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01/06/2021 | FRANCE | N°19NC03061

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 19NC03061


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 octobre 2019, 9 novembre 2020 et 2 et 29 avril 2021, la société Aire Parc, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Meuse a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Meuse de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros

par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler partiellement la décision d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 octobre 2019, 9 novembre 2020 et 2 et 29 avril 2021, la société Aire Parc, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Meuse a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Meuse de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler partiellement la décision du 2 septembre 2019 en tant qu'elle porte sur les éoliennes E1 à E6 ou sur les éoliennes E1 à E7 et d'enjoindre au préfet de reprendre l'instruction de la demande d'autorisation en ce qui concerne ces éoliennes, en sollicitant à nouveau l'avis du ministre des armées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que le préfet s'est cru lié par le refus d'accord émis par le ministre des armées et qu'il s'est approprié les motifs de ce refus, dès lors que ces motifs sont entachés d'erreur de droit et d'appréciation et que, par suite, ce refus est illégal ;

- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus d'accord émis par le ministre des armées ;

- subsidiairement, à supposer que l'implantation retenue fasse peser un risque pour la sécurité des pilotes, ce risque résulte des seules les éoliennes E7, E8 et E9, ou E8 et E9, de sorte que le refus est illégal en tant qu'il porte sur les éoliennes E1 à E7 ou E1 à E6.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2020 et le 16 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Me C... pour la société Aire Parc.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 mai 2019, la société Aire Parc a sollicité la délivrance d'une autorisation environnementale en vue de l'implantation et de l'exploitation d'une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent, composée de 9 aérogénérateurs et de 3 postes de livraison sur le territoire de la commune de Nubécourt. Par un arrêté du 2 septembre 2019, le préfet de la Meuse a rejeté sa demande. La société Aire Parc demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les conclusions tendant, à titre principal, à l'annulation totale de la décision contestée :

2. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : (...) / 2° Le ministre de la défense (...) ". Selon l'article R. 181-34 de ce code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) / 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ".

3. Pour rejeter la demande de la société Aire Parc, le préfet de la Meuse s'est fondé sur l'avis défavorable émis par le ministre de la défense le 5 juillet 2019, dont il s'est approprié les motifs.

4. Le ministre de la défense a estimé que, compte tenu des autres parcs éoliens existants ou autorisés dans le secteur, le projet de la requérante, d'une part constituerait un obstacle massif de nature à compromettre ou à empêcher le transit, en toute sécurité, sous le réseau de vol à très basse altitude des armées (RTBA) destiné à protéger les aéronefs des armées qui évoluent à très grande vitesse et par toutes conditions météorologiques, des aéronefs volant à vue selon les règles des circulations civile ou militaire et, d'autre part, serait de nature à induire une contrainte supplémentaire préjudiciable à la sécurité des vols et à la réalisation de missions d'entraînement des équipages d'hélicoptères dans l'espace permanent VOLTAC ETN, alors que la proximité du sol, la gestion de l'anti-abordage avec les autres usagers aériens et les trajectoires imposées par le déroulement tactique de la mission impliquent une charge de travail à bord importante pour les équipages.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que le projet de la requérante est situé sous un tronçon du RTBA dénommé LF-R 45 N5.1, dont l'activation interdit au trafic extérieur, tant militaire que civil, d'y pénétrer, sauf à titre exceptionnel, et oblige ainsi ce trafic à le contourner en évoluant au-dessus ou en-dessous des limites verticales de celui-ci, fixées entre 800 et 2 700 pieds (250 et 800 mètres) par rapport au sol. Il est constant que le projet de la requérante respecte les limites de cet espace qui le surplombe, mais il porte sur des éoliennes de 150 mètres de hauteur en bout de pales, que le respect des distances minimales d'évitement interdira aux aéronefs de survoler en cas d'activation du RTBA et obligera, par conséquent, à contourner. Par ailleurs, il est situé à des distances de 6,1 à 7,4 kilomètres de parcs éoliens existants au nord-est et à l'est et à des distances de 5,1 et 5,2 kilomètres de parcs éoliens existants ou autorisés au sud. Il résulte de l'instruction qu'il existe actuellement, entre ces parcs existants ou autorisés, un couloir de transit de plus de 8 kilomètres de largeur à son plus étroit, à l'est du RTBA, qui s'évase ensuite en direction de l'ouest. Or, selon les cartes produites par la requérante elle-même, qui indique y avoir pris en compte la distance minimale d'évitement applicable à la circulation aérienne militaire (CAM), l'implantation du projet au milieu de ce large couloir existant ne laissera subsister, pour les aéronefs militaires, qu'un couloir sinueux de quelque 400 mètres de largeur seulement pour contourner, en toute sécurité, ses éoliennes par le sud et un couloir d'environ 1 kilomètre de largeur pour les contourner, en toute sécurité, par le nord-est. Il résulte de l'instruction, en particulier de la notice explicative établie par la direction de la circulation aérienne militaire, que l'utilisation de ces couloirs sera rendue encore plus difficile, voire impossible, compte tenu des différentes contraintes de vol applicables au passage en-dessous du RTBA, en cas de présence simultanée d'autres aéronefs, militaires ou civils, vis-à-vis desquels une distance de sécurité devra également être respectée, en présence de conditions météorologiques dégradées ou encore de nuit, à plus forte raison en cas de conjonction de ces facteurs défavorables. Il ne résulte pas de l'instruction que ces inconvénients seront hypothétiques, alors, notamment, que le projet est situé à proximité de trois importantes bases aériennes militaires. En outre, compte tenu des autres parcs existants ou autorisés au nord et au sud du projet, un seul autre point de passage à 7 kilomètres au nord, lui-même restreint par des contraintes liées au relief et à la réglementation, est ouvert pour le transit est-ouest des aéronefs sous le RTBA sur une distance de 35 kilomètres. Dans ces conditions, le projet en litige est, par son implantation, de nature à réduire, de manière très importante, les possibilités de transit en-dessous du RTBA dans ce secteur et à imposer aux aéronefs de parcourir de grandes distances de contournement.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction que le projet de parc éolien de la requérante est situé à l'intérieur d'un espace permanent, dénommé VOLTAC ETN, dédié à l'entraînement des équipages d'hélicoptères militaires au vol à très basse altitude de jour comme de nuit, à une hauteur inférieure à 150 mètres, ainsi qu'au vol tactique à une hauteur inférieure à 50 mètres. Si cet espace ne constitue pas une servitude aéronautique opposable aux tiers et ne fait ainsi pas, par lui-même, obstacle à l'implantation d'éoliennes, cette implantation doit être compatible avec la sécurité des vols d'entraînement militaire. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le projet est de nature à réduire de manière très importante les possibilités de transit en-dessous du RTBA dans ce secteur, à plus forte raison pour des vols d'hélicoptères et formation. En outre, il est situé dans un espace aérien de classe G, dans lequel les aéronefs ne sont pas guidés et contrôlés par des contrôleurs aériens, ce qui implique que les pilotes ne peuvent utiliser que la règle du " voir et éviter " entre eux. Alors que les équipages des hélicoptères en mission d'entraînement supportent déjà une charge de travail importante, ce qu'au demeurant la requérante ne conteste pas, les éoliennes en litige feront ainsi peser sur ces équipages des contraintes supplémentaires de nature à préjudicier à la sécurité des vols. Est, à cet égard, sans incidence la circonstance que l'emprise au sol du projet ne représente que 0,03 % du secteur VOLTAC ETN, qui couvre les départements des Ardennes, de la Marne, de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse et dont la superficie est estimée à 870 000 hectares. Du reste, pour les raisons précédemment indiquées, le projet en litige est de nature à rendre impraticable une partie du secteur VOLTAC ETN nettement plus vaste que son emprise au sol, en obligeant les hélicoptères à parcourir de grandes distances de contournement.

7. Compte tenu de cette importante réduction des possibilités de contournement en-dessous du RTBA et de cette atteinte à la sécurité des vols d'entraînement des équipages d'hélicoptères militaires, et alors même que le ministre chargé de l'aviation civile a émis un avis réputé favorable, le ministre de la défense, qui, contrairement à ce que soutient la requérante, ne s'est nullement opposé par principe à toute nouvelle implantation d'éoliennes dans le secteur, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet en litige peut constituer un obstacle à la navigation aérienne.

8. Il s'ensuit que le préfet de la Meuse n'a pas commis d'erreur de droit en se conformant au refus opposé par ce ministre, comme il était tenu de le faire. En outre, du fait de cette situation de compétence liée, les moyens tirés de ce que la décision contestée est insuffisamment motivée et de ce que le préfet de la Meuse a commis une erreur d'appréciation et de droit en s'appropriant les motifs retenus par le ministre ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requérante tendant à l'annulation totale de la décision contestée ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant, à titre subsidiaire, à l'annulation partielle de la décision contestée :

10. Le refus opposé par le ministre de la défense est fondé sur une appréciation d'ensemble du projet, pris dans sa globalité. Cette appréciation n'étant ainsi pas divisible, son bien-fondé ne saurait être limité à une partie des éoliennes constituant le parc projeté. Par suite, les conclusions de la société Aire Parc tendant à l'annulation de la décision contestée en tant seulement qu'elle porte sur les éoliennes E1 à E6, au motif que seules les éoliennes E7, E8 et E9, situées au sud du parc projeté, peuvent être regardées comme rendant plus difficiles les manoeuvres et le transit des aéronefs en formation, ou en tant seulement qu'elle porte sur les éoliennes E1 à E7, au motif que seules les éoliennes E8 et E9 sont implantées dans le volume de protection de l'itinéraire mauvaise météo Sud réalisé par les équipages pour rejoindre la base d'Étain par mauvaises conditions, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction de la société Aire Parc ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Aire Parc demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de la société Aire Parc est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... pour la société Aire Parc en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.

N° 19NC03061 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC03061
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : LPA-CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;19nc03061 ?
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