La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/2021 | FRANCE | N°19LY00169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 01 avril 2021, 19LY00169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603903 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel, a partiellement fait droit à sa demande et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 18 janvier 2019 et le 17 avril 2020, M. D..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603903 du 23 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel, a partiellement fait droit à sa demande et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 janvier 2019 et le 17 avril 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge du surplus de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

- la proposition de rectification qui lui a été notifiée est insuffisamment motivée, faute que la proposition de rectification adressée à la SARL L'Escale, à laquelle il est fait référence, y ait été jointe ;

- s'agissant du rejet de sa comptabilité, il n'existe aucun stock négatif ;

- s'agissant de la reconstitution des recettes, la méthode est radicalement viciée dès lors que le prix de trois euros retenu pour le chocolat et le thé est erroné, le taux de perte sur la bière pression doit être porté à 16,6 %, la quantité d'alcool consommée par client est supérieure à celle retenue par le vérificateur, ce dernier n'ayant en outre pas tenu compte des unités de vente de la société, et à tout le moins égale à 28,8 cl par personne, les galettes ne sont pas systématiquement vendues avec du cidre et les crêpes et glaces peuvent être consommées en dessert à l'issue d'un repas ; à tout le moins, la moyenne des coefficients issus de la moyenne des exercices clos en 2010 et en 2012 devrait être appliquée à l'exercice clos en 2011 ; le chiffre d'affaires " galette " doit être compris dans le chiffre d'affaires " repas traditionnel " sous peine de les comptabiliser deux fois.

- il existe des incohérences de résultats si on regarde les coefficients de marge de chaque exercice.

Par des mémoires enregistrés le 14 juin 2019 et le 30 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la proposition de rectification adressée à M. D... est suffisamment motivée ;

- la comptabilité de la SARL L'Escale a été écartée à bon droit comme irrégulière et non probante ;

- la méthode de reconstitution des recettes n'est pas radicalement viciée.

M. D... a produit un nouveau mémoire le 5 février 2021, par lequel il conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., représentant M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL L'Escale, dont M. D... est gérant et associé, et qui exploite un restaurant d'altitude sur la commune des Adrets, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012. Le vérificateur a rejeté sa comptabilité comme étant non probante et a procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et résultats. Suite à la vérification de cette société, M. D... a été imposé, selon une procédure de rectification contradictoire, à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2010 à 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur des revenus distribués par cette société résultant de la reconstitution effectuée. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel et prononcé une décharge partielle, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

3. En l'espèce, la proposition de rectification adressée à M. D... le 20 décembre 2013, dont il a été avisé de la mise en instance du pli la contenant le 24 décembre 2013, indique le fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle les rehaussements sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Elle se borne cependant à indiquer que la SARL L'Escale a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant donné lieu à une proposition de rectification et que la reconstitution de son chiffre d'affaires a permis de constater des omissions de recettes pour chacun des exercices vérifiés, dont le montant est rappelé, sans mentionner les raisons de fait ou de droit pour lesquelles l'administration estimait devoir rehausser les bases imposables de la société. Cette proposition de rectification s'abstenant de fournir, même de manière succincte, des précisions sur ce point, l'administration n'a pas donné au contribuable les motifs des redressements, contrairement aux exigences des dispositions précitées. En admettant que l'allusion à la vérification de comptabilité de la SARL L'Escale puisse être regardée comme une motivation par référence à la proposition de rectification adressée à cette société, il est constant que cette dernière, dont l'administration n'a pas repris la teneur, n'était pas annexée à la proposition de rectification adressée à M. D.... La seule circonstance que l'administration a notifié à la SARL L'Escale, à l'adresse de son siège, la proposition de rectification la concernant et que M. D..., dans le cadre de la procédure concernant la société, a présenté des observations, ne permet pas de le regarder, quand bien même il était le gérant de la SARL L'Escale, comme ayant eu nécessairement connaissance des motifs des rehaussements envisagés à son encontre à la date à laquelle il a reçu, à son adresse personnelle, la proposition de rectification le concernant. Ainsi, la proposition de rectification notifiant à M. D... des compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010, 2011 et 2012 ne comportait pas les éléments de motivation lui permettant de la contester utilement. Il suit de là que l'imposition a été établie suivant une procédure irrégulière.

4. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... dans l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : M. D... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à sa charge au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2018 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme A..., première conseillère,

Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

2

N° 19LY00169

gt


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award