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30/06/2021 | FRANCE | N°19NC00628

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 30 juin 2021, 19NC00628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Toul a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté interministériel du 22 novembre 2016 rejetant la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qu'elle avait présentée à la suite des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er mai au 30 septembre 2015, ensemble la décision du 9 mai 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux et les décisions implicites nées du

silence gardé par le ministre l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Toul a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté interministériel du 22 novembre 2016 rejetant la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qu'elle avait présentée à la suite des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er mai au 30 septembre 2015, ensemble la décision du 9 mai 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux et les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics sur les recours gracieux dont elle les avait saisis, de faire usage, si nécessaire, des prérogatives que lui confère l'article R. 624-1 du code de justice administrative en désignant un expert pour vérifier l'authenticité de la pièce adverse intitulée " liste d'émargement ", d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701632 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2019, la commune de Toul, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701632 du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2018 ;

2°) de faire droit aux conclusions présentées par elle devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le tribunal a méconnu les dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, en ordonnant, le 13 novembre 2018, la clôture immédiate de l'instruction, sans avoir préalablement informé les parties de la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close ;

- il a méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative en ne communiquant pas ses mémoires des 29 octobre et 13 novembre 2018, alors que ceux-ci comportaient, respectivement, des conclusions nouvelles et un moyen nouveau ;

- il a méconnu le principe du contradictoire et les règles relatives à son office, en répondant au moyen soulevé dans son mémoire en date du 13 novembre 2018, sans avoir communiqué ce mémoire, alors que l'examen du bien-fondé du moyen en cause impliquait la production, par les ministres, du dossier que leur avait transmis le préfet de Meurthe-et-Moselle ;

- il a, d'une part, méconnu le principe du contradictoire et les règles relatives à son office et, d'autre part, relevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, en jugeant qu'il résultait de la feuille de présence de la commission interministérielle, alors même que cette pièce n'avait pas été versée au dossier, que l'un des représentants du ministère de l'économie et des finances était issu d'un service chargé des assurances, sans soumettre ce moyen de défense à ses observations ;

- il a renversé la charge de la preuve en jugeant qu'elle n'apportait pas d'éléments permettant d'établir le bien-fondé de son moyen tiré de l'absence de preuve du caractère complet du dossier transmis aux ministres par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;

- il a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de l'absence de preuve du caractère complet du dossier transmis aux ministres par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- en application de l'article L. 125-1 du code des assurances, l'arrêté contesté devait, à peine d'irrégularité, être assorti d'une motivation lors de sa transmission ; tant la notification de l'arrêté que l'arrêté lui-même étaient insuffisamment motivés ;

- les critères d'appréciation mis en oeuvre par les ministres auteurs de l'arrêté contesté, ne leur ont pas permis de constater, de manière objective et précise, le caractère anormal de l'intensité du phénomène naturel en cause ;

- les ministres n'ont pas procédé à un examen particulier de sa situation, puisque la période analysée ne correspond pas à la période figurant dans le formulaire de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ;

- les ministres ont commis une erreur dans leur appréciation de l'intensité du phénomène naturel ;

- en caractérisant l'intensité du phénomène naturel après avoir examiné séparément et non globalement la sécheresse et la réhydratation, les ministres ont commis une erreur de droit et méconnu l'article L. 125-1 du code des assurances ;

- outre les moyens qui précèdent, elle entend reprendre l'ensemble des moyens qu'elle a soulevés devant le tribunal administratif de Nancy.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Toul la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984 ;

- l'arrêté du 23 novembre 2016 portant organisation et attributions de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Toul.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 novembre 2016, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics ont rejeté la demande présentée par la commune de Toul tendant à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en raison de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er mai au 30 septembre 2015. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de la commune de Toul tendant à l'annulation de cet arrêté interministériel ainsi que de la décision du ministre de l'intérieur du 9 mai 2017 rejetant son recours gracieux et des décisions implicites nées du silence gardé par le ministre l'économie et des finances et le secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics sur les recours gracieux dont elle les avait également saisis. La commune de Toul relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Tant le principe du caractère contradictoire de la procédure que la nécessité de mettre le juge d'appel à même d'exercer son contrôle sur les motifs de la décision juridictionnelle attaquée se prononçant sur les faits de l'espèce, impliquent que le juge administratif ne puisse statuer qu'au vu des pièces qui ont été régulièrement versées au dossier de l'instance en cause et communiquées aux parties.

3. Il ressort des énonciations mêmes du jugement attaqué que pour rejeté la demande d'annulation de l'arrêté interministériel du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur la liste d'émargement de la réunion du 15 novembre 2016 de la commission interministérielle relative à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles, en retenant qu'il était constant que cette liste attestait de la régularité de la composition de la commission précitée suivant les dispositions de la circulaire du 27 mars 1984. Il ressort cependant des pièces du dossier qui ont été soumis au juge de première instance que cette liste d'émargement n'avait pas été versée dans la procédure ni, par conséquent communiqué à la commune de Toul dans le cadre de l'instruction contradictoire de l'affaire. Le ministre produit cette liste pour la première fois en appel. La circonstance que d'autres communes requérantes contestant le même arrêté aient vu leur affaire présentée à la même audience et alors même que ces communes requérantes se sont vu opposer la liste d'émargement, que cette dernière ait pu être débattue lors de l'audience du 4 décembre ; cette circonstance ne dispensait pas le juge, s'il estimait utile de se fonder sur cet élément, d'en solliciter la production officielle au dossier de l'instance et d'en assurer la communication à la commune de Toul. A défaut de l'avoir fait, les juges ont méconnu le principe selon lequel le juge administratif ne peut statuer qu'au vu des pièces qui ont été versées au dossier et communiquées aux parties. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens propres à la régularité du jugement, la commune de Toul est fondée à demander l'annulation de son jugement.

4 Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Toul.

Sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nancy :

En ce qui concerne l'arrêté du 22 novembre 2016 :

S'agissant de la légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° (...) les directeurs d'administration centrale, (...) et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ; ".

6. M. F... G..., M. E... A... et M. H... D..., cosignataires de l'arrêté du 22 novembre 2016, ont été respectivement nommés dans les fonctions de directeur général de la sécurité civile au ministère de l'intérieur, de sous-directeur des assurances au ministère de l'économie et sous-directeur de la 5ème sous-direction de la direction du budget par arrêté du 31 juillet 2014, 12 novembre 2013 et 4 mars 2011, publiés au Journal officiel de la République française des 2 août 2014, 14 novembre 2013 et 6 mars 2011. Il en résulte qu'ils étaient compétents pour signer, chacun au nom du ministre dont ils relèvent, l'arrêté litigieux qui entrait dans le champ des compétences des services placés sous leur autorité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Cet article n'impose pas de motiver les décisions par lesquelles les ministres compétents statuent sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle présentées par les communes, qui, si elles ne revêtent pas un caractère règlementaire, comme l'indique la commune requérante, ne constituent pas non plus des décisions individuelles. Par suite, celle-ci ne saurait utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration.

8. En outre, si l'article L. 125-1 du code des assurances dispose que " L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel (...) Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation (...) ", ces dispositions, relative aux conditions de notification de l'arrêté statuant sur la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, n'imposent pas une motivation en la forme de cet arrêté comme une condition de légalité de ce dernier. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

9. En troisième lieu, dans son mémoire enregistré le 13 novembre 2018, la commune requérante a soulevé, pour la première fois devant les premiers juges, un moyen tiré de ce qu'il n'était pas établi que le dossier adressé par le préfet de Meurthe-et-Moselle aux ministres compétents aurait été composé conformément aux dispositions de la circulaire du 19 mai 1998 relative à la constitution des dossiers concernant les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Toutefois, les dispositions de cette circulaire, adressées aux seuls services des préfectures et relatives aux pièces devant être produites par ces services à l'appui des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, constituent des mesures d'organisation du service dont les communes auteures de telles demandes n'ont pas la possibilité d'invoquer les dispositions. Le moyen soulevé par la commune requérante dans son mémoire enregistré le 13 novembre 2018 était, ainsi, inopérant. Par suite, et alors même que le tribunal, en ne communiquant pas ce mémoire, n'a pas permis que les ministres compétents apportent la preuve que le préfet de Meurthe-et-Moselle leur avait transmis un dossier conforme à la circulaire en cause, ce défaut de communication n'a, en tout état de cause, pas préjudicié aux droits des parties. Par suite, le moyen sera écarté.

10. En quatrième lieu, d'une part, en l'absence d'indications sur l'organisation de la procédure à suivre pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 125-1 précitées du code des assurances, il revenait aux ministres, même en l'absence de texte, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement des administrations placées sous leur autorité et d'établir, dans le respect des règles générales fixées par ces mêmes dispositions, les modalités d'examen des demandes qui leur seraient adressées. A ce titre, la circulaire interministérielle du 27 mars 1984 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles précise les conditions d'examen des demandes de reconnaissance d'une catastrophe naturelle, et, notamment l'organisation de la commission chargée d'émettre pour les ministres un avis consultatif sur le caractère de catastrophe naturelle.

11. D'autre part, dans le cas où, sans y être légalement tenue, elle sollicite l'avis d'un organisme consultatif, l'administration doit procéder à cette consultation dans des conditions régulières. Aux termes du titre 4 de la circulaire susvisée du 27 mars 1984 : " (...) Le ministre de l'intérieur (...) saisit la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle. / Cette commission est composée : / - d'un représentant du ministère de l'intérieur (...), appartenant à la direction des assurances / d'un représentant du ministère de l'économie, des finances et du budget, appartenant à la direction des assurances ; / d'un représentant du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget, appartenant à la direction du budget (...) ". Comme il a été précisé au point 3., il ressort des pièces du dossier que la commission interministérielle relative à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles s'est réunie le 15 novembre 2016 pour émettre un avis sur la situation de la commune requérante et le ministre de l'intérieur a produit en défense la liste d'émargement qui atteste, à défaut d'une contestation utile de son authenticité, de la présence de représentants des ministères de l'intérieur et de l'économie et des finances affectés dans des services chargés, à la date de la décision attaquée, soit des assurances, soit de la direction du budget et, par suite, de la conformité de la composition de cette commission aux dispositions de la circulaire susvisée. Dès lors, les moyens tirés de l'existence d'un vice de procédure et de l'irrégularité de la composition de cette commission doivent être écartés.

12. En dernier lieu, les conditions de publication d'une décision administrative sont, en principe, sans incidence sur sa légalité, laquelle s'apprécie à la date de son édiction. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances n'ont ni pour objet ni pour effet de prévoir à peine d'irrégularité de la décision la publication au Journal officiel de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans le délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. Il suit de là que la circonstance que l'arrêté attaqué a été publié plus de trois mois après le dépôt à la préfecture de la demande de reconnaissance établie par le maire de la commune requérante est sans incidence sur la légalité dudit arrêté.

S'agissant de la légalité interne :

13. Les ministres compétents peuvent légalement, même en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant, s'appuyer sur des méthodologies et paramètres scientifiques, sous réserve que ceux-ci apparaissent appropriés, en l'état des connaissances, pour caractériser l'intensité des phénomènes en cause et leur localisation, qu'ils ne constituent pas une condition nouvelle à laquelle la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle serait subordonnée ni ne dispensent les ministres d'un examen particulier des circonstances propres à chaque commune.

14. Pour statuer sur les dossiers de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, les ministres compétents se fondent depuis 2009 sur une nouvelle méthode de modélisation des bilans hydriques des sols argileux mise au point par Météo France qui, utilisant l'ensemble des données pluviométriques présentes dans la base de données climatologiques, modélise plus finement le bilan hydrique de l'ensemble de la France métropolitaine à l'aide d'une grille composée de 8 977 mailles carrées de seulement 8 km de côté. Les critères du modèle ont fait l'objet d'une adaptation en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques et permettent d'intégrer avec une plus grande précision un paramètre de teneur en eau des sols mesuré par l'index SWI (Soil Wetness Index), pour ne pas s'en tenir aux seuls critères météorologiques de pluviométrie. Ainsi le phénomène de sécheresse " hivernale " est considéré comme revêtant une intensité anormale lorsque l'indice d'humidité du sol est, sur une période de dix jours pendant le 1er trimestre de l'année civile correspondant au trimestre dit de fin de recharge, inférieure à 80 % de la normale. Le phénomène de sécheresse " estivale " est, quant à lui, considéré comme revêtant une intensité anormale par application de deux critères qui sont alternatifs. Une sécheresse estivale revêt une intensité anormale lorsque l'indice moyen d'humidité du sol au cours du troisième trimestre de l'année civile est inférieur à 70 % de son niveau habituel et que le nombre de décades au cours desquelles le niveau d'humidité du sol superficiel est inférieur à ce seuil est l'une des trois périodes les plus longues constatées sur la période 1989-2015. Si ce premier critère n'est pas rempli, l'intensité anormale d'une sécheresse estivale peut également être caractérisée lorsque l'indice d'humidité du sol des neuf décades composant la période de juillet à septembre de l'année considérée est si faible que le temps de retour à la normale de la moyenne des indices SWI représente au moins 25 années. Ces critères sont de nature à identifier une sécheresse d'une intensité anormale et répondent, par suite, aux objectifs posés à l'article L. 125-1 du code des assurances.

15. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les ministres auteurs de l'arrêté du 22 novembre 2016 ont fait application, à la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle présentée par la commune requérante, de la méthode décrite au point précédent. Il ne ressort d'aucun élément versé au dossier que, ce faisant, les ministres n'auraient pas procédé à un examen particulier de la situation de la commune, notamment des faits et des arguments qu'elle avait fait valoir ou, d'une manière générale, auraient méconnu l'étendue de leur compétence. Si la méthode appliquée pour déterminer l'intensité du phénomène de sécheresse et de réhydratation comporte la prise en compte d'un critère dit " hivernal ", fondé sur un indice d'humidité du sol superficiel, calculé sur une période susceptible de s'étendre sur quatre trimestres consécutifs, il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutient la commune requérante, que la période analysée par les ministres compétents ne correspondrait pas à celle figurant dans le formulaire de demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

16. En deuxième lieu, la commune requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que les paramètres retenus par les ministres seraient inappropriés, en l'état des connaissances disponibles, pour caractériser l'intensité et l'anormalité des phénomènes en cause et leur localisation. La seule circonstance que les méthodes utilisées aient varié dans le temps, au demeurant pour prendre en compte, dans le dernier état de la méthode retenue, une modélisation plus fine du bilan hydrique de l'ensemble de la France métropolitaine, associée à la prise en compte d'un double critère, météorologique et géotechnique, n'est pas de nature à elle seule à mettre en cause la capacité de cette méthode à rendre compte de cette intensité et de cette anormalité.

17. En troisième lieu, il appartenait aux ministres compétents d'apprécier le caractère anormal de l'intensité des phénomènes de sécheresse et de réhydratation des sols à l'origine de mouvements de terrain différentiels en 2015 sur le territoire de la commune requérante. A cette fin, ainsi qu'il a été dit précédemment, ils pouvaient légalement s'appuyer sur les résultats des travaux de Météo France et notamment sur la méthodologie, dénommée " SIM ", prenant notamment en compte deux paramètres scientifiques cumulatifs, météorologique et géotechnique. Selon cette méthode, l'intensité anormale du phénomène en cause est appréciée au regard, d'une part, de l'importance inhabituelle de la sécheresse au regard des critères évoqués précédemment, et, d'autre part, de la présence éventuelle de sols argileux susceptibles, par effet de rétractation puis de gonflement, de provoquer des mouvements de terrain. En subordonnant la caractérisation de l'intensité anormale du phénomène naturel à la réunion de ces deux conditions, cette méthode ne méconnaît pas les conditions fixées par l'article L. 125-1 du code des assurances à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que les ministres compétents, qui ont appliqué cette méthode, auraient commis une erreur de droit en examinant séparément et non globalement les deux agents naturels que constituent le phénomène de sécheresse et celui de réhydratation.

18. En quatrième lieu, ni l'étendue géographique du phénomène naturel, ni l'ampleur des dommages causés ne sont des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, qui n'est caractérisé que par l'intensité et l'anormalité du phénomène naturel. Dès lors, en se bornant à faire état des dégâts matériels relevés sur le territoire de la commune à la suite de l'épisode de sécheresse de 2015 ou de la reconnaissance par l'Etat de l'état de calamité agricole, la commune requérante n'établit pas qu'en estimant le phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols constatée sur son territoire en 2015 ne revêtait pas un caractère d'intensité anormale, les ministres compétents auraient entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés auprès du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics :

19. Il y a lieu d'écarter les moyens dirigées contre les décisions implicites de rejet des recours gracieux adressés au ministre de l'économie et des finances et au secrétaire d'Etat au budget et aux comptes publics, tirés de leur incompétence négative, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 13, 15 et 16.

En ce qui concerne la décision expresse de refus du ministre de l'intérieur :

20. Par sa décision de rejet du recours gracieux formé contre l'arrêté interministériel du 22 novembre 2016, le ministre de l'intérieur ne peut pas être regardé comme ayant entendu retirer ou modifier cet arrêté et n'a pas eu à se prononcer au vu de circonstances de fait ou de droit nouvelles. La commune requérante n'étant pas fondée, ainsi qu'il résulte des points 5 à 16 du présent arrêt, à demander l'annulation de cet arrêté, les conclusions tendant à l'annulation de la décision rejetant le recours gracieux doivent dès lors être également rejetées, sans que la commune puisse utilement se prévaloir des vices propres dont cette décision serait entachée.

21. Il résulte de ce qui précède que la commune requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

23. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de la commune requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy n° 1701632 du 31 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Toul, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de l'économie et des finances.

2

N° 19NC00628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00628
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

12-02 Assurance et prévoyance. Contrats d'assurance.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LOCTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-30;19nc00628 ?
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