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29/03/2021 | FRANCE | N°18VE00882

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 mars 2021, 18VE00882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E..., agissant en son nom propre, au nom de ses deux enfants mineurs C... et Sara E... et en qualité d'ayant droit de son défunt mari M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à les indemniser des préjudices nés des fautes commises par ce centre hospitalier lors de la prise en charge de M. F... E... à la suite de la chute dont il avait été victime le

16 septembre 2011.

Par jugement n° 1503923 en date du 29 décembre 2017, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E..., agissant en son nom propre, au nom de ses deux enfants mineurs C... et Sara E... et en qualité d'ayant droit de son défunt mari M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à les indemniser des préjudices nés des fautes commises par ce centre hospitalier lors de la prise en charge de M. F... E... à la suite de la chute dont il avait été victime le 16 septembre 2011.

Par jugement n° 1503923 en date du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la SHAM, solidairement, à verser une somme de 232 283,79 euros à Mme D... E..., une somme de 41 889,71 euros à Mme D... E..., en sa qualité de représentante légale de son enfant mineur A... E... et une somme de 37 674,72 euros à M. C... E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 8 et 28 mars 2018, le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles ;

2° de ramener le montant des indemnités allouées aux consorts E... à de plus justes proportions.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé le montant des dépenses personnelles de M. E... à 15% du revenu annuel global du foyer ;

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas pris en compte les revenus de Mme E... après le décès de son mari pour évaluer les pertes de revenus des consorts E... ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a indemnisé les consorts E... au titre des frais d'édification d'un monument funéraire ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a alloué une somme de 3 000 euros à Mme E... au titre de son préjudice moral résultant de la nécessité, pour elle, de gérer la société de son époux et de devoir faire appel au juge des tutelles pour toutes les questions touchant à ses enfants.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour les consorts E....

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la SHAM relèvent appel du jugement n° 1503923 en date du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Versailles les a condamnés, solidairement, à verser à Mme D... E... une somme de 232 283,79 euros, à M. C... E... une somme de 41 889,71 euros et à Mme D... E..., en sa qualité de représentante légale de son enfant mineur A... E... une somme de 37 674,72 euros. Mme D... E... et ses deux enfants C... et Sara présentent, quant à eux, un appel incident.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge soutient que le jugement est insuffisamment motivé, ce grief, soulevé succinctement dans sa requête sommaire n'est pas assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé. Si, dans le cadre de leur appel incident, Mme E... et ses enfants soutiennent, quant à eux, que s'agissant plus particulièrement du préjudice esthétique, le jugement ne serait pas assez motivé dans sa réponse, il ressort de la lecture du jugement attaqué que le point 16 du jugement, qui traite de cette question, comporte une motivation par référence à son point 15 dont il reprend les motifs. Le grief manque donc en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'étendue du litige d'appel :

3. Le 16 septembre 2011, vers 16h, M. F... E..., alors âgé de 42 ans, est tombé du toit d'un pavillon sur une chape de béton. Il est décédé le 23 septembre 2011. Il résulte de l'instruction et est constant que le décès du patient est imputable à une erreur de diagnostic puis à une méconnaissance des bonnes pratiques en matière de prise en charge des patients polytraumatisés par le médecin du centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge qui n'a pas suivi les recommandations données par l'équipe de l'hôpital de La Pitié Salpêtrière vers lequel le transfert du patient avait été envisagé et qui avait recommandé l'intubation en urgence du patient compte tenu du risque de développement d'un oedème local. En l'espèce, de ce fait, cet oedème s'est développé, a précisément rendu impossible toute intubation et a donc entrainé un arrêt cardiaque puis une anoxie cérébrale à l'origine du décès du patient. Il n'est pas contesté en appel, ainsi que l'indiquait le rapport d'expertise diligenté dans le cadre de la procédure devant la CRCI, que ces fautes ont été à l'origine d'une perte de chance de survie de M. E... de 30%. Le litige d'appel porte donc excluvivement sur les modalités d'indemnisation des différents chefs de préjudices invoqués par les consorts E....

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais de santé :

4. Si les consorts E... demandent l'indemnisation des frais de suivi psychologique de la jeune A... E..., en dépit de la mesure d'instruction diligentée par la Cour, les requérants n'ont pas produit d'éléments permettant de chiffrer précisément ce poste de préjudice. Leurs demandes à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.

S'agissant des frais d'obsèques :

5. Les victimes indirectes ont droit au remboursement des frais relatifs à une sépulture décente, pourvu qu'ils ne soient pas excessifs ou dépourvus de lien de causalité avec la faute commise. En l'espèce, Mme E... demande le remboursement des frais de cérémonie, d'obsèques et de sépulture acquittés en raison du décès de son mari, ainsi que les frais liés au monument funéraire et à la concession pour un montant total de 12 837,10 euros. Si elle peut prétendre au remboursement de ces frais, y compris les frais relatifs à la préparation des obsèques et les frais de cérémonie, elle ne peut en revanche prétendre à être remboursée de l'ensemble des frais de caveau, prévu pour deux personnes. Le centre hospitalier est ainsi fondé à demander que soit déduit du montant de l'indemnisation la somme de 1 425 euros. Par suite et compte tenu du taux de perte de chance retenu, une somme de 3 423, 63 euros doit être mise à la charge du centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge au titre des frais d'obsèques de M. E....

S'agissant des frais de succession :

6. Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, Mme E... n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des frais de succession, dès lors que ces frais, qui correspondent à une imposition due par les héritiers en contrepartie de la transmission des biens du défunt dans leur propre patrimoine, auraient en tout état de cause été exposés à l'occasion du décès de M. E.... Ils ne peuvent dès lors être regardés comme étant en lien avec les fautes commises par le centre hospitalier.

S'agissant du manque à gagner dans la vente de la société GDS :

7. Mme E... se prévaut d'un préjudice de manque à gagner dont elle aurait été victime à l'occasion de la vente de la société GDS qui avait été créée par son mari en 1999, alors que l'existence de cette société reposait sur ce dernier et son savoir-faire. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, M. E... avait été victime d'un grave accident de travail à l'origine de polytramumatismes. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les patients polytraumatisés sont des patients victimes de traumatismes violents susceptibles d'avoir provoqué des lésions multiples et/ou menaçant le pronostic vital ou fonctionnel. Ainsi il ne résulte pas de l'instruction, alors même que la prise en charge du patient aurait été conforme aux données de la science le 16 septembre 2011, que M. E... aurait pu reprendre son activité professionnelle. En tout état de cause, les requérants produisent, pour justifier de la perte de valeur vénale alléguée et comme référence, une première estimation de la valeur de la société réalisée en 2012, appréciation qui tenait nécessairement compte du décès de M. E... intervenu plus de trois mois auparavant et une autre estimation établie en 2014 pour un montant très inférieur. Toutefois, les requérants n'indiquent pas précisément les raisons pour lesquelles ils ont refusé de faire droit à une offre intermédiaire, faite en 2013, pour un montant bien supérieur à celui estimé en 2014 en se bornant à soutenir que la première offre aurait été refusée dès lors qu'elle ne permettait pas de solder toutes les dettes de la société. En outre, plus de deux années s'étaient écoulées entre janvier 2012 et mars 2014, date de la dernière estimation, période pendant laquelle d'autres facteurs que le décès de M. E... ont pu contribuer à cette perte de valeur de la société. Dès lors le préjudice de manque à gagner lié à la dépréciation de la valeur de l'entreprise de la victime ne peut être regardé comme la conséquence directe du défaut de prise en charge de la victime.

S'agissant des frais d'assistance par un conseil juridique lors de la procédure devant la CRCI:

8. Mme E... sollicite le remboursement à hauteur de 2 990 euros des frais d'assistance par un conseil juridique qu'elle a exposés lors de la procédure de conciliation devant la CRCI. Le centre hospitalier ne conteste pas sérieusement leur utilité en se bornant à soutenir que la procédure n'est pas obligatoire et résulte d'un choix personnel de Mme E.... C'est donc à bon droit que les premiers juges ont fait droit aux demandes de remboursement présentées par Mme E... à ce titre.

S'agissant des pertes de revenus :

9. Il résulte de l'instruction et notamment de l'avis d'imposition 2011 sur les revenus de l'année 2010, année précédant le décès de M. E..., que les revenus de M. E... s'élevaient avant son décès à la somme de 43 960 euros annuels, cette somme ne comprenant pas les dividendes servis à M. E... qui était gérant de la société GDS au sein de laquelle il exerçait les fonctions de couvreur dès lors que, ainsi qu'il a été exposé au point 7 du présent arrêt, il ne peut être tenu pour certain que M. E... aurait repris son activité professionnelle après l'accident, très grave, dont il avait été victime. Le revenu annuel du foyer en 2010 comprenant les revenus de Mme E... était ainsi de 71 956 euros. Il convient de déduire du revenu annuel global du foyer un taux de 20 %, correspondant à la part des dépenses personnelles de M. E..., dès lors que le foyer comportait deux enfants à charge et que M. E... assurait les deux tiers du revenu du foyer, même si une partie de ces frais personnels d'alimentation, et de téléphonie notamment, étaient déjà extraits de son revenu imposable compte tenu de son statut, le revenu annuel disponible pour le foyer s'élevant ainsi à la somme de 57 565 euros. Il convient, pour évaluer le préjudice réellement subi par le foyer, de déduire de cette dernière somme le montant des revenus annuels de Mme E... dont la moyenne s'est élevée, postérieurement au décès de son époux, à la somme de 34 315, 50 euros ainsi que la pension de réversion dont elle a bénéficié à hauteur de 511 euros. Ainsi, le montant de la perte annuelle de revenus du foyer peut être évaluée à la somme de 22 738, 5 euros par an.

Quant aux pertes de revenus concernant la période du 24 septembre 2011 au 29 mars 2021 :

10. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que pour la période du 24 septembre 2011 à la date du présent arrêt, le montant total des pertes de revenus du foyer s'élève à la somme de 214 120, 87 euros. La part des enfants étant fixée à 25% chacun du montant total des revenus du foyer et celle de Mme E... à 50%, il y a lieu de fixer comme suit le préjudice réparable de pertes de revenus pour cette période : 107 060, 43 euros pour Mme D... E..., somme de laquelle il convient de déduire le montant du capital décès perçu d'un montant de 7 070,40 euros, soit la somme de 99 990, 035 euros et 53 530, 21 euros pour chacun des deux enfants desquels il convient de déduire le montant des pensions d'orphelin versées jusqu'à l'âge de 21 ans soit la somme de 37 621, 80 euros pour chacun des enfants. Ainsi, après application du pourcentage de perte de chance de 30% retenu au point 3 du présent arrêt, il convient d'évaluer à la somme de 29 997, 01 euros les pertes de revenus de Mme D... E... pour cette période et à la somme de 11 286, 54 euros les pertes de revenus subies par chacun des deux enfants du foyer.

Quant aux pertes de revenus futurs :

11. En ce qui concerne les pertes de gains professionnels futurs, après application d'un euro de rente viagère de 37,012 euros correspondant au taux applicable à Mme E... âgée de 49 ans à la date du présent arrêt, le montant des pertes de revenus de cette dernière qui correspondent à 50 % de la perte de revenus annuelle du foyer telle que calculée au point 9 du présent arrêt, s'élève donc à la somme de 126 237, 93 euros après déduction du pourcentage de perte de chance de 30% rappelé au point 3 du présent arrêt. Sur cette même base et en appliquant un euro de rente temporaire de 5, 996 euros à Mme A... E... aujourd'hui âgée de 19 ans et dont la part doit être fixée à 25 % des pertes de revenus annuelles du foyer ainsi qu'il a été dit, cette dernière est fondée à solliciter l'indemnisation de sa perte de gains futurs à hauteur de 10 225, 49 euros après application de ce même pourcentage de perte de chance. Enfin, s'agissant des pertes de revenus futures de M. C... E... âgé de 21 ans à ce jour et dont la part de revenus doit également fixée à 25 % des revenus du foyer, cette dernière s'élève, après application d'un euro de rente temporaire de 3, 964, à la somme de 6 760, 15 euros après déduction de ce même pourcentage de 30%.

En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

12. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que les différents traumatismes dont était atteint M. E... à la suite de sa chute et notamment les fractures des deux avant-bras, la fracture du massif facial et l'emphysème sous cutané, auraient nécessairement entrainé une période d'hospitalisation d'au moins une semaine, indépendamment des fautes commises par le centre hospitalier. Dès lors, compte tenu des blessures liées à la chute dont il avait été victime, les premiers juges ont pu estimer qu'aucun déficit fonctionnel temporaire ne pouvait être imputé aux fautes commises par le centre hospitalier pendant cette période. Les conclusions présentées par les consorts E... au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire doivent donc être rejetées.

S'agissant du préjudice lié aux souffrances endurées :

13. Si les experts ont évalué les souffrances endurées par M. E... à 5 sur une échelle de 7 en se référant aux souffrances endurées par les patients polytraumatisés, il ne peut être déduit de cette formulation qu'ils ont entendu exclure que les difficultés respiratoires et le pneumothorax dont le patient a été victime ont nécessairement majoré les seules douleurs liées au traumatisme facial et aggravé ces dernières. Les requérants sont donc fondés à solliciter l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 4 059 euros, somme tenant compte du pourcentage de perte de chance rappelé au point 3 du présent arrêt.

S'agissant du préjudice esthétique :

14. Les premiers juges ont pu, à bon droit, estimer que les consorts M. E... n'étaient pas fondés à solliciter l'indemnisation d'un préjudice esthétique de la victime qui serait directement imputable à un défaut de prise en charge alors, qu'ainsi qu'il a été dit, M. E... était, en conséquence même de sa chute, victime d'un important traumatisme facial.

S'agissant du préjudice moral de perte de chance de survie :

15. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en oeuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers.

16. Il résulte de l'instruction qu'après sa chute vers 16h00, M. E..., qui était conscient lorsque le médecin du centre hospitalier est arrivé sur les lieux, a été, en conséquence de l'impossibilité dans laquelle les médecins se sont trouvés de l'intuber, en situation de défaillance cardio-vasculaire. Le rapport d'expertise fait état d'un début de dégradation de son état vers 17h26 et date la défaillance cardiaque de 17h52. Le patient est ensuite décédé cinq jours plus tard. Ainsi, il doit être tenu pour établi que M. E... a enduré, même brièvement, le temps de la dégradation de son état de santé et jusqu'à sa perte de conscience, une douleur morale du fait de la conscience de la dégradation de son état de santé et la réduction de son espérance de vie. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Mme D... E... une somme de 3 000 euros et donc de 900 euros après application du pourcentage de 30%.

S'agissant du préjudice d'accompagnement et d'affection :

17. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en n'accordant une somme de 6 000 euros à chacun des requérants, le tribunal administratif aurait fait une inexacte évaluation de ces préjudices. En les indemnisant concomitamment, le tribunal administratif n'a pas pour autant omis d'indemniser ces deux postes de préjudices.

S'agissant du préjudice moral :

18. Il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'en accordant à Mme E... une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral lié au fait qu'elle s'est retrouvée du jour au lendemain à la tête de la société de son mari sans aucune compétence, qu'elle a dû vendre cette société et se tourner vers le juge des tutelles pour toutes les questions qui touchent à ses enfants, les premiers juges auraient fait une inexacte application de ce préjudice.

En ce qui concerne les frais d'exécution du jugement :

19. Si les consorts E... demandent à être indemnisés des frais qu'ils ont exposés afin d'obtenir l'exécution du jugement n° 1503923 en date du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Versailles, ces frais ne présentent pas de lien de causalité avec les fautes commises par le centre hospitalier et la SHAM. Leurs conclusions sur ce point ne peuvent donc qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique :

20. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique : " Si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l'offre de l'assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l'assureur à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. ". Il résulte de ces dispositions que le juge ne peut condamner le tiers responsable dont l'offre transactionnelle est jugée insuffisante à verser une pénalité qu'à la demande de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux. Ainsi, les requérants ne peuvent utilement solliciter la condamnation du centre hospitalier et de son assureur au paiement de cette pénalité. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le caractère insuffisant de l'offre faite par la SHAM aurait causé aux consorts E... un préjudice moral distinct de ceux précédemment indemnisés. Dès lors, les conclusions présentées par les requérants sur le fondement de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique ne peuvent qu'être rejetées.

21. Il découle de tout ce qui précède que les indemnités au paiement desquelles le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la SHAM ont été, solidairement, condamnés à verser aux consorts E... doivent être ramenées à la somme de 176 607, 57 euros pour Mme E..., à la somme de 27 512, 03 euros pour Mme A... E... et à la somme de 24 046, 69 euros pour M. C... E.... Le jugement n° 1503923 en date du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Versailles doit donc être réformé en ce sens.

Sur les dépens :

22. L'expertise ayant été diligentée dans le cadre de la procédure devant le Commission Régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France, la présente procédure n'a donné lieu à aucun dépens.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

23. Les sommes allouées aux consorts E... porteront intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2013, date de l'avis de la CRCI, ainsi qu'ils le demandent. Il y a lieu par ailleurs de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à compter du 19 décembre 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et de la SHAM qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance au titre des frais exposés par les consorts E... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à Mme D... E... une indemnité de 176 607, 57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2013. Les intérêts échus à la date du 19 décembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à Mme A... E... la somme de 27 512, 03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2013. Les intérêts échus à la date du 19 décembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le centre hospitalier de Juvisy-sur-Orge et la SHAM sont condamnés solidairement à verser à M. C... E... la somme de 24 046, 69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2013. Les intérêts échus à la date du 19 décembre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement n° 1503923 en date du 29 décembre 2017 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N°18VE00882 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00882
Date de la décision : 29/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-29;18ve00882 ?
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