Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire émis le 31 décembre 2016 par le président de la communauté de communes Médoc Estuaire portant avis de paiement de la somme de 18 979,99 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1701349 du 30 janvier 2019, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 mars 2019 et le 21 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Boukheloua, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1701349 du tribunal ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 31 décembre 2016 ;
3°) de le décharger de l'obligation de payer la somme portée sur le titre ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes Médoc Estuaire la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le jugement n'est pas revêtu des signatures comme le prévoit l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le jugement ne répond pas au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par les auteurs du décret n° 88-614 du 6 mai 1988 en ce qu'ils n'ont pas pris en compte, à l'article 8 de ce décret, le montant de la rémunération tirée de l'activité exercée en cumul auprès d'un autre employeur public dans la minoration du montant versé pendant le congé spécial de l'agent ;
Il soutient, au fond, que :
- le titre exécutoire n'indique pas la nature de l'activité exercée pour le compte de l'autre employeur public ni le temps d'exercice de cette activité ; il n'indique dès lors pas avec suffisamment de précisions les bases de liquidation de la créance en litige ;
- l'article 8 du décret du 6 mai 1988 méconnaît le principe d'égalité de traitement des agents selon que ces derniers perçoivent une rémunération d'un employeur public ou une rémunération d'un employeur privé ; il n'existe aucun objectif d'intérêt général qui justifierait pour des raisons de moralité une limitation du cumul d'emplois publics, lequel est autorisé par la législation existante ; de plus, la différence de traitement à laquelle aboutit l'application du décret est manifestement disproportionnée dès lors que, selon que l'agent travaille pour un organisme public ou un organisme privé, la différence de traitement en terme de rémunération globale peut être de 1 contre 10 dans l'hypothèse où l'agent perçoit une rémunération modeste consécutive à quelques heures de travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, la communauté de communes Médoc Estuaire, représentée par Me Ruffié, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par ordonnance du 29 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 octobre 2021 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 88-614 du 6 mai 1988 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Jouanneaux, représentant la communauté des communes Médoc Estuaire.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a occupé l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la communauté de communes Médoc Estuaire. Il a été placé à sa demande en position de congé spécial pour la période du 28 février 2013 au 1er mai 2015 par un arrêté du président de la communauté de communes du 28 janvier 2013. A l'intérieur de cette période, soit de septembre 2013 à juillet 2014, M. A... a assuré des enseignements rémunérés auprès du centre national de la fonction publique territoriale. La communauté de communes Médoc Estuaire a décidé en conséquence de réduire la rémunération qu'elle servait à M. A... pendant son congé spécial au seul montant de la retenue pour pension en application de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 relatif au congé spécial de certains fonctionnaires territoriaux. Aussi, un titre exécutoire pour le recouvrement d'une somme de 18 979,99 euros a été émis à l'encontre de M. A... le 22 septembre 2014. A la demande de ce dernier, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre exécutoire pour défaut d'indication des bases de liquidation de la créance, par un jugement du 7 juin 2016. Le président de la communauté de communes Médoc Estuaire a signé un nouveau titre exécutoire du 31 décembre 2016, dont M. A... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Bordeaux. M. A... relève appel du jugement rendu le 30 janvier 2019 par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation du titre et sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme en litige.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal, M. A... a soutenu par la voie de l'exception d'illégalité que l'article 8 du décret du 6 mai 1988 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation pour ne pas avoir pris en considération le montant de la rémunération obtenue d'un employeur public dans l'application de la règle conduisant à réduire au seul montant de la retenue pour pension le traitement versé par le premier employeur pendant le congé spécial.
3. Après avoir relevé au point 8 de son jugement que le requérant a soutenu " par la voie de l'exception d'illégalité, que l'article 8 du décret du 6 mai 1988 méconnaît le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires en congé spécial dès lors qu'il institue une réglementation du cumul de rémunérations différentes selon que l'autre rémunération perçue est une rémunération publique ou privée, en instaurant une réduction disproportionnée en cas de perception d'une rémunération publique ", le tribunal a exposé au point 10 les raisons pour lesquelles il a estimé que la différence de traitement instituée par les auteurs du décret n'était pas disproportionnée par rapport aux objectifs qui la justifient et dont il a rappelé la teneur. Ce faisant, les premiers juges ont nécessairement répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste soulevé par M. A... qui n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé en raison d'une omission à répondre à un moyen.
4. En second lieu, le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
Sur la validité du titre exécutoire du 31 décembre 2016 :
En ce qui concerne l'indication des bases de la liquidation :
5. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les dispositions du titre Ier du présent décret sont applicables aux administrations publiques (...) mentionnées aux 1° à 5° suivants (...) : (...) 2° Les collectivités territoriales, leurs établissements publics (...) ". Aux termes de l'article 24 inclus dans le titre Ier du même décret : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ".
6. Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
7. Le titre exécutoire en litige du 31 décembre 2016 mentionne à la rubrique " objet de la créance " : " trop-perçu de rémunération suite à des activités exercées pendant un congé spécial - pièces jointes au présent titre : annexe 1 portant sur le calcul de la retenue pour pension - annexe 2 portant sur le calcul du remboursement du trop-perçu ". L'annexe 1 jointe au titre comporte un tableau détaillant les modalités de calcul de la retenue pour pension pour la période concernée tandis que l'annexe 2 contient un tableau faisant apparaître la rémunération perçue par M. A..., celle qu'il aurait dû percevoir en application de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 et le trop-perçu résultant de cette différence. Alors même que la nature exacte de l'activité exercée par M. A... pendant son congé spécial n'a pas été précisée, les indications contenues dans le titre exécutoire et les documents qui lui ont été annexés étaient suffisantes pour permettre à ce dernier de connaître les bases de liquidation de la créance et pour les contester utilement. Le moyen tiré de l'irrégularité du titre exécutoire en litige doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 :
8. Aux termes de l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les collectivités ou établissements dans lesquels des fonctionnaires territoriaux occupent un emploi fonctionnel visé à l'article 53 ont la faculté d'accorder, sur demande des intéressés, un congé spécial d'une durée maximale de cinq ans dans des conditions fixées par décret. (...) Pendant ce congé, la rémunération des intéressés demeure à la charge de la collectivité ou de l'établissement public concerné. A l'expiration de ce congé, le fonctionnaire est admis d'office à la retraite. (...) Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. ". Il résulte des dispositions précitées que, si le fonctionnaire territorial placé en position de congé spécial cesse définitivement d'exercer ses fonctions et n'est plus susceptible d'être rappelé à l'activité, il demeure, pendant toute la durée de ce congé, membre du cadre d'emplois auquel il appartient. La rémunération qu'il perçoit dans cette situation présente le caractère d'un traitement.
9. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 pris pour l'application de l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif au congé spécial de certains fonctionnaires territoriaux : " I. - L'intéressé perçoit, pendant le congé spécial, une rémunération égale au montant du traitement indiciaire atteint à la date de la mise en congé, majoré du montant de l'indemnité de résidence et, s'il y a lieu, du supplément familial de traitement. II. - Lorsque le fonctionnaire en congé spécial exerce, pendant le congé spécial, une activité rémunérée, la rémunération prévue au I est réduite 1° D'un tiers, si les émoluments perçus au titre de l'activité exercée sont supérieurs à la moitié de cette rémunération ; 2° De la moitié, s'ils sont supérieurs aux deux tiers de cette rémunération ; 3° Des deux tiers, s'ils sont supérieurs à 100 % de cette rémunération ; 4° Au montant de la retenue pour pension que l'intéressé doit verser en application de l'article 9, s'ils sont supérieurs à 125 % de cette rémunération ; 5° Au montant de la retenue pour pension, dans tous les cas où les émoluments alloués au titre de l'activité exercée pendant le congé spécial sont versés par une administration, une entreprise publique, un office, établissement ou organisme public, ou un organisme privé chargé d'une mission de service public. ".
10. Après avoir constaté que M. A... avait exercé pendant son congé spécial une activité rémunérée auprès du centre national de la fonction publique territoriale, organisme public, le président de la communauté de communes Médoc Estuaire a fait application des dispositions précitées du 5° de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 en réduisant la rémunération servie à l'intéressé pendant la période considérée, soit 2 904 euros mensuels, au montant de la retenue pour pension, soit 1 160 euros. La somme de 18 979,99 euros portée sur le titre exécutoire du 31 décembre 2016 en litige représente, ainsi qu'il a été dit, le trop-perçu dont M. A... a bénéficié pendant la période considérée.
11. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
12. Le fonctionnaire territorial placé à sa demande en position de congé spécial continue de percevoir de son administration son plein traitement alors qu'il doit cesser définitivement d'exercer ses fonctions à l'issue de ce congé. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 prévoient que lorsque cet agent exerce, pendant son congé spécial, une activité rémunérée auprès d'une collectivité ou d'un organisme public, le traitement qu'il perçoit de son administration d'origine est réduit au montant de sa retenue pour pension.
13. Ces dispositions ont pour objet d'éviter que l'agent déjà bénéficiaire de son plein traitement ne puisse cumuler celui-ci avec une autre rémunération publique qu'il a choisi de percevoir en décidant, bien qu'il soit en position de congé spécial, de travailler pour le compte d'un autre organisme public. Elles poursuivent, dès lors, un objectif dissuasif d'intérêt général visant à éviter un plein cumul de rémunérations publiques. La différence de traitement instituée par l'article 8 du décret selon que la rémunération supplémentaire obtenue par l'agent en congé spécial présente un caractère privé ou public est ainsi en rapport avec l'objet poursuivi par le pouvoir réglementaire.
14. Par ailleurs, en modulant le montant des émoluments lorsque le bénéficiaire du congé spécial perçoit " une rémunération privée " en fonction du montant de cette dernière rémunération - laquelle modulation peut aller jusqu'à la réduction du traitement au montant de la retenue pour pension dans l'hypothèse prévue au 4° de l'article 8 du décret - et en la réduisant au montant de la retenue pour pension lorsque la rémunération est publique, sans prévoir de modulation tenant compte du montant de cette rémunération, le pouvoir réglementaire n'a pas introduit une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.
15. En second lieu, les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 ne sont pas équivoques et sont suffisamment précises. Par suite, elles ne méconnaissent ni l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ni le principe de sécurité juridique.
16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à contester par voie d'exception la légalité de l'article 8 du décret du 6 mai 1988.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. A... tendant à ce que la communauté de communes Médoc-Estuaire, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
19. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge du requérant la somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête n° 19BX01187 présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la communauté de communes Médoc Estuaire la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la communauté de communes Médoc Estuaire.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Agnès Bourjol, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2021.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Didier Artus
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01187