Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Babynov a demandé, par deux instances distinctes, au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler, d'une part, la décision du 4 avril 2016, valant titre de recettes, par laquelle le directeur général de L'ETABLISSEMENT NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER (FRANCEAGRIMER) lui a réclamé le versement de la somme de 730 180,87 euros, correspondant au remboursement, qu'elle estime infondé, d'une subvention perçue dans le cadre du programme de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne, et d'autre part, d'annuler la décision du 17 mars 2017, valant titre de recettes, par laquelle la même autorité lui a réclamé le versement de la somme
de 19 846,28 euros correspondant à l'application des intérêts communautaires dus sur la somme de 730 180,87 euros arrêtés au 23 mars 2017.
Par un jugement nos 1603523 et 1705544 du 30 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir joint ces deux demandes, a annulé les décisions du
4 avril 2016 et 17 mars 2017 valant titres de recettes émis par le directeur général de FRANCEAGRIMER et déchargé la SAS Babynov de l'obligation de payer les sommes correspondantes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 janvier 2018 et le
25 avril 2019, FRANCEAGRIMER, représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter les demandes présentées par la SAS Babynov devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
3° de mettre à la charge de la SAS Babynov le versement d'une somme de
3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier au regard des dispositions des articles R. 741-2 et suivants du code de justice administrative, notamment en ce qu'il ne comporte pas les signatures prévues par l'article R. 741-7 de ce code ;
- les premiers juges ont méconnu les dispositions du droit de l'Union ainsi que du droit interne relatives à l'attribution de subventions au titre de la diversification de l'activité des zones d'activité de l'industrie sucrière, ainsi que les stipulations de la convention du
26 février 2010 relative à la subvention dont a bénéficié, dans ce cadre, la SAS Babynov, en estimant que l'aide octroyée ne pouvait être reversée au regard de la production effective du bénéficiaire en matière de produits finis composés à 100 % de fruits et de légumes ; en effet, la réalisation des objectifs déclarés par la SAS Babynov lors de sa demande de subvention lui étaient opposables en vertu de la convention précitée, qui repose d'ailleurs sur un taux d'aide maximal calculé notamment en référence à cet objectif de production.
- en ce qui concerne le titre de recettes du 17 mars 2017 concernant les intérêts mis à la charge de la SAS Babynov, il y a lieu, dans le cas où l'abrogation du règlement (CE)
n° 968/2006 de la Commission du 27 juin 2006 ferait obstacle à ce que son article 26 fonde l'application de ces intérêts au montant réclamé au principal à l'intimée, d'y substituer l'application de l'article 10 de la convention du 26 février 2010 qui prévoit également l'application de ces intérêts ;
- les autres moyens exposés en première instance par la SAS Babynov ne sont pas de nature à conduire à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les titres de recette litigieux.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son annexe I ;
- le règlement (CE) n° 320/2006 du Conseil du 20 février 2006 instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne ;
- le règlement (CE) n° 968/2006 de la Commission du 27 juin 2006 portant modalités d'exécution du règlement (CE) n° 320/2006 du Conseil instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2009-1028 du 25 août 2019 relatif à la mise en oeuvre des aides à la restructuration de l'industrie sucrière ;
- l'arrêté du 19 janvier 2010 du préfet de la région Picardie relatif à la mise en oeuvre au niveau régional du programme de restructuration national sucre - Aide à la diversification ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant FRANCEAGRIMER, et de
Me G..., représentant la SAS Babynov
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Babynov a pour activité la production d'aliments pour enfants.
Le 12 juin 2009, elle a sollicité une aide financière à l'investissement au titre du dispositif PRN-123 A " Investissement dans les industries agro-alimentaires " du plan de restructuration national dit PRN-SUCRE, mis en oeuvre en application du règlement n° 320/2006 du Conseil du 20 février 2006 instituant un régime temporaire de restructuration de l'industrie sucrière dans la Communauté européenne. Par une convention du 26 février 2010 conclue entre la SAS Babynov et FRANCEAGRIMER, établissement responsable de l'instruction des demandes de subventions formées au titre de ce dispositif et de leur gestion, l'aide a été attribuée à la SAS Babynov par rapport à des investissements matériels pour le recentrage et le développement de la production " Babyfood " pour un montant plafonné à 1 000 000 euros correspondant à un taux maximum d'aide de 16,2% des dépenses éligibles engagées. Le 29 novembre 2010 et le 25 mai 2011, la SAS Babynov a demandé le paiement de deux acomptes et obtenu, le 30 mars 2012, le paiement du solde de l'aide. Toutefois, à la suite d'un contrôle effectué par les agents de la mission de contrôle des opérations dans le secteur agricole (MCOSA), diverses anomalies ont été relevées portant sur le taux d'aide susceptible d'être appliqué à la société à raison de sa production effective, sur la période de référence, de produits finis composés à 100 % des fruits et de légumes, l'éligibilité de plusieurs dépenses ayant donné lieu au versement d'une aide et la non-conservation d'un investissement subventionné. Après qu'une procédure contradictoire a permis à la société de présenter ses observations, le directeur général de FRANCEAGRIMER, par décision du 4 avril 2016, valant titre de recettes, a mis à la charge de la SAS Babynov le remboursement d'un montant de subventions versées s'élevant à la somme de 730 180,87 euros, majorée d'une somme de 19 846,28 euros au titre des intérêts mis à la charge de la SAS Babynov par une seconde décision du 17 mars 2017 valant également titre de recettes. FRANCEAGRIMER fait appel du jugement n° 1603523 et n° 1705544 du 30 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, saisi du litige par la SAS Babynov, a annulé ces décisions et déchargé cette société de l'obligation de payer les sommes correspondantes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 320/2006 du Conseil du
20 février 2006 susvisé: " 1. Une aide destinée aux mesures de diversification dans les régions touchées par la restructuration de l'industrie sucrière peut être octroyée dans tout État membre en fonction du quota de sucre libéré par les entreprises établies dans cet État membre (...) 3. Les Etats membres qui décident d'octroyer une aide à la diversification visée au paragraphe 1 ou l'aide transitoire visée à l'article 9 mettent en place des programmes de restructuration nationaux énonçant de manière détaillée les mesures de diversification à mettre en oeuvre dans les régions concernées et en informent la Commission. / (...) ". Aux termes de l'article 14 du règlement (CE) n° 968/2006 de la commission du 27 juin 2006 portant modalités d'exécution du règlement (CE) n° 320/2006 susvisé : " 1. Les Etats membres concernés informent la Commission, au plus tard le 31 décembre 2006 et le 30 septembre 2007, 2008 et 2009, de leurs programmes de restructuration nationaux en précisant les mesures qui seront adoptées dans la limite du montant de l'aide à la diversification déterminé en application de l'article 13, paragraphe 2, point a), du montant de l'aide additionnelle à la diversification déterminé en application de l'article 13, paragraphe 2, point b), et du montant de l'aide transitoire à certains Etats membres visés à l'article 13, paragraphe 2, point c). 2. Les programmes de restructuration nationaux comprennent au moins les éléments suivants : a) un résumé des principaux objectifs, mesures, actions, coûts, interventions financières et calendriers prévus dans chacune des régions concernées ; b) une description des régions concernées ainsi qu'une analyse des problèmes liés à la restructuration de l'industrie sucrière ; c) une présentation des buts visés et des actions ou des mesures envisagées, qui fait la preuve de leur conformité avec les plans de restructuration admissibles visés à l'article 9, la politique de développement rural dans les régions concernées et d'autres mesures entreprises ou envisagées dans ces régions, en particulier au titre d'autres fonds communautaires ; d) un calendrier de l'ensemble des actions ou des mesures envisagées ainsi que les critères appliqués pour les différencier d'actions ou de mesures similaires destinées à être financées par d'autres fonds communautaires ; e) le cas échéant, le montant de l'aide additionnelle à la diversification à octroyer aux producteurs de betterave sucrière ou de canne à sucre qui abandonnent leur production ainsi que les critères objectifs et non discriminatoires qui seront appliqués pour répartir cette aide ; f) un plan financier énonçant de manière détaillée l'ensemble des coûts par action ou par mesure ainsi que le calendrier prévu pour les paiements. (...) ".
3. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2009-1028 du 25 août 2009 relatif à la mise en oeuvre des aides à la restructuration de l'industrie sucrière : " Dans le cadre de la restructuration de l'industrie sucrière sont créées : (...) 4° Une aide à la diversification, en application de l'article 6 du règlement (CE) n°320/2006 ; (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'aide à la diversification mentionnée au 4° de l'article 1er est mise en oeuvre dans le cadre du programme de restructuration national, transmis à la Commission européenne en application de l'article 14 du règlement (CE) n°968/2006 susvisé. / Dans chaque région concernée, le préfet de région arrête parmi les mesures décrites dans le programme de restructuration national, celles qui sont éligibles à l'aide à la diversification. Pour une mesure donnée, il peut décider que seuls certains investissements ou actions mentionnées dans le programme sont éligibles. / Lorsque le programme de restructuration national le permet, le préfet de région précise également les critères d'éligibilité de l'aide et fixe, le cas échéant, un ordre de priorité pour l'attribution de celle-ci. Il arrêté les modalités de dépôt de l'aide. / La demande d'aide respecte les dispositions prévues dans l'arrêté préfectoral de la région où elle est mise en oeuvre ". Aux termes de l'article 5 de ce texte : " (...) Sauf en cas de force majeure, lorsque le bénéficiaire de l'aide ne respecte pas une ou plusieurs de ses obligations ou des éléments qu'il a déclarés, la partie de l'aide correspondant à l'obligation ou aux obligations concernées ou aux éléments déclarés de façon erronée est récupérée. Des intérêts moratoires sont appliqués dans les conditions prévues au 2 de l'article 26 du règlement (CE) n°968/2006 susvisé (...) ". En outre, l'article 1er de l'arrêté du 19 janvier 2010 susvisé du préfet de la région Picardie consacre la mise en oeuvre d'une aide à la diversification dans la région Picardie et la mise en oeuvre de cette aide dans le cadre d'un document régional qui précise les mesures éligibles parmi les mesures décrites dans le programme de restructuration national, fixe les critères d'éligibilité, les priorités à retenir ainsi que les modalités d'instruction.
4. La mesure du programme de restructuration national dénommée " PRN-123A - Investissements dans les industries agroalimentaires ", dans sa version applicable sur le territoire de la région Picardie en vertu de l'arrêté précité du 19 janvier 2010, précise notamment que sont susceptibles de s'appliquer plusieurs catégories de taux maximum d'aides aux investissements des entreprises agroalimentaires de la région, selon, notamment, que celles-ci produisent ou non des produits finis inscrits à l'annexe I du traité instituant la Communauté européenne, au nombre desquels figurent les préparations de légumes, de plantes potagères, de fruits et d'autres plantes ou parties de plantes.
5. Enfin, l'article 1er de la convention signée le 26 février 2010 stipule que " Le bénéficiaire s'engage à mettre en oeuvre l'opération : Investissement matériel pour le recentrage et le développement de la production Babyfood (...) décrite dans la demande d'aide susvisée et jointe en annexe en tant que partie intégrante de la présente
convention (...) ". L'article 4 de cette convention précise que l'aide consentie, eu égard au montant des investissements envisagés, pourra s'élever à un montant maximum
de 1 000 000 euros, correspondant à un taux d'aide maximum de 16,2%. Aux termes de l'article 5 de cette convention : " FranceAgriMer définit, le cas échéant, en fonction des investissements réalisés et des objectifs atteints, le montant du reversement de l'aide ". Aux termes de l'article 7 de cette même convention : " (...) le bénéficiaire s'engage à respecter l'objet et la finalité du projet d'investissement tels que définis dans la demande de subvention et repris pour partie à l'article 3 de cette convention ". Son article 8 précise : " Les aides mentionnées à l'article 4 ci-dessus sont versées sous réserve : du respect des engagements pris par le bénéficiaire, de la réalisation effective de chaque dépense éligible, selon la répartition par poste telle que définie à l'article 3 (...) ". L'article 10 de cette convention, enfin, stipule: " En cas de non-respect de ses engagements par le bénéficiaire et notamment en cas de non-exécution partielle ou totale de l'opération ou d'utilisation des fonds non conforme à l'objet, FranceAgriMer exigera le reversement total ou partiel des sommes versées ".
6. Pour remettre en cause le montant de l'aide effectivement versée à la SAS Babynov et lui en demander le remboursement partiel, FRANCEAGRIMER a, d'une part, retranché du montant des investissements entrant dans le champ d'application de cette subvention les dépenses non éligibles engagées par la société et les recettes correspondant à la revente d'investissements subventionnés et, d'autre part, tiré les conséquences de l'échec de la SAS Babynov à atteindre les objectifs de production qu'elle avait déclarés en annexe 4 de sa demande de subvention et qui s'élevaient à 54 % de produits finis composés intégralement de fruits et de légumes au sens de l'annexe I au traité instituant la Communauté économique européenne en ramenant à 4,37 % le taux effectif d'aide applicable aux investissements de la société afin de tenir compte de la part effective prise dans sa production totale par les produits finis à base exclusive de fruits et de légumes.
7. En premier lieu, il est constant que la SAS Babynov ne conteste pas la réduction opérée par FRANCEAGRIMER du montant de ses dépenses ouvrant droit au versement de l'aide litigieuse, laquelle doit, dès lors, être confirmée.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la SAS Babynov a déclaré dans l'annexe 4 de la demande de subvention qu'elle a déposée du 11 juin 2009 que 54 % de son activité pour l'année 2012 se composerait de produits finis composés exclusivement de fruits et de légumes, alors que le volume effectif de ces produits n'a constitué que 14,58 % de la production totale de la société au titre de l'année 2012. Si la SAS Babynov fait valoir que les prévisions de production qu'elle avait ainsi déclarées ne constitueraient pas des " engagements " au titre des articles 1er et 7 de la convention signée le 26 février 2010 dont le non-respect peut imposer le reversement de l'aide, ces objectifs sont toutefois au nombre des objectifs constituant le projet d'investissement matériel pour le recentrage et le développement de l'activité " babyfood " au titre de laquelle était consentie la subvention litigieuse et figurent dans le dossier de demande d'aide auquel se réfère expressément la convention de subvention, et notamment ses articles 1er et 7. Ainsi, l'incapacité de la SAS Babynov à atteindre l'objectif de production qu'elle s'était ainsi assignée autorisait FRANCEAGRIMER à demander le reversement de tout ou partie de l'aide initialement consentie en application des stipulations, rappelées ci-dessus, de l'article 5 de la convention en cause, qui permet à l'établissement de procéder à la récupération d'un trop-perçu en vertu de l'article 10 de cette même convention. Au demeurant, il ressort des termes du courriel émanant des services de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt de Picardie du 25 février 2010, produit par la SAS Babynov, que l'administration l'avait informé de ce que l'objectif prévisionnel de production indiqué par la société, même s'il ne constituait pas un engagement ferme de sa part, était toutefois susceptible de lui être opposé en cas de divergence majeure entre la production effective de l'entreprise et l'objectif ainsi défini et de donner lieu, dans un tel cas, à une procédure de reversement du montant d'aide trop perçue correspondant.
9. En troisième lieu, s'il est exact que la convention de subvention ne précise pas de manière explicite que le taux d'aide maximum de 16,2 % précité a été calculé par FRANCEAGRIMER en tenant compte, d'une part du taux d'aide maximum de 30 % applicable, en vertu des termes de mesure du plan national de restructuration " PRN-123A " précité, aux entreprises de la taille de la SAS Babynov utilisant des fruits et légumes et réalisant des produits finis relevant de l'annexe I au traité instituant la Communauté économique européenne et, d'autre part, du taux prévisionnel de production de ses produits finis déclarés par la SAS Babynov elle-même, soit 54 %, cette dernière ne pouvait ignorer, eu égard aux termes mêmes de la mesure du plan national de restructuration en cause, que la part prise par les produits finis composés intégralement de fruits et de légumes dans la production dans une entreprise sollicitant l'aide en cause était un des éléments présidant à l'établissement du taux d'aide qu'elle pouvait obtenir et, par suite, que FRANCEAGRIMER pouvait lui opposer la divergence constatée entre les objectifs qu'elle avait affiché en cette matière et la part effective prise dans sa production totale par la confection de produits finis à base exclusive de fruits et de légumes.
10. Il résulte de ce qui précède que FRANCEAGRIMER a pu tenir compte, sans méconnaître les termes de la convention conclue avec la SAS Babynov, du manquement de cette dernière aux objectifs de production qu'elle avait déclarés et calculer en conséquence le montant des aides dont elle pouvait demander le reversement en modifiant le taux d'aide contractuel, dont il résulte de l'économie générale de la convention de subvention qu'il s'agissait d'un taux maximum susceptible de révision et non d'un taux ferme et qui, ainsi qu'il vient d'être dit, a été calculé en tant compte des objectifs de production annoncés par la SAS Babynov. Celle-ci ne conteste pas, en outre, les modalités de calcul du montant révisé du taux d'aide finalement retenu par l'établissement. Dans ces conditions, FRANCEAGRIMER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que la méconnaissance de ses objectifs de production par la SAS Babynov ne pouvait fonder la demande de restitution des aides litigieuses et lui a accordé, pour ce motif, la décharge de l'obligation de payer les sommes contestées.
11. Il appartient cependant au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner avant de statuer sur les conclusions de l'appelant tous les moyens opérants soulevés par les intimés devant les premiers juges, à la seule exception de ceux qu'ils ont expressément abandonnés, ainsi que les moyens qu'ils ont soulevés en appel.
Sur les autres moyens de la demande présentée par la SAS Babynov :
En ce qui concerne le titre exécutoire en date du 4 avril 2016 :
S'agissant de la régularité du titre exécutoire :
12. En premier lieu, aux termes de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime relatif à FRANCEAGRIMER : " (...) le directeur général : (...) 5° Est ordonnateur principal des recettes et des dépenses de l'établissement ; il peut désigner des ordonnateurs secondaires et, sur proposition de l'agent comptable, des comptables secondaires ; (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 4 avril 2016, valant titre de recettes, est signée par M. A..., lequel a été nommé directeur général de FRANCEAGRIMER par décret du 25 juillet 2013, publié au journal officiel de la République française le 27 juillet 2013. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 622-46 du code rural et de la pêche maritime : " Des agents placés sous l'autorité du ministre chargé de l'économie contrôlent la réalité et la régularité des opérations faisant directement ou indirectement partie du système de financement par les fonds européens de financement de la politique agricole commune. Ils sont assermentés à cet effet dans les conditions prévues à l'article R. 622-47 (...) ". Aux termes de l'article R. 622-47 du même code : " Avant d'entrer en fonctions, les agents mentionnés à l'article R. 622-46 présentent au tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont domiciliés leur acte de désignation et prêtent devant lui le serment ci-après : (...) ".
15. D'une part, et contrairement à ce qu'affirme la SAS Babynov, les agents de la MCOSA ayant procédé au contrôle de ses opérations sont habilités et assermentés à cet effet en vertu des dispositions rappelées ci-dessus du code rural et de la pêche maritime et non de celles, inopérantes en l'espèce, de l'article R. 622-50 du même code qui s'appliquent exclusivement aux agents de FRANCEAGRIMER
16. D'autre part, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, et notamment des cartes professionnelles des agents ayant réalisé le contrôle du 24 au 26 février 2014, produites par FRANCEAGRIMER devant les premiers juges, que Mme E... a prêté serment le 20 juin 2008 au Tribunal de grande instance de Paris et que M. F... a prêté serment le 27 novembre 2013 au Tribunal de grande instance de Bobigny. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du contrôle opéré par la MCOSA à raison du défaut d'habilitation et d'assermentation des agents qui y ont procédé doit être écarté.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations relative aux relations, auquel se sont substitués à compter du 1er janvier 2016 les article L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
18. D'une part, le rapport dressé par les agents de la MCOSA à l'issue du contrôle de la SAS Babynov comporte l'identité de ses auteurs, contrôleurs régulièrement assermentés de la MCOSA. Aucune disposition du code rural et de la pêche maritime ne prescrit à peine de nullité que le rapport de contrôle comporte la signature des agents l'ayant réalisé. Un tel rapport ne constitue pas, non plus, une décision qui, en application des dispositions précitées, doive comporter, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. D'autre part, le rapport est annexé à un courrier signé par M. C..., chef de la MCOSA dont les nom, prénom et qualités sont indiqués. Ce même courrier mentionne également que l'affaire est suivie par Patrice Ogé, responsable du contrôle et indique son adresse mail et son numéro de téléphone. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 doit ainsi, en tout état de cause, être écarté comme manquant en fait.
19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisées, auquel s'est substitué à compter du 1er janvier 2016 l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; (...) ". Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable public : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de liquidation ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
20. Il ressort des pièces du dossier que le titre de recettes en litige vise les dispositions légales et réglementaires ainsi que les stipulations conventionnelles qui en constituent le fondement, expose les motifs conduisant à la demande de remboursement de la créance litigieuse et indique les éléments de calcul du montant de cette dernière. Les renseignements qui ont été ainsi fournis à la SAS Babynov étaient de nature à lui permettre de discuter utilement les bases de calcul de la somme de 730 180,87 euros qui était mentionnée sur le titre exécutoire émis à son encontre. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du titre de perception doit également être écarté comme manquant en fait.
S'agissant de la méconnaissance des principes de liberté d'entreprendre et de sécurité juridique :
21. D'une part, en sollicitant le bénéfice de l'aide qui lui a été accordée, la SAS Babynov doit être regardée comme ayant accepté les règles relatives au régime juridique de cette aide et à ses modalités de mise en oeuvre et de recouvrement et elle ne pouvait ignorer, à ce titre, qu'elle ne disposait d'aucun droit acquis au versement de la subvention litigieuse, dont le montant final était subordonné au respect des règles en cause. En outre, l'existence d'un dispositif de remboursement par leurs bénéficiaires du montant de telles aides versées à tort répond à l'objectif, d'intérêt général, de contrôle de la bonne utilisation, en l'espèce, des fonds de l'Union européenne. Ainsi, la SAS Babynov n'est pas fondée à soutenir que la mise à sa charge du trop-perçu dont s'agit par le titre exécutoire contesté porterait une atteinte disproportionnée au principe, à valeur constitutionnelle, de liberté d'entreprendre.
22. D'autre part, le principe de sécurité juridique exige, notamment, qu'une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Contrairement à ce que soutient la SAS Babynov, tant les dispositions du droit de l'Union applicables que celles du code rural et de la pêche maritime rappelées précédemment, de la convention conclue avec FRANCEAGRIMER le 26 février 2010 ainsi que ses annexes et de la notice à l'attention des bénéficiaires potentiels de la subvention pour des investissements dans les industries agro-alimentaires prévue par la mesure du plan national de restructuration " PRN-123A " indiquent, avec une clarté et une précision suffisantes, quelles étaient les conditions, tenant notamment à la nature des dépenses éligibles et à la justification de la réalité de l'exécution du projet subventionné, auxquelles était subordonnée l'appréhension définitive, après contrôle, des aides en cause. En outre, elles prévoient explicitement la possibilité pour l'autorité chargée du contrôle de ces dépenses de procéder à leur recouvrement dans le cas où ces aides auraient été versées à tort. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe doit être écarté.
En ce qui concerne le titre exécutoire en date du 17 mars 2017 :
23. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit précédemment que la SAS Babynov n'établit pas que le titre de recette n° 2013-461 aurait indûment mis à la charge de la société la somme de 730 180,87 euros correspondant au reversement d'aide demandé par FRANCEAGRIMER. Elle n'est donc pas fondée à demander la décharge, par voie de conséquence, du titre de recette n° 2017-266 des intérêts appliqués sur le montant au principal de ce trop-perçu et mis à sa charge par le titre exécutoire du 17 mars 2017 à raison de cette prétendue illégalité. En outre, est inopérant, le moyen tiré de ce que ce titre ne pouvait faire l'objet d'une exécution forcée tant qu'il n'a pas été statué sur le bien-fondé de la créance au principal.
24. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision du
17 mars 2017, valant titre de recettes, précise la nature des intérêts afférents à la créance évaluée à 730 180,87 euros hors intérêts, les dispositions du droit de l'Union et du droit interne en constituant le fondement, les modalités de calcul de ces intérêts et les motifs pour lesquels l'établissement public procède au calcul des intérêts communautaires. Ainsi, la SAS Babynov était à même de comprendre les modalités de calcul ainsi que leur fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du titre de perception doit être écarté comme manquant en fait.
25. En troisième lieu, la SAS Babynov soutient que le titre de recettes émis le
17 mars 2017 est dépourvu de base légale dès lors que le règlement (CE) n° 320/2006
du 20 février 2006, qui constituait le support nécessaire du règlement d'application (CE)
n° 968/2006 de la Commission du 27 juin 2006 dont l'article 26 prévoit la perception des intérêts litigieux, a été abrogé par le règlement (UE) n° 2015/2284 du Parlement et du Conseil du 25 novembre 2015. Toutefois, ce dernier règlement n'a prononcé l'abrogation n° 320/2006 du 20 février 2006 qu'au motif que ce dernier, qui ne prévoyait d'appliquer le dispositif de subvention qu'il prévoyait que jusqu'à la campagne de commercialisation 2009-2010, n'était plus susceptible d'être appliqué à des périodes postérieures à cette campagne. Cette abrogation est cependant sans effet sur l'application des dispositions du règlement du 20 février 2006 aux subventions accordés pendant sa période de validité, y compris en ce qui concerne les mesures de régularisation susceptibles d'intervenir en ce qui concerne le montant de subventions versées sur son fondement et, par suite, sur l'application du règlement d'application (CE) n° 968/2006 de la Commission du 27 juin 2006 à de telles mesures de régularisation. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
26. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué que FRANCEAGRIMER est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit aux demandes de la SAS Babynov.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FRANCEAGRIMER, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la SAS Babynov demande le paiement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, de mettre à la charge de la SAS Babynov le versement à FRANCEAGRIMER d'une somme au titre des frais exposés par cet établissement et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1603523, 1705544 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 30 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par la SAS Babynov devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par FRANCEAGRIMER au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
18VE00351 2