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22/06/2021 | FRANCE | N°19NC02931

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 22 juin 2021, 19NC02931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 22 juin 2017 refusant de procéder à sa notation pour les périodes du 3 décembre 2001 au 31 août 2004 et du 16 novembre 2006 au 15 février 2008 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 juillet 2017.

Par un jugement no 1703104 du 6 août 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une req

uête et des mémoires, enregistrés le 7 octobre 2019, le 20 mars 2020, le 3 avril 2020 et le 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 22 juin 2017 refusant de procéder à sa notation pour les périodes du 3 décembre 2001 au 31 août 2004 et du 16 novembre 2006 au 15 février 2008 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 juillet 2017.

Par un jugement no 1703104 du 6 août 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 octobre 2019, le 20 mars 2020, le 3 avril 2020 et le 16 mars 2021, Mme D... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 août 2019 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale du 22 juin 2017 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 17 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à sa notation sur 100 pour les quatre années au cours desquelles elle a été mise à disposition du Parlement européen et de procéder à la reconstitution de sa carrière, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont procédé à une substitution de motifs alors même qu'elle n'était pas expressément demandée par l'administration, entachant ainsi le jugement d'une irrégularité ;

- elle devait être notée annuellement en application de l'article 31 du décret du 4 juillet 1972, sur la base d'un rapport émis par l'organisme d'accueil ; l'administration d'origine devait, en l'absence de transmission spontanée d'un rapport, le solliciter ; les dispositions du décret du 4 juillet 1972 ne sont pas opposables aux chefs de service du Parlement européen ;

- l'attestation du 4 mars 2019, qui émet une appréciation sur son travail, doit être regardée comme un rapport permettant à son administration d'origine de la noter ; elle a également transmis aux différents ministres en exercice les publications qu'elle avait réalisées ; le renouvellement de son contrat démontre ses compétences que l'administration pouvait traduire dans une notation ;

- la décision refusant de la noter est entachée d'une erreur de droit au regard du décret du 4 juillet 1972 ;

- aucun texte n'impose au fonctionnaire de solliciter un rapport sur sa manière de servir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il soutient que :

- ni les dispositions du décret du 16 septembre 1985, ni celles du décret du 4 juillet 1972 n'imposent de solliciter de l'organisme d'accueil un rapport en vue de l'évaluation du fonctionnaire mis à disposition ;

- l'article 11 du décret du 16 septembre 1985 prévoyait l'établissement par l'organisme d'accueil d'un rapport sur la manière de servir du fonctionnaire ;

- le Parlement Européen n'a pas contesté devoir émettre un rapport sur la manière de servir du fonctionnaire mais seulement de proposer une notation ;

- Mme B... aurait dû solliciter les rapports d'évaluation ;

- l'attestation du 4 mars 2019 ne constitue pas un rapport sur la manière de servir de Mme B... ;

- en l'absence de rapport sur la manière de servir, l'intéressée ne pouvait pas être notée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n °72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de Mme B....

1. Mme B..., professeure certifiée d'économie-gestion de classe normale, a été mise à disposition du parlement européen pour les périodes du 3 décembre 2001 au 31 août 2004, puis du 16 novembre 2006 au 15 février 2008. Le 30 mai 2017, elle a demandé au ministre de l'Education nationale de procéder à sa notation pour ces périodes. Cette demande a été rejetée par une décision du 22 juin 2017. Mme B... a vainement formé, le 17 juillet 2017, un recours gracieux contre cette décision. Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 6 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juin 2017 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme B... soutient que les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de motifs que le ministre de l'Education nationale n'avait pas sollicitée. Toutefois, il ressort du mémoire en défense, produit en première instance devant le tribunal, que le ministre de l'Education nationale a expressément demandé au tribunal de substituer au motif initial de la décision du 22 juin 2017 un nouveau motif tiré de ce que l'absence de transmission, par les services du Parlement européen, d'un rapport sur la manière de servir de Mme B... faisait obstacle à la notation de cette dernière. Il s'ensuit que le tribunal, qui n'a pas méconnu le principe du contradictoire, n'a pas commis d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 31 du décret du 4 juillet 1972 relatif statut particulier des professeurs certifiés, dans sa rédaction applicable aux périodes en litige : " Le ministre chargé de l'éducation attribue une note de 0 à 100 accompagnée d'une appréciation aux professeurs certifiés en position de détachement, mis à disposition ou exerçant dans un service ou établissement non placé sous l'autorité d'un recteur d'académie dans les conditions suivantes : (...) /b) La notation des personnels ne remplissant pas une fonction d'enseignement ainsi que celle des personnels détachés pour exercer dans un établissement d'enseignement supérieur comporte une note unique de 0 à 100, arrêtée par le ministre chargé de l'éducation sur proposition de l'autorité auprès de laquelle le professeur exerce ses fonctions. / (...). Les notes et les appréciations sont communiquées par le ministre aux professeurs intéressés. (...) ".

4. Aux termes de l'article 11 du décret du 16 septembre 1985, dans sa version applicable aux périodes en litige : " Un rapport sur la manière de servir du fonctionnaire mis à disposition en application du 1°, du 2° ou du 4° de l'article 1er du présent décret est établi par son supérieur hiérarchique au sein de l'administration d'accueil ou par le responsable de l'organisme ou de l'organisation d'accueil. Ce rapport est transmis à l'administration d'origine qui établit la notation. / (...) /Dans le cas où la notation du fonctionnaire mis à disposition est effectuée par l'inspection dont il relève, l'organisme ou l'organisation d'accueil adresse à cette dernière un état des tâches et des missions attribuées au fonctionnaire intéressé ".

5. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy, après avoir estimé qu'en refusant de procéder à la notation annuelle de Mme B... au titre des périodes durant lesquelles elle avait été mise à la disposition des services du Parlement européen, soit du 3 décembre 2001 au 31 août 2004 au sein de la direction générale des études - division des affaires économiques, monétaires et budgétaires et au sein de la direction générale des politiques internes de l'Union - département thématique économique, puis à l'issue d'un congé de maladie de longue durée, du 16 novembre 2006 au 15 février 2008 au sein de la direction générale information unité " courrier du citoyen ", le ministre de l'Education nationale avait méconnu les dispositions précitées, a procédé à une substitution de motifs en considérant que les chefs de service des directions, au sein desquelles Mme B... a exercé ses fonctions, n'avaient communiqué aucune proposition de notation au ministre faisant obstacle à ce qu'il puise la noter.

6. Pour contester cette appréciation, Mme B... soutient tout d'abord que son administration d'origine aurait dû solliciter la communication d'un rapport sur sa manière de servir. Il est constant que l'administration n'a jamais demandé au Parlement européen de lui transmettre un rapport sur la manière de servir de l'intéressée, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision refusant de procéder à sa notation.

7. Mme B... fait ensuite valoir que son administration disposait des éléments nécessaires pour apprécier sa manière de servir. Si les dispositions précitées prévoient que la notation est établie à la suite de la transmission par l'administration d'accueil d'un rapport sur la manière de servir du fonctionnaire, l'absence de communication de ce rapport ne saurait, par elle-même, fonder le refus de procéder à la notation de Mme B... lorsque l'administration d'origine, qui au demeurant n'a pas demandé ce rapport, dispose d'autres éléments d'appréciation. Si, en l'espèce, la requérante se prévaut de travaux qu'elle a publiés et de courriers, notamment d'un ancien député au Parlement européen et du ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche auquel elle avait transmis des fiches techniques sur l'Union européenne, ces éléments, qui permettent, entre autres, d'établir l'activité qu'elle a déployée lors de sa mise à disposition du Parlement Européen, ne sont pas suffisants pour porter une appréciation sur sa manière de servir au cours des périodes en litige. De même, il ne saurait être déduit de la reconduction de sa mise à disposition pour la période du 16 novembre 2006 au 15 février 2008, que le ministre de l'Education nationale disposait des éléments nécessaires pour apprécier sa manière de servir au cours de la période précédent ce renouvellement, ni comme elle le fait valoir, que son niveau de compétences devait nécessairement être regardé comme " excellent ".

8. En revanche, pour la période du 16 novembre 2006 au 15 février 2008, Mme B... a produit une attestation du 4 mars 2019, établie par le chef de division du Parlement européen, dans laquelle celui-ci décrit les missions de l'intéressée et porte une appréciation sur sa manière de servir. Un tel document est de nature à permettre au ministre de l'Education nationale de procéder à sa notation pour l'année 2007, en prenant en compte, le cas échéant, à titre complémentaire, les travaux que l'intéressée justifie avoir accomplis. Pour les années 2006 et 2008, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, qui a été placée en congé de longue durée l'essentiel de l'année 2006 et qui a été malade en 2008, aurait effectivement exercé ses fonctions pendant une durée suffisante pour permettre une appréciation de sa manière de servir. Par suite, en refusant de procéder à la notation de Mme B... au titre de l'année 2007, le ministre de l'Education nationale a méconnu les dispositions de l'article 31 du décret du 4 juillet 1972.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'Education nationale du 22 juin 2017 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux en tant qu'il a refusé d'effectuer sa notation pour l'année 2007.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, eu égard au motif d'annulation retenu, implique seulement que le ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports procède à la notation de Mme B... pour l'année 2007 et non qu'il procède à la reconstitution de sa carrière. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports de procéder à la notation de Mme B... pour l'année 2007, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant seulement qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse du 22 juin 2017, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux en tant qu'il a refusé, par ces décisions, d'effectuer la notation de Mme B... pour l'année 2007.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de procéder à la notation de Mme B... pour l'année 2007 dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports.

N° 19NC02931 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19NC02931
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Rétroactivité.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Défense de la concurrence.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stephane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-22;19nc02931 ?
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