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18/06/2019 | FRANCE | N°18NT00294

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 juin 2019, 18NT00294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeA..., ainsi que la SCI de la Poste ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé le transfert d'office de l'impasse de la Poste dans le domaine public de la commune de Saint Lunaire.

Par un jugement n° 1600930 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 janvier

2018, le 21 décembre 2018, M. et MmeA..., ainsi que la SCCV Les Viviers, venue aux droits d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et MmeA..., ainsi que la SCI de la Poste ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé le transfert d'office de l'impasse de la Poste dans le domaine public de la commune de Saint Lunaire.

Par un jugement n° 1600930 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 janvier 2018, le 21 décembre 2018, M. et MmeA..., ainsi que la SCCV Les Viviers, venue aux droits de la SCI de la Poste, représentés par MeK..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet d'Ille et Vilaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...et les autres requérants soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est dépourvu de motivation en ce qui concerne leur défaut d'intérêt à agir ;

- l'intérêt à agir dans le cadre d'une procédure de transfert d'office dans le domaine public communal d'une voie ouverte à la circulation publique n'est pas exclusivement réservé aux propriétaires de la voie ;

- le tribunal devait leur reconnaître un intérêt à agir dès lors qu'ils sont titulaires de droits réels immobiliers sous la forme de servitudes de passage affectant plusieurs des parcelles de terrain devant faire l'objet du transfert ;

- la décision du préfet affecte nécessairement leurs droits dès lors que le transfert, s'il était intervenu, aurait eu pour effet d'éteindre leurs droits réels sur les parcelles concernées ;

- l'intérêt à agir s'étend aux droits réels immobiliers qui sont englobés avec le droit de propriété ;

- leur qualité de riverains suffisait à leur donner qualité pour agir ;

- l'arrêt de la cour administrative de Lyon auquel se réfère le préfet est extrêmement restrictif et constitue une décision isolée qui ne saurait faire jurisprudence ;

- leur qualité de contribuables locaux leur confère également un intérêt pour agir, dès lors que le projet de transfert présentait un indéniable intérêt public ;

- le refus du préfet est contraire aux intérêts locaux dès lors que c'est la commune de Saint Lunaire qui a procédé à l'aménagement de la voie à l'intérieur de l'impasse ;

- ils maintiennent intégralement les moyens d'annulation développés en première instance, auxquels ils renvoient expressément.

Par un mémoire en observation, enregistré le 31 octobre 2018, M. et Mme E...C..., M. G...C..., Mme M... C...ÉpouseF..., représentés par MeL..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit solidairement mise à la charge de M. A...et des autres requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M. et Mme A...et autres, et de M.C....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint Lunaire (Ille-et-Vilaine) a cherché à procéder au transfert d'office dans le domaine public communal d'une voie privée, l'impasse de la Poste, constituée de plusieurs parcelles cadastrées section AB n° 69,71,73, 75, 78, 58, 383 et 56, dont la propriété se partage entre elle-même (parcelles n° 78, 58 et 383), les consorts C...(parcelles n° 69, 71, 73 et 75) et une co-propriété (parcelle n°56), mais cette procédure n'a pas pu aboutir du fait de l'opposition des consorts C...à ce projet. La commune de Saint Lunaire a alors demandé au préfet d'Ille-et-Vilaine, conformément aux dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, de prendre l'arrêté correspondant, ce que ce dernier s'est refusé à faire le 5 mai 2015. M. et MmeA..., ainsi que la SCI de la Poste, dont ils étaient alors les gérants ont demandé au préfet d'opérer le retrait de cette décision de refus, le préfet rejetant implicitement cette demande. M. et Mme A...et la SCI de la Poste ont alors contesté la légalité de ces décisions. M. et MmeA..., ainsi que la SCCV venue aux droits de la SCI de la Poste relèvent appel du jugement du 24 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande d'annulation de ces décisions.

Sur la nature des conclusions des consorts C...en première instance et en appel :

2. Il ressort des pièces du dossier que les consorts C...ont été invités en première instance par le tribunal administratif à présenter, s'ils le souhaitaient, des observations dans l'instance engagée par les consorts A...contre des décisions du préfet d'Ille-et-Vilaine. Leurs productions, enregistrés les 13 mars et 3 avril 2017, présentent ainsi le caractère de simples observations. Il en va de même de leurs écritures produites en appel.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges n'ont pas omis de motiver l'irrecevabilité qu'ils ont opposée à la demande des intéressés, le point 2 de leur décision, indissociablement lié au point précédent, devant nécessairement se lire dans la continuité de ce dernier et leur lecture fournissant une explication des raisons pour lesquelles le tribunal a écarté un intérêt leur donnant qualité pour contester la légalité des décisions attaquées. Le tribunal administratif, par suite, n'a pas entaché son jugement d'un défaut de motivation.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme alors applicable : " La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans les ensembles d'habitations peut, après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale et réalisée conformément au code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. La décision de l'autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à cette date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l'Etat dans le département, à la demande de la commune (...) ".

5. Il ressort des termes du jugement attaqué, que, selon les premiers juges, seules les personnes pourvues d'un titre de propriété sur la voie privée ouverte à la circulation publique qu'une commune souhaite transférer d'office dans son domaine public communal, auraient intérêt à contester la légalité d'un refus de mettre en oeuvre la procédure afférente. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les parcelles 69 et 71, qui appartiennent aux consortsC..., sont grevées d'une servitude de passage au profit de la parcelle 450, laquelle appartient désormais à la SCCV Les Viviers, dont M. et Mme A...sont les gérants. Ces derniers, sans pour autant être propriétaires des parcelles devant faire l'objet du transfert, n'en sont pas moins titulaires d'un droit réel immobilier affectant une partie de celles-ci. Ils ne sauraient ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, être regardés comme étant dépourvus de tout intérêt à agir à l'encontre d'une décision refusant de transférer d'office une voie privée dans le domaine public communal, alors même qu'un tel transfert, s'il était intervenu, aurait nécessairement eu pour effet de mettre fin aux servitudes précédemment mentionnées. En jugeant irrecevable la demande formée par M. et Mme A...et les autres requérants, le tribunal administratif a ainsi entaché sa décision d'irrégularité, et son jugement doit, dès lors, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A...et les autres requérants devant le tribunal administratif de Rennes

Sur le bien fondé du jugement :

6. En premier lieu, M. H...B..., signataire de la décision litigieuse, secrétaire général de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 24 juillet 2014, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département d'Ille-et-Vilaine, à l'exception d'actes exhaustivement énumérés parmi lesquels ne figurent pas les arrêtés de classement d'office en application de l'article L. 316-3 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de ce que l'acte attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque ainsi en fait.

7. M. et Mme A...soutiennent en second lieu que le motif retenu par le préfet pour refuser de transférer l'impasse de la Poste dans le domaine public de la commune de Saint Lunaire, selon lequel le caractère de voie ouverte à la circulation publique de cette impasse n'est pas établi, n'est pas fondé.

8. A supposer même que le préfet d'Ille-et-Vilaine se soit mépris sur la portée exacte du jugement devenu définitif du tribunal administratif de Rennes du 14 août 2013, lequel ne prononce pas expressément sur l'ouverture à la circulation publique de l'impasse de la Poste, il est constant, ainsi que cela ressort notamment du rapport établi par le commissaire-enquêteur à l'issue de l'enquête publique s'étant déroulée du 18 décembre 2013 au 6 janvier 2014, que les consortsC..., propriétaires des parcelles n° 69, 71, 73 et 75, admettent eux-mêmes que la voie dite impasse de la Poste dont leurs terrains constituent en partie l'assiette est utilisée librement par les piétons. Il ressort des pièces du dossier que l'accès à cette voie est libre en ses deux extrémités, et que la circulation des piétons est possible sans obstacle depuis sa création au début du XXème siècle. Seul l'usage de la voie sur toute sa longueur pour la circulation automobile est impossible, du fait de la présence d'un escalier, au niveau de la partie du passage appartenant aujourd'hui à la commune de Saint Lunaire, l'accès des automobiles n'étant ainsi possible que dans la partie sud de la voie. Celle-ci se termine en impasse pour les véhicules, qui ne peuvent que faire demi-tour au niveau de la parcelle n° 80, non comprise dans l'emprise de la voie, et qui constitue pour l'heure le seul espace possible de stationnement. Les consorts C...ne sont pas opposés à la poursuite d'un tel usage, leur opposition se limitant, ainsi que le révèle le courrier du 4 mars 2014 qu'ils ont adressé au préfet, à la circulation et au stationnement de véhicules autres que ceux appartenant aux riverains de la voie ou aux bénéficiaires d'une servitude de passage, étant en particulier fortement gênés par le stationnement anarchique sur leurs parcelles, en particulier en période estivale. Les consorts C...ont ainsi fait apposer à l'entrée sud de l'impasse correspondant à sa partie accessible aux véhicules un panneau indiquant notamment que cette voie sans issue est interdite à la circulation sauf riverains et livraisons et qu'il s'agit d'un passage piétonnier. Ils doivent ainsi être regardés comme ayant accepté le type particulier d'usage de leurs biens que constitue la circulation publique des piétons, et comme ayant ainsi implicitement mais nécessairement renoncé à leur usage exclusivement privé. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment au travers de leurs diverses observations exprimées lors de l'enquête publique, que les consorts C...aient entendu revenir sur leur volonté de permettre cette circulation piétonne dans l'impasse, ainsi qu'une circulation automobile limitée aux seuls propriétaires riverains, à leurs ayants-droit et aux bénéficiaires d'une servitude de passage. L'acceptation de cet usage non exclusivement privé ne fait par suite pas obstacle à un transfert d'office de la voie privée constituée par l'impasse de la Poste dans le domaine public de la commune de Saint Lunaire. La circonstance que les consorts C...soient opposés à un tel transfert en raison de leur hostilité à une circulation automobile générale ne suffit pas à y faire obstacle, ce type précis d'usage de la voie n'étant par ailleurs pas matériellement possible, du fait de la configuration particulière des lieux, notamment la présence d'un escalier, limitant de fait la possibilité de passage aux seuls piétons. M. A...et les autres requérants sont ainsi fondés à soutenir que les motifs par lesquels le préfet d'Ille et Vilaine a refusé de faire droit à la demande de la commune de Saint Lunaire de transférer d'office l'impasse de la Poste dans son domaine public communal n'étaient eux-mêmes pas fondés. Les décisions litigieuses, par suite, sont illégales et encourent l'annulation.

9. Il ressort de ce qui précède que M. A...et les autres requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions en injonction sous astreinte :

10. Le présent arrêt, qui annule les décisions attaquées, implique que le préfet d'Ille et Vilaine statue de nouveau sur la demande dont il a été saisi par la commune de Saint Lunaire. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de la demande dont il a été saisi dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Les consorts C...n'étant pas partie au litige, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'ils ont présentées à ce titre. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions au profit de M. A...et des autres requérants.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 novembre 2017 et les décisions du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de prendre un arrêté de transfert de l'impasse de la Poste dans le domaine public de la commune de Saint Lunaire et le rejet du recours administratif formé contre cette décision sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille et Vilaine de se prononcer de nouveau sur la demande dont il a été saisi par la commune de Saint Lunaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...et des autres requérants est rejeté.

Article 4 : Les conclusions des consorts C...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A..., à Mme I... A...ÉpouseJ..., à la SCCV (société civile de construction vente) Les Viviers, au ministre de la transition écologique et solidaire, à la commune de Saint-Lunaire, à M. et Mme E...C..., à M. G...C..., à MmeN... C... Épouse F...et à la co-propriété du 263 boulevard du Général de Gaulle.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

A. MONY

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT00294 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00294
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CABINET FIDAL (RENNES)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-18;18nt00294 ?
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