Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes :
1 - l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé le 1er avril 2016 contre le titre de perception émis le 16 février 2016 mettant à sa charge un trop-perçu de rémunération d'un montant de 13 400 euros, ainsi que le titre de perception émis le 16 février 2016 et le titre d'annulation émis le 17 juin 2016 pour un montant de 332 euros et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 13 400 euros en réparation du préjudice financier subi ainsi qu'une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;
2 - l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé devant la commission des recours des militaires le 10 août 2016 contre la décision du centre expert des ressources humaines de Nancy (CERHS) du 23 mai 2016 lui réclamant un trop-perçu de rémunération d'un montant de 13 068,40 euros et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 13 068,40 euros en réparation du préjudice financier subi ainsi qu'une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un jugement N°1609319 et 1701258 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé le titre de perception émis le 16 février 2016 et le titre d'annulation du 17 juin 2016 en tant qu'ils mettent à la charge de M. C... une somme supérieure à 9 028,22 euros, a condamné l'Etat à verser à M. C... une somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mars 2019, M. C... doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 janvier 2019 en tant qu'il laisse à sa charge la somme de 9 028,22 euros ;
2°) l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 16 février 2016 par le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire pour un montant de 13 400 euros, ainsi que le titre d'annulation émis le 17 juin 2016 pour un montant de 332 euros et de le décharger de l'obligation de payer la somme totale de 13 068,40 euros ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité égale à la somme réclamée au titre de la réparation de son préjudice financier ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont laissé à sa charge la somme de 9 028,22 euros compte tenu de l'application de la prescription biennale, dès lors que la lettre du CERHS de Nancy du 10 juin 2015, censée avoir interrompu la prescription, ne lui a jamais été notifiée et qu'il n'a pris connaissance du trop-versé réclamé que lors de la réception du titre de perception :
* l'administration n'apporte pas la preuve de la notification par écrit du nécessaire respect de son obligation de disponibilité conformément aux dispositions de l'article R. 4231-1 du code de la défense ;
* le CERHS était informé de sa nouvelle adresse à la date du 10 juin 2015 ;
- le titre contesté est insuffisamment motivé faute d'indiquer avec suffisamment de précisions les bases de la liquidation ;
- la créance réclamée est infondée :
* ni le ministère des armées, ni la DRFIP n'apportent de preuve de versement des sommes réclamées ;
* les calculs effectués par le CERHS de Nancy sont incohérents ;
- l'administration a commis une faute qui n'est pas seulement liée à la réclamation d'un trop-versé en partie prescrit mais également du fait de ses errances dans la gestion de sa solde, ce qui lui a causé un préjudice financier lié notamment aux impôts sur les sommes réclamées dès lors qu'elles ont été déclarées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, la ministre des armées, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
L'instruction a été close au 28 novembre 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été présenté pour M. C..., enregistré le 13 décembre 2019, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me A... E..., substituant Me D..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., entré au service de l'armée de terre le 1er août 1989, a été radié des contrôles au terme de son contrat d'engagement le 27 avril 2013. Par un courrier du 10 juin 2015, le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy (CERHS) a informé l'intéressé de l'existence d'un trop-versé de solde d'un montant de 13 399,85 euros et de l'émission d'un titre de perception afin de recouvrer cette somme. Par un titre de perception émis le 16 février 2016, le directeur régional des finances publiques des Pays de La Loire a mis à la charge de M. C... une somme de 13 400 euros. L'intéressé a formé, auprès du comptable public, une réclamation contre ce titre le 1er avril 2016. Par courrier du 23 mai 2016, notifié à l'intéressé le 26 juin suivant, le CERHS a informé M. C... qu'après examen de son recours et nouvelle analyse de son dossier, il y avait lieu de minorer la somme mise à sa charge d'un montant de 332 euros. Un titre d'annulation à hauteur de cette somme de 332 euros a été émis le 17 juin 2016, ramenant la somme réclamée à 13 068,40 euros. Par sa requête visée ci-dessus, M. C... doit être regardé comme demandant à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 janvier 2019 en tant qu'il laisse à sa charge la somme de 9 028,22 euros, l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 16 février 2016 par le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire pour un montant de 13 400 euros, ainsi que l'annulation du titre émis le 17 juin 2016 pour un montant de 332 euros et de le décharger de l'obligation de payer la somme totale de 13 068,40 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Dans les deux hypothèses mentionnées au deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, la somme peut être répétée dans le délai de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil.
4. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales.
5. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.
6. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 4231-1 du code de la défense : " Sont soumis à l'obligation de disponibilité : / (...) / 2° Les anciens militaires de carrière ou sous contrat et les personnes qui ont accompli un volontariat dans les armées, dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien au service. ". Aux termes de l'article R. 4231-1 du même code : " L'autorité militaire est tenue de notifier par écrit à tout ancien militaire la durée de sa disponibilité, les sujétions qui en découlent ainsi que, le cas échéant, son unité et son lieu d'affectation. ". Aux termes de l'article R. 4231-3 du même code : " Les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité sont tenus d'avertir l'autorité militaire de tout changement dans leur situation personnelle susceptible d'affecter l'accomplissement de cette obligation. ".
8. Il ne résulte pas de l'instruction que l'autorité militaire a notifié à M. C... la durée de sa disponibilité et les sujétions qui en découlaient, notamment en termes d'avertissement de tout changement dans sa situation personnelle susceptible d'affecter l'accomplissement de cette obligation. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que l'intéressé, soumis à l'obligation de disponibilité, était tenu de lui faire connaître son changement d'adresse. Dans ces conditions, le courrier du 10 juin 2015 par lequel le CERHS de Nancy a informé M. C... de l'existence du trop-versé de solde en cause et de l'émission d'un titre de perception afin de recouvrer cette somme, envoyé à l'ancienne adresse de l'intéressé, telle qu'indiquée lors de sa radiation des cadres, ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant été régulièrement notifié et avoir interrompu la prescription prévue par les dispositions précitées.
9. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont laissé à sa charge la somme de 9 028,22 euros.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'indemnisation :
10. En émettant, à deux reprises, entre juin 2015 et mai 2016, des demandes de reversement à l'encontre de M. C..., d'un montant de 13 400 euros, ramené ensuite à la somme de 13 068,40 euros, alors que cette somme était prescrite faute de notification régulière du courrier du 10 juin 2015 du CERHS de Nancy et qu'elle ne pouvait ignorer les versements indus provoqués par les dysfonctionnements du logiciel unique à vocation interarmées de la solde (LOUVOIS), l'administration a commis une faute dans la gestion de la solde du requérant, de nature à engager sa responsabilité.
11. Toutefois, M. C... n'établit pas le préjudice financier dont il se prévaut. Néanmoins, la faute commise par l'administration a nécessairement été source d'inquiétude quant à la situation financière de l'intéressé et ce dernier a dû, alors qu'il avait quitté l'armée deux ans auparavant, effectuer des démarches pour signaler les dysfonctionnements sur le paiement de sa solde. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, M. C... peut se prévaloir d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence évalués justement par le tribunal à la somme totale de 1 500 euros.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 16 février 2016 par le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire pour un montant de 13 400 euros, ainsi que le titre d'annulation émis le 17 juin 2016 pour un montant de 332 euros et de le décharger de l'obligation de payer la somme totale de 13 068,40 euros.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre de perception émis à l'encontre de M. C... le 16 février 2016 par le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire pour un montant de 13 400 euros, ainsi que le titre d'annulation émis le 17 juin 2016 pour un montant de 332 euros sont annulés. M. C... est déchargé de l'obligation de payer la somme totale de 13 068,40 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 janvier 2019 est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
O. GASPON
La greffière,
P.CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT00991