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11/06/2020 | FRANCE | N°19NC00343

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 11 juin 2020, 19NC00343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA le Coin du Feu a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement l'Etat et la commune de Ruvigny à lui verser la somme de 817 026,29 euros en réparation des préjudices résultant de l'adoption de la carte communale.

Par un jugement no 1700977 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC00343 le 1er février 2019, la SA Le C

oin du Feu, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700977...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA le Coin du Feu a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement l'Etat et la commune de Ruvigny à lui verser la somme de 817 026,29 euros en réparation des préjudices résultant de l'adoption de la carte communale.

Par un jugement no 1700977 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC00343 le 1er février 2019, la SA Le Coin du Feu, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700977 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du Châlons-en-Champagne du 20 décembre 2018 ;

2°) de condamner conjointement et solidairement l'Etat et la commune de Ruvigny à lui verser la somme de 817 026,29 euros en indemnisation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnisation ;

3°) subsidiairement, de condamner conjointement et solidairement l'Etat et la commune de Ruvigny à lui verser la somme de 408 513,14 euros au même titre, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnisation ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Ruvigny la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Etat et la commune de Ruvigny ont engagé leur responsabilité sans faute à raison du préjudice anormal et spécial résultant de l'exclusion de la parcelle cadastrée n° ZA 75 de la zone constructible définie par la carte communale de Ruvigny ;

- les dommages subis, qui découlent de l'impossibilité de réaliser l'opération projetée, résultent de la modification des règles d'urbanisme et non de la demande de retrait du permis d'aménager précédemment obtenu ;

- elle a droit à être indemnisée au titre du préjudice anormal et exorbitant correspondant à l'achat du terrain, aux travaux de fouille archéologique déjà réalisés, aux honoraires et aux frais annexes exposés pour la réalisation de l'opération ;

- subsidiairement, si la cour devait retenir un partage de responsabilité, la part lui incombant ne saurait excéder 50 % du dommage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2019, la commune de Ruvigny, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SA Le Coin du Feu en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'approbation de la carte communale n'a pas causé à la SA Le Coin du Feu une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

- ni la commune ni l'Etat ne sont responsables du dommage subi par la SA Le Coin du Feu, celui-ci trouvant son origine dans le renoncement au projet d'aménagement entériné par l'arrêté du 17 novembre 2011 retirant le permis de construire et dans l'imprudence de la requérante qui a engagé les frais.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2020, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte aux observations formulées par le préfet de l'Aube en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de M. B..., directeur général de la SA Le Coin du Feu.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 19 juin 2015, le conseil municipal de Ruvigny a prescrit l'élaboration d'une carte communale, en remplacement du plan d'occupation des sols. Par une délibération 9 décembre 2016, il a approuvé ce document qui a ensuite également été approuvé par arrêté du préfet de l'Aube du 17 janvier 2017. La SA Le Coin du Feu, propriétaire d'une parcelle cadastrée n° ZA 75 et classée en zone inconstructible de la carte communale, fait appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Ruvigny et de l'Etat à lui verser une somme de 817 026,29 euros en réparation des préjudices résultant de ce classement.

2. Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones./ Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu. ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, elles ne font pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

3. En l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme en sa rédaction issue de l'article 135 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, le plan d'occupation des sols de la commune de Ruvigny est devenu caduc le 1er janvier 2016. Il résulte de l'instruction que, pour délimiter les zones constructibles de la carte communale, la commune de Ruvigny a tenu compte des objectifs, définis par le rapport de présentation, de développement urbain raisonné et de limitation de la consommation de l'espace et a, à cet égard, privilégié l'urbanisation des dents creuses. Il résulte encore de l'instruction que la parcelle n° ZA 75 se situe également à la périphérie de l'enveloppe urbaine et que seules ses parties sud et est sont bordées par des constructions, alors que la seule voie susceptible de desservir cette parcelle d'une contenance importante présente une largeur de 2,5 mètres. Il s'ensuit que le classement de la parcelle en zone inconstructible doit être regardé comme répondant à un objectif d'intérêt général.

4. Si la SA Le Coin du Feu soutient qu'elle est en droit de prétendre à une indemnisation tenant compte du coût d'acquisition du terrain, des frais de fouille archéologique qu'elle a exposés, et des honoraires versés en vue de l'établissement de la demande de permis d'aménager et de frais annexes, elle n'établit pas que l'impossibilité de réaliser l'opération immobilière envisagée aurait diminué la valeur vénale du terrain, alors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a demandé en 2011 le retrait du permis d'aménager qu'elle avait obtenu le 7 novembre 2008, en raison de l'impossibilité à cette date de réaliser l'opération dans des conditions financièrement avantageuses. Par suite, la SA Le Coin du Feu ne peut être regardée comme ayant subi, du fait du classement en litige, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'intérêt général poursuivi et de nature à justifier qu'elle bénéficie, de la part de la commune de Ruvigny et de l'Etat, de l'indemnisation prévue dans les conditions énoncées au point 2 ci-dessus.

5. Il résulte de ce qui précède que la SA Le Coin du Feu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Ruvigny, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes que la SA Le Coin du Feu demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SA Le Coin du Feu le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Ruvigny et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SA Le Coin du Feu est rejetée.

Article 2 : La SA Le Coin du Feu versera à la commune de Ruvigny la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Le Coin du Feu, au ministre de l'intérieur et à la commune de Ruvigny.

N° 19NC00343 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00343
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP CHOFFRUT-BRENER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-06-11;19nc00343 ?
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