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04/03/2021 | FRANCE | N°18VE04315

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 mars 2021, 18VE04315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n°1104898 du 3 juillet 2014 non frappé d'appel, devenu définitif, le Tribunal administratif de Versailles, saisi sur déféré du préfet de l'Essonne, a annulé la délibération du 31 mars 2011 du conseil municipal de Wissous décidant le versement des indemnités de fonctions aux élus et en fixant les montants bruts mensuels, respectivement, à 1 829,04 euros pour le maire de la commune, à 609,68 euros pour les sept adjoints au maire et à 207,48 euros pour les dix conseillers municipaux bé

néficiant d'une délégation de fonctions.

M. F... E..., Mme I... D..., M. J......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n°1104898 du 3 juillet 2014 non frappé d'appel, devenu définitif, le Tribunal administratif de Versailles, saisi sur déféré du préfet de l'Essonne, a annulé la délibération du 31 mars 2011 du conseil municipal de Wissous décidant le versement des indemnités de fonctions aux élus et en fixant les montants bruts mensuels, respectivement, à 1 829,04 euros pour le maire de la commune, à 609,68 euros pour les sept adjoints au maire et à 207,48 euros pour les dix conseillers municipaux bénéficiant d'une délégation de fonctions.

M. F... E..., Mme I... D..., M. J... H..., M. B... K... et Mme M... A... G... épouse L... ont demandé par la voie de la tierce opposition au Tribunal administratif de Versailles de déclarer nul et non avenu son jugement n° 1104898 du 3 juillet 2014.

Par un jugement n° 1606329 du 25 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté cette tierce opposition.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 26 décembre 2018 et le 28 février 2019, M. E..., Mme D..., M. H..., M. K... et Mme A... G... épouse L..., représentés par Me Le Prado, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1104898 du 3 juillet 2014 du Tribunal administratif de Versailles ;

3° de rejeter le déféré formé par le préfet de l'Essonne contre la délibération du 31 mars 2011 du conseil municipal de Wissous fixant les indemnités des élus ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ce jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'en cas de retrait de la délégation de fonctions consentie par le maire à l'un de ses adjoints, le montant maximum d'indemnités susceptibles d'être alloué n'est maintenu que dans l'hypothèse où le maire donne cette délégation à un conseiller municipal, en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales et par dérogation au premier alinéa de cet article, et s'il exerce effectivement les fonctions correspondantes en lieu et place de l'adjoint, qui n'a pas démissionné ;

- c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la circonstance qu'une partie de la délégation d'un adjoint ait été confiée, après qu'elle lui a été retirée, à une conseillère municipale est sans effet sur l'application des dispositions de l'article L. 2122-18 et L. 2123-24-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il n'est pas établi que cette conseillère municipale se soit vu confier l'exercice de l'ensemble des fonctions antérieurement déléguées à cet adjoint ;

- c'est donc à tort que le tribunal a jugé que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la délibération du 31 mars 2011 n'a pas eu pour effet d'excéder le plafond déterminé par les dispositions précitées ;

- s'agissant des conclusions subsidiaires aux fins d'annulation partielle de la délibération du 31 mars 2011, c'est à tort que les premiers juges ont jugé que la délibération fixant l'ensemble des indemnités attribuées, d'une part, au maire et aux adjoints, et d'autre part, aux conseillers municipaux, forme un tout indivisible dans lequel la fixation du niveau des premières détermine le niveau des secondes, pour en déduire que le juge saisi par la voie d'un recours pour excès de pouvoir du moyen tiré de l'illégalité de la délibération pour dépassement des plafonds légaux doit annuler celle-ci dans toutes ses dispositions ;

- s'agissant des conclusions subsidiaires à fin de modulation dans le temps des effets de l'annulation de la délibération, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le recours en tierce opposition ne saurait permettre aux tiers opposants de présenter des conclusions tendant à ce que soient modifiés a posteriori les effets dans le temps du jugement attaqué ;

- c'est également à tort que le tribunal a jugé que les requérants ne démontrent pas que les conditions d'une limitation dans le temps à titre exceptionnel des effets de l'annulation de la délibération du 31 mars 2011 seraient remplies.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guével,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- les observations de Me Gilbert, substituant Me Le Prado pour M. E... et autres et de Me Héral, substituant Me Beaulac pour la commune de Wissous.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n°1104898 du 3 juillet 2014 non frappé d'appel, devenu définitif, le Tribunal administratif de Versailles, saisi sur déféré du préfet de l'Essonne, a annulé la délibération du 31 mars 2011 du conseil municipal de la commune de Wissous décidant le versement des indemnités de fonctions aux élus et en fixant les montants bruts mensuels, respectivement, à 1 829,04 euros pour le maire de la commune, à 609,68 euros pour chacun des sept adjoints au maire et à 207,48 euros pour chacun des dix conseillers municipaux bénéficiant d'une délégation de fonctions. M. E..., Mme D..., M. H..., M. K... et Mme A... G... épouse L... ont demandé, par la voie de la tierce opposition, au Tribunal administratif de Versailles de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1104898 du 3 juillet 2014 ci-dessus. Par un jugement n° 1606329 du 25 octobre 2018, dont M. E..., Mme D..., M. H..., M. K... et Mme A... G... interjettent appel, ce tribunal a rejeté cette tierce opposition.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué répond à chaque moyen invoqué d'une façon suffisamment motivée pour permettre aux parties d'en critiquer utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne les conclusions principales :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales : " I. Les indemnités maximales pour l'exercice des fonctions de maires et adjoints au maire des communes (...) sont fixées par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique / (...). ". Aux termes de l'article L. 2123-23 du même code : " Les indemnités maximales votées par les conseils municipaux pour l'exercice effectif des fonctions de maire des communes et de président de délégations spéciales sont déterminées en appliquant au terme de référence mentionné à l'article L. 2123-20 " un barème fixé d'après la population totale de la commune concernée lors du dernier recensement. S'agissant de la commune de Wissous, qui compte alors 5 341 habitants, ce barème plafonne l'indemnité du maire au taux maximal de 55% de l'indice brut 1015 de l'échelle indiciaire de la fonction publique. Selon le barème figurant au I de l'article L. 2123-24 du même code, les indemnités maximales votées par le conseil municipal pour l'exercice effectif des fonctions d'adjoint au maire sont, pour ce qui concerne une commune de la taille de Wissous, plafonnées au taux de 22% de cet indice brut 1015. En outre, aux termes des dispositions du II de l'article L. 2123-24 ci-dessus : " (...). / II. L'indemnité versée à un adjoint peut dépasser le maximum prévu au I, à condition que le montant total des indemnités maximales susceptibles d'être allouées au maire et aux adjoints ne soit pas dépassé. ". Enfin, l'article L. 2123-24-1 dudit code énonce que " (...). II. Dans les communes de moins de 100 000 habitants, il peut être versé une indemnité pour l'exercice effectif des fonctions de conseiller municipal dans les limites prévues par le II de l'article L. 2123-24 (...). ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le montant total des indemnités de fonctions votées par le conseil municipal au profit du maire, des adjoints et des conseillers municipaux disposant d'une délégation de fonctions ne peut excéder le montant total des indemnités maximales susceptibles d'être allouées au maire et aux adjoints. De surcroît, contrairement aux allégations des appelants, ce plafond indemnitaire est déterminé à l'aune du nombre d'adjoints bénéficiant effectivement d'une délégation de fonctions et non pas du nombre total d'adjoints susceptibles d'en bénéficier. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En second lieu, l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales prévoit que " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. / (...). /. Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions ".

6. En l'espèce, les requérants se prévalent de ce que le maire de la commune de Wissous a, d'une part, retiré, par un arrêté du 22 juillet 2008, la délégation de fonctions qu'il avait consentie le 27 mars 2008 à M. C..., adjoint au maire, en matière de cadre de vie, d'environnement et d'économies d'énergie, et, d'autre part, donné, par un arrêté du 27 janvier 2011, une délégation de fonctions portant sur les questions environnementales à Mme Poujol, conseillère municipale. Si les appelants soutiennent que Mme Poujol doit être regardée comme s'étant substituée à M. C..., non démissionnaire, devenu simple conseiller municipal, dans l'exercice d'une délégation de fonctions et qu'ainsi le montant maximal d'indemnités de fonctions devait être maintenu, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Versailles, il est constant que Mme Poujol est devenue bénéficiaire d'une délégation de fonctions en qualité de conseillère municipale et non pas d'adjointe au maire. Ainsi, cette conseillère municipale déléguée n'était pas au nombre des sept adjoints au maire effectivement dotés d'une délégation de fonctions, à prendre en compte dans la détermination des indemnités maximales pour l'exercice des fonctions de maires et adjoints au maire des communes, prévues à l'article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales, ainsi que de l'indemnité versée à un adjoint, mentionnée au II de l'article L. 2123-24 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération du 31 mars 2011 n'a pas eu pour effet d'excéder le plafond indemnitaire légal doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E... et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement du 25 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur tierce opposition.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation de la délibération de 2011 :

8. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

9. Il n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, qu'au regard des indemnités servies à M. E... et autres, et dont le remboursement leur a été demandé par la commune de Wissous, l'annulation de la délibération du 31 mars 2011 soit de nature à emporter des conséquences manifestement excessives. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles n'a pas fait droit à leur demande tendant au report des effets de l'annulation de la délibération ci-dessus prononcée par le jugement du 3 juillet 2014 du même tribunal.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. E... et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants le versement à la commune de Wissous de la somme de 1 500 euros qu'elle demande au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E..., Mme D..., M. H..., M. K... et Mme A... G... épouse L... est rejetée.

Article 2 : Les requérants verseront solidairement à la commune de Wissous une somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE04315 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04315
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Dispositions relatives aux élus municipaux - Indemnités.

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-04;18ve04315 ?
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