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19/01/2021 | FRANCE | N°19MA00735

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 19 janvier 2021, 19MA00735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le président de la Région Occitanie a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1701665 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et les 26 février et 26 mai 2020, M. F..., représenté par Me E..., demande à la Cour dans le dernier éta

t de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 décembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 par lequel le président de la Région Occitanie a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1701665 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 février 2019 et les 26 février et 26 mai 2020, M. F..., représenté par Me E..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2017 du président de la Région Occitanie ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner sur le fondement des dispositions des articles R. 621-1 et suivants du code de justice administrative une expertise afin de décrire son l'état de santé mentale depuis le mois d'avril 2016 et de dire dans quelle mesure il peut être considéré comme responsable de ses actes durant la période retenue par la Région Occitanie pour le révoquer ;

4°) de mettre à la charge de la Région Occitanie une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ont été méconnues ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché de dénaturation ;

- le principe des droits de la défense a été méconnu devant le conseil de discipline ;

- les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été respectées et la procédure disciplinaire n'a pas respecté le principe d'impartialité ;

- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure en ce que la région avait l'obligation de rechercher la procédure la plus appropriée eu égard à son état de santé, en particulier une procédure non disciplinaire et aurait dû rechercher si son état de santé le rendait responsable de ses actes ;

- la sanction prononcée est disproportionnée ;

- une mesure d'expertise serait utile dès lors qu'il n'a jamais été jamais été contesté que M. F... ait pu déjà voir dans le passé son discernement altéré en raison d'un trouble psychologique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2019, la région Occitanie, représentée par la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associés conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. F... d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. F..., et de Me D..., représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 février 2017, le président de la Région Occitanie a prononcé, à la suite de l'avis favorable à cette mesure émis à l'unanimité le 13 janvier 2017 par le conseil de discipline, la révocation de M. F..., attaché territorial affecté depuis 2014 à la maison de Région à Béziers. Cet agent interjette appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2017.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a, à compter d'avril 2016, tenu à de nombreuses reprises des propos outranciers à caractère sexuel à l'égard d'une collègue, de sa supérieure et d'une élue de la Région, ainsi que des menaces de violences physiques. Par ailleurs, il lui est également reproché d'avoir exercé un harcèlement à l'encontre de ces mêmes personnes par l'envoi d'un très grand nombre de courriers électroniques comminatoires en donnant des ordres perturbant le bon fonctionnement du service, alors pourtant que l'intéressé était dépourvu de tout pouvoir hiérarchique. La matérialité de ces faits qui sont fautifs n'est d'ailleurs pas contestée par l'intéressé.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical établi le 13 mai 2016 adressé à la maison départementale des personnes handicapées que M. F..., victime de " psychotraumatismes de l'enfance ", a été victime " d'épisodes psychotiques aigüs " ayant nécessité son hospitalisation en 2008 où il a été diagnostiqué comme souffrant de troubles bipolaires et où un suivi psychiatrique et une prise en charge médicamenteuse à compter du 30 octobre 2012 ont été prescrits, et que cet état de santé constitue un véritable " handicap pour sa vie professionnelle ". Les troubles bipolaires du requérant ont été médicalement constatés à plusieurs autres reprises, notamment à l'occasion de faits similaires à ceux reprochés en l'espèce ayant donné lieu, en 2008, à une procédure pénale classée sans suite et une procédure disciplinaire, qui n'a finalement donné lieu à aucune sanction, ainsi que dans le cadre d'une expertise judiciaire. Bien que pris en charge médicalement et n'ayant commis aucun fait fautif entre 2008 et 2015, eu égard à la nature de l'affection mentale de l'intéressé, maladie psychiatrique au long cours se caractérisant notamment par une perte de contrôle extrême dans le comportement révélée par le contenu des courriels comminatoires et propos outranciers reprochés à M. F..., l'état pathologique dans lequel il se trouvait lorsqu'il les a adressés, comme l'a d'ailleurs constaté le juge pénal qui a classé sans suite les deux plaintes déposées pour ces mêmes faits, est établi. Dans ces conditions, compte tenu de l'état de santé du requérant, de nature à altérer son discernement, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de M. F... une sanction hors de proportion avec les fautes commises.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ou d'ordonner une expertise, que M. F... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 3 février 2017 par laquelle le président de la Région Occitanie a prononcé sa révocation ainsi que celle du jugement du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. F..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la Région Occitanie la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la région une quelconque somme au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 3 février 2017 par lequel le président de la Région Occitanie a prononcé la révocation de M. F... ainsi que le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 décembre 2018 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à la région Occitanie et à Me E....

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme A..., président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

N° 19MA00735 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00735
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SEINGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-19;19ma00735 ?
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