Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
I. Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Oran (Algérie) du 15 mai 2018 rejetant sa demande de visa de court séjour, ainsi que cette dernière décision.
II. M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Oran (Algérie) du 15 mai 2018 rejetant sa demande de visa de court séjour, ainsi que cette dernière décision.
Par un jugement n°s 1810050 et 1810052 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2019, M. et Mme C... E..., représentés par la SELARL cabinet Ligneul, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2019 ;
2°) d'annuler les décisions des autorités consulaires françaises à Oran du 15 mai 2018 ;
3°) d'annuler les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer leurs demandes de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les décisions des autorités consulaires du 15 mai 2018 :
cette décision est illégale en raison de l'incompétence de l'auteur de cet acte ;
elle est insuffisamment motivée.
En ce qui concerne les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en portant atteinte au respect de leur vie privée et familiale ;
en estimant qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa, l'autorité administrative a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., né le 17 juillet 1949 et Mme B... E..., son épouse, née le 4 février 1957, de nationalité algérienne, ont sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Oran (Algérie) la délivrance d'un visa de court séjour pour visite familiale qui leur a été refusé par deux décisions du 15 mai 2018. Les recours qu'ils ont formés le 13 juillet 2018 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ont été implicitement rejetés. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2019 rejetant leurs demandes tendant à l'annulation des décisions des autorités consulaires françaises à Oran et de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision des autorités consulaires :
2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ".
3. Les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises en vertu des dispositions des articles D. 211-5 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se sont substituées au refus initial opposé par les autorités consulaires. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation des décisions du consul général de France à Oran refusant à M. et Mme E... un visa de court séjour sur le territoire français sont irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
4. Aux termes de l'article 32 du code communautaire des visas : " Sans préjudice de l'article 25, paragraphe 1, le visa est refusé: / (...) s'il existe des doutes raisonnables sur l'authenticité des documents justificatifs présentés par le demandeur ou sur la véracité de leur contenu, sur la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé ". Selon l'annexe II de ce code : " Liste non exhaustive de documents justificatifs / Les justificatifs visés à l'article 14, que les demandeurs de visa doivent produire, sont notamment les suivants : (...) / Documents permettant d'apprécier la volonté du demandeur de quitter le territoire des états membres : / 1) un billet de retour ou un billet circulaire, ou encore une réservation de tels billets; 2) une pièce attestant que le demandeur dispose de moyens financiers dans le pays de résidence; 3) une attestation d'emploi: relevés bancaires; 4) toute preuve de la possession de biens immobiliers; 5) toute preuve de l'intégration dans le pays de résidence: liens de parenté, situation professionnelle. " .
5. Il ressort des écritures de première instance du ministre que, pour rejeter les demandes de M. et Mme E..., la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le seul motif tiré du risque de détournement de l'objet des visas à des fins migratoires compte tenu de ce que les requérants sont retraités et ne justifient pas d'attaches matérielles en Algérie alors que leur seul fils connu, qui réside en France, à la nationalité française et qu'ils ont dépassé, lors d'un précédent voyage, la date de validité de leur visa.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E... résident en Algérie où ils perçoivent, chacun, une pension de retraite et sont propriétaires d'une maison résidentielle à Saida. Si leur fils, qui a acquis la nationalité française, réside en France, ils lui ont rendu visite à plusieurs reprises sans jamais se maintenir irrégulièrement sur le territoire à l'expiration de leur séjour, hormis un dépassement de 17 jours du 3 au 20 avril 2017, dû à un problème de santé rencontré par Mme E... à qui un cancer avait été découvert et qui devait se rendre à une visite postopératoire après avoir subi, en urgence, une mastectomie totale du sein droit, alors qu'au demeurant, la demande de prolongation de visas qu'ils avaient formée à cette occasion n'a été refusée par le préfet de Seine-et-Marne que le 19 avril 2017, soit la veille de leur départ effectif. Par suite, les seules circonstances que les intéressés soient retraités, que leur fils réside en France et qu'à l'occasion d'un précédent voyage ils ont légèrement dépassé la durée de validité de leur visa pour le motif ci-avant évoqué ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un risque de détournement de l'objet des visas à des fins migratoires. Ainsi, en se fondant sur un tel risque pour rejeter les demandes de visa, la commission de recours a commis une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. et Mme E... les visas sollicités. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance, sous réserve d'une évolution des circonstances de fait ou de droit, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 février 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. et Mme E... tendant à l'annulation des décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Article 2 : Les décisions implicites de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, sous réserve d'une évolution des circonstances de fait ou de droit, de délivrer à M. et Mme E..., les visas de court séjour qu'ils ont sollicités dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme E... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la requête de M. et Mme E... est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. C... E..., à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2019.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01115