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14/11/2019 | FRANCE | N°19MA01988

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 novembre 2019, 19MA01988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Grabels a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique et urgents, au bénéfice du département de l'Hérault, les acquisitions et les travaux nécessaires à la réalisation du projet de liaison intercantonale d'évitement nord (LIEN), entre l'A750 à Bel Air et la RD986 au nord de Saint-Gély-du-Fesc.

Par un jugement n° 1502634 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier

a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 19 février 2018, la cour administrative d'appel ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Grabels a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique et urgents, au bénéfice du département de l'Hérault, les acquisitions et les travaux nécessaires à la réalisation du projet de liaison intercantonale d'évitement nord (LIEN), entre l'A750 à Bel Air et la RD986 au nord de Saint-Gély-du-Fesc.

Par un jugement n° 1502634 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 19 février 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a décidé qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 16MA01836 dirigée contre le jugement n° 1502634 du 8 mars 2016, a annulé le jugement n° 1502617 du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté préfectoral du 9 mars 2015.

Par une décision n° 419165, 419984 du 1er avril 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 février 2018 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille qui l'a enregistrée sous le n° 19MA01988.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2016, et des mémoires complémentaires enregistrés les 27 septembre 2017, 8 novembre 2017 et 15 juillet 2019, la commune de Grabels, représentée par Me A..., demande à la Cour d'annuler le jugement du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté préfectoral du 9 mars 2015 et de mettre à la charge de l'Etat et du département de l'Hérault la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il méconnaît le caractère contradictoire de la procédure résultant des articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative. En effet, la commune de Grabels n'a pas été destinataire du mémoire en défense du département de l'Hérault ;

- aucun acte relatif à la réalisation effective du projet objet de la concertation ne doit intervenir avant que ne soit tiré le bilan de la concertation. C'est notamment le cas des marchés de maîtrise d'oeuvre. Le département de l'Hérault a intégré au projet du LIEN le doublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc pour la procédure de concertation. La concertation porte ainsi à la fois sur le dernier tronçon du LIEN et le dédoublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc. Dans ces conditions, pour que la procédure de concertation soit régulière, aucun acte relatif à la réalisation effective du LIEN et du doublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc ne doit avoir été effectué avant le 18 novembre 2013, date d'approbation du bilan de la concertation ;

- le dossier soumis à enquête publique méconnaît l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Cet article impose notamment à l'autorité expropriante, quand la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, de joindre à son dossier une appréciation sommaire des dépenses, concernant le coût des acquisitions foncières à réaliser et du coût des travaux et aménagements projetés.

Par des mémoires enregistrés les 24 août 2017 et 21 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 24 octobre 2017, 21 novembre 2017 et 6 juin 2019, le département de l'Hérault, représenté par le cabinet d'avocat CGCB et associés conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Grabels de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune de Grabels ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Grabels, et de Me C... du cabinet d'avocat CGCB et associés, représentant le département de l'Hérault.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Grabels a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique les travaux portant sur la nouvelle section de la liaison intercantonale d'évitement nord (LIEN), entre l'A750 à Bel Air et la RD986 au nord de Saint-Gély-du-Fesc et a approuvé la mise en compatibilité des plans d'occupation des sols des communes de Combaillaux, Saint-Clément de Rivière et Saint-Gély-du-Fesc et des plans locaux d'urbanisme des communes de Grabels et de Les Matelles avec le projet. Par un jugement du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par un arrêt du 19 février 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête d'appel présentée par la commune de Grabels, et annulé l'arrêté du 9 mars 2015. Par une décision du 1er avril 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 19 février 2018, au motif d'une erreur de droit au regard de l'article R. 1511-4 du code des transports, et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article R. 611-1 du code de justice administrative dispose : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. ".

3. Il ressort du dossier de première instance que le mémoire du département de l'Hérault n'a pas été communiqué à la commune de Grabels. Le département de l'Hérault doit être regardé, en sa qualité de bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique, comme une partie à l'instance pour l'application des articles R. 611-1 et R. 613-4 du code de justice administrative. Le premier mémoire en défense du département de l'Hérault devait donc être communiqué à la commune de Grabels. Il ressort des pièces du dossier que l'argumentation en défense du département de l'Hérault était plus développée que celle du préfet de l'Hérault et s'appuyait sur des pièces que le préfet de l'Hérault n'avait pas produites et sur lesquelles s'est appuyé le tribunal. L'absence de communication à la commune de Grabels du mémoire en défense du département de l'Hérault a ainsi été de nature à entacher d'irrégularité le jugement du 8 mars 2016, dont la commune de Grabels est fondée à demander l'annulation.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer sur les moyens présentés par la commune de Grabels en première instance et en appel.

5. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'autorité expropriante s'est abstenue de consulter l'ensemble des personnes publiques associées mentionnées à l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme et que le préfet de l'Hérault n'aurait pas été compétent pour prescrire l'ouverture de l'enquête publique ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 232-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsqu'il y a urgence à prendre possession des biens expropriés, cette urgence est constatée par l'acte déclarant l'utilité publique ou par un acte postérieur de même nature. ". La nature et l'importance des travaux étaient de nature à justifier le prononcé de l'urgence.

7. En troisième lieu, la commune de Grabels soutient qu'aucun acte relatif à la réalisation effective du projet objet de la concertation ne doit intervenir avant que ne soit tiré le bilan de la concertation. Elle souligne que le département de l'Hérault a intégré au projet du LIEN le doublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc pour la procédure de concertation et que la concertation a porté ainsi à la fois sur le dernier tronçon du LIEN et le dédoublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc. Elle soutient que pour que la procédure de concertation soit régulière, aucun acte relatif à la réalisation effective du LIEN et du doublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc ne doit avoir été effectué avant le 18 novembre 2013, date d'approbation du bilan de la concertation, et que le département de l'Hérault a attribué le 4 février 2013 un marché de maîtrise d'oeuvre portant sur le doublement de la déviation de Saint-Gély-du-Fesc.

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

9. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de maîtrise d'oeuvre du 4 février 2013 a été résilié le 8 septembre 2014. Si cette résiliation est postérieure à la phase de concertation, la réalisation des travaux objet de la concertation ne se fera pas en exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre signé en 2013. En tout état de cause, l'irrégularité alléguée de la concertation n'a pas une influence sur le sens de la décision prise et n'a pas privé les intéressés d'une garantie. Le moyen tiré de ce que des actes relatifs à la réalisation effective du projet sont intervenus avant que ne soit tiré le bilan de la concertation doit dès lors être écarté. Doivent être également écartés, pour les mêmes raisons, les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité des délibérations par lesquelles le département de l'Hérault a arrêté les modalités de la concertation puis en a tiré le bilan, ces délibérations constituant un élément de la procédure administrative au terme de laquelle est adoptée la déclaration d'utilité publique.

10. En quatrième lieu, l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins ... 5° L'appréciation sommaire des dépenses. ". Il ressort des pièces du dossier que le dossier soumis à enquête publique comportait, notamment dans l'analyse socio-économique, une appréciation sommaire des dépenses, incluant le coût des mesures de compensation.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Grabels n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et du département de l'Hérault, qui ne sont pas parties perdantes à l'instance, la somme que demande la commune de Grabels sur leur fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grabels la somme de 2 000 euros à verser au département de l'Hérault.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Grabels devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : La commune de Grabels versera au département de l'Hérault la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grabels, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au ministre de l'intérieur et au département de l'Hérault.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. B... président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

5

N° 19MA01988

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01988
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-01-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Enquêtes. Enquête préalable. Dossier d'enquête.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SANGUINEDE - DI FRENNA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-11-14;19ma01988 ?
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