Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 mars 2019, le 29 avril 2019, le 18 juin 2020, le 22 janvier 2021 et le 17 mai 2021, M. J... K..., l'association Les amis de Beauregard, l'association Promenade historique dans la vallée de l'Ognon, l'association Vieilles maisons françaises, l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme M... K..., M. G... K..., M. N... L..., M. B... C..., M. Q... C..., M. F... C..., le groupement agricole d'exploitation C..., M. E... A..., M. et Mme P... O..., M. I... D... et M. B... H..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2018 par lequel le préfet du Doubs a autorisé la société Doubs Ouest Energies 2, d'une part, à construire et exploiter un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Lantenne-Vertière et de Mercey-le-Grand, ainsi que, d'autre part, à défricher un hectare de parcelles boisées situées sur le territoire de ces mêmes communes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que le plan masse du projet architectural ne mentionne pas les modalités de raccordement électrique du parc ;
- il est entaché d'un vice de procédure en ce que les dispositions du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010, qui sont directement applicables en l'espèce car l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme est superfétatoire et de plus illégal, imposaient de recueillir l'avis de l'ensemble des communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre du projet ;
- le dossier de demande ne présente pas la nature des garanties financières visant à couvrir les opérations de démantèlement et de remise en état des parcelles, en méconnaissance des exigences de l'article R. 512-6 du code de l'environnement ;
- le dossier de demande ne contient pas l'ensemble des avis des propriétaires des parcelles d'implantation du projet, notamment pas celui du conseil départemental du Doubs, pourtant propriétaire de la route départementale n°16 traversée par un câble électrique reliant E1 et E3 ; l'avis de la commune de Lantenne-Vertière ne porte que sur une partie des parcelles dont elle est propriétaire et sur lesquelles seront implantées le projet ; en l'absence de relevés de propriétés au dossier, il n'est pas possible de s'assurer que tous les propriétaires aient bien été consultés ;
- l'étude acoustique est insuffisante, d'une part, car au moins deux des quinze points de mesure choisis ne constituent pas les habitations susceptibles d'être les plus exposées au bruit des éoliennes, d'autre part, car il n'est pas expliqué les paramètres de calcul ayant permis d'évaluer l'impact sonore et, enfin, car les résultats des évaluations des prévisions sont partiellement inexacts ;
- l'étude paysagère est insuffisante en raison, premièrement, de ce que les photomontages sont d'un format inadapté, deuxièmement, de ce que les images finales présentées dans le dossier sont issues d'un traitement a posteriori limitant l'impact des éoliennes, troisièmement, de ce que de nombreux photomontages ont été réalisés à partir de clichés pris dans des conditions météorologiques permettant d'atténuer l'impact visuel des machines, quatrièmement, de ce que certains photomontages auraient mérité d'être réalisés à partir de clichés pris à des emplacements différents, cinquièmement, de ce qu'il n'est pas précisé l'heure et la date des prises de vue, sixièmement, de ce que les clichés ont dans leur quasi-intégralité été pris lorsque les arbres étaient particulièrement feuillus, septièmement, de ce que plusieurs sites ont été occultés, huitièmement, de ce que l'arrêté prescrit des prises de vue complémentaires à réaliser témoignant des doutes existant quant à la sincérité des photos ;
- le volet chiroptérologique de l'étude environnementale est insuffisant car, premièrement, il ne respecte pas les recommandations de la société française pour l'étude et la protection des mammifères, deuxièmement, les relevés en hauteur sont limités tant dans périmètre que dans leur durée et leur méthodologie, troisièmement, la prospection au sol n'a pas été assez soutenue, quatrièmement, les horaires précis des écoutes, les résultats bruts des prospections, ainsi que les parcours de transects ne figurent pas dans l'étude d'impact, cinquièmement la mission régionale d'autorité environnementale a émis des critiques sur le volet chiroptérologique ;
- la détermination des enjeux avifaunistiques du secteur ainsi que l'évaluation des impacts du projet sur les oiseaux par l'étude environnementale sont insuffisantes dès lors que, tout d'abord, la méthodologie déployée pour réaliser les opérations d'inventaire est trop faiblement présentée, ensuite, les résultats bruts des prospections ne figurent pas dans l'étude d'impact, enfin, la mission régionale d'autorité environnementale a émis des critiques sur le volet avifaunistique ;
- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier dès lors que, en méconnaissance des exigences de la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011, les dispositions applicables ne permettaient pas de garantir une réelle séparation entre le service qui prépare l'avis portant sur la qualité de l'étude d'impact et celui qui instruit la demande d'autorisation ;
- le dossier d'enquête publique était irrégulièrement composé au regard des dispositions de l'article R. 123-8 du code de l'environnement dès lors qu'il ne comportait ni l'accord du ministre de la défense, ni l'avis de l'agence régionale de santé ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que la publicité par voie de presse de l'enquête publique a été insuffisante ;
- il est entaché d'un vice de procédure car l'affichage de l'avis d'enquête publique n'a pas été réalisé ; au vu des certificats d'affichage établis par les maires de dix des cinquante communes concernées par l'enquête publique, il y a lieu, en tout cas, de considérer que l'affichage dans leurs mairies respectives n'a pas été régulier ; ces irrégularités ont eu pour conséquence directe une faible participation à l'enquête publique ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors que seules vingt-six des cinquante communes aux termes du III de l'article R. 512-14 du code de l'environnement ont donné leur avis sur la demande d'autorisation conformément aux exigences de l'article R. 512-20 du code de l'environnement ; les avis émis par les vingt-quatre autres communes sont de plus irréguliers ;
- il est entaché d'un vice de procédure et d'une erreur d'appréciation dès lors que la pétitionnaire ne justifie pas avoir les capacités financières et techniques exigées par les articles L. 512-1 et R. 512-3 du code de l'environnement, qui sont seuls applicables, car les articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du code de l'environnement n'ont pas été précédés d'une évaluation environnementale, de sorte qu'ils doivent être écartés ;
- le montant des garanties financières de démantèlement et de remise en état du site, prévu par l'annexe I à l'arrêté du 26 août 2011 pris pour l'application de l'article R. 553-1 du code de l'environnement, est inadapté et est manifestement insuffisant ; le préfet aurait dû écarter l'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 et imposer à la pétitionnaire de constituer des garanties financières adaptées ; le préfet devait au moins prévoir, dans son arrêté, un coût unitaire initial de 57 000 euros par machine et a, à défaut, méconnu les dispositions de l'annexe 1 de l'arrêté du 26 août 2011 précité ;
- les mesures de démantèlement et de remise en état du site sont insuffisantes ; les dispositions prévues à cet effet par l'arrêté du 26 août 2011 sont illégales parce qu'elles émanent d'une autorité incompétente et prévoient des mesures insuffisantes ; le préfet aurait dû écarter l'application de l'arrêté du 26 août 2011 et imposer le démantèlement de la totalité du réseau inter-éolien ; l'arrêté contesté, en ce qu'il n'impose pas l'excavation de la totalité des fondations, ni ne conditionne un éventuel démantèlement partiel des fondations des aérogénérateurs à la production préalable d'une étude, méconnaît les articles R. 515-106 du code de l'environnement et 29 de l'arrêté du 26 août 2011 ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 11 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme de Lantenne-Vertière, de l'article 11 du règlement de la zone N de ce même plan local, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, ainsi que des articles L. 181-3 du code de l'environnement et L. 511-1 du même code, dès lors que le projet porte atteinte aux paysages environnants et au patrimoine culturel ;
- l'autorisation attaquée méconnaît les articles L. 511-1 et L. 181-3 du code de l'environnement, dès lors que le projet est de nature à porter atteinte aux chiroptères ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 341-5 du code forestier, car le défrichement autorisé va conduire à une perte de zones de gîtes et chasse pour plusieurs espèces de chiroptères ;
- il est illégal en raison de l'illégalité de la délibération du 26 octobre 2018 du conseil municipal de Lantenne-Vertière assurant la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune avec le projet litigieux ; cette mise en compatibilité est en effet illégale dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une évaluation environnementale, que la note de synthèse était insuffisante, que le projet d'aménagement et de développement durables est incohérent avec le règlement du plan local d'urbanisme de Lantenne-Vertière, que le projet objet de la mise en comptabilité ne présente pas d'intérêt général et qu'elle entachée d'un détournement de pouvoir ; la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme ne peut donc être prise en compte et il faut ainsi nécessairement se référer aux exigences du règlement du plan local d'urbanisme antérieur, or, le projet litigieux méconnaît les dispositions des articles 1 et 10 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme ainsi que les dispositions de l'article 2 de la zone A du plan local d'urbanisme ;
- le préfet aurait dû refuser la demande d'autorisation sollicitée dès lors qu'il avait connaissance de ce que la société pétitionnaire n'était pas habilitée par les propriétaires des parcelles intéressées à solliciter une autorisation de construire les éoliennes E7 et E8 ; la demande de la société pétitionnaire était frauduleuse en ce qu'elle porte sur les éoliennes E7 et E8.
Par des mémoires en défense enregistrés le 4 février 2020, le 22 janvier 2021 et le 14 juin 2021 la société Doubs Ouest Energies 2, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants la somme de 500 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que les éventuels vices entachant l'arrêté sont, en toute hypothèse, régularisables.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable, dès lors que les requérants n'ont pas intérêt à agir ;
- en tout cas, les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 août 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 23 août 2021.
Une note en délibéré, présentée pour la société Doubs Ouest Energies 2 par Me Versini-Campinchi a été enregistrée le 15 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marchal,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Monamy pour M. K... et autres et de Me Versini-Campinchi, pour la société Doubs Ouest Energies 2.
Considérant ce qui suit :
1. La société Doubs Ouest Energies 2 a présenté, le 22 décembre 2016, une demande d'autorisation unique pour exploiter un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Mercey-le-Grand et de Lantenne-Vertière, ainsi que pour défricher un hectare de parcelles boisées sur le territoire des communes de Mercey-le-Grand et de Lantenne-Vertière. Par un arrêté du 23 novembre 2018, le préfet du Doubs a délivré à la société Energies Doubs Ouest 2 l'autorisation sollicitée. M. J... K..., l'association Les amis de Beauregard, l'association Promenade historique dans la vallée de l'Ognon, l'association Vieilles maisons françaises, l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme M... K..., M. G... K..., M. N... L..., M. B... C..., M. Q... C..., M. F... C..., le groupement agricole d'exploitation C..., M. E... A..., M. et Mme P... O..., M. I... D... et M. B... H... demandent l'annulation de cet arrêté du préfet du Doubs.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre :
2. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci./ Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ".
3. L'association Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de France, agréée au niveau national au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a notamment pour objet la préservation des sites naturels et urbains. Elle justifie ainsi d'un intérêt à agir pour demander l'annulation de l'autorisation unique en litige délivrée pour l'exploitation d'un parc éolien composé de six aérogénérateurs. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la requête collective sont recevables sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité en tant qu'elles émanent de chacun des autres demandeurs.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
En ce qui concerne la présentation des capacités financières dans le dossier de demande :
4. En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance de l'autorisation attaquée, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire est tenu de fournir, à l'appui de sa demande, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Si cette règle a été ultérieurement modifiée par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale, qui a créé l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement en vertu duquel le dossier comprend une description des capacités techniques et financières dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour en justifier, l'exploitant devant, dans ce dernier cas, adresser au préfet les éléments justifiant de ses capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation, cette évolution de la règle de droit ne dispense pas le pétitionnaire de l'obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l'autorisation dès lors que l'irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l'information complète du public.
5. Il résulte de la demande d'autorisation d'exploitation que la société Doubs Ouest Energies 2 dispose d'un capital social de 10 000 euros et serait détenue intégralement par le groupe Envision Energy International. Le dossier indique également que le montant total des investissements nécessaires à la réalisation du projet serait compris entre 18 millions et 32,4 millions d'euros selon la puissance des aérogénérateurs finalement implantés. Un plan d'affaire et un échéancier de la dette bancaire sont présentés au dossier, mais ils portent toutefois sur des scénarios où le montant d'investissement initial serait de 30 millions d'euros, alors que le projet pourrait exiger un investissement jusque 32,4 millions d'euros, et n'apportent aucune justification précise quant à ce choix. De plus, il est indiqué que le financement du projet sera assuré par le recours à des prêts bancaires pour environ 80 % du montant du projet et par des apports en fonds propres à hauteur des 20 % restants. A ce titre, il est joint au dossier de demande une lettre d'engagement de la société Envision Energy Jiangsu du 23 octobre 2017, par laquelle cette société s'est engagée à apporter 20 % du montant des investissements à réaliser à la société Doubs Ouest Energie 2. En revanche, il n'était joint au dossier de demande aucun élément susceptible de justifier de la capacité de la société porteuse du projet à réaliser 80 % de l'investissement par le recours à l'emprunt. Si, dans sa lettre, la société Envision Energy Jiangsu s'est certes également engagée, en cas ce de difficultés à obtenir un financement bancaire, à financer intégralement le projet, il est indiqué que ce financement serait d'un montant total de 30 millions d'euros, alors qu'ainsi qu'il a été dit, le besoin en investissement pourrait atteindre 32,4 millions d'euros. Ainsi, le dossier de demande ne présentait pas les éléments permettant de justifier de ce que la société Doubs Ouest Energy 2 pourrait disposer, en toute hypothèse, d'un financement suffisant. De plus, alors que le dossier de demande se borne à des références vagues au groupe Envision Energy et n'apporte ainsi aucun élément permettant d'établir précisément les liens existants entre la société porteuse du projet et la société Envision Energy Jiangsu, il n'était joint au dossier de demande aucune pièce permettant de s'assurer de la bonne santé financière de la société Envision Energy Jiangsu, seule société s'étant juridiquement engagée à financer le projet, et de sa capacité à assurer un investissement sur ce projet pouvant atteindre un montant de 32,4 millions d'euros, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction qu'elle s'était déjà engagée, au cours de l'année 2017, à financer plusieurs projets éoliens pour un montant de plus de 200 millions d'euros. Ainsi, les informations figurant dans le dossier de demande d'autorisation d'exploiter n'étaient pas suffisamment précises et étayées quant aux capacités financières de la société pétitionnaire. Si le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, qu'une irrégularité liée au dossier de demande a été régularisée, la société pétitionnaire s'est bornée à verser devant la cour des coupures de presse témoignant de ce que le groupe Envision Energy Energy a acquis plusieurs sociétés françaises de projet éolien préalablement détenues par la société Velocita Energy, ainsi que des éléments financiers de la société Envision Energy International, qui, ainsi que l'indique elle-même la société défenderesse, est une entité distincte de la société Envision Energy Jiangsu. L'irrégularité liée à l'insuffisante présentation des capacités financières n'a donc pas été régularisée par les éléments produits devant la cour dans la présente instance. Cette irrégularité, qui a nui à l'information complète du public, constitue un vice de procédure entachant d'illégalité l'autorisation délivrée par le préfet du Doubs.
En ce qui concerne l'étude paysagère :
6. Il résulte de l'instruction que plus de cinquante photomontages ont été annexés à l'étude d'impact et à ses compléments afin de présenter les impacts visuels du parc éolien litigieux, ainsi que du parc Doubs Ouest Energies 1, qui est situé à proximité du projet litigieux, sur leurs environnements rapprochés, semi-éloignés et éloignés. Toutefois, alors que le château d'Etrabonne est situé à moins de deux kilomètres du premier aérogénérateur du parc litigieux et qu'il est l'immeuble inscrit au titre des monuments historiques le plus proche du parc Doubs Ouest Energies 2, aucun photomontage n'a été réalisé depuis ce bâtiment et généralement aucun des photomontages réalisés ne permet d'apprécier la visibilité des aérogénérateurs du projet litigieux depuis le château. Or, les requérants versent au dossier deux photomontages témoignant que, en dépit des haies entourant partiellement le château, deux des aérogénérateurs du parc seront visibles du fait de leur hauteur et de leur proximité au château. Dans ces conditions, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette absence de photomontage depuis le château ou à proximité immédiate de ce dernier résulterait d'une impossibilité, tenant notamment à l'opposition du propriétaire de cet immeuble à ce que la société pétitionnaire y réalise des prises de vue, les requérants sont fondés à soutenir que l'étude paysagère est insuffisante en ce qu'elle ne comporte pas de photomontages permettant d'apprécier l'impact visuel du projet sur le château d'Etrabonne. Cette insuffisance a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population, de sorte qu'elle entache d'irrégularité l'autorisation délivrée.
En ce qui concerne l'avis de l'autorité environnementale :
7. D'une part, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " (...) II. - Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. / (...) / III. - L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après "étude d'impact", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage. (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version applicable au litige, l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre chargé de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé.
8. Aux termes du I de l'article R. 122-21 du code de l'environnement : " La personne publique responsable de l'élaboration ou de l'adoption du plan, schéma, programme ou document de planification transmet pour avis à l'autorité définie au III de l'article R. 122-17 le dossier comprenant le projet de plan, schéma, programme ou document de planification, le rapport sur les incidences environnementales ainsi que les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables et qui ont été rendus à la date de la saisine. Lorsque l'autorité environnementale est la mission régionale d'autorité environnementale, ces éléments sont transmis au service régional chargé de l'environnement (appui à la mission régionale d'autorité environnementale) qui prépare et met en forme toutes les informations nécessaires pour que la mission régionale puisse rendre son avis. ". L'article R. 122-24 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " Dans chaque région, la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement selon les modalités prévues aux articles R. 122-17 et suivants du présent code et R. 104-19 et suivants du code de l'urbanisme. Pour l'exercice de cet appui, par dérogation à l'article 2 du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, (...) les agents de ce service sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale. " Enfin, le dernier alinéa de l'article 3 du décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Dans chaque région, la mission régionale bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement dans les conditions fixées à l'article R. 122-24 du code de l'environnement ".
9. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la mission régionale d'autorité environnementale est une entité administrative de l'État, dont les membres sont nommés à raison de leurs compétences en matière d'environnement et de leur connaissance spécifique des enjeux environnementaux de la région concernée, séparée de l'autorité compétente pour autoriser un projet et qui dispose d'une liberté de décision pour exercer sa mission consultative d'autorité environnementale. Par ailleurs, si elle s'appuie à cette fin sur le " service régional chargé de l'environnement (appui à la mission régionale d'autorité environnementale) " pour l'instruction des demandes d'avis, constitué, en vertu des articles 1er et 2 du décret du 27 février 2009, au sein de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, qui exerce ses missions sous l'autorité du préfet de région, il résulte des dispositions précitées que le service ainsi spécialement désigné pour l'appui à la mission régionale d'autorité environnementale doit disposer de moyens humains et administratifs dédiés à cette mission. Enfin, il résulte également des dispositions précitées que ce service est placé sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale pour l'exercice de cette mission. La mission régionale d'autorité environnementale doit être regardée, dans ces conditions, comme disposant d'une autonomie réelle, la mettant en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis.
10. D'autre part, l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.
11. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département, l'avis rendu sur le projet par la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, définie par le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l'environnement, doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a à la fois instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.
12. Il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation présentée par la société Doubs Ouest Energies 2 a été instruite, pour le compte du préfet du Doubs, par l'unité départementale Haute-Saône, Centre et Sud Doubs de la DREAL Bourgogne-Franche-Comté. L'avis rendu par la MRAe, le 27 mars 2018, mentionne qu'il a été préparé par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté. La société pétitionnaire fait valoir, en produisant au dossier une convention de 2016 entre la MRAe de la région Bourgogne-Franche-Comté et la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, que l'avis a été préparé, au sein de la DREAL, par le département " évaluation environnementale ", qui a spécifiquement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales et correspond au service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement. S'il résulte de la convention de 2016 entre la MRAe et la DREAL, dont il n'est pas établi qu'elle n'était plus en vigueur au jour de l'avis du 27 mars 2018, que plusieurs agents du département " évaluation environnementale ", soit le service spécialement désigné pour appuyer la mission régionale d'autorité environnementale, ont bien été placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la MRAe lorsqu'ils préparent les avis de l'autorité environnementale pour le compte de la MRAe, la directrice régionale adjointe référente du service développement durable et aménagement a également été visée par cette convention comme pouvant participer à la préparation des avis de l'autorité environnementale pour le compte de la MRAe. La présence de la directrice régionale adjointe référente du service développement durable et aménagement, qui est la supérieure hiérarchique des agents du département " évaluation environnementale " et dont, au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ne serait pas également la supérieure hiérarchique des agents de l'unité départementale Haute-Saône, Centre et Sud Doubs, s'oppose à ce que le service d'appui à la mission régionale d'autorité environnementale ainsi constitué puisse être regardé comme disposant d'une autonomie réelle au sens de la directive 13 décembre 2011. A défaut d'élément au dossier permettant de s'assurer de ce que la directrice adjointe n'a pas participé à la préparation de l'avis du 27 mars 2018, les requérants sont fondés à soutenir que l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier.
13. L'évaluation environnementale a pour objet d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement afin de respecter notamment les objectifs de la directive du 13 décembre 2011 précitée. Compte tenu du rôle joué par l'autorité environnementale au début du processus d'évaluation, de l'autonomie dont cette autorité doit disposer et de la portée de l'avis qu'elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre les objectifs en question. En l'espèce, compte tenu des conditions dans lesquelles l'avis a été émis, cette garantie ne peut être regardée comme ayant été assurée et, en particulier, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre autorité disposant d'une autonomie réelle aurait rendu un avis sur l'étude d'impact du projet.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 13 que l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale entache d'illégalité l'arrêté du 23 novembre 2018.
En ce qui concerne la constitution des garanties financières :
15. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation (...) est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation. II. - Un arrêté du ministre chargé de l'environnement fixe, en fonction de l'importance des installations, les modalités de détermination et de réactualisation du montant des garanties financières qui tiennent notamment compte du coût des travaux de démantèlement. (...) ". L'annexe I de l'arrêté du 26 août 2011 modifié par l'arrêté du 22 juin 2020, applicable depuis le 1er juillet 2020 sur ce point, fixe le montant de la garantie par aérogénérateur à 50 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 mégawatt (MW). Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est de 50 000 euros + 10 000 * (P-2), P étant la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt, lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW. Ce montant est assorti d'une formule d'actualisation fixée à l'annexe II de l'arrêté du 26 août 2011 modifié.
16. En se bornant à faire référence au coût estimé pour un autre projet de parc éolien ou à un rapport rendu récemment par le Conseil général de l'environnement et du développement durable, les requérants n'apportent aucun élément permettant de considérer que les dispositions introduites par l'arrêté du 22 juin 2020 ou celles de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 seraient entachées d'illégalité en ce qu'il module le montant de la garantie exigée au regard de la puissance unitaire de l'aérogénérateur et que le montant des garanties financières exigé par les nouvelles dispositions, qui prend en compte les bénéfices liés à la revente des matériaux, ne serait pas suffisant pour assurer le démantèlement des installations et la remise en état de leur site d'implantation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 26 août 2011 modifié est illégal et que, par voie de conséquence, l'autorisation en litige aurait dû fixer ce coût unitaire à un montant supérieur à celui qui a été retenu.
17. Il résulte de l'instruction que le montant initial des garanties financières fixé à 419 010 euros par l'article 2.2 de l'arrêté attaqué, a été calculé conformément aux dispositions de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral, sur la base d'un coût forfaitaire de 50 000 euros, par éolienne, quelle que soit sa puissance. Ces dispositions ayant, toutefois, été abrogées par l'arrêté du 22 juin 2020 précité et remplacées, s'agissant des éoliennes d'une puissance supérieure à 2 MW, comme en l'espèce, par un coût variable selon leur puissance, calculé ainsi qu'il a été dit au point 15, le montant initial des garanties financières de 419 090 euros fixé à l'article 2.2 de l'arrêté attaqué est insuffisant au regard des dispositions désormais applicables. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que les garanties financières fixées par l'arrêté sont insuffisantes dans la mesure où elles sont inférieures au montant résultant de l'annexe I de l'arrêté du 11 août 2011 modifié le 22 juin 2020.
En ce qui concerne l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière :
18. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. ".
19. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision ".
20. Il résulte de l'article L. 600-12-1 que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraîne pas l'illégalité des autorisations délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger.
21. Par un mémoire enregistré le 29 avril 2019, les requérants ont soulevé le moyen, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière avec le projet éolien Doubs Ouest Energies 2, au motif qu'elle n'a pas été précédée d'une enquête environnementale. Ce moyen a été présenté avant l'expiration du délai de six mois à compter de la prise d'effet de ce document, qui n'a pu débuter qu'à compter de la transmission au préfet le 30 octobre 2019 de la délibération du conseil municipal de Lantenne-Vertière du 26 octobre 2018 portant mise en compatibilité du règlement du plan local d'urbanisme.
22. L'article L. 300-1 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa version applicable, que : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction. (...) / Lorsque l'action, l'opération d'aménagement ou le programme de construction est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement, les dispositions nécessaires pour mettre en compatibilité les documents d'urbanisme ou pour adapter les règlements et servitudes mentionnés au deuxième alinéa font l'objet d'une évaluation environnementale, au sens de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique, d'une procédure intégrée en application de l'article L. 300-6-1 ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. (...) ". Aux termes de l'article R. 104-8 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Les plans locaux d'urbanisme font l'objet d'une évaluation environnementale à l'occasion : / 1° De leur élaboration, de leur révision ou de leur mise en compatibilité dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique ou d'une déclaration de projet, s'il est établi, après un examen au cas par cas, que ces procédures sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement au sens de l'annexe II de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ; / 2° De leur révision, de leur modification ou de leur mise en compatibilité dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique ou d'une déclaration de projet lorsqu'elle permet la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000 ; / 3° De leur mise en compatibilité dans le cadre d'une procédure intégrée en application de l'article L. 300-6-1, si l'étude d'impact du projet n'a pas inclus l'analyse de l'incidence de ces dispositions sur l'environnement ".
23. La mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière dans le cadre de la déclaration de projet du parc éolien porté par la société Doubs Ouest Energies 2 a, d'une part, eu pour objet de modifier la réglementation applicable à la zone A. Elle a ainsi permis l'implantation des installations classées pour la protection de l'environnement sur l'ensemble de la zone A, alors que seules les installations classées agricoles étaient préalablement autorisées dans cette zone. De plus, les articles A8 et A10 ont été modifiés afin que les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêts collectifs destinées à la production d'énergies renouvelables puissent être réalisées sans contrainte de hauteur ou de distance avec les bâtiments tiers. D'autre part, la mise en compatibilité a également conduit à ce que la réglementation applicable au secteur N-y soit adaptée. Alors qu'en ce secteur, seules les activités d'extraction de matériaux, les remblais et déblais nécessités par ces travaux et les aires de stockage étaient réalisables, l'article N2 tel que modifié par la délibération du 26 octobre 2018 autorise désormais l'implantation des constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêts collectifs destinées à la production d'énergies renouvelables, dès lors qu'elles sont compatibles avec l'exercice de l'activité d'extraction et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. Les règles relatives aux accès, aux implantations des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et enfin aux hauteurs des constructions dans la zone N ont été modifiées pour intégrer des dérogations pour ces mêmes constructions et installations de production d'énergies renouvelables. Eu égard à l'importance de ces modifications et au fait qu'elles ont notamment des effets s'étendant sur toute la zone A, hors secteurs soumis à des règles spécifiques, et qui dépassent le périmètre du seul projet porté par la société Doubs Ouest Energies 2, il résulte de l'instruction que la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière est susceptible d'avoir des incidences notables sur l'environnement au sens de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001 précitée et aurait dû être précédée d'une évaluation environnementale. Ce vice a privé les intéressés d'une garantie, alors même que l'autorisation environnementale a fait l'objet, en ce qui la concerne, d'une étude d'impact environnemental, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, les effets de la mise en compatibilité affectent un périmètre plus large que celui correspondant strictement au terrain d'assiette du projet de parc éolien. Ce vice entache donc d'illégalité la délibération du 26 octobre 2018. Cette illégalité est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation litigieuse, dès lors, alors même qu'il s'agit d'un vice de légalité externe, qu'elle a exercé une influence directe sur les règles d'urbanisme applicables au projet de la société Doubs Ouest Energies 2.
24. Il peut être utilement soutenu devant le juge qu'une autorisation unique valant permis de construire d'exploiter une installation classée a été délivrée sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal qu'à la condition que le requérant justifie non seulement de l'illégalité du document d'urbanisme en vigueur, mais également de ce que l'autorisation méconnaît les dispositions d'urbanisme remises en vigueur du fait de la constatation de cette illégalité. A ce titre, l'ensemble des prescriptions d'un plan local d'urbanisme s'imposent aux autorisations uniques en tant qu'elles valent permis de construire. En revanche, si les plans locaux d'urbanisme sont opposables aux autorisations d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, qui reprend à cet égard le principe qui avait été exprimé, notamment, à l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, devenu son article L. 152-1, seules les conditions d'utilisation et d'occupation des sols et les natures d'activités interdites ou limitées s'imposent aux autorisations uniques en tant qu'elles valent autorisation d'exploiter une installation classée pour l'environnement.
25. Le règlement du plan local d'urbanisme de Lantenne-Vertière prévoyait, préalablement à sa modification par la délibération du 26 octobre 2018, en son article A1, une interdiction générale de toute implantation sur l'ensemble de la zone A des installations classées pour l'environnement autres qu'agricoles. Contrairement à d'autres installations interdites par l'article A1, il n'était prévu aucune dérogation à l'interdiction des installations classées par l'environnement autres qu'agricoles par l'article A2 du même règlement. L'implantation des éoliennes E3, E4, E6, E7 et E8 en zone A du territoire de la commune de Lantenne-Vertière, ne respectait ainsi pas les conditions d'utilisation et d'occupation des sols prescrites par le plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière avant sa modification par la délibération du 26 octobre 2018.
26. De plus, les éoliennes E3, E4, E6, E7 et E8, qui doivent être implantées en zone A, ainsi que l'éolienne E5, qui doit être implantée en zone N, sont d'une hauteur de 150 mètres, alors que l'article A10 du règlement du plan local d'urbanisme interdisait, préalablement à sa modification par la délibération du 26 octobre 2018, toute construction supérieure à 10 mètres sur cette zone et que l'article N10 du même règlement interdisait sur la zone N toute construction dépassant une hauteur de 3,50 mètres. Par suite, les éoliennes E3 à E8 méconnaissaient les règles de hauteur du plan local d'urbanisme préalablement à sa modification par la délibération du 26 octobre 2018. Si le juge de plein contentieux ne saurait opposer les règles d'un plan local d'urbanisme relatives à la hauteur des constructions et installations à l'autorisation unique en tant qu'elle vaut autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement, la cour peut néanmoins, en tant que juge de l'excès de pouvoir, opposer ces prescriptions à l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire.
27. Il résulte de ce qui précède que le projet litigieux n'est pas conforme aux règles d'urbanisme remises en vigueur en raison de l'illégalité de la mise en compatibilité. Les requérants sont donc fondés à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité du règlement local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière dans sa rédaction résultant de cette mise en compatibilité. Cette illégalité affecte l'autorisation unique en tant qu'elle autorise l'exploitation et la construction des éoliennes E3, E4, E6, E7 et E8 et affecte l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire pour l'éolienne E5.
28. Aucun autre moyen ne paraît susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté litigieux.
Sur la mise en œuvre de la procédure prévue au 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :
29. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement issu de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, applicable à compter du 31 mars 2017 : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".
30. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté est entaché d'un vice résultant de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale, d'un vice résultant de l'insuffisante présentation des capacités financières, d'un vice affectant le volet paysager de l'étude d'impact, d'un vice tiré de l'insuffisance du montant des garanties financières imposées par l'arrêté et enfin d'un vice résultant de l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière.
31. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune de Lantenne-Vertière n'est pas régularisable. Ce moyen, qui affecte la légalité de l'autorisation en tant qu'elle autorise l'exploitation et la construction de cinq des huit éoliennes du projet et qui affecte également l'autorisation spécifiquement en tant qu'elle vaut permis de construire pour l'éolienne E5, ne saurait non plus conduire à une annulation partielle de l'arrêté sauf à revoir l'économie générale du projet. Par suite, alors même que les autres moyens retenus sont régularisables, ce moyen s'oppose à ce que soit mise en œuvre la procédure prévue aux 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.
Sur les frais liés à l'instance :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle ce à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Doubs Ouest Energies 2 demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 23 novembre 2018 du préfet du Doubs est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. J... K... et autres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Doubs Ouest Energies 2 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... K... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Doubs Ouest Energies 2 et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Besançon.
N° 19NC00868 2