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17/12/2021 | FRANCE | N°19BX03914

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 19BX03914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rexma a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 20 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui accorder une autorisation d'ouverture de travaux miniers (AOTM), ensemble la décision du 17 octobre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701288 du 18 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 18 octobre 2019, et des mémoires enregistr

s les 5 mai 2020 et 20 mai 2021, Me Michel Bes, agissant en qualité de liquidateur judiciaire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rexma a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 20 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui accorder une autorisation d'ouverture de travaux miniers (AOTM), ensemble la décision du 17 octobre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701288 du 18 juillet 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 18 octobre 2019, et des mémoires enregistrés les 5 mai 2020 et 20 mai 2021, Me Michel Bes, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rexma et représenté par Me Le Prado demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 18 juillet 2019 ;

2°) d'annuler les décisions des 20 juillet 2017 et 17 octobre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a jugé que le permis d'exploitation ne confère pas de plein droit une AOTM au titre d'une autorisation d'exploitation, pour en déduire que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, au sens du nouveau code minier devait être écarté ;

- c'est à tort que le préfet de la Guyane a estimé que l'existence de différences entre la première version de l'étude d'impact remise au maître d'ouvrage par le cabinet d'étude Ecobios qu'il a mandaté aux fins d'établir un projet et celle remise à l'administration peut conduire à regarder l'étude d'impact comme étant entachée d'irrégularités substantielles alors que l'article R. 122-1 du code de l'environnement dispose que : " L'étude d'impact préalable à la réalisation du projet est réalisée sous la responsabilité du ou des maîtres d'ouvrage " et que l'alinéa 1er de l'article R. 122-4 du même code rappelle également que : " Sans préjudice de la responsabilité du maître d'ouvrage quant à la qualité et au contenu de l'étude d'impact " ; d'ailleurs, à sa demande, le document d'étude faune-flore que devait réaliser la société Ecobios a été finalisé par M. A... en repartant des éléments parcellaires transmis par Ecobios ; cette dernière a ainsi réalisé les inventaires de terrain tandis que M. A... a déterminé les caractéristiques essentielles du milieu naturel et leur évolution prévisible résultant de la réalisation du projet ;

- c'est à tort que le préfet de la Guyane a estimé que l'étude d'impact remise à l'administration était entachée d'irrégularités substantielles à raison des 102 modifications apportées par rapport à l'étude d'impact " originale ", réalisée par la société Ecobios et relevées par le procureur de la République ; la prise de position de cette autorité est d'ailleurs dépourvue de l'autorité de la chose jugée ; au demeurant, le contenu de l'étude d'impact ne peut être sanctionné par le refus de la demande d'autorisation que dans l'hypothèse où elle comporte des inexactitudes, omissions ou insuffisances qui ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; or, la plupart des modifications étaient mineures et n'avaient, en toute hypothèse, ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, d'" occulte[r] sans équivoque les enjeux de biodiversité dans le secteur en question " ; aucune espèce protégée vue par le bureau d'études Ecobios n'a ainsi été écartée des listes d'inventaires présentées au public et à l'administration ; l'appréciation de l'impact du projet n'a pas davantage été " complètement minimisée " dans l'étude faune-flore remise à l'administration ; l'étude faune-flore a mentionné la présence de 100 espèces dans les limites du permis Limonade et l'existence de mesures spécifiques de protection pour les reptiles ; vis-à-vis des mammifères, l'étude faune-flore n'a pas passé " sous silence le caractère remarquable du site de la crique Limonade " ; l'étude faune-flore remise à l'administration n'a pas non plus " minimisé " l'impact du projet sur les oiseaux, dès lors que l'étude n'a pas omis de préciser que " l'exploitation minière prévue, dans les conditions de reforestation proposées aura[it] un impact temporaire sur les sous populations locales des 15 espèces sensibles " ; une étude d'impact n'est d'ailleurs pas nécessairement entachée d'insuffisances, du seul fait que des manquements existeraient en ce qui concerne des données sur la faune et la flore ;

- le préfet ne pouvait légalement estimer que les prétendues inexactitudes, omissions et insuffisances de l'étude d'impact, d'une part, ne lui avaient pas permis de déterminer les mesures visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet et, d'autre part, avaient été de nature à altérer les résultats de l'enquête ; les services disposaient de l'étude d'impact " originale " ; le préfet reconnaît lui-même, dans les motifs de la décision, que ces prétendues inexactitudes, omissions et insuffisances n'ont pu qu' " atténuer " les résultats de l'enquête et non les modifier ;

- le préfet ne pouvait légalement rejeter la demande d'AOTM de la société Rexma, à raison de prétendues inexactitudes, omissions et insuffisances de l'étude d'impact, sans mettre en œuvre les mesures nécessaires à une régularisation du dossier de demande et de l'enquête publique ; l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration imposait à l'administration de faire le nécessaire en vue de la régularisation de la procédure ; si l'administration estimait que le dossier de la société Rexma était incomplet, il lui appartenait de solliciter de la société Rexma qu'elle complète son dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 avril 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le nouveau code minier ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me De Raismes, représentant Me Bes, liquidateur judiciaire de la société Rexma.

Une note en délibéré présentée par Me Bes, liquidateur judiciaire de la société Rexma a été enregistrée le 1er décembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre en charge des mines a accordé à la société Rexma un permis d'exploitation de mines d'or et de substances connexes sur le secteur de la crique Limonade, sur le territoire de la commune de Saül (Guyane), les 3 mai 2012 et 26 octobre 2012, pour une durée de 5 ans. Par un jugement du 3 mars 2017, le tribunal administratif de la Guyane a, d'une part, annulé la décision du 13 octobre 2015 de rejet de la demande d'autorisation d'ouverture de travaux miniers (AOTM) et la décision implicite de rejet du recours gracieux et, d'autre part, enjoint au préfet de la Guyane de procéder à une nouvelle instruction du dossier dans un délai de deux mois. Par une décision du 20 juillet 2017, le préfet de la Guyane a refusé d'accorder à la société Rexma une AOTM et a rejeté son recours gracieux par une seconde décision du 17 octobre 2017. Me Michel Bes, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rexma relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guyane du 18 juillet 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En se bornant à indiquer, dans sa requête sommaire, que le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont la société Rexma l'a saisies, son liquidateur n'apporte pas les précisions nécessaires à l'examen de ce moyen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ; / 6° refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / (...). ". L'article L. 211-5 du même code prévoit que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise les textes applicables en matière de droit minier et notamment le code minier et le décret n° 2006-649 du 2 juin 2005, indique " qu'il a été établi par le procureur de la République, par décision du 28 novembre 2014 classant sans suite la plainte au pénal pour " faux et usages de faux " compte tenu de la prescription des faits, que de nombreuses modifications avaient été apportées à l'étude d'impact originale produite par le bureau d'études Ecobios conduisant à ce que le document remis à l'administration à l'appui de la demande d'AOTM démontre que l'exploitation minière aurait un faible impact sur l'écosystème en minimisant ou passant sous silence les dommages sur l'environnement et le caractère irréversible de l'exploitation d'une mine sur la crique Limonade ", que " le nouveau rapport du service instructeur apporte des précisions en ses annexes quant à la réalité de l'impact sur l'environnement d''une AOTM dans le secteur concerné, notamment au regard de la flore, de la faune et plus particulièrement en ornithologie ", que " l'appréciation de l'impact du projet sur les oiseaux a été complètement minimisée, l'étude remise à l'administration considérant que l'exploitation ne semblait pas de nature à faire disparaître la population locale d'espèces d'oiseaux alors que l'étude originale précisait au contraire que les habitats naturels de la crique Limonade et les espèces qui leur sont liées seraient directement menacés par l'exploitation minière ", que " l'appréciation de l'impact du projet sur les mammifères a été complètement minimisée, l'étude d'impact remise à l'administration passant sous silence le caractère remarquable du site de la crique Limonade de ce point de vue, comparativement à ce qu'indiquait l'étude d'impact originale ", que " l'appréciation de l'impact du projet sur les reptiles et amphibiens a été complètement minimisée. En effet, contrairement à l'étude d'impact remise à l'administration le document original estimait que la biodiversité des reptiles et des amphibiens de la crique Limonade est de loin supérieure à celle de tous les autres sites ", que " le tableau de synthèse de l'étude d'impact remise à l'administration ne liste plus que 20 espèces protégées au lieu des 30 comptabilisées par le document original ", que " la présence d'espèces protégées listées dans l'étude d'impact originale et non reprises dans le document remis à l'administration notamment la loutre géante, espèce menacée, inféodée aux milieux aquatiques et très sensible à l'altération de son milieu de vie, est corroborée par les données d'inventaire transmises par le Parc amazonien ", que " la nidification sur le site d'une espèce protégée d'oiseau, I'Onoré zigzag, attestée dans l'étude d'impact originale, n'est plus mentionnée dans le document remis à l'administration ", que " le service instructeur n'a par conséquent pas pu prescrire des mesures visant à éviter, réduire ou compenser les impacts qui fussent à la hauteur des impacts réels du projet ", " qu'en conséquence [...] l'administration n'est pas en mesure d'encadrer l'autorisation d'exploiter sollicitée par des prescriptions qui permettraient d'assurer la préservation des intérêts énumérés à l'article L. 161-1 du code minier, notamment la protection de la faune et des équilibres biologiques ", que " la société REXMA en atténuant le contenu de l'étude d'impact a privé le public et les services consultés de la garantie à une procédure d'enquête publique transparente, leur permettant d'apprécier en toute connaissance de cause les enjeux du projet et par suite d'exprimer un avis éclairé " et que " les résultats de [l'] enquête publique ne pouvaient être qu'atténués compte tenu des insuffisances constatées a posteriori dans l'étude d'impact ". Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué est suffisamment motivé en droit et en fait.

5. En deuxième lieu, en se bornant à indiquer dans sa requête sommaire que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a jugé que le permis d'exploitation ne confère pas de plein droit une AOTM au titre d'une autorisation d'exploitation, pour en déduire que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, au sens du nouveau code minier devait être écarté, le liquidateur de la société Rexma n'apporte pas les précisions nécessaires à l'examen de ce moyen.

6. En troisième lieu, ainsi que le soutient à juste titre le requérant, l'existence de différences entre la version de l'étude d'impact remise au maître d'ouvrage par le cabinet d'étude Ecobios et celle remise à l'administration qui a été finalisée par M. A..., mandaté par la société Burgeap en lien contractuel avec la société Rexma, ne suffit pas, à elle seule, à regarder l'étude d'impact comme étant entachée d'une irrégularité substantielle tenant à son caractère non sincère. En effet, en application des articles R. 122-1 et R. 122-4 du code de l'environnement, l'étude d'impact préalable à la réalisation du projet est réalisée sous la responsabilité du ou des maîtres d'ouvrage responsable de la qualité et du contenu de cette étude. D'ailleurs, l'intervention de M. A... qui a finalisé l'étude faune-flore permettant de déterminer les caractéristiques essentielles du milieu naturel et leur évolution prévisible résultant de la réalisation du projet, s'explique par la carence de la société Ecobios, dûment relevée par le DRIRE, à fournir un bilan écologique. Toutefois, la décision attaquée ne fait état de cette circonstance de fait que pour souligner, à l'appui d'ailleurs du nouveau rapport d'instruction de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Guyane en date du 28 avril 2017 et de données d'inventaire transmises par le Parc amazonien, que le document final remis à l'administration mentionne, à tort, un faible impact du projet sur l'écosystème en minimisant ou passant sous silence les dommages sur l'environnement et le caractère irréversible de l'exploitation d'une mine sur la crique Limonade. Par suite, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur de droit.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6, dans sa rédaction applicable, du décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains " I.- Le demandeur d'une autorisation présentée au titre de l'article 3 constitue un dossier comprenant [...] 4° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement. ". Aux termes de l'article R. 122-5 dans sa rédaction applicable du code de l'environnement " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine [...] VIII. - Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : a) Le maître d'ouvrage s'assure que celle-ci est préparée par des experts compétents ; b) Le maître d'ouvrage tient compte, le cas échéant, des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables ; ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. L'autorité administrative peut se fonder sur ce motif pour refuser la délivrance de l'autorisation demandée.

8. De première part, le procureur de la République de Cayenne dans une réponse qu'il a faite à la société requérante en date du 28 novembre 2014, a estimé que les enquêteurs, qui ont comparé l'étude remise par la société Ecobios à la société Rexma et celle remise aux administrations, recensaient 102 modifications du texte initial portant sur les études des mammifères, des poissons, des reptiles, des batraciens, des chauves-souris, de la flore, et des oiseaux et que la lecture d'un " tableau comparatif montre que les suppressions, modifications et ajouts sont univoques et tendent à démontrer que l'impact d'une exploitation minière a une faible importance sur l'écosystème, peut même l'améliorer, et, est dans tous les cas réversible alors que le rapport initial souligne les dommages et le caractère irréversible de l'exploitation d'une mine sur la crique limonade. ". Le procureur en a conclu qu' " En attribuant faussement cette étude à ECOBIOS, il porte préjudice à cette société et à son dirigeant puisqu'il dénature ses travaux mais également à l'Etat en créant une confusion quant à l'origine des données décrites et des conclusions qui en résultent et l'ont conduit à accorder un droit d'exploitation ", que " la vérité scientifique écolog[iq]ue n'est pas inscrite dans le marbre " et qu'" il serait difficile de démontrer que les conclusions de M. A... n'ont aucun fondement scientifique et sont donc mensongers. On peut seulement relever comme il le reconnaît lui-même que l'étude aurait dû mentionner les avis divergents pour avoir une valeur scientifique incontestable, confortant ainsi la réalité d'un faux. ". Ce procureur ajoute aussi que les faits sont prescrits. La circonstance que cette prise de position du Parquet soit dépourvue de l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à sa prise en compte à titre d'élément d'information.

9. De seconde part, le requérant soutient qu'aucune espèce protégée identifiée dans le document final n'a été écartée des listes d'inventaires présentées au public et à l'administration et que l'appréciation de l'impact du projet n'a pas davantage été " complètement minimisée " dans l'étude faune-flore remise à l'administration en ce qu'elle mentionne la présence de 100 espèces dans les limites du permis dit " Limonade " et l'existence de mesures spécifiques de protection pour les reptiles, fait encore état pour les mammifères du caractère remarquable du site de la crique Limonade et de ce que l'exploitation minière prévue, dans les conditions de reforestation proposées, aura un impact temporaire sur les sous populations locales des 15 espèces aviaires sensibles.

10. Il ressort des pièces du dossier que la réponse précitée du procureur de la République indique notamment que l'étude en cause aurait dû mentionner les avis divergents pour avoir une valeur scientifique incontestable et ajoute aussi que la lecture d'un " tableau comparatif montre que les suppressions, modifications et ajouts sont univoques et tendent à démontrer que l'impact d'une exploitation minière a une faible importance sur l'écosystème, peut même l'améliorer, et, est dans tous les cas réversible alors que le rapport initial souligne les dommages et le caractère irréversible de l'exploitation d'une mine sur la crique Limonade. ". Le nouveau rapport de la DEAL de la Guyane en date du 28 avril 2017 assorti d'annexes, mentionne, pour sa part, que sur les 102 modifications apportées à l'étude initiale, 37 d'entre elles ont eu un impact significatif en ce qu'elles ont conduit à présenter une version faussée de l'état environnemental du site et des impacts sur le projet d'environnement. Il relève notamment, que le caractère exceptionnel du site en matière d'ornithologie, qui comporte 37 espèces d'oiseaux rares dont 4 protégées, est complétement occulté, que les indications relatives à d'autres enjeux écologiques majeurs du secteur tels que la richesse en habitat ripicole, la présence d'amphibiens et de chiroptères, la présence ou la nidification d'espèces protégées telles que la loutre géante ou l'onoré zigzag ont été supprimées, que des paragraphes mettant en évidence les disparitions qu'emporteraient les travaux envisagés ont été remplacés par des développements sur la neutralité de ces travaux sur les espèces liées aux rivières, leurs effets positifs sur les gibiers, le maintien des populations grâce à la reconstitution continue des milieux et la réinstallation ailleurs des deux espèces les plus rares. Le requérant n'apporte, pour sa part, aucun élément de nature à démontrer le caractère sincère de l'étude. Compte tenu du caractère substantiel des inexactitudes, omissions et insuffisances entachant l'étude d'impact, le préfet pouvait légalement estimer d'une part, qu'elles étaient de nature à avoir une influence sur sa décision en ce qu'elles ne lui permettaient pas de déterminer les mesures visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet, et ce alors même que ces services disposaient aussi de l'étude d'impact dite " originale " et d'autre part, qu'elles étaient de nature à nuire à l'information complète de la population, notamment durant l'enquête publique, et sanctionner en conséquence ce vice en refusant de délivrer l'autorisation demandée. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Guyane n'a pas commis d'erreur d'appréciation de la régularité de l'étude d'impact produite par la société Rexma.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration, " Lorsqu'une demande adressée à une administration est affectée par un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen et que ce vice est susceptible d'être couvert dans les délais légaux, l'administration invite l'auteur de la demande à la régulariser en lui indiquant le délai imparti pour cette régularisation, les formalités ou les procédures à respecter ainsi que les dispositions légales et réglementaires qui les prévoient. (...) ".

12. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet pouvait légalement rejeter, pour le motif précité figurant au point 10 du présent arrêt révélant non pas un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen, mais des inexactitudes, omissions et insuffisances délibérées constitutives d'un vice dénaturant l'étude d'impact, la demande d'AOTM de la société Rexma sans avoir à mettre en œuvre, sur le fondement de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures nécessaires à une régularisation du dossier de demande et de l'enquête publique. La circonstance que la société requérante ait collaboré à l'enquête publique, qui s'est déroulée du 4 mai au 19 juin 2009, et qu'elle ait encore répondu aux remarques du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en date du 22 avril 2011, à la suite de la transmission du dossier par le préfet de la Guyane, est sans influence sur ce point.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que Me Michel Bes, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rexma n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Guyane a refusé de lui accorder une autorisation d'ouverture de travaux miniers (AOTM) et de la décision du 17 octobre 2017 rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Me Michel Bes, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Rexma est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Michel Bes, liquidateur judiciaire de la société Rexma et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 19BX03914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03914
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979 - Décision refusant une autorisation.

Mines et carrières - Mines - Exploitation des mines - Régime juridique - Concession de mine.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-17;19bx03914 ?
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