La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2021 | FRANCE | N°18NC02933-18NC03327

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 15 avril 2021, 18NC02933-18NC03327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E..., agissant en leurs noms personnels et comme représentants de leurs filles mineures C... et D..., ainsi que la société civile immobilière Jade ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurance mutuelle à les indemniser des préjudices résultant du retard de diagnostic de la méningite néonatale de l'enfant C... E....

Par un jugement n° 1602052 du 9 octobre 2

018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospital...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E..., agissant en leurs noms personnels et comme représentants de leurs filles mineures C... et D..., ainsi que la société civile immobilière Jade ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurance mutuelle à les indemniser des préjudices résultant du retard de diagnostic de la méningite néonatale de l'enfant C... E....

Par un jugement n° 1602052 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurance mutuelle à verser les sommes de 266 289,38 euros à Mme C... E..., 55 956 euros à M. et Mme A... et Elodie E..., et 27 000 euros à la société civile immobilière Jade, ainsi qu'une rente trimestrielle revalorisable de 106 euros lors de la prise en charge d'C... à son domicile, et 37 euros par jour en cas d'accueil de jour dans une institution spécialisée.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 18NC02933 les 30 octobre 2018, 1er février, 21 mai 2019, 10 mars, 20, 25 et 26 mai 2020, M. et Mme E..., agissant en leurs noms personnels et comme représentants de leur fille mineure C..., née le 9 janvier 2011 et de leur fille mineure D..., née le 24 juillet 2013, ainsi que la société civile immobilière Jade, représentés par Me L..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de prononcer la jonction avec l'instance n° 18NC03327 ;

2°) d'une part, de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la faute commise par le centre hospitalier à l'origine des séquelles subies et alloué 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et 25 000 euros au titre du préjudice d'affection des parents et, d'autre part de réformer le jugement pour le surplus ;

3°) de condamner in solidum le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurance mutuelle à verser les sommes de 1 473 953,20 euros, ainsi qu'une rente viagère au titre de la tierce personne à hauteur de 43 569 euros par an à C... E..., 163 854,12 euros à M. et Mme E..., 10 000 euros à D... E..., et 279 973,97 euros à la SCI Jade, ainsi que les intérêts au taux légal à courir à compter de la date de dépôt de la requête indemnitaire devant le tribunal administratif, en réparation des préjudices résultant du retard de diagnostic de la méningite néonatale de l'enfant C... E... ;

4°) de débouter le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et son assureur de l'intégralité de ses conclusions et demandes ;

5°) de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de la société hospitalière d'assurance mutuelle les dépens, ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les deux expertises s'accordent sur la réalité d'un retard de 18 à 20 h au diagnostic initial de méningite néonatale fautif et imputable au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et est à l'origine d'une perte de chance de n'avoir pas pu subir des séquelles moins importantes ; le jugement devra être confirmé en ce sens ;

- compte tenu de la notoriété de la revue médicale dans laquelle l'étude du professeur Chabrol produite par les défendeurs est publiée, cette dernière doit être écartée, d'autant que ses assertions sont en contradiction avec toutes les autres études et elle est non contradictoire et non probante ;

- en estimant à 50 ou 60 % la perte de chance, les experts ont très largement surévalué les risques de séquelles d'une méningite ; selon des études le risque de séquelles graves est de 5 % ; la perte de chance ne peut donc être inférieure à 95 % ;

- s'agissant de l'évaluation des préjudices, les montants correspondant au référentiel OBIAM ne s'imposent nullement ;

- le déficit fonctionnel temporaire, le pretium doloris ont été sous évalués ;

- l'assistance par tierce personne doit être prise en considération dès le retour de l'enfant à domicile comme l'ont jugé les premiers juges ; sur le quantum, les conclusions du rapport d'expertise doivent être reprises à savoir une assistance de 24 h par jour dont seront déduites les heures de scolarisation ou d'hospitalisation avec un taux horaire de 20 euros lors de la surveillance active ; il sera déduit les sommes allouées au titre de la prestation compensatoire au handicap mais pas celles allouées au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;

- le préjudice d'établissement et le préjudice d'anxiété et le préjudice lié à la perte de revenus des parents d'C... ont été sous évalués ;

- il convient également de rembourser aux parents divers frais restés à leur charge qui ont été admis par l'expert ;

- le préjudice d'affection de D... la soeur H...'C... a été sous-évalué ;

- la SCI Jade SCI familiale crée pour le financement et la gestion des biens immobiliers du couple a subi des pertes de revenus du fait de la vente d'appartement par manque de temps pour gérer ce patrimoine immobilier ; la SCI a également engagé les travaux pour réaménager la maison familiale et l'adapter au handicap d'C... ; les justificatifs produits concernent cette seule maison et les travaux sont induits par les aménagements de la maison.

Par des mémoires enregistrés les 21 décembre 2018 et 25 mai 2020, présentés par Me B..., la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné à l'intégralité de la somme demandée et à la condamnation in solidum du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de son assureur à lui rembourser la somme provisionnelle de 380 616,94 euros correspondant à ses frais et débours exposés dans l'intérêt de Mme C... E..., tout en réservant ses droits pour les frais ultérieurs, l'état de santé de l'enfant n'étant pas consolidé ;

2°) à la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné les défendeurs à l'intégralité de la somme demandée et à la condamnation in solidum du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de son assureur de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à condamner solidairement le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et son assureur à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers frais et dépens de procédure.

Elle soutient qu'elle justifie des frais engagés et de leur lien de causalité direct avec le manquement commis par le centre hospitalier.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 et 31 mai 2019, 28 avril, 20, 25 et 28 mai 2020 présentés par Me K..., le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) son assureur, concluent par la voie de l'appel incident :

1°) à l'annulation du jugement attaqué ;

2°) au rejet de la requête et de l'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie ;

3°) au rejet de la demande de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF.

Ils soutiennent que :

- l'appel incident est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu l'existence d'un lien de causalité entre le retard de diagnostic et les troubles dont souffre l'enfant ; les experts ne sont pas en mesure de préciser si ce retard de diagnostic non contesté a eu un impact sur l'état de santé de l'enfant et les séquelles dont elle demeure atteinte ;

- le taux de perte de chance retenu est excessif, il aurait dû osciller entre 20 et 50 % ;

- les besoins d'assistance par tierce personne ont été surévalués ; les sommes versées au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé doivent être déduites de l'indemnisation au titre de la tierce personne ;

- le tribunal aurait dû fixer un taux horaire et non journalier pour le calcul de la rente compte tenu de l'âge d'C... dont la situation va évoluer ;

- l'indemnité allouée au titre des frais d'aménagements du logement est excessive ; dès lors que les pièces produites ne permettent pas d'établir que les travaux ont été rendus exclusivement nécessaires par le handicap d'C... ;

- c'est à tort que le tribunal a fait droit à l'intégralité des demandes de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF dès lors que cette dernière n'a pas justifié de l'imputabilité des frais avancés et n'a même pas produit une attestation d'imputabilité du médecin conseil ;

- les demandes des consorts E... sont excessives.

II- Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 18NC03327, les 11 décembre 2018, 14 janvier, 31 mai 2019, 28 avril, 20, 25 et 28 mai 2020, présentés par Me K..., le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurances mutuelles son assureur, demandent :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de rejeter de la requête et de la demande de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF.

Ils soutiennent que :

- l'appel incident est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu l'existence d'un lien de causalité entre le retard de diagnostic et les troubles dont souffre l'enfant ; les experts ne sont pas en mesure de préciser si ce retard de diagnostic non contesté a eu un impact sur l'état de santé de l'enfant et les séquelles dont elle demeure atteinte ;

- à tout le moins, le taux de perte de chance retenu est excessif, il aurait dû osciller entre 20 et 50 % ;

- les besoins d'assistance par tierce personne ont été surévalués ; les sommes versées au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé doivent être déduites de l'indemnisation au titre de la tierce personne ;

- le tribunal aurait dû fixer un taux horaire et non journalier pour le calcul de la rente compte tenu de l'âge d'C... dont la situation va évoluer ;

- l'indemnité allouée au titre des frais d'aménagements du logement est excessive ; dès lors que les pièces produites ne permettent pas d'établir que les travaux ont été rendus exclusivement nécessaires par le handicap d'C... ;

- c'est à tort que le tribunal a fait droit à l'intégralité des demandes de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF dès lors que cette dernière n'a pas justifié de l'imputabilité des frais avancés et n'a même pas produit une attestation d'imputabilité du médecin conseil ;

- les indemnités au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire et du préjudice d'affection des parents sont excessives ;

- l'indemnité au titre des préjudices extrapatrimoniaux exceptionnels des parents n'est pas justifiée.

Par des mémoires enregistrés les 15 mars 2019 et 25 mai 2020 présentés par Me B..., la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF conclut à :

1°) la jonction des instances 18NC02933 et 18NC03327 ;

2°) la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné à l'intégralité de la somme demandée et à la condamnation in solidum du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de son assureur à lui rembourser la somme provisionnelle de 380 616,94 euros correspondant à ses frais et débours exposés dans l'intérêt de Mme C... E..., tout en réservant ses droits pour les frais ultérieurs, l'état de santé de l'enfant n'étant pas consolidé ;

3°) la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné les défendeurs à l'intégralité de la somme demandée et à la condamnation in solidum du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de son assureur de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) ce qu'il soit mis à la charge solidairement du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de son assureur à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers frais et dépens de procédure ;

5°) ce que ces sommes soient assorties des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête indemnitaire devant le tribunal administratif.

Elle soutient que :

- elle reprend à son compte l'irrecevabilité opposée à la requête du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne par les consorts E... ;

- elle justifie des frais engagés et de leur lien de causalité direct avec le manquement commis par le centre hospitalier.

Par des mémoires enregistrés sous le n° 18NC03327 les 1er février, 21 mai 2019, 10 mars, 24 avril, 20, 25 et 26 mai 2020, M. et Mme E..., agissant en leurs noms personnels et comme représentants de leur fille C..., née le 9 janvier 2011 et de leur fille mineure D..., née le 24 juillet 2013, ainsi que la société civile immobilière Jade, représentés par Me L..., demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de prononcer la jonction avec l'instance n° 18NC02933 ;

2°) d'une part, de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la faute commise par le centre hospitalier à l'origine des séquelles subies et alloué 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et 25 000 euros au titre du préjudice d'affection des parents, d'autre part de réformer le jugement pour le surplus ;

3°) de condamner in solidum le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurance mutuelle à verser les sommes de 1 473 953,20 euros, ainsi qu'une rente viagère au titre de la tierce personne à hauteur de 43 569 euros par an à C... E..., 163 854,12 euros à M. et Mme E..., 10 000 euros à D... E..., et de 279 973,97 euros à la SCI Jade, ainsi que les intérêts au taux légal à courir à compter de la date de dépôt de la requête indemnitaire devant le tribunal administratif, en réparation des préjudices résultant du retard de diagnostic par les services de l'établissement hospitalier de la méningite néonatale de l'enfant C... E... ;

4°) de débouter le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et son assureur de l'intégralité de ses conclusions et demandes ;

5°) de mettre à la charge in solidum du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de la société hospitalière d'assurance mutuelle les dépens, ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les appelants n'invoquent aucune irrégularité de nature à justifier l'annulation du jugement ;

- les appelants sollicitent pour la première fois le débouté des consorts E... s'en remettant en première instance à prudence de justice, leurs conclusions nouvelles sont donc irrecevables ; ils dénient le lien de causalité et produisent une note médicale pour la première fois en appel ;

- les deux expertises s'accordent sur la réalité d'un retard de 18 à 20h au diagnostic initial de méningite néonatale fautif et imputable au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et est à l'origine d'une perte de chance de n'avoir pas pu subir des séquelles moins importantes ; le jugement devra être confirmé en ce sens ;

- compte tenu de la notoriété de la revue médicale dans laquelle l'étude du professeur Chabrol produite par les défendeurs est publiée, cette dernière doit être écartée, d'autant que ses assertions sont en contradiction avec toutes les autres études et elle est non contradictoire et non probante ;

- en estimant à 50 ou 60 % la perte de chance, les experts ont très largement surévalué les risques de séquelles d'une méningite ; selon des études le risque de séquelles graves est de 5 % ; la perte de chance ne peut donc être inférieure à 95 % ;

- s'agissant de l'évaluation des préjudices, les montants correspondant au référentiel OBIAM ne s'imposent nullement ;

- le déficit fonctionnel temporaire, le pretium doloris ont été sous évalués ;

- l'assistance par tierce personne doit être prise en considération dès le retour de l'enfant à domicile comme l'ont jugé les premiers juges ; sur le quantum, les conclusions du rapport d'expertise doivent être reprises à savoir une assistance de 24 h par jour dont seront déduites les heures de scolarisation ou d'hospitalisation avec un taux horaire de 20 euros lors de la surveillance active ; il sera déduit les sommes allouées au titre de la prestation compensatoire au handicap mais pas celles allouées au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;

- le préjudice d'établissement et le préjudice d'anxiété et le préjudice lié à la perte de revenus des parents d'C... ont été sous évalués ;

- il convient également de rembourser aux parents divers frais restés à leur charge qui ont été admis par l'expert ;

- le préjudice d'affection de D... la soeur H...'C... a été sous-évalué ;

- la SCI Jade SCI familiale crée pour le financement et la gestion des biens immobiliers du couple a subi des pertes de revenus du fait de la vente d'appartement par manque de temps pour gérer ce patrimoine immobilier ; la SCI a également engagé les travaux pour réaménager la maison familiale et l'adapter au handicap d'C... ; les justificatifs produits concernent cette seule maison et les travaux sont induits par les aménagements de la maison.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action publique et des familles ;

- le code de santé publique ;

- le code de sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., pour M. et Mme E... et la SCI Jade, ainsi que celles de Me M..., substituant Me K..., pour le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... E... a donné naissance le 9 janvier 2011, au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, à sa fille aînée C.... Après des symptômes de fièvre hypotonie, tachypnée et geignement sur fond d'ictère le 13 janvier, une ponction lombaire, effectuée après qu'un bilan bactériologique réalisé le 14 janvier 2011 a identifié une hémoculture positive à la bactérie Escherichia Coli (E. Coli), a révélé chez le nouveau-né une méningite bactérienne. L'enfant a alors été transférée par le SAMU en réanimation néonatale, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims, pour soins intensifs. En raison de la dégradation de son état neurologique, l'enfant a été prise en charge, dans la première année suivant sa naissance, au CHU de Lille, puis à nouveau au CHU de Reims. Elle présente dorénavant un retard psychomoteur important, rendant indispensable une prise en charge quotidienne, ainsi qu'une prise en charge ponctuelle à l'hôpital. A la suite d'une demande de règlement amiable présentée par M. et Mme E..., les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Champagne-Ardenne ont remis leur rapport le 22 janvier 2013. Par un avis du 9 avril 2013, la CRCI a proposé une prise en charge par le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne des préjudices de la victime directe et des victimes indirectes à hauteur de 60 %. M. J..., expert désigné le 19 juin 2015, à la demande des consorts E..., par la présidente du tribunal administratif de Lille a remis son rapport le 25 avril 2016. Le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne a opposé une décision implicite de rejet à la demande indemnitaire dont les consorts E... l'avaient saisi le 24 juin 2016. Par un jugement du 9 octobre 2018, dont les consorts E... et le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne relèvent appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et la société hospitalière d'assurance mutuelle à verser les sommes de 266 289,38 euros à Mme C... E..., 55 956 euros à M. et Mme A... et Elodie E..., et 27 000 euros à la société civile immobilière Jade, ainsi qu'une une rente trimestrielle revalorisable, de 106 euros lors de la prise en charge d'C... à son domicile, et 37 euros par jour en cas d'accueil de jour dans une institution spécialisée.

2. Les requêtes 18NC02933 et 18NC03327 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une même instruction. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

3. Si les consorts E... et la caisse de retraite et prévoyance du personnel de la SNCF soulèvent une fin de non-recevoir tirée de l'absence de critique du jugement et des conclusions nouvelles présentées par le centre hospitalier, il ressort des conclusions présentées par le centre hospitalier que ce dernier a présenté des critiques du jugement et, en appel comme en première instance, a contesté l'indemnisation des préjudices subis par C... E.... Par suite, la fin de non-recevoir ainsi soulevée n'est pas fondée et doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise diligentée devant la CRCI et par le président du tribunal administratif de Lille, que les premiers signes d'infection méningée d'C... sont apparus le 13 janvier en fin de matinée, consistant en fièvre hypotonie tachypnée et geignement. Les experts expliquent que le bilan sanguin normal n'exclut pas l'infection, dès lors que chez un nouveau-né le taux pro-créatine réactive n'augmente que 6 à 24 h après le début de l'infection. Même si ces infections sont rares chez les nouveaux nés, survenant dans 30 % des cas chez les prématurés, le tableau clinique d'C... justifiait un bilan infectieux plus complet et la mise en place d'une antibiothérapie probabiliste conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé de septembre 2002. En conséquence, l'absence de diagnostic d'infection le 13 janvier en début d'après-midi n'a pas été pertinent et n'est pas conforme aux règles de l'art. Dès lors, comme l'ont jugé les premiers juges, le retard de diagnostic et de prise en charge thérapeutique de la méningite bactérienne d'C... est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne.

En ce qui concerne l'étendue de la réparation :

6. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

7. Si le centre hospitalier fait valoir que l'existence d'une perte de chance n'est pas établie, dès lors qu'il ne peut être démontré que ce retard de diagnostic, non contesté, a eu un impact sur l'état de santé de l'enfant et les séquelles dont elle demeure atteinte, il résulte de l'instruction que la Haute autorité de santé (HAS) a recommandé dès septembre 2002, devant tout nourrisson présentant des signes cliniques de suspicion d'infection et des risques en raison d'une prématurité, de pratiquer des examens complémentaires au bilan sanguin et de réaliser un traitement antibiotique probabiliste qui sera adapté suivant les résultats biologiques. Les experts précisent que l'absence de prise en charge de la jeune C... lui a fait perdre une chance d'éviter l'aggravation de l'infection méningée, dès lors que le retard à l'éradication des bactéries majore les phénomènes vasculaires et inflammatoires et augmente le risque de séquelles. Il n'est pas établi qu'un traitement par antibiotique précoce aurait pu éviter en l'espèce l'ensemble des séquelles compte tenu de la prématurité de l'enfant qui constitue un facteur de risque majorant. Dans ces circonstances, il y a lieu d'évaluer l'ampleur de la perte de chance subie à 60 %, dès lors que la prise en compte des signes cliniques dès le 13 janvier en fin de matinée et des résultats des prélèvements aurait dû permettre de mettre en place une surveillance rapprochée et de prescrire un traitement antibiotique conformément aux recommandations de la HAS. Ainsi, le défaut de prise en charge adaptée à l'état de santé du nourrisson par le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne engage sa responsabilité à hauteur de 60 % de ses conséquences dommageables.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

S'agissant de la victime directe :

Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :

8. En premier lieu, la réparation des souffrances d'ores et déjà éprouvées par C... E..., appréciées par l'expert à 5 sur 7, a été justement évaluée par les premiers juges, compte tenu du taux de perte de chance retenue, à 9 000 euros et la réparation de son préjudice esthétique temporaire évalué à 3 sur 7, à la somme de 2 400 euros.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le déficit fonctionnel temporaire d'C... E... a été total pendant 131 jours d'hospitalisation sur deux périodes successives du 14 janvier 2011 au 26 avril 2013, puis ainsi que le l'établissent les consorts E..., du 17 octobre 2017 au 24 octobre 2017. C'est par une juste appréciation que ce préjudice a été évalué à 1 050 euros après application du taux de perte de chance retenu.

Quant aux besoins en assistance d'une tierce personne :

10. D'une part, lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. Compte tenu de l'âge d'C..., il y a toutefois lieu de distinguer les besoins d'assistance en tierce personne imputables à l'absence d'autonomie inhérente à la petite enfance des besoins en tierce personne imputables à la faute commise par le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne. Pour déterminer le nombre de jours et d'heures d'assistance par tierce personne, il sera tenu compte des journées où la victime a été prise en charge par des proches ainsi que, le cas échéant, des durées d'hospitalisation, de scolarisation et de placements de l'enfant en institutions prises en charge par la sécurité sociale.

11. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. En revanche, la déduction n'a pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. La prestation de compensation du handicap, mentionnée au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles, correspondant aux charges liées à un besoin d'aides humaines, a le même objet que l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne et ne peut faire l'objet d'un remboursement en cas de retour à meilleure fortune. Tel est également le cas de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément, versée en application des dispositions de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, qui a pour objet de couvrir, notamment, les frais d'assistance par une tierce personne. Il suit de là que le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, son complément éventuel et la prestation de compensation du handicap doivent être déduits d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne, comme l'ont retenu les premiers juges.

Sur les frais passés d'assistance par une tierce personne :

12. Il résulte de l'instruction que l'état d'C... nécessitait en 2015, selon l'expert J..., un besoin d'assistance en tierce personne de 5 heures par jour en surveillance active et une surveillance passive avec interventions ponctuelles. Par conséquent, comme l'ont retenu les premiers juges, ses besoins d'accompagnement ont été supérieurs à ceux d'un enfant non handicapé du même âge, y compris durant les premières années de sa vie. Compte tenu du polyhandicap d'C... et des soins et accompagnement justifiés par son état, il a été fait une juste appréciation de ce préjudice en évaluant les frais passés en assistance d'une tierce personne d'C... à 12 heures par jour à compter du 5 février 2011, déduction faite des périodes où elle s'est trouvée hospitalisée, scolarisée ou placée en institution spécialisée, sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche. A cet égard, d'une part, les consorts E... ne justifient pas, par leurs seules allégations, que les périodes de scolarisation d'C... retenues par les premiers juges seraient erronées et, d'autre part, s'ils estiment le taux horaire fixé à 13 euros insuffisant, ils n'allèguent ni même n'établissent avoir eu recours à des prestataires extérieurs à un cout horaire plus élevé. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Par suite, c'est par une exacte évaluation des premiers juges que la réparation de ce préjudice incombant au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et à son assureur pour la fraction de 60 % correspondant à l'ampleur de la chance perdue, a été fixée à la somme de 223 535,38 euros.

Sur les frais futurs d'assistance par une tierce personne :

13. Les frais afférents au besoin d'assistance d'C... E... par une tierce personne doivent être réparés par une rente annuelle viagère versée trimestriellement jusqu'à la date de consolidation de son état, correspondant à 60 % de la somme représentative de sa prise en charge. Les consorts E... n'apportent pas d'éléments justificatifs permettant de démontrer la nécessité d'une assistance par une tierce personne supérieure à 12 heures par jour lorsque la victime est prise en charge uniquement à son domicile, et 4 heures par jour en cas d'accueil de jour dans une institution spécialisée. Par suite, c'est par une exacte appréciation que le taux horaire de cette rente a été fixé à 106 euros dans la première hypothèse et 37 euros dans la seconde, sous déduction des prestations perçues pour le financement de l'assistance par une tierce personne.

S'agissant des victimes indirectes :

Quant aux préjudices des parents :

- la perte de revenus :

14. Si M. et Mme E... font état d'une perte de revenus du fait d'une diminution de leur temps de travail, de la nécessité d'être placés en congé parental d'éducation ou du refus de promotion, ils n'établissent pas, par la seule production de leurs avis d'imposition entre 2010 et 2017 et d'un revenu moyen qu'ils établissent à 54 000 euros par an, que leur préjudice ne serait pas pris en charge par l'indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne. Leur demande ne peut donc qu'être rejetée.

- les frais divers :

15. En premier lieu comme l'ont admis les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que les jouets pour lesquels les parents ont demandé le remboursement seraient spécifiquement adaptés à l'état de santé d'C... ainsi que cela est allégué, que l'équithérapie ait fait l'objet d'une recommandation ou prescription médicale et, enfin, que le surcoût des vacances soit en lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne. Par suite leur demande d'indemnité présentée au titre des frais d'achat de jouets, des frais d'équithérapie et du surcoût de vacances ne peut qu'être rejetée.

16. En deuxième lieu, les consorts E... ne démontrent pas, au regard des pièces justificatives produites, que l'indemnisation accordée par les premiers juges et relatives aux frais d'appareillage et de matériels, d'hébergement des parents à la maison des parents de Lille pendant l'hospitalisation de leur fille C... à Lille à l'Hôpital Jeanne de Flandre puis Roger Salengro ou les frais de procédure auraient été sous-évaluée.

17. En troisième lieu, en revanche, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il y a lieu d'admettre une indemnisation pour les frais pharmaceutiques, et notamment les changes pour C..., et les frais médicaux non pris en charge en lien avec l'état de l'enfant. Compte tenu des pièces justificatives produites, il sera fait une juste appréciation de ces frais en les évaluant à une somme globale de 4 000 euros. Une somme de 2 400 euros sera versée aux représentants légaux d'C... par le centre hospitalier de Châlons en Champagne et son assureur pour tenir compte du taux de perte de chance.

18. En quatrième lieu, s'il résulte de l'instruction que le polyhandicap d'C... rend indispensable l'acquisition d'un véhicule aménagé, seul le surcoût de l'aménagement lié au handicap de l'enfant peut être indemnisé. A ce titre, les consorts E... ne justifient pas, par les pièces produites, et notamment l'avis de M. I..., ergothérapeute reprenant leurs déclarations, que ce surcoût serait d'un montant supérieur à l'indemnisation accordée par les premiers juges s'élevant à 5 000 euros.

19. Enfin, les consorts E... ne démontrent pas que les frais de transport justifiés par l'accompagnement d'C... et restés à leur charge seraient d'un montant supérieur à l'indemnisation de 1 500 euros allouée par les premiers juges.

- les préjudices d'affection :

20. Il est constant que les parents de la victime sont également en droit de prétendre à la réparation du préjudice d'affection lié à l'état de santé de leur enfant qui a, par une juste appréciation, été évalué à la somme de 25 000 euros chacun, soit une somme de 15 000 euros pour chaque parent après application du taux de perte de chance.

- les préjudices extrapatrimoniaux exceptionnels :

21. Il est constant que les parents d'C... subissent des préjudices extrapatrimoniaux exceptionnels du fait du polyhandicap de leur fille. Il en a été fait une juste appréciation en les évaluant à 15 000 euros pour chacun des parents, soit la somme de 9 000 euros pour chaque parent après application du taux de perte de chance.

Quant au préjudice de D... :

22. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la petite soeur H...'C... E... subit également un préjudice d'affection qui doit être évalué à 10 000 euros. Une somme de 6 000 euros sera versée à ses représentants par le centre hospitalier de Châlons en Champagne et son assureur pour tenir compte du taux de perte de chance.

Quant à la SCI Jade :

23. En premier lieu, si M. et Mme E... demandent l'indemnisation de la perte de revenus enregistrée par la SCI Jade créée entre eux pour la gestion de leurs biens immobiliers avant la naissance d'C..., il ne résulte pas de l'instruction que la perte de revenus de la SCI Jade, liée à des décisions de gestion prises par les associés, serait la conséquence directe de la faute commise par le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne.

24. En second lieu, les consorts E... demandent également l'indemnisation des aménagements de la résidence familiale réalisés pour tenir compte du handicap d'C... à hauteur de 264 329,97 euros. Toutefois, les travaux allégués par les consorts E... ne concernent pas seulement l'adaptabilité du logement pour l'accès et la vie d'C... du fait de son handicap, mais également son extension pour y loger l'ensemble de la famille. En conséquence, ils n'établissent pas, par les nombreuses pièces produites portant sur des travaux d'extension de la maison, que les frais d'aménagement du logement induits par le handicap d'C... seraient supérieurs à l'évaluation des premiers juges, lesquels se sont fondés sur les pièces produites par les consorts E... eux-mêmes pour obtenir une décision du 17 juillet 2015 de la maison départementale des personnes handicapées établissant les droits ouverts de 2014 à 2024 pour l'aménagement du logement au titre de la prestation de compensation du handicap. Par suite les demandes présentées par M. et Mme E... au nom de la SCI Jade doivent être rejetées.

Sur la demande de la caisse :

25. La caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF a produit devant la cour un relevé de prestations provisoires établi au 31 novembre 2018 mentionnant une somme de 380 616,94 euros, ainsi que des relevés informatiques récapitulant les prestations. Elle produit également une attestation d'imputabilité du médecin conseil qui détaille les soins et leur objet jusqu'au 22 novembre 2016 et précise, pour les soins ultérieurs, que " ces frais sont dans le prolongement de ce rapport d'expertise et ne manqueront donc pas d'être repris dans la prochaine expertise qui permettra de fixer la consolidation. ". Cette assertion trop générale ne saurait permettre d'imputer l'ensemble des soins médicaux et pharmaceutiques engagés pour C... sur deux ans au seul manquement commis par le centre hospitalier. Par suite, la demande de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF doit être rejetée.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts E... sont, dans les limites exposées ci-dessus, fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons en Champagne a refusé de faire droit à leurs conclusions indemnitaires. C... E... est en droit de prétendre à une somme de 2 400 euros au titre des divers frais de santé et sa soeur D... E... à une somme de 6 000 euros au titre de son préjudice d'affection. Le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne n'est pour sa part pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'ait condamné à indemniser les consorts E....

Sur les intérêts :

27. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, qui ne sont pas critiqués en appel, de retenir que les consorts E... ont droit aux intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de leur requête au greffe du tribunal administratif de Lille, soit le 6 septembre 2016.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

29. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et de son assureur une somme globale de 2 000 euros à verser M. et Mme E..., agissant en leurs noms personnels et comme représentants de leur fille C..., et de leur fille mineure D..., ainsi que la société civile immobilière Jade en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et son assureur la société hospitalière d'assurances mutuelles sont condamnés à verser à M. et Mme E..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille C..., une somme de 2 400 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 6 septembre 2016.

Article 2 : Le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et son assureur la société hospitalière d'assurances mutuelles sont condamnés à verser à M. et Mme E..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille D..., une somme de 6 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 6 septembre 2016.

Article 3 : Le jugement n° 1602052 du 9 octobre 2018 rendu par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier de Châlons-en-Champagne et son assureur verseront à M. et Mme E..., agissant en leurs noms personnels et comme représentants de leur fille C..., et de leur fille mineure D..., ainsi qu'à la société civile immobilière Jade une somme globale de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E..., à M. A... E..., à la société civile immobilière Jade, au centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la Caisse de prévoyance et de retraite de la Société nationale des chemins de fer français.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 18NC02933-18NC03327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02933-18NC03327
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-04-15;18nc02933.18nc03327 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award