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21/03/2022 | FRANCE | N°19MA02717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 21 mars 2022, 19MA02717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Garrigues arquettoises a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 1er mars 2016 du conseil municipal d'Arquettes-en-Val et de condamner la commune à lui verser les sommes de 50 418,17 euros, de 1 885 euros par mois à compter du mois de novembre 2016, et de 15 euros par jour à compter du 24 octobre 2016, en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de raccordement d'un atelier de découpe au réseau public de distribution d'électricité.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC des Garrigues arquettoises a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la délibération du 1er mars 2016 du conseil municipal d'Arquettes-en-Val et de condamner la commune à lui verser les sommes de 50 418,17 euros, de 1 885 euros par mois à compter du mois de novembre 2016, et de 15 euros par jour à compter du 24 octobre 2016, en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de raccordement d'un atelier de découpe au réseau public de distribution d'électricité.

Par un jugement n° 1701384 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune d'Arquettes-en-Val à verser la somme de 20 840 euros au GAEC des Garrigues arquettoises et a rejeté le surplus des conclusions de ce dernier.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juin 2019 et le 23 décembre 2021, la commune d'Arquettes-en-Val, représentée par la SCP Margall-d'Albenas, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les conclusions indemnitaires du GAEC en première instance ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du 21 novembre 2013 du conseil municipal et le permis de construire délivré le 6 décembre 2013 au GAEC des Garrigues arquettoises, qui ont été obtenus par fraude, ne sont pas des actes créateurs de droits ;

- les refus d'autorisation de voirie n'ont pas fait l'objet d'un recours et n'ont pas été préalablement déclarés illégaux ;

- le comportement du GAEC est illégitime et fautif ;

- les préjudices sont dépourvus de lien de causalité avec les fautes reprochées ;

- l'appel incident du GAEC tendant à l'annulation de la délibération du 1er mars 2016 est irrecevable pour les raisons exposées par la mesure d'information effectuée sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- les préjudices invoqués par le GAEC ne sont pas établis.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2019, le 17 décembre 2021 et le 3 janvier 2022, le GAEC des Garrigues arquettoises, représenté par Me Zickler, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête présentée par la commune d'Arquettes-en-Val ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler la délibération du 1er mars 2016 du conseil municipal d'Arquettes-en-Val, et de porter la condamnation de la commune à la somme de 75 630,17 euros, à laquelle s'ajoute celle de 15 euros par jour à compter du 18 décembre 2021 ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la commune, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération du 1er mars 2016 retire illégalement celle du 21 novembre 2013 ;

- son préjudice doit être évalué sur la période comprise entre le 8 juillet 2015 et la date de réalisation effective des branchements d'eau potable et d'électricité au réseau public ;

- les moyens soulevés par la commune d'Arquettes-en-Val ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident du GAEC des Garrigues arquettoises tendant à l'annulation de la délibération du 1er mars 2016, comme soulevant un litige distinct de l'appel de la commune.

Un mémoire a été enregistré en réponse à cette mesure d'information le 20 décembre 2021 pour le GAEC des Garrigues arquettoises.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me d'Audigier, représentant la commune d'Arquettes-en-Val, et de Me Zickler, représentant le GAEC des Garrigues arquettoises.

Considérant ce qui suit :

1. Une délibération du 21 novembre 2013 du conseil municipal d'Arquettes-en-Val prévoit la prise en charge de travaux d'extension des réseaux d'eau potable et d'électricité par la commune, afin notamment de desservir un atelier de découpe du GAEC des Garrigues arquettoises à construire sur la parcelle cadastrée section A n° 212, ainsi que de ne pas exiger du GAEC une participation spécifique sur le fondement de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme. Par un arrêté du 6 décembre 2013, le maire d'Arquettes-en-Val a délivré au GAEC des Garrigues arquettoises un permis de construire l'atelier de découpe en question. Par une délibération ultérieure du 1er décembre 2016, le conseil municipal d'Arquettes-en-Val a retiré sa délibération du 21 novembre 2013.

2. Par un jugement du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions du GAEC des Garrigues arquettoises tendant à l'annulation de la délibération du 1er décembre 2016 et condamné la commune à verser au GAEC la somme de 20 840 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'absence de raccordement de l'atelier de découpe au réseau public de distribution d'électricité.

Sur l'irrecevabilité d'une partie de l'appel incident du GAEC :

3. L'appel de la commune d'Arquettes-en-Val est dirigé contre les articles 1er et 2 du jugement du 16 avril 2019, prononçant à son encontre une condamnation indemnitaire et une condamnation sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'appel incident du GAEC, en tant qu'il conteste le rejet par le tribunal administratif de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 1er mars 2016 du conseil municipal d'Arquettes-en-Val, soulève un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal. Il est irrecevable dans cette mesure.

Sur le bien-fondé de la condamnation prononcée par le tribunal :

4. La commune d'Arquettes-en-Val fait valoir que les décisions figurant dans la délibération du 21 novembre 2013 n'ont pas été débattues ni adoptées lors de la séance du conseil municipal, que la délibération a en réalité été rédigée par l'ancien maire après la séance pour être soumise à l'approbation de certains de ses membres, et qu'aucun procès verbal de la séance n'a été établi pour cette raison. Le GAEC des Garrigues arquettoises, dont l'un des membres était alors membre du conseil municipal, se borne à faire valoir que la participation de ce dernier à l'adoption de la délibération n'en vicie pas la légalité. Il ne conteste pas les affirmations précises de la commune, qui doivent donc être tenues pour établies. Compte tenu de la nature et de la gravité des vices qui l'entachent, la délibération du 21 novembre 2013 doit être regardée comme inexistante.

5. Il résulte de l'instruction que l'adoption de cette délibération conditionnait l'obtention par le GAEC des Garrigues arquettoises du permis de construire pour un atelier de découpe au regard de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, et lui permettait d'obtenir le financement par la commune de travaux d'extension des réseaux publics d'eau potable et d'électricité sans avoir à acquitter la participation spécifique pouvant être mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme. Il suit de là que le permis de construire du 6 décembre 2013 a été obtenu par fraude.

6. Aux termes de l'article L. 342-1 du code de l'énergie : " Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants (...) ". Aux termes de l'article 49 du décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, applicable à la date des décisions litigieuses : " Les projets d'ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, des réseaux de distribution aux services publics, des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et des lignes privées établies par permission de voirie doivent, préalablement à toute exécution, faire l'objet d'une approbation dans les conditions fixées par l'article 50 ci-après. / Toutefois, les travaux qui se bornent à l'établissement ou à la modification d'une canalisation de tension inférieure à 63 kV et dont la longueur ne dépasse pas 1 km peuvent être exécutés sans approbation préalable du projet à charge pour le distributeur ou le maître d'ouvrage des travaux de prévenir vingt et un jours à l'avance l'ingénieur en chef chargé du contrôle et les services intéressés, et sous la condition qu'aucune opposition de leur part ne soit formulée dans ce délai. / S'il y a opposition, le projet de l'ouvrage doit être instruit dans les formes prévues à l'article 50 ci-après (...) "

7. Il résulte de l'instruction que le maire d'Arquettes-en-Val, saisi par Carcassonne Agglo et le syndicat audois d'énergies et du numérique (SYADEN), ne s'est pas limité à refuser les autorisations de voirie demandées pour la réalisation des travaux, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, mais a plus généralement entendu s'opposer au projet d'extension des réseaux de distribution lui-même, ainsi que le lui permettent les dispositions citées au point précédent pour les travaux d'extension du réseau d'électricité, qui sont seuls à l'origine des préjudices invoqués par le GAEC des Garrigues arquettoises.

8. En l'absence de la participation spécifique du pétitionnaire prévue à l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, la commune serait seule débitrice de la part contributive des travaux, en application du deuxième alinéa du 1° de l'article L. 342-11 du code de l'énergie. Le montant de cette contribution est estimé à 10 000 euros, alors que la commune comprend moins de cent habitants. Le maire pouvait légalement s'opposer au projet d'extension des réseaux de distribution au motif que cette somme était excessive, et revenait indûment à la charge de la commune à l'issue des manœuvres frauduleuses décrites aux points 4 et 5. Ce refus n'est donc pas entaché d'illégalité.

9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre fondement de responsabilité invoqué par le GAEC des Garrigues arquettoises.

10. Conformément aux dispositions de l'article L.421-6 du code de l'urbanisme, le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. La délivrance d'une autorisation de construire ne saurait donc créer un droit à ce que la commune prenne en charge le financement de travaux d'extension du réseau public d'électricité nécessaire au raccordement de la construction projetée. Dès lors, le GAEC ne peut utilement se prévaloir d'un tel droit.

11. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la commune d'Arquettes-en-Val n'est pas engagée. Celle-ci est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser la somme de 20 840 euros au GAEC des Garrigues arquettoises. L'appel incident du GAEC sur l'indemnisation des préjudices doit en revanche être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du GAEC des Garrigues arquettoises le versement de la somme de 2 000 euros à la commune d'Arquettes-en-Val au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

13. La commune n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le GAEC sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.

Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par le GAEC des Garrigues arquettoises devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le GAEC des Garrigues arquettoises versera la somme de 2 000 euros à la commune d'Arquettes-en-Val en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Arquettes-en-Val et au GAEC des Garrigues arquettoises.

Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.

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No 19MA02717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02717
Date de la décision : 21/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation des installations et travaux divers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : AUPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-21;19ma02717 ?
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