LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2021
Cassation
M. CATHALA, président
Arrêt n° 723 FS-P+R
Pourvoi n° C 19-23.745
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2021
1°/ M. [X] [T], domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [Z] [P], domicilié [Adresse 2],
3°/ Mme [T] [M], domiciliée [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° C 19-23.745 contre le jugement rendu le 16 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Pantin (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ à l'association Areram, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte), domicilié [Adresse 5],
3°/ à Mme [N] [R], domiciliée [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [M] et MM. [T] et [P], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Areram, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mme Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Pantin, 16 octobre 2019), en vue de la mise en place du nouveau comité social et économique (CSE) au sein de l'association Areram, l'employeur a fixé unilatéralement à sept, le 19 juillet 2019, le nombre des établissements distincts. Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le direccte) a, le 20 septembre 2019, annulé cette décision et a dit qu'un unique comité social et économique devait être mis en place.
2. Par requête du 30 septembre 2019, l'employeur a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de la décision administrative et la confirmation de sa décision unilatérale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [T], délégué syndical CGT, M. [P], délégué syndical CGT, et Mme [M], déléguée syndicale FO, font grief au jugement d'annuler la décision de l'administration du 20 septembre 2019 et de valider la décision unilatérale de l'employeur du 19 juillet 2019 relative à la constitution de sept comités sociaux et économiques d'établissement et d'un comité central, alors :
« 1°/ que le juge doit analyser, serait-ce sommairement, l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir qu'en matière de rupture du contrat de travail, il résultait du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 6 juin 2017 que selon les indications du directeur général ''les demandes de ruptures conventionnelles sont traitées au cas par cas ; un avis des directeurs est requis et le directeur général tranche'', ce dont il résultait clairement que le pouvoir de rompre conventionnellement les contrats de travail des salariés était détenu par la seule direction générale et centrale ; qu'en jugeant néanmoins que l'autonomie des directeurs d'établissement résultait de la négociation par un directeur d'établissement d'une rupture conventionnelle et d'une demande d'homologation adressée par un autre directeur, sans analyser le procès-verbal litigieux duquel il résultait que ces directeurs ne faisaient qu'exécuter la décision d'accorder la rupture conventionnelle prise préalablement par le seul directeur général, le tribunal a violé les articles 9 et 455 du code de procédure civile ;
2°/ que caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que les directeurs d'établissement étaient autonomes au motif inopérant qu'un directeur a adressé une lettre de convocation à entretien préalable à licenciement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la décision de licencier avait été prise par le seul directeur, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail ;
3°/ que caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations effectives de compétence dont dispose son responsable, une autonomie en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que les directeurs d'établissement étaient autonomes aux motifs qu'ils disposaient d'une délégation de compétence leur donnant ''autorité sur l'ensemble du personnel'' et leur permettant d' ''assurez la gestion du personnel dans le cadre des procédures prévues par l'association'' ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher précisément si les pouvoirs d'embauche, de sanction et de rupture du contrat étaient exercés de manière autonome et effective par les seuls directeurs d'établissement, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 2313- 4 et L. 2313-5 code du travail ;
4°/ que caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; qu'en considérant que les directeurs d'établissement étaient autonomes au regard de la gestion du personnel, sans rechercher s'ils disposaient également d'une autonomie en matière d'exécution du service, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 du code du travail :
4. Selon le premier de ces textes, lorsqu'ils résultent d'une décision unilatérale de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service.
5. Lorsqu'ils sont saisis d'un recours dirigé contre la décision unilatérale de l'employeur, le direccte, par une décision motivée, et le tribunal judiciaire se fondent, pour apprécier l'existence d' établissements distincts au regard du critère d'autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l'organisation interne de l'entreprise que fournit l'employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l'appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier.
6. La centralisation de fonctions support ou l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l'autonomie de gestion des responsables d' établissement.
7. Pour annuler la décision du direccte et valider la décision unilatérale de l'employeur, le jugement retient que les deux exemples de délégations de pouvoir du 1er novembre 2011 et du 9 avril 2018 donnent au directeur d'établissement une « autorité sur l'ensemble du personnel employé dans votre établissement. Vous assurez la gestion du personnel dans le cadre des procédures prévues par l'association », que la preuve de la mise en pratique de ces délégations est fournie notamment par la production de la négociation d'une rupture conventionnelle par le directeur de l'IME Edouard Seguin, la demande d'homologation d'une rupture conventionnelle par le directeur de Vie Professionnelle Cap Emploi 94 et une convocation à un entretien préalable de licenciement émise par le directeur de Vie Professionnelle 91.
8. En se déterminant ainsi sans rechercher, au regard des éléments produits tant par l'employeur que par les organisations syndicales, si les directeurs des établissements concernés avaient effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service, et si la reconnaissance à ce niveau d'établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques était de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Pantin ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Bobigny autrement composé ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Areram et la condamne à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [M] et MM. [T] et [P]
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la décision de l'administration du 20 septembre 2019 et d'AVOIR validé la décision unilatérale de l'association du 19 juillet 2019 relative à la constitution de 7 comités sociaux et économiques d'établissement et d'un comité central.
AUX MOTIFS QUE à l'appui d'une jurisprudence récente du 19-12-18 il ressort que : - le juge d'instance apprécie le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des CSE en fonction de l'autonomie de gestion du responsable d'établissement, notamment en matière de personnel ; - 1'établissement distinct se caractérise par l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; - cette autonomie de gestion doit seulement être suffisante, dans plusieurs de ses aspects (gestion du personnel et gestion de l'activité économique) compte tenu de l'objectif poursuivi, qui est de permettre au responsable d'établissement de présider utilement ce comité, c'est à dire l'informer, le consulter et engager un dialogue utile avec ses membres, sans impliquer une indépendance totale de 1'établissement par rapport à la structure centrale d'entreprise. En l'espèce l'association ARERAM est composée 11 services stables sur plusieurs sites distincts. La décision du 19-07-19 prévoit d'instituer 7 établissements distincts dotés de 7 CSEE et 1 CSEC. Les deux exemples de délégations de pouvoir du 01-01-11 et du 09-04-18 donnent au directeur d'établissement une "autorité sur l'ensemble du personnel employé dans votre établissement. Vous assurez la gestion du personnel dans le cadre des procédures prévues par l'association". La preuve de la mise en pratique de ces délégations est fournie notamment par la production de la négociation d'une rupture conventionnelle par le directeur de TIME Edouard Seguin, la demande d'homologation d'une rupture conventionnelle par le directeur de Vie Professionnnelle Cap Emploi 94, une convocation à un entretien préalable de licenciement émise par le directeur de Vie Professionnelle 91. S'agissant de la charge de responsabilité et de travail qui reposera sur les représentants de proximité, il n'appartient pas à la DIRECCTE d'estimer celle-ci. Cet élément n'est pas prévu par les textes. Dès lors il convient d'annuler la décision de la DIRECCTE du 20-09-19.
1° ALORS QUE le juge doit analyser, serait-ce sommairement, l'ensemble des pièces versées aux débats ; qu'en l'espèce, les exposants faisaient valoir qu'en matière de rupture du contrat de travail, il résultait du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 6 juin 2017 que selon les indications du directeur général « les demandes de ruptures conventionnelles sont traitées au cas par cas ; un avis des directeurs est requis et le directeur général tranche », ce dont il résultait clairement que le pouvoir de rompre conventionnellement les contrats de travail des salariés était détenu par la seule direction générale et centrale ; qu'en jugeant néanmoins que l'autonomie des directeurs d'établissement résultait de la négociation par un directeur d'établissement d'une rupture conventionnelle et d'une demande d'homologation adressée par un autre directeur, sans analyser le procès-verbal litigieux duquel il résultait que ces directeurs ne faisaient qu'exécuter la décision d'accorder la rupture conventionnelle prise préalablement par le seul directeur général, le tribunal a violé les articles 9 et 455 du code de procédure civile.
2° ALORS QUE caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que les directeurs d'établissement étaient autonomes au motif inopérant qu'un directeur a adressé une lettre de convocation à entretien préalable à licenciement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la décision de licencier avait été prise par le seul directeur, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.
3° ALORS QUE caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations effectives de compétence dont dispose son responsable, une autonomie en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que les directeurs d'établissement étaient autonomes aux motifs qu'ils disposaient d'une délégation de compétence leur donnant « autorité sur l'ensemble du personnel » et leur permettant d' « assurez la gestion du personnel dans le cadre des procédures prévues par l'association » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher précisément si les pouvoirs d'embauche, de sanction et de rupture du contrat étaient exercés de manière autonome et effective par les seuls directeurs d'établissement, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.
4° ALORS QUE caractérise au sens de l'article L. 2313-4 du code du travail un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service ; qu'en considérant que les directeurs d'établissement étaient autonomes au regard de la gestion du personnel, sans rechercher s'ils disposaient également d'une autonomie en matière d'exécution du service, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.