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30/03/2021 | FRANCE | N°19BX01133

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 mars 2021, 19BX01133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Argoloc Charter a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision, en date du 26 octobre 2016, par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 244 quater W du code général des impôts, au titre du crédit d'impôt institué en faveur des investissements productifs en outre-mer.

Par un jugement n° 17000

11 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Argoloc Charter a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision, en date du 26 octobre 2016, par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 244 quater W du code général des impôts, au titre du crédit d'impôt institué en faveur des investissements productifs en outre-mer.

Par un jugement n° 1700011 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019, et un mémoire enregistré le 15 septembre 2020, la société Argoloc Charter représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision, en date du 26 octobre 2016, par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 244 quater W du code général des impôts, au titre du crédit d'impôt institué en faveur des investissements productifs en outre-mer ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle est fondée à bénéficier de cet agrément dès lors qu'elle assume seule l'exploitation des deux bateaux de plaisance pour lesquels elle revendique le bénéfice du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater W du code général des impôts ; contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, la SARL Dream Yacht Caribbean (DYC) n'est pas la véritable exploitante des deux navires puisqu'elle n'est sollicitée qu'en tant qu'intermédiaire, au travers du contrat de coopération signé le 18 janvier 2016 ; le fait de rechercher des clients locataires par l'intermédiaire d'un tiers ou de solliciter ses prestations ne signifie nullement que l'on entende transférer l'exploitation du bien audit tiers et c'est d'ailleurs bien la société Argoloc Charter qui facture en son nom les clients qu'a pu lui trouver la SARL DYC ; pour considérer la SARL DYC comme le véritable exploitant des bateaux, encore faudrait-il que les deux sociétés soient liées par un véritable contrat de bail, donnant lieu de sa part à la facturation de loyers à la SARL DYC ; cette dernière n'a pas la qualité de preneur en vertu d'un contrat de bail dès lors qu'elle n'a pas la jouissance des deux navires, se limite à rechercher des clients pour son compte et à lui assurer des prestations accessoires, dans le respect du contrat de coopération conclu le 18 janvier 2016 ; la société Argoloc Charter assume seule le risque juridique ; les caractéristiques juridiques essentielles qui permettraient de qualifier le contrat de coopération en un contrat de bail font manifestement défaut en l'espèce.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 26 août 2020 et 8 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2020 à 12 heures.

Par lettre du 4 janvier 2021, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les dispositions du III de l'article 217 undecies du code général des impôts ne permettent pas au directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe de refuser l'agrément qu'elles prévoient, en totalité ou en partie, pour des raisons autres que celles qui sont fixées par la loi.

Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021, le ministre de l'action et des comptes publics a répondu à ce moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 25 février 2021, la société Argoloc Charter a répondu à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Argoloc Charter, anciennement dénommée SNC Aulne Karukera Scorff, qui a été créée le 9 novembre 2004 et enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Pointe-à-Pitre le 18 novembre 2004, a pour objet " l'achat de bateaux de plaisance, en vue de leur location à des bases nautiques dans les départements d'outre-mer ou directement à des particuliers ". Elle a fait l'acquisition au cours de l'année 2016 de deux navires de plaisance, l'un de type Saba 50 Quintet, pour une valeur hors taxes de 749 552,95 euros, et l'autre de type Lucia 40 Quatuor pour une valeur hors taxes de 321 345,90 euros. Un contrat de coopération a été conclu, le 18 janvier 2016, avec un prestataire, la SARL Dream Yacht Caribbean (DYC) afin que les bateaux restent constamment entretenus. La société Argoloc Charter relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 décembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 octobre 2016, par laquelle le directeur régional des finances publiques a rejeté sa demande tendant à l'obtention de l'agrément fiscal nécessaire au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 244 quater W du code général des impôts, au titre du crédit d'impôt institué en faveur des investissements productifs en outre-mer.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater W du code général des impôts " I. - 1. Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 duodecies à 44 sexdecies, exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à raison des investissements productifs neufs qu'elles réalisent dans un département d'outre-mer pour l'exercice d'une activité ne relevant pas de l'un des secteurs énumérés aux a à l du I de l'article 199 undecies B. / (...). / (...). / VII. - Lorsque le montant total par programme d'investissements est supérieur aux seuils mentionnés au II quater et au III de l'article 217 undecies, le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III du même article, sauf dans le cas où il s'agit d'un programme d'investissements mentionné au 3° du 4 du I du présent article réalisé par un organisme mentionné au 1 du I de l'article 244 quater X. / (...). ".

3. Aux termes du III de l'article 217 undecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de la demande d'agrément : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de l'agriculture, de la pêche maritime et de l'aquaculture, de l'industrie charbonnière et de la sidérurgie, de la construction navale, des fibres synthétiques, de l'industrie automobile, ou concernant la rénovation et la réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés ou des entreprises en difficultés, ou qui sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer.(...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. (...) ". Aux termes de l'article 170 decies I de l'annexe IV au code général des impôts dans sa rédaction alors applicable " L'agrément prévu aux II quater et III de l'article 217 undecies du code général des impôts est délivré par le directeur départemental ou le directeur régional des finances publiques du département dans lequel le programme d'investissement est réalisé lorsque son montant total n'excède pas 1,5 million d'euros, à l'exception du secteur du logement. ".

4. Pour refuser de délivrer l'agrément sollicité, le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe s'est fondé sur la circonstance que l'investissement en litige ne remplissait pas les conditions fixées par l'article 244 quater W du code général des impôts dès lors que la société requérante n'exploite pas directement les navires de plaisance qu'elle a acquis.

5. Les dispositions de l'article 217 undecies du code général des impôts instituent, au profit des sociétés qui remplissent les conditions qu'elles fixent, un droit au bénéfice de l'agrément qu'elles prévoient. Elles ne permettent au directeur régional des finances publiques ni de refuser l'agrément prévu au III, ni de limiter le montant des investissements productifs pour lesquels il est délivré en se fondant sur d'autres conditions que celles qui sont prévues par la loi.

6. La circonstance que l'investissement en litige ne remplirait pas les conditions fixées par les dispositions de l'article 244 quater W du code général des impôts, relatif à l'ouverture du droit à la réduction d'impôt qu'il prévoit, ne se rattache à aucune des conditions fixées par l'article 217 undecies du même code pour l'obtention de l'agrément préalable de l'opération d'investissement. Dès lors, en se fondant sur ce motif, le directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe a méconnu le champ d'application de cet article.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Argoloc Charter est fondée à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés, non compris dans les dépens, exposés par la société Argoloc Charter partie gagnante en appel.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 décembre 2018 et la décision du 26 octobre 2016 du directeur régional des finances publiques de la Guadeloupe sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Argoloc Charter une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Argoloc Charter et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. A... B... premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 30 mars 2021.

La présidente,

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01133
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-02-01-02-01-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Questions communes. Pouvoirs du juge fiscal. Recours pour excès de pouvoir. Refus d'agrément.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET EVOLIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-30;19bx01133 ?
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