Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet née du silence de la ministre de la justice sur sa demande, reçue le 25 février 2015, tendant à ce que les cours de promenade de la maison d'arrêt de Fresnes soient mises aux normes, et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'engager les travaux d'adaptation et d'aménagement des cours de promenade de la maison d'arrêt de Fresnes afin de garantir leur conformité avec le principe de respect de la dignité humaine.
Par un jugement n° 1503550 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet née du silence de la ministre de la Justice sur la demande reçue le 25 février 2015 de mise aux normes des cours des promenades de la maison d'arrêt de Fresnes et, d'autre part, avant dire droit sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ordonné une visite des lieux par les magistrats de la formation de jugement.
Par un jugement n° 1503550 du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Melun a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, à la mise en oeuvre des actions suivantes dans les cours de promenade du quartier hommes de la maison d'arrêt de Fresnes :
- faire procéder, à l'exception des cours de promenade de la première division dédiées à certains détenus particulièrement surveillés, à l'abattement de cloisons séparant les cours, de sorte que la superficie minimale de chaque cour soit de 120 mètres carrés, les cours de 45 mètres carrés étant regroupées au minimum trois par trois et les cours de 85 mètres carrés au minimum deux par deux ;
- rénover leurs sols, qui feront l'objet d'un ragréage général en vue de faciliter leur entretien, et équiper les évacuations d'eau d'un grillage empêchant à la fois l'accumulation de détritus et la circulation des rongeurs ;
- faire procéder à l'installation dans chaque cour, en nombre suffisant au regard du nombre de détenus y admissibles, de bancs, d'abris recouvrant le tiers de leur surface afin que les détenus puissent bénéficier des lieux en cas de fortes chaleurs ou d'intempéries, d'urinoirs, de poubelles, de points d'eau et de barres de traction ;
- faire procéder à un nettoyage des cours à l'aide d'un matériel à haute pression tous les deux jours, ainsi qu'à un balayage, à un nettoyage des urinoirs et à un vidage des poubelles quotidiens ;
- rendre effective la surveillance des cours par la mise en place d'un système de vidéosurveillance couvrant l'intégralité de leur surface, l'affectation d'agents à temps plein au visionnage des écrans et d'un nombre suffisant d'agents à la surveillance directe des détenus, afin que tout incident puisse être détecté et traité en temps réel.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 12 septembre 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour de prononcer, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution les jugements du tribunal administratif de Melun n° 1503550 du 6 avril 2018 et du 20 juillet 2018.
Il soutient que :
- les moyens énoncés au soutien de sa requête présentent un caractère sérieux et sont de nature à entrainer, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions de première instance ; que l'exécution des injonctions prononcées par le tribunal, au surplus dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, aurait des conséquences difficilement réparables ;
- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en considérant que les conditions dans lesquelles se déroulaient les promenades des détenus excédaient le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ;
- le délai de six mois prescrit par les premiers juges pour l'exécution des travaux ne permettra pas à l'administration d'exécuter les mesures d'injonction prononcées et de se conformer à la décision de justice, dès lors que il est matériellement impossible de réaliser en six mois de tels travaux dans un établissement pénitentiaire occupé et même sur-occupé ;
- les injonctions relatives aux cours de promenade pourraient avoir des conséquences difficilement réparables dans la mesure où leur exécution pourrait dégrader la sécurité de l'établissement et entraver le projet de restructuration d'ensemble de la maison d'arrêt de Fresnes qui, lui seul, permettra une nette amélioration des conditions de détention pour l'ensemble des personnes détenues.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2018, M. D..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 4 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu la requête n° 18PA03088, enregistrée le 12 septembre 2018, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice demande l'annulation des jugements du tribunal administratif de Melun n° 1503550 du 6 avril 2018 et du 20 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,
- les observations de Me Devienne, avocat de M. D....
Une note en délibéré a été présentée le 12 décembre 2018 par le garde des sceaux, ministre de la justice.
1. Considérant que M. D... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence de la ministre de la justice sur sa demande reçue le 25 février 2015 tendant à ce que les cours de promenade de la maison d'arrêt de Fresnes soient mises aux normes et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration d'engager les travaux d'adaptation et d'aménagement des cours de promenade de la maison d'arrêt de Fresnes afin de garantir leur conformité avec le principe de respect de la dignité humaine ; que, par un jugement du 6 avril 2018, le tribunal administratif a, d'une part, annulé la décision implicite de rejet née du silence de la ministre de la Justice sur la demande reçue le 25 février 2015 de mise aux normes des cours des promenades au sein de la maison d'arrêt de Fresnes et, d'autre part, avant dire droit sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ordonné une visite des lieux par les magistrats de la formation de jugement ; que, par un jugement du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Melun a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, à la mise en oeuvre dans les cours de promenade du quartier hommes de la maison d'arrêt de Fresnes des actions rappelées en tête du présent arrêt et concernant la superficie de ces cours (point 3 du jugement), la rénovation de leur sol (point 4), leur équipement (point 5), leur entretien (point 6) et leur surveillance (point 7) ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, a relevé appel de ces deux jugements par un recours au fond enregistré le 12 septembre 2018 sous le n° 18PA03088 ; que, par le présent recours, il demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à leur exécution ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-15 du même code :
" Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;
3. Considérant que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'auraient commise les premiers juges en estimant que les conditions dans lesquelles se déroulaient les promenades des détenus à la maison d'arrêt de Fresnes excédaient le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ne parait pas, en l'état de l'instruction, de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement du 6 avril 2018 ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction " ;
5. Considérant, d'une part, que l'exécution des injonctions prononcées par le tribunal administratif autres que celles, mentionnées au point 6 du jugement querellé, tendant à faire procéder au nettoyage des cours de promenade à l'aide d'un matériel à haute pression tous les deux jours ainsi qu'à un balayage, à un nettoyage des urinoirs et à un vidage des poubelles quotidiens, risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour le ministère de la justice, dès lors qu'elles sont susceptibles d'entraîner, d'une part, l'engagement de dépenses inutiles, puisque la rénovation des cours de la maison d'arrêt est prévue dans un projet de rénovation d'ensemble de l'établissement, et, d'autre part, des menaces contre la sécurité de la maison d'arrêt pendant la durée des travaux ;
6. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation dans la définition des mesures d'exécution et la fixation d'un délai de six mois pour y satisfaire parait sérieux en l'état de l'instruction ;
7. Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis, dans les limites ci-dessus rappelées, à l'exécution du jugement du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a seulement lieu de faire droit aux conclusions du recours du garde des sceaux, ministre de la justice, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution des injonctions prononcées par l'article 1er du jugement n° 1503550 du 20 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun en tant qu'elles concernent les actions définies aux points 3 à 5 et 7 à 9 des motifs dudit jugement ;
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. D...fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le recours formé par le garde des sceaux, ministre de la justice, contre les jugements n° 1503550 du tribunal administratif de Melun en date des 6 avril 2018 et 20 juillet 2018, il sera sursis à l'exécution de l'article 1er du jugement du 20 juillet 2018, en tant qu'il enjoint au ministre de la justice de mettre en oeuvre les actions définies aux points 3 à 5 et 7 à 9 des motifs dudit jugement.
Article 2 : Les conclusions de M. D... fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03089