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30/06/2020 | FRANCE | N°19LY03812

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 19LY03812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Morzine, à hauteur de, respectivement, 473 364 euros et 527 357 euros au titre des années 2010 et 2011, ainsi que la réduction, à hauteur de 12 629 euros, de la cot

isation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Morzine, à hauteur de, respectivement, 473 364 euros et 527 357 euros au titre des années 2010 et 2011, ainsi que la réduction, à hauteur de 12 629 euros, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 dans les rôles de la commune de Montriond.

Par l'article 3 du jugement nos 1401151 et 1401153 du 27 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie à laquelle la société SERMMA a été assujettie au titre de l'année 2011 dans les rôles de la commune de Morzine et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure initiale devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 août 2016, la société SERMMA a demandé à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 juin 2016 ;

2°) de lui accorder le remboursement de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 dans les rôles de la commune de Montriond, à concurrence de 12 629 euros et de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles de la commune de Morzine, à concurrence de, respectivement, 473 364 euros et 527 357 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- l'administration ne pouvait opérer, sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, une compensation entre le dégrèvement de cotisation foncière des entreprises et l'insuffisance d'imposition à la contribution économique territoriale résultant de la réduction des bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, dès lors que la cotisation foncière des entreprises et la contribution économique territoriale constituent deux impositions distinctes et qu'une compensation ne peut être effectuée entre deux dégrèvements ;

- l'administration aurait dû émettre un avis de mise en recouvrement pour remettre en cause le dégrèvement de contribution économique territoriale accordé au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances a conclu au rejet de la requête.

Il soutenait que les moyens de la requête n'étaient pas fondés.

Par un arrêt n° 16LY02841 du 3 mai 2018, la cour a rejeté l'appel formé par la société SERMMA contre l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 juin 2016.

Procédure devant le Conseil d'État

Par une décision n° 421992 du 4 octobre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la société SERMMA, annulé l'arrêt de la cour du 3 mai 2018 et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État

Par un mémoire, enregistré le 11 mars 2020, la société SERMMA, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 juin 2016 ;

2°) de lui accorder le remboursement de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 dans les rôles de la commune de Montriond, à concurrence de 12 629 euros et de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles de la commune de Morzine, à concurrence de 473 364 euros et 527 357 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions d'application de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ne sont pas réunies, dès lors qu'il n'existe aucune insuffisance ou omission dans l'assiette ou le calcul de la contribution économique territoriale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme F..., rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., substituant Me D... et représentant la société SERMMA ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine et Avoriaz (SERMMA) a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises, dans les rôles de la commune de Morzine, à concurrence de, respectivement, 672 856 euros et de 700 155 euros au titre des années 2010 et 2011, et dans les rôles de la commune de Montriond, à concurrence de la somme de 227 178 euros. L'administration lui a accordé, sur le fondement de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, le dégrèvement de ces impositions au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, à hauteur de 473 364 euros pour 2010 et de 527 357 euros pour 2011 pour l'établissement de Morzine et, à hauteur de 12 629 euros au titre de l'année 2010 pour l'établissement de Montriond. Par des décisions du 10 décembre 2012, l'administration a fait droit aux demandes de la société tendant à réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie, à hauteur de 486 170 euros au titre de l'année 2010 et de 543 094 euros au titre de l'année 2011 pour l'établissement de Morzine et, à hauteur de 101 112 euros au titre de l'année 2010 pour l'établissement de Montriond, compte tenu du retrait de ses bases d'imposition de la valeur locative des terrains d'assise des pistes de ski qu'elle exploite. Dès lors que la réduction des bases d'imposition de la société à la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 était de nature à remettre en cause les dégrèvements accordés au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée des mêmes années, l'administration a déduit ces derniers montants des dégrèvements accordés à raison de la réduction des bases d'imposition de la société à la cotisation foncière des entreprises et a en conséquence prononcé, par des décisions du 3 janvier 2014, des dégrèvements limités à 12 806 euros et 15 737 euros pour l'établissement de Morzine et à 88 483 euros pour l'établissement de Montriond. A la suite de la demande présentée par la société SERMMA devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la réduction, à hauteur de, respectivement, 473 364 euros, 527 357 euros et 12 629 euros, de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe additionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles des communes de Morzine et de Montriond, l'administration a demandé que la réduction de la cotisation foncière des entreprises résultant de la révision des bases d'imposition de la société soit compensée, en vertu de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, par le reversement des sommes qui lui ont été indûment restituées au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. Par un arrêt du 3 mai 2018, la cour administrative de Lyon a rejeté l'appel que la société a formé contre l'article 3 du jugement du 27 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à la réduction de la cotisation foncière des entreprises établie au titre des années 2010 et 2011. Par une décision n° 421992 du 4 octobre 2019, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation contre cet arrêt, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. ". Aux termes de l'article 1647 B sexies du même code : " I. - Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (...) / II. Le plafonnement prévu au I du présent article s'applique sur la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises diminuées, le cas échéant, de l'ensemble des réductions et dégrèvements dont ces cotisations peuvent faire l'objet (...) / III. - Le dégrèvement s'impute sur la cotisation foncière des entreprises. / (...) V. Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière de cotisation foncière des entreprises ".

3. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ".

4. Il résulte de la combinaison des textes cités aux points 2 et 3 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s'imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci. Dès lors, l'administration peut, en application des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, effectuer ou demander, pour une année donnée, la compensation entre la réduction de cette cotisation qu'un contribuable demande et le reversement de celles des sommes précitées qui lui ont été indûment restituées.

5. Les dispositions précitées du III de l'article 1647 B sexies du code général des impôts imposent à l'administration de diminuer le montant de la cotisation foncière des entreprises due par un contribuable, par imputation, du montant du dégrèvement qui lui est accordé au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. En revanche, ces dispositions n'autorisent pas l'administration à diminuer le montant de la réduction de cotisation foncière des entreprises dont peut bénéficier le même contribuable à la suite d'une révision à la baisse de ses bases d'imposition, par une telle imputation, des sommes qui lui ont été restituées au titre du dégrèvement accordé au titre du plafonnement de la contribution économique territoriale mais qui n'auraient pas dû l'être compte tenu de cette révision de base. En effet, sauf s'il y a compensation en application des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, ces sommes ne peuvent donner lieu qu'à une procédure de reversement dans les conditions fixées par le V de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

6. L'administration a demandé au tribunal administratif de Grenoble, sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, la compensation entre l'insuffisance d'imposition consécutive à la remise en cause du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, et l'excès d'imposition résultant de la réduction des bases d'imposition de la société SERMMA à la cotisation foncière des entreprises. Le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.

7. Il est constant que la réduction des bases d'imposition de la société SERMMA à la cotisation foncière des entreprises avait pour conséquence de remettre en cause les dégrèvements qui lui avaient été accordés par l'administration à la suite de sa demande de plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée. Les droits omis résultant du plafonnement accordé à tort par l'administration sont supérieurs au montant qui résulte de la réduction des bases imposables de la société à la cotisation foncière des entreprises. En conséquence, l'administration établit la réalité des insuffisances d'imposition dont elle se prévaut. Il résulte de l'instruction que la compensation sollicitée concerne le même contribuable et porte sur la même période d'imposition. Si la société requérante soutient que la compensation ne pouvait être opérée, s'agissant de deux impositions distinctes, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les sommes accordées à un contribuable au titre du plafonnement de sa contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée s'imputent sur la cotisation foncière des entreprises due par celui-ci et qu'en conséquence, une telle compensation peut être admise. Enfin, l'administration, qui a sollicité une compensation entre l'insuffisance d'imposition consécutive à la remise en cause du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée et l'excès d'imposition résultant de la réduction de ses bases d'imposition à la cotisation foncière des entreprises, n'a, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas demandé une compensation entre deux dégrèvements mais entre un dégrèvement reconnu justifié et une insuffisance d'imposition. Il s'ensuit que l'administration a pu à bon droit solliciter la compensation de ces deux éléments.

8. Il résulte de ce qui précède que la société SERMMA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société SERMMA la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SERMMA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine et Avoriaz et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 30 juin 2020.

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N° 19LY03812

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03812
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CABINET NICOROSI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;19ly03812 ?
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