Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme A... F... ont, dans le dernier état de leurs écritures le 22 juin 2018, demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et, à titre subsidiaire, la réduction de ces cotisations à hauteur, en droits et pénalités, d'un montant de 286 973 euros ;
2°) d'annuler la garantie de paiement constituée auprès de l'administration fiscale ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1705120 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 3 septembre 2019 et 4 juin 2020, M. et Mme A... F..., représentés par la société d'avocats TAJ, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a refusé de faire droit à leurs conclusions à fin de décharge à hauteur de 373 627 euros ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 pour un montant de 373 627 euros ;
3°) de prononcer à titre subsidiaire, la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 à hauteur de 283 563 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- compte tenu des rectifications en matière de prélèvements sociaux sur les sommes perçues qui ont été expressément acceptées, le montant du litige est de 373 627 euros pour les années 2013 et 2014 ; ils demandent l'annulation du jugement en tant qu'il a refusé de faire droit à leurs conclusions dans cette mesure ;
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont méconnu le principe du caractère contradictoire de l'instruction, en relevant d'office que les prestations en litige ne constitueraient pas des prestations de retraite au motif qu'elles seraient versées alors que M. F... exerçait encore une activité professionnelle ; le tribunal administratif a ainsi procédé à une substitution de motif sans que celle-ci ne soit demandée par l'administration ; le tribunal administratif n'a pas communiqué ce moyen en méconnaissance du respect du principe du contradictoire et de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; en fondant leur décision sur un motif tout à fait différent de celui soulevé par l'administration, sans permettre aux parties d'en débattre, les premiers juges ont méconnu le principe du caractère contradictoire de l'instruction ;
- les prestations perçues peuvent être considérées comme des prestations de capital retraite sans que n'y fasse obstacle la circonstance que M. F... ait encore été en activité professionnelle ; le II de l'article 163 bis du code général des impôts ne pose que deux conditions à savoir premièrement que le versement de la prestation de retraite en capital n'est pas fractionné et, secondement que le bénéficiaire justifie que les cotisations versées durant la phase de constitution des droits, y compris le cas échéant par l'employeur, étaient déductibles de son revenu imposable ou étaient afférentes à un revenu exonéré dans l'État auquel était attribué le droit d'imposer celui-ci ;
- la réglementation suisse prévoit la possibilité de demander un retrait anticipé de la part surobligatoire de la prestation de libre passage lorsque l'assuré quitte la Suisse pour s'installer dans un État de l'Union européenne ; l'obligation de cessation d'activité et de rupture du lien d'activité avec l'employeur ne s'applique qu'aux régimes de retraite de base français légalement obligatoires et non au cas d'espèce ; les dispositions du II de l'article 163 bis du code général des impôts n'excluent pas que des prestations de retraite puissent être de source étrangère ; la combinaison des dispositions du b quinquies du 5 de l'article 158 du code général des impôts, de l'alinéa 1er du a du 5 de l'article 158 du code général des impôts et de l'article 79 du code général des impôts, les prestations de retraite passibles de l'impôt sur le revenu selon les règles des pensions et retraites en application sont les sommes allouées ;
- en récompense de services rendus dans la vie active ;
- à raison de droits acquis lors de la constitution d'une retraite ;
- ou pour assurer des ressources aux personnes ayant atteint un certain âge ; le champ d'application de telles dispositions n'est pas limité aux prestations de retraite de source française ; le BOI-RSA-PENS-10-10-10-30-20160720 § 90 admet des prestations de retraites en capital comme étant imposables dans la catégorie des pensions de retraite et notamment les prestations en capital du premier et du deuxième pilier suisse ; l'utilisation de l'expression " en vue de la retraite " n'implique pas que les sommes en cause doivent nécessairement être allouées au jour de la cessation de l'activité du contribuable ; l'utilisation de l'adverbe " normalement " implique qu'un versement puisse également être qualifié de prestation de retraite servie sous forme de capital sans que l'entrée en jouissance de ce versement ne soit liée à la cessation de l'activité professionnelle ; le II de l'article 163 bis ne peut être interprété comme imposant que des prestations de source étrangère soient versées une fois toute activité professionnelle cessée ; le tribunal administratif, en imposant la cessation de toute activité professionnelle pour permettre de percevoir une somme qualifiée de prestation de retraite en capital, a ajouté à la lettre de l'article 163 bis, II du code général des impôts et en a fait une lecture erronée ; la législation suisse ne comporte pas cette restriction ; la qualification de prestation de retraite est d'autant plus pertinente qu'en Suisse, le versement d'une pension de retraite n'est pas subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ; un assuré suisse qui touche une pension de retraite peut continuer à exercer une activité professionnelle ; la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ne saurait constituer un critère de qualification fiscale du capital versé par une institution de prévoyance suisse à un résident français ; l'administration n'a pas utilisé cette argumentation sur la cessation d'activité professionnelle et la rupture du lien avec l'employeur car celle-ci est contraire à l'interprétation fiscale (BOI-RSA-PENS-10-10-10-30-20160720 § 10 et 20) ; la retraite complémentaire suisse (prévoyance professionnelle deuxième pilier) est bien indiquée dans l'annexe liée à cette interprétation dans la liste des régimes de retraite supplémentaire d'entreprise ou d'épargne retraite Individuelle étrangers pour lesquels les versements effectués pendant la phase de constitution des droits, y compris par l'employeur, sont en tout ou partie déductibles lorsque le revenu correspondant est imposable dans le pays considéré et les prestations versées imposables en France selon les règles des pensions et retraites; les prestations en litige constituent des prestations en capital au sens du II de l'article 163 bis du code général des impôts ; la circonstance que le requérant ait continué à exercer une activité en France est sans incidence sur la qualification de prestation de retraite servie sous forme de capital de ce revenu ;
- l'affirmation en appel de l'administration selon laquelle M. F... n'aurait pas perçu de prestation de retraite en capital au sens de l'article 163 bis du code général des impôts dès lors qu'il n'était pas en âge d'obtenir le versement de la part obligatoire du deuxième pilier procède d'une erreur de qualification par rapport à la législation suisse applicable ; l'affirmation qu'en Suisse, une prestation serait qualifiée de prestation de retraite en capital seulement pour la partie surobligatoire du deuxième pilier, ne repose sur aucun fondement et est inexacte ; la législation suisse n'impose pas la cessation de toute activité professionnelle pour permettre de percevoir une somme qualifiée de prestation de retraite en capital ; en Suisse, le versement d'une pension de retraite n'est pas subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ; la référence aux travaux parlementaires ne permet pas de conforter la thèse du ministre ; si le ministre relève qu'il résulterait " sans ambiguïté aucune " des travaux parlementaires que le législateur a entendu permettre une imposition à un taux de 7,5 % au moment de la cessation d'activité, il ne cite aucun extrait de ces travaux au soutien de ses allégations ; si le dispositif a été conçu notamment pour répondre à la problématique des travailleurs frontaliers, il a vocation à s'appliquer à d'autres situations, en érigeant une nouvelle règle générale ; la circonstance qu'un législateur aurait adopté un dispositif conçu pour être favorable ne signifie pas en elle-même qu'il conviendrait de rejeter la requête ;
- les prestations en litige ne peuvent pas être considérées comme procédant d'un paiement fractionné au sens du II de l'article 163 bis du code général des impôts ; le législateur français a entendu éviter, dans un souci d'équité fiscale, que des rachats partiels échelonnés, équivalant à une sortie en rente, ne puissent bénéficier de cette imposition à taux réduit ; les régimes complémentaires de retraite en France sont soumis à ces mêmes principes ; refuser le bénéfice du prélèvement forfaitaire libératoire de 7,5 % à une personne qui percevrait une prestation de retraite complémentaire sous forme de capital sous prétexte que ledit capital aurait été versé en deux fois et non en une fois, aux dépens de la demande unique de cette personne, irait à l'encontre de l'esprit de la loi ; il y a lieu d'appliquer la décision n° 2011-368 DC du Conseil constitutionnel ; le versement du capital au requérant remplit la condition légale de non fractionnement, malgré les spécificités juridiques du système de retraite suisse ; en application du droit helvétique, il était impossible de transférer en France l'intégralité de l'épargne sous la forme de prestation de libre passage en une seule fois (notamment du fait du blocage de la part obligatoire) ; il est donc inévitable d'avoir des déblocages en plusieurs fois dès lors que les cotisations sont mixtes dans le cadre des contrats de prévoyance suisse ; ces spécificités ne sont pas prévues en droit français ; pour éviter de rendre les dispositions du II de l'article 163 bis du code général des impôts inapplicables, de facto, aux pensions versées sur le fondement du deuxième pilier de la législation suisse, l'exigence de versement unique prévue par ces dispositions doit être entendue, pour de telles prestations comme s'appliquant à chaque fait générateur lié à l'expiration de la période de blocage des sommes ; les prestations ne pouvaient être versées en une seule fois malgré la demande du requérant en ce sens dès lors que deux catégories de cotisation retraite différentes sont concernées ; le régime de retraite suisse prévoit des spécificités (part obligatoire / part surobligatoire) ne permettant pas un versement non fractionné des prestations stricto sensu, en dépit de la volonté manifeste de l'assuré d'obtenir un seul versement du capital accumulé ; dans le cadre des contrats suisses de libre passage, le versement non-fractionné du capital peut s'avérer tout simplement impossible ; la prévoyance professionnelle obligatoire (LPP) ne peut pas être débloquée tant que le requérant paie des cotisations retraite en France, c'est-à-dire jusqu'à son départ en retraite ; la part surobligatoire est en partie bloquée en ce qui concerne les versements volontaires effectués par l'assuré en vue de racheter des années de retraite ; il y a lieu de se rapporter à l'exposé des motifs de l'amendement adopté n° 392 et de prendre en compte la décision du Conseil Constitutionnel n° 2019-824 QPC du 31 janvier 2020 ;
- le 30 juin 2012, le requérant a cessé d'exercer son activité professionnelle en Suisse et a poursuivi ses fonctions dans un des autres bureaux General Mills en France ; il a demandé à son organisme de prévoyance suisse le versement de sa prestation de retraite sous forme de capital à l'occasion de son départ définitif de la Suisse ; l'organisme de prévoyance a pris acte de sa demande et procédé au versement du capital non pas en une seule fois mais en deux fois, et ce, malgré la demande de versement unique formulée ; ayant effectué plusieurs versements volontaires dans le but de racheter des années de contributions manquantes, l'organisme de prévoyance suisse n'a pas été en mesure de procéder à un versement unique des fonds ; se fondant sur les dispositions de droit suisse applicables en cas de rachat (article 79b de la loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse), les prestations résultant de ces rachats ne pouvaient selon l'organisme lui être versées sous la forme d'un capital avant l'échéance d'un délai de trois ans à compter de ce versement volontaire ; les versements réalisés en 2013 et 2014 en sa faveur n'en restent pas moins un versement de capital et non une rente ; il n'a jamais été en charge de la gestion financière de son plan, celle-ci étant exclusivement administrée par l'organisme AXA Winterthur ;
- l'administration reconnaît elle-même que le requérant satisfait par ailleurs à l'ensemble des autres conditions prévues pour entrer dans les prévisions du II de l'article 163 bis du code général des impôts ; à titre subsidiaire, il ne saurait être fait obstacle à la possibilité pour le requérant de bénéficier du prélèvement de 7,5 % en ce qui concerne la part surobligatoire " disponible ", versée en date du 18 avril 2013 (707 170,80 CHF) ;
- si le II de l'article 163 bis du code général des impôts était interprété comme étant inapplicable à la situation correspondant à la présente espèce, il serait alors incompatible avec plusieurs normes européennes à savoir l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (principe de non-discrimination) et de l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (principe du droit au respect des biens), par l'article 26 (points 1° et 2°) de la convention fiscale franco-suisse (principe de non-discrimination et d'égalité de traitement) et par l'article 4 du règlement européen n° 883/2004 portant sur la consolidation des systèmes de sécurité sociale ; il est inévitable d'avoir des déblocages en plusieurs occurrences dès lors que les cotisations sont mixtes dans le cadre des contrats de prévoyance suisse, ces spécificités ne sont pas prévues en droit français ; la situation extrêmement défavorable du salarié français en mobilité internationale par rapport au résident français ayant exclusivement une activité professionnelle en France ou en Suisse serait discriminante au regard de ces stipulations ; il n'a pas" librement disposé ", de façon anticipée, de la part surobligatoire de son contrat ; il ne s'agit ni d'un choix patrimonial, ni d'un choix d'optimisation fiscale individuelle ; s'il a souhaité liquider l'intégralité des droits acquis au titre de son contrat de retraite complémentaire suisse, c'est parce qu'il ne pouvait plus cotiser et qu'en conséquence la valeur des avoirs allait se déprécier d'ici à l'âge de la retraite ; le II de l'article 163 bis du code général des impôts ne saurait exclure les plans de retraite suisses sans qu'une telle exclusion ne puisse s'assimiler à une discrimination prohibée ; l'application du 1er alinéa de l'article 79 et du a du 5 de l'article 158 du code général des impôts par le service vérificateur méconnaît le droit au respect des biens protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH ; un tel régime de discrimination serait contraire à la libre prestation de services et à la libre circulation des capitaux ;la fiscalité directe relève, en effet, de la compétence des États membres de l'Union européenne dans le respect du droit de l'Union européenne et, en particulier, des dispositions consacrant la libre prestation des services et la libre circulation des capitaux ; ce principe s'applique à la Suisse ; les principes du droit de l'Union européenne de libre circulation des capitaux et de libre prestation de services trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national dans le cas présent, dès lors que la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; cette entrave à la libre prestation de services et à la libre circulation des capitaux n'est pas justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général ;
- à titre infiniment subsidiaire, la demande de décharge doit être accordée sur le terrain de l'interprétation administrative de la loi fiscale ; il y a lieu d'appliquer l'article 80 A du livre des procédures fiscales, les paragraphes no 110 et 120 de la documentation de base BOI-RSA-PENS-30-10-20 du 11 décembre 2012 ainsi que les paragraphes no 140 et 150 de la documentation de base BOI-RSA-PENS-30-10-20 du 11 décembre 2012 ; il résulte des termes mêmes du paragraphe 140 que l'instruction administrative prévoit expressément que le régime de l'article 163 bis, II du code général des impôts peut s'appliquer aux individus qui sont toujours en activité professionnelle, par exemple dans le cas de rachat anticipés ; si la doctrine administrative a précisé qu'" Afin d'éviter des rachats partiels échelonnés de l'épargne constituée dans le cadre d'un régime ou contrat de retraite, équivalents à une sortie en rente, tout en bénéficiant de l'imposition au taux réduit de 7,5 %, le bénéfice de ce dispositif est réservé aux versements non fractionnés. ", elle prévoit également une interprétation " souple " du caractère non fractionné en considérant notamment: que " le respect de cette condition s'apprécie de manière distincte pour chaque contrat ou régime ouvrant droit à un versement en capital " et que " le requérant qui souhaite opter pour le prélèvement de 7,5 % doit donc normalement liquider l'intégralité des droits acquis au titre du régime ou contrat de retraite concerné et le capital doit être versé en une seule échéance ".
Par un mémoire enregistré le 30 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'étendue du litige est fixée à 373 627 euros et non 377 451 euros ;
- le jugement est régulier dès lors que les premiers juges n'ont pas procédé à une substitution de motifs ou relevé d'office un argument sans inviter les parties à produire leurs observations, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative; dans le cadre de ces mémoires de première instance, le service a relevé que les sommes déclarées par M. F... en tant que capital retraite, avec option pour le prélèvement libératoire prévu au II de l'article 163 bis du code général des impôts, ne procédaient pas de la liquidation des droits acquis au titre de son contrat de retraite, mais qu'il avait librement disposé, de façon anticipée, de la part surobligatoire de ce contrat dont il pouvait disposer avant d'avoir atteint l'âge de la retraite ; il ne saurait être utilement soutenu que l'administration n'aurait pas soulevé le moyen selon lequel les sommes ne constitueraient pas une pension de retraite servie sous forme de capital au sens du II de l'article 163 bis du code général des impôts dès lors que M. F... exerçait toujours une activité professionnelle lorsqu'il a perçu les sommes correspondantes, ni que le tribunal aurait soulevé d'office le moyen que le capital perçu n'entrait pas dans le champ d'application de ces dispositions, qui, en tant que régime dérogatoire au droit commun, doivent être interprétées strictement ; il appartient au juge administratif d'examiner les éléments de droit et de fait produits à l'appui des conclusions des parties afin de déterminer leur bien-fondé ; lorsque, pour statuer, il se fonde sur des dispositions qui n'ont pas été mentionnées par les parties, il ne soulève pas d'office un moyen qu'il serait tenu de communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 précité ;
- lors du contrôle sur pièces diligenté en 2015, le service a considéré que le caractère déductible des versements pendant la phase de constitution des droits n'avait pas été justifié, et que le versement des sommes en capital avait été fractionné, et, qu'en conséquence, M F... ne pouvait bénéficier du régime optionnel du prélèvement libératoire au taux de 7,5 % ;
- M. F... qui a retiré la part surobligatoire du deuxième pilier de son contrat d'assurance retraite n'a pas demandé la liquidation de sa pension de retraite, qu'il n'était d'ailleurs pas en droit de demander puisqu'il n'avait pas atteint l'âge légal de la retraite (fixé à soixante-cinq ans en Suisse) ; en cas de départ après le 1er janvier 2007 de la Suisse pour un État membre de l'UE ou de l'AELE, la part obligatoire de l'avoir de prévoyance ne peut être payée en espèces (article 25f de la loi) et est bloquée sur une police de libre passage ou sur un compte en Suisse, lorsque l'assuré est soumis à une obligation d'assurance sociale dans le nouvel État ; cette part obligatoire ne pourra être versée que lorsque l'âge de la retraite sera atteint ou sauf à titre exceptionnel et dans les seules situations prévues par la législation (départ définitif de Suisse pour s'installer dans un pays hors UE/AELE, de lancement d'une activité lucrative indépendante, d'acquisition d'un logement à usage personnel) faire l'objet d'un rachat anticipé partiel ou total; la part surobligatoire, qui correspond au montant dépassant la part LPP, peut être versée en espèces ; M. F..., qui n'était pas en âge de faire valoir ses droits à la retraite ni en situation de pouvoir retirer, de façon anticipée, la part obligatoire du deuxième pilier n'a pas bénéficié d'une prestation de retraite en capital au sens du II de l'article 163 bis du code général des impôts ; le régime dérogatoire, du II de l'article 163 bis du code général des impôts dont le législateur a relevé lui-même le caractère extrêmement favorable, est réservé aux contribuables qui cessent leur activité, ce qui n'est pas le cas de M. F..., puisque sa demande de prélèvement est intervenue dix ans avant qu'il n'ait atteint l'âge légal de départ à la retraite ; l'argument selon lequel le tribunal aurait suivi un raisonnement valable dans l'absolu s'agissant de la législation française mais inopérant en présence de prestations de source étrangère ne peut qu'être écarté, puisque comme il l'a été démontré précédemment, le dispositif avait précisément pour objet d'instaurer, pour les pensions de source étrangère, un système équitable de fiscalisation des retraites issues de capitalisation et de remédier à la rupture d'égalité existant entre les travailleurs frontaliers selon qu'ils avaient exercé leur activité en France ou en Suisse ; le moyen selon lequel le tribunal aurait ajouté à la lettre de l'article 163 bis du code général des impôts ne pourra davantage être retenu compte tenu des objectifs et de l'esprit de la loi ;
- le versement de la somme a été fractionné ; le versement de la part surobligatoire, librement retirée, a bien été fractionné ; M. F..., qui n'était pas en droit de faire valoir ses droits à la retraite en 2013 et 2014, percevra les prestations de retraite de son contrat suisse lorsqu'il sera en âge de faire valoir ses droits ; les dispositions légales, éclairées par les travaux parlementaires précités, démontrent que le législateur a précisément eu pour objectif de réserver le dispositif aux personnes cessant leur activité professionnelle pour partir à la retraite et a explicitement exclu que le versement des prestations de retraite en capital s'effectue en plusieurs versements ; il n'y a donc pas lieu d'entendre l'exigence de versement unique comme s'appliquant à " chaque fait générateur lié à l'expiration de la période de blocage des sommes ", hypothèse nullement envisagée par le législateur lequel a, entendu réserver le dispositif aux contribuables ayant cessé leur activité et exclu expressément tout fractionnement des versements en capital ; le fractionnement résulte uniquement du libre choix du contribuable, d'une part de ne pas laisser sur le contrat de deuxième pilier les sommes investies au titre des rachats de contributions au-delà du temps minimal permettant le maintien de la déduction des sommes dans le cadre de l'imposition des revenus en Suisse, d'autre part de retirer ces sommes avant l'âge légal de la retraite ; il s'agit donc là d'un libre choix de la gestion de son patrimoine par le contribuable, totalement étranger à l'esprit du texte adopté par le législateur, tel qu'il ressort des exposés et débats précités, étant rappelé que, s'agissant d'un régime dérogatoire au droit commun, ses dispositions doivent s'apprécier strictement ; M. F..., qui n'a à aucun moment demandé la liquidation de ses droits à pension, à laquelle il ne pouvait d'ailleurs prétendre, n'a pas perçu de pensions de retraite sous forme de capital au sens du II de l'article 163 bis du code général des impôts ; si les versements devaient être considérés comme un versement en capital, celui-ci a été fractionné, en 2013, 2014 et le sera ultérieurement au moment où le requérant sera en droit de faire valoir ses droits à la retraite, à supposer que les prestations de retraite soient alors versées en capital et satisfassent aux conditions posées par les textes en vigueur ;
- les conclusions au titre de l'année 2013, année du premier versement, ne peuvent pas être accueillies car l'applicabilité du régime du prélèvement libératoire ne peut s'apprécier qu'au vu de l'ensemble des éléments de fait permettant de considérer si les conditions prévues par le dispositif dérogatoire et son économie sont ou non respectées ;
- il n'existe pas de discrimination dès lors que le système suisse n'interdit pas techniquement les versements uniques ; un contribuable disposant des mêmes contrats et avoirs que M. F... en 2013, liquidant sa retraite et la percevant sous forme d'une prestation en capital satisfaisant aux conditions prévues par le II de l'article 163 bis du code général des impôts serait en droit de bénéficier du taux du prélèvement libératoire de 7,5 % ; il n'existe pas de différence de traitement générée par le système de retraite suisse et qui interdirait que le dispositif de l'article 163 bis du code général des impôts puisse s'appliquer aux contrats de libre passage de droit helvétique ; la présente situation n'est pas régie par le droit de l'Union européenne ; les moyens tirés de la méconnaissance de normes européennes ne sont pas fondés ;
- le requérant n'entre pas dans les précisions et les cas mentionnés dans l'interprétation fiscale dont il se prévaut.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallechia, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. et Mme F... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juillet 2020, présentée pour M. et Mme F... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... F... ont déclaré un capital retraite de source étrangère, en provenance de Suisse, d'un montant de 631 934 euros au titre de leurs revenus de l'année 2013 et de 207 761 euros au titre de leurs revenus de l'année 2014. Ces montants, nets de l'impôt à la source déjà prélevé par les autorités suisses, ont été soumis sur option expresse de M. F... au prélèvement libératoire au taux de 7,5 % prévu au II de l'article 163 bis du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cet article et a assujetti leurs revenus de source étrangère à l'impôt sur le revenu selon le régime prévu par les dispositions de l'article 79 et du 5 a de l'article 158 du code général des impôts. Suite aux précisions apportées par l'administration en appel sur l'étendue du litige et les dégrèvements acceptés, M. et Mme F... indiquent que l'étendue du litige est limitée à la somme de 373 627 euros. Ils font appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juillet 2019, en tant qu'il a refusé de faire droit à leurs conclusions à fin de décharge à hauteur de 373 627 euros et a rejeté leurs conclusions subsidiaires à fin de réduction des sommes mises à leur charge.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de la proposition de rectification adressée le 6 janvier 2016 aux requérants et aux réponses aux observations et réclamation de ces derniers, que l'administration fiscale n'a pas fait mention de la circonstance que M. F... continuerait une activité professionnelle en France pour lui refuser l'application du II de l'article 163 bis du code général des impôts et s'est borné à lui refuser le bénéfice du dispositif prévu à cet article au motif qu'il ne remplit pas l'une des deux conditions de cet article à savoir l'absence de fractionnement du versement et la justification par le bénéficiaire que les cotisations versées durant la phase de constitution des droits, y compris le cas échéant par l'employeur, étaient déductibles de son revenu imposable ou étaient afférentes à un revenu exonéré dans l'État auquel était attribué le droit d'imposer celui-ci. Dans ses écritures en défense devant le tribunal administratif de Lyon, l'administration n'a pas explicitement demandé une substitution de motif tirée du maintien d'une activité professionnelle du requérant en 2013 ou en 2014 en France. L'administration en appel ne demande pas davantage une telle substitution de motifs ou de base légale. Il est constant que les premiers juges n'ont pas fait utilisation de l'article R. 611-7 du code de justice administrative relatif aux moyens susceptibles d'être relevé d'offices. Dans les conditions décrites, comme le soutiennent les requérants, en opposant un autre critère, celui de l'activité professionnelle exercée en France par le requérant en 2013 et en 2014 comme motif s'opposant à l'application du II de l'article 163 bis du code général des impôts, les premiers juges ont procédé, sans demande de l'administration à une substitution de motifs et ne l'ont pas soumis au contradictoire. Dès lors, ce jugement doit être annulé pour irrégularité.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. et Mme F....
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme F... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1705120 du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : L'État versera à M. et Mme F... une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme D... première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 août 2020.
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N° 19LY03464