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29/06/2022 | FRANCE | N°19NC02746

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 29 juin 2022, 19NC02746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Safège a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération du grand Troyes à lui verser la somme de 3 813 766,60 euros et la somme de 63 272,60 euros correspondant au montant total des factures impayées, assorties des intérêts et de leur capitalisation et d'annuler ou de constater la nullité de la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre et du décompte de résiliation, à titre subsidiaire, de condamner la communaut

é d'agglomération du grand Troyes à lui verser les sommes de 2 884 282,33 euros et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Safège a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération du grand Troyes à lui verser la somme de 3 813 766,60 euros et la somme de 63 272,60 euros correspondant au montant total des factures impayées, assorties des intérêts et de leur capitalisation et d'annuler ou de constater la nullité de la résiliation du marché de maîtrise d'œuvre et du décompte de résiliation, à titre subsidiaire, de condamner la communauté d'agglomération du grand Troyes à lui verser les sommes de 2 884 282,33 euros et de 63 272,60 euros correspondant au montant total des factures impayées, assorties des intérêts et de leur capitalisation et de rejeter ou d'écarter des débats le décompte de résiliation, à titre très subsidiaire, de condamner la communauté d'agglomération du grand Troyes à lui verser la somme de 554 551,53 euros, au titre des commandes supplémentaires, additionnelles ou complémentaires, la somme de 2 329 740,80 euros, au titre de la réparation des préjudices subis, et la somme de 63 272,60 euros correspondant au montant total des factures impayées, assorties des intérêts et de leur capitalisation et, dans tous les cas de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du grand Troyes une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

A titre reconventionnel, la communauté d'agglomération du grand Troyes, devenue Troyes Champagne Métropole, a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la société Safège à lui verser la somme de 1 987 062,48 euros au titre du solde du décompte de résiliation du marché de maîtrise d'œuvre conclu avec la demanderesse, assortie des intérêts et de mettre à la charge de la société la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700447 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de la société Safège, a condamné la société demanderesse à verser à Troyes Champagne Métropole la somme de 1 987 062,48 euros assortie des intérêts à compter du 11 janvier 2018 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 et 9 septembre 2019, la société Safège, représentée par Me Berbari, demande à la cour :

À titre principal,

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 juillet 2019 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant ce tribunal ;

3°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui rembourser la somme de 1 987 062,48 euros assortie des intérêts à compter du 11 janvier 2018 ;

4) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui rembourser la somme de 27 042,56 euros ;

5°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui rembourser la somme de 1 500 euros versée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui payer les intérêts au taux légal portant sur les sommes inscrites aux articles 2 et 3 du jugement n° 1700447 à compter de la date de la requête ;

À titre subsidiaire, par la voie de l'évocation,

7°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 juillet 2019 ;

8°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui rembourser la somme de 1 987 062,48 euros assortie des intérêts à compter du 11 janvier 2018 ;

9°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui rembourser la somme de 27 042,56 euros ;

10°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui payer les intérêts au taux légal portant sur la somme de 1 987 062,48 euros assortie des intérêts à compter du 11 janvier 2018, à compter de la date de la requête ;

11°) d'annuler ou de constater l'inexistence ou la nullité du contrat de maîtrise d'œuvre M2012-024 ;

12°) de condamner Troyes Champagne Métropole à lui verser la somme de 3 813 766,60 euros, correspondant à sa réclamation du 2 septembre 2016, et la somme de 63 272,60 euros correspondant au montant total des factures impayées, assorties des intérêts et de leur capitalisation ;

13°) d'annuler ou de constater l'inexistence ou la nullité du décompte de résiliation du 8 décembre 2016 ;

En toutes hypothèses,

14°) d'ordonner la capitalisation de l'ensemble des intérêts dus ;

15°) de mettre à la charge de Troyes Champagne Métropole le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas son mémoire enregistré 17 juin 2019 à 17h38 ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de toutes les garanties du procès administratif ; le tribunal ne pouvait refuser sa demande de délai supplémentaire alors que celle-ci avait été adressée dans un délai raisonnable et était motivée ; le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable en se fondant sur une fin de non-recevoir opposée dans un mémoire enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction et communiqué après la réouverture de l'instruction décidée à la demande de Troyes Champagne Métropole et en faisant état de considérations de fait et de droit qui n'ont pu être discutées dès lors qu'elles ne figuraient pas dans les mémoires de Troyes Champagne Métropole ; en sa qualité de garant de la loyauté entre les parties, le tribunal aurait dû écarter cette fin de non-recevoir dès lors qu'elle procède d'une altération intentionnelle de la loi contractuelle ;

- l'annulation du jugement pour irrégularité implique, en application du principe du double degré de juridiction, le renvoi de l'affaire devant le tribunal ;

- la condamnation prononcée à son encontre représente 75 % de son capital social, ce qui la contraint à demander le remboursement des sommes versées dans les meilleurs délais possibles ;

- subsidiairement, en cas d'évocation, elle maintient l'ensemble de ses conclusions et moyens de première instance, en annexant les écritures présentées devant le tribunal à sa requête ;

- le marché est dépourvu de contenu technique, les prestations qui sont l'objet du contrat n'ayant jamais été déterminées, ni à sa conclusion, ni à l'émission des bons de commande, et, par suite, est entaché de nullité, ce qui justifie que le juge n'en fasse pas application pour régler le litige ;

- si la cour écarte le contrat, elle a droit au paiement des sommes demandées sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle, qu'elle a détaillées dans le décompte final du 2 septembre 2016 auquel elle renvoie ;

- si la cour jugeait le contrat valide, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG-PI) dans sa version issue de l'arrêt du 16 septembre 2009 ne saurait en tout état de cause être considéré comme applicable ;

- le tribunal a dénaturé son argumentation en confondant son décompte final du 2 septembre 2016 et les réclamations ultérieures ;

- le tribunal a en conséquence omis de répondre aux moyens soulevés dans sa demande, qui ne portait pas sur la contestation du rejet de sa réclamation contre le décompte de résiliation du 8 décembre 2016 établi par Troyes Champagne Métropole, mais sur le rejet, par Troyes Champagne Métropole, de sa demande tendant au paiement du solde du décompte final du 2 septembre 2016 ;

- le tribunal lui a opposé à tort l'irrecevabilité de sa demande en se fondant sur des conditions non prévues par le contrat ;

- la décision et le décompte de résiliation sont irréguliers et infondés dès lors que sa mission "PRO " était achevée et que la durée du contrat fixée par l'acte d'engagement au 30 juillet 2016 était arrivée à son terme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2022, Troyes Champagne Métropole conclut, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet des demandes présentées par la société Safège ainsi qu'à la confirmation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 1 987 062,48 euros et, dans tous les cas, à ce que soit mis à la charge de la société Safège le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement ne sont pas fondés ;

- les conclusions à fin d'annulation du contrat sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

- le CCAG-PI dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009 est applicable et la fin de non-recevoir opposée en première instance tirée du caractère définitif du décompte de résiliation, faute pour la société Safège d'avoir présenté un mémoire en réclamation au sens de l'article 37 de ce document contractuel, est fondée ;

- subsidiairement, il existe un autre motif d'irrecevabilité des demandes présentées par la société Safège devant le tribunal dès lors qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ;

- très subsidiairement, si la cour jugeait la demande de la société Safège recevable, elle renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne le caractère infondé des prétentions de la requérante.

Par un mémoire enregistré le 30 mai 2022, la société Safège, représentée par Me Berbari, conclu aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles de Troyes Champagne Métropole, par voie de conséquence de l'irrecevabilité de la demande de la société Safège.

Par un mémoire enregistré le 3 juin 2022, la société Safège a présenté des observations sur le moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Berbari, représentant la société Safège et de Me Hourcabie, représentant Troyes Champagne Métropole.

Une note en délibéré présentée pour la société Safège a été enregistrée le 8 juin 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération du grand Troyes (CAGT), devenue Troyes Champagne Métropole (TCM), a conclu avec la société Safège un marché de maîtrise d'œuvre à bons de commande relatif à la réhabilitation et à la création de digues fluviales, y compris les ouvrages de sécurité, de l'agglomération troyenne, d'une durée de quatre ans à compter de sa date de notification, intervenue le 30 juillet 2012. Le 10 avril 2015 et le 31 juillet 2016, la société Safège a adressé au maître de l'ouvrage des demandes de paiement de prestations complémentaires chiffrées aux sommes de 2 029 666,82 euros et de 869 644,54 euros hors taxes (HT). Ces demandes ont été rejetées. Le 2 septembre 2016, estimant que le marché était arrivé à son terme contractuel, la société Safège a transmis au maître de l'ouvrage une demande de paiement pour solde, qui a été rejetée le 15 septembre 2016 par le maître de l'ouvrage au motif que les prestations prévues par le contrat n'étaient pas achevées. Le 11 octobre 2016, le maître de l'ouvrage résilie le marché pour faute puis, le 13 décembre 2016, transmet à la société Safège le décompte de résiliation. La société Safège fait appel du jugement du 2 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Chalons, d'une part, a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la constatation de l'inexistence ou la nullité des décisions de résiliation et du décompte de résiliation et à la condamnation du maître de l'ouvrage à lui verser la somme de 3 813 766,60 euros toutes taxes comprises (TTC), outre les factures impayées d'un montant de 63 272,60 euros et, d'autre part, l'a condamnée à verser à Troyes Champagne Métropole la somme de 1 987 062,48 euros assortie des intérêts à compter du 11 janvier 2018 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des dispositions des articles R. 613-1 à R. 613-3 du code de justice administrative que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser.

3. Il ressort des pièces du dossier que le 17 juin 2019 à 17h38, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction intervenue en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la société Safège a adressé un mémoire au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne au moyen de l'application Télérecours, qui a été enregistré par le greffe le 18 juin 2019 à 8h09. En ne faisant pas mention de ce mémoire dans les visas du jugement, les premiers juges ont entaché celui-ci d'irrégularité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés par l'appelante, la société Safège est fondée à demander l'annulation du jugement en litige.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Safège et les demandes reconventionnelles présentées par TCM devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur les conclusions présentées par la société Safège :

En ce qui concerne l'exception de nullité du contrat de maîtrise d'œuvre :

5. Lorsque la société Safège demande, pour la première fois en appel, " d'annuler ou de constater l'inexistence ou la nullité du contrat de maîtrise d'œuvre ", elle doit être regardée comme excipant de sa nullité à l'appui de ses conclusions indemnitaires et présentant, ainsi, un moyen, qui a le caractère d'un moyen d'ordre public, tendant à ce que le juge écarte le contrat et ne règle pas le litige sur un terrain contractuel.

6. La société Safège soutient que le marché en litige est " dépourvu de contenu technique ". Toutefois, il résulte de l'instruction, que son cahier des clauses administratives particulières (CCAP) définit le contenu des éléments de mission du maître d'œuvre, en dressant la liste des éléments de mission et en renvoyant au décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 et à l'annexe III de l'arrêté du 21 décembre 1993. Selon l'article 2 de la même pièce contractuelle, ces textes font partie des pièces générales du marché, tandis que l'acte d'engagement et ses annexes, le CCAP et les bons de commande relèvent des pièces particulières. Enfin, l'article 10 du CCAP prévoit que pour chaque commande le maître de l'ouvrage établit son programme en indiquant notamment la nature des travaux, les éléments de mission et les délais d'exécution. Par suite, alors que la société Safège se borne à faire valoir que les bons de commandes ne comportaient aucun contenu technique sans apporter aucune pièce au soutien de cette affirmation, l'exception de nullité du marché doit être écartée.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir contractuelle opposée par Troyes Champagne Métropole :

7. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Safège, il résulte de l'instruction, et en particulier des articles du cahier des clauses administratives générales-prestations intellectuelles (CCAG-PI) auquel le CCAP déroge expressément ainsi que de la décision de résiliation, que la référence, à l'article 2 du CCAP, au CCAG-PI issu du décret du 26 septembre 1976 est une erreur purement matérielle et que la volonté des parties était de soumettre leurs rapports contractuels au CCAG-PI dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009.

8. D'autre part, aux termes de l'article 26 du CCAP : " La mission du maître d'œuvre s'achève à la fin du " délai de garantie de parfait achèvement (...). L'achèvement de la mission fera l'objet d'une décision établie sur demande au maître d'œuvre par le maître de l'ouvrage dans les conditions de l'article 27 du CCAG-PI et constatant que le titulaire a rempli toutes ses obligations ". Selon l'article 6.3 du même document contractuel : " Après constatation de l'achèvement de sa mission dans les conditions prévues par l'article 26, le maître d'œuvre adresse au maître de l'ouvrage une demande de paiement du solde sous forme de projet de décompte final ".

9. A supposer même que l'élément de mission " PRO " du maître d'œuvre ait été tacitement réceptionné par le maître de l'ouvrage, il résulte de l'instruction, et notamment de l'article 1-5 de l'acte d'engagement, que la mission de la société Safège comprenait d'autres éléments de mission pour la phase 4 et que ceux-ci n'étaient pas achevés le 30 juillet 2016. La circonstance que la durée du marché était arrivée à terme ne libérait pas le titulaire de ses obligations, ni ne permettait de regarder sa mission comme achevée. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Safège, elle n'avait pas droit au paiement du solde du marché lorsqu'elle a transmis, de façon prématurée, son projet de décompte final au maître de l'ouvrage le 2 septembre 2016. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'exception de nullité de la décision de résiliation du 11 octobre 2016 de résilier le marché, et par suite du décompte de résiliation, doivent être écartés.

10. Enfin, aux termes de l'article 37 du CCAG-PI dans sa version issue de l'arrêté du 16 septembre 2009 : " (...) Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".

11. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.

12. Il résulte de l'instruction qu'après avoir reçu le décompte de résiliation, la société Safège a adressé au maître de l'ouvrage un courrier daté du 19 décembre 2016 dans lequel elle faisait valoir qu'" aucune suite " n'y serait donnée. Dans cette lettre, la société requérante, après avoir opposé la nullité de la décision de résiliation, se borne à réitérer sa demande de paiement du solde du 2 septembre 2016, en rappelant les éléments de son décompte final sous forme de tableau, sans toutefois joindre cette demande, ni, au surplus, le mémoire contestant son rejet. Par suite, la lettre du 19 décembre 2016, qui ne contient pas les motifs des prétentions indemnitaires du titulaire du marché, ni, a fortiori, les justifications nécessaires, ne peut être regardée comme une réclamation au sens des dispositions précédemment citées de l'article 37 du CCAG-PI.

13. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir contractuelle opposée par Troyes Champagne Métropole doit être accueillie. Par suite, les conclusions indemnitaires de la société Safège, présentées à titre principal et subsidiaire, dont les conclusions accessoires relatives aux intérêts et à leur capitalisation, doivent être rejetées.

Sur les conclusions reconventionnelles de Troyes Champagne Métropole :

14. Ainsi qu'en ont été informées les parties, les conclusions reconventionnelles de la personne publique doivent être rejetées par voie de conséquence de l'irrecevabilité de la demande de la société requérante.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement n° 1700447 du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Safège devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : La demande reconventionnelle présentée par Troyes Champagne Métropole devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par les parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Safège et à Troyes Champagne Métropole.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Grossrieder, présidente assesseure,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 19NC02746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02746
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL HOURCABIE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-29;19nc02746 ?
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