 569 euros. Par un jugement du 22 septembre 2015, le tribunal a seulement prononcé la réduction des bases d'imposition au titre des années 2010 et 2011. M. et Mme D... ayant relevé appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande, la cour a, par l'article 1er de l'arrêt n° 15NT03540 du 1er juin 2017, réduit leurs bases d'imposition à hauteur de 233 148 euros en 2009, 197 274 euros en 2010 et 111 606 euros en 2011, prononcé, par l'article 2, la décharge, en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 à 2011 résultant de cette réduction des bases d'imposition, réformé, par l'article 3, le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 septembre 2015, mis à la charge de l'Etat, par l'article 4, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par l'article 5, rejeté le surplus des conclusions de leur requête. Par une décision n° 412500 du 29 mai 2019, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1er à 4 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. A la suite de la vérification de comptabilité de la SCI Le Châtelet, l'administration fiscale a remis en cause le principe d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés dans lequel cette société s'était inscrit et a estimé que cette société entrait dans le champ d'application du I de l'article 239 ter du code général des impôts et que ses associés devaient être assujettis à l'impôt sur le revenu à raison de leur quote-part dans les bénéfices de celle-ci. Elle a donc imposé, au titre de l'exercice clos en 2009, Mme D..., alors détentrice de 99% des parts de la société, sur la base d'un bénéfice industriel et commercial d'un montant de 186 518 euros et au titre des exercices clos en 2010 et 2011, M. et Mme D..., respectivement détenteurs de 50% des parts de la société, sur la base d'un bénéfice industriel et commercial, pour chacun et respectivement, de 78 910 euros et 44 642 euros. Il est constant que les opérations réalisées au cours des années 2009 à 2011 par cette société ont consisté dans la construction, sur un terrain à Châlette-sur-Loing acquis le 18 novembre 2006, sur lequel était édifié un immeuble en état de ruine pour lequel la société a obtenu un permis de démolition et un permis de construire, d'un bâtiment de trois niveaux comportant trois appartements en vue de la vente et qui ont été vendus les 4 septembre 2010, 6 novembre 2010 et 25 janvier 2011.

3. Aux termes du 2 de l'article 206 du code général des impôts relatif au champ d'application de l'impôt sur les sociétés : " Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Aux termes du I de l'article 35 de ce code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / (...). / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...) ". Le I de l'article 239 ter du même code prévoit que : " Les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés. ".

4. Les dispositions précitées du I de l'article 239 ter du code général des impôts limitent l'exemption d'impôt sur les sociétés qu'elles instituent aux sociétés civiles qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente et qui réalisent de telles opérations. La circonstance qu'une société a réalisé de telles opérations sur des terrains différents de ceux qui sont mentionnés dans ses statuts est sans incidence sur l'appréciation à porter sur la nature de ses activités.

S'agissant de la période antérieure à la modification de l'objet social de la SCI Le Châtelet :

5. En premier lieu, la SCI Le Châtelet a été créée le 1er décembre 2000 avec pour objet statutaire : " l'acquisition de deux terrains sis à Corquilleroy (...), / - la construction sur ces terrains d'immeubles à usage d'habitation et de garage, / - la vente, en totalité ou par fractions des immeubles construits avant ou après leur achèvement. / - Accessoirement, la location desdits immeubles, / - et généralement, toutes les opérations mobilières ou immobilières ou financières susceptibles de faciliter la réalisation des objets ci-dessus définis, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la Société. ". Son objet social mentionnait ainsi clairement l'activité de construction d'immeubles en vue de la vente et il est constant, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, qu'elle s'est effectivement livrée au cours des exercices vérifiés, à cette activité. La circonstance que l'activité de construction d'immeubles en vue de la vente poursuivie par la société n'a pas concerné les deux terrains situés dans la commune de Corquilleroy, seuls mentionnés dans les statuts, mais d'autres parcelles situées dans la commune de Châlette-sur-Loing est, ainsi qu'il a été dit au point 4, sans incidence sur l'appréciation à porter sur la nature de ses activités. Par suite, la condition relative à l'objet social prévue par les dispositions du I de l'article 239 ter du code général des impôts était, sous le régime des statuts adoptés lors de la constitution de la société, remplie.

6. En deuxième lieu, en admettant que M. et Mme D... aient entendu, en invoquant que les autres conditions n'étaient pas remplies, notamment celle de la mise en jeu de la responsabilité financière des associés, soutenir que la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social n'était pas prévue par les statuts, il résulte de l'instruction que ces statuts, dans leur rédaction enregistrée le 12 décembre 2000, se réfèrent notamment aux articles du code civil et du code de la construction et de l'habitation, dont l'article L. 211-2 en vertu duquel les associés d'une société civile de construction vente sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux. Par suite, la condition relative aux statuts prévue par les dispositions du I de l'article 239 ter du code général des impôts était également remplie.

7. En troisième lieu, en vertu du c du 1 de l'article 239 du code général des impôts, les dispositions permettant l'exercice d'une option à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne sont pas applicables aux sociétés civiles mentionnées à l'article 239 ter du code général des impôts. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la SCI Le Châtelet entrait, au titre de la période antérieure à la modification de ses statuts, dans le champ de l'application du I de l'article 239 ter du code général des impôts. Par suite, les requérants ne peuvent faire valoir qu'aucune option n'a été souscrite pour faire échec à la mise en oeuvre du régime fiscal prévu par cet article, lequel est applicable de plein droit.

8. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'instruction du 12 décembre 1988 reprise à la documentation administrative de base 8 E-331 est, faute de mentionner lequel des paragraphes les requérants ont entendu invoquer, dépourvu des précisions nécessaires pour en examiner le bien-fondé. Par ailleurs, M. et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir du paragraphe 20 de l'instruction BOI-BIC-CHAMP-70-20-100 qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

S'agissant de la période postérieure à la modification de l'objet social de la SCI Le Châtelet :

9. Parallèlement au transfert du siège de l'entreprise et à la modification de ses dirigeants après cession de parts sociales, l'objet de la SCI Le Châtelet a été modifié, selon les statuts signés le 10 mai 2010 par M. et Mme D..., devenus associés à hauteur de 50 % des parts chacun, pour se limiter désormais à " - l'acquisition, l'administration et la gestion par location ou autrement de tous immeubles et biens immobiliers, - toutes opérations financières, mobilières et immobilières se rattachant directement ou indirectement à cet objet et susceptibles d'en favoriser la réalisation, à condition toutefois d'en respecter le caractère civil ".

10. Aux termes de l'article L. 123-9 du code de commerce, relatif à la tenue du registre du commerce et des sociétés : " La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. / En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations, que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou les administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces. / Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux faits ou actes sujets à mention ou à dépôt même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale. Ne peuvent toutefois s'en prévaloir les tiers et administrations qui avaient personnellement connaissance de ces faits et actes ". Il résulte de ces dispositions que les faits ou actes qui doivent être mentionnés au registre du commerce et des sociétés ou déposés en annexe à ce registre sont opposables aux administrations qui en ont eu connaissance, alors même que les faits ou actes en cause n'auraient pas fait l'objet de la formalité correspondante.

11. Il résulte de l'instruction, notamment des éléments mentionnés dans la réponse aux observations du contribuable du 28 juin 2013 et dans la décision de rejet de la réclamation préalable du 30 juillet 2014 que la modification de l'objet social de la SCI Le Châtelet n'a pas été portée à la connaissance de l'administration fiscale avant la réception des observations en réponse aux propositions de rectification des 27 novembre 2012 et 21 mai 2013. Par ailleurs, si les requérants produisent la copie des statuts modifiés portant l'apposition du tampon du greffe du tribunal de commerce d'Orléans, celui-ci n'est daté que du 2 novembre 2010. Par suite, ce n'est qu'à compter de cette date que la modification de l'objet social mentionnée au point 9 est devenue opposable à l'administration fiscale.

12. Il résulte de ce qui a été mentionné au point 9 que, compte tenu de la modification opérée, l'objet social de la SCI Le Châtelet ne comportait plus l'activité de construction d'immeubles en vue de la vente. Par suite, la condition d'objet prévue par les dispositions du I de l'article 239 ter du code général des impôts n'était plus remplie, quand bien même, ainsi que le fait valoir le ministre, dans les faits, l'opération de vente des appartements issus de la construction édifiée sur un terrain à Châlette-sur-Loing n'était pas achevée.

13. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 11 et 12 que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la condition relative au contenu des statuts s'agissant de la responsabilité des associés en ce qui concerne le passif social et les autres moyens, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a estimé que les associés de la SCI Le Châtelet devaient être assujettis à l'impôt sur le revenu à raison de leur quote-part dans les bénéfices de celle-ci pour la période postérieure au 2 novembre 2010.

14. Dans ses écritures devant le Conseil d'Etat, dont il se prévaut devant la cour, le ministre de l'action et des comptes publics sollicite, à titre subsidiaire, une substitution de base légale visant, sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à intégrer dans le revenu imposable des époux D..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le montant des rehaussements apportés aux résultats de la SCI Le Châtelet.

15. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

16. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi.

17. Toutefois, le ministre ne produit pas au dossier, même de manière succincte, d'éléments permettant au contribuable, sous le contrôle du juge de l'impôt, de discuter de la détermination du bénéfice social, de sa répartition et de sa distribution au cours des années 2010 et 2011 selon les règles fixées aux articles 108 et suivants du code général des impôts. Par suite, sa demande ne peut être accueillie.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 résultant de la réintégration dans leurs revenus imposables de quotes-parts de bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la SCI Le Châtelet à compter du 2 novembre 2010.

Sur les conclusions relatives aux intérêts moratoires :

19. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable sur le paiement des intérêts moratoires, les conclusions relatives à leur versement doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais relatifs au litige :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par M. et Mme D... au titre des frais liés au litige sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme D... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 résultant de la réintégration dans leurs revenus imposables de quotes-parts de bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la SCI Le Châtelet à compter du 2 novembre 2010.

Article 2 : Le jugement du 22 septembre 2015 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°19NT02077

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02077
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL WALTER et GARANCE (TOURS)

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;19nt02077 ?
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